ARRÊT N° 504
R. G. : 05 / 04080
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NÎMES 15 septembre 2005
SA D. DUCHESNE
C /
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COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE 1re Chambre A
ARRÊT DU 23 SEPTEMBRE 2008
APPELANTE :
SA D. DUCHESNE, société de droit belge ayant pour enseigne TV DIRECT DISTRIBUTION poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social 30 B rue de l'Industrie 1400 NIVELLES BELGIQUE
représentée par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour assistée de Me Claude André CHAS, avocat au barreau de NICE
INTIMÉ :
Monsieur Elie
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né le 02 Avril 1921 à SAINT GERVAIS
...
30920 CODOGNAN
représenté par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour assisté de la SCP BROQUERE DANTHEZ DE CLERCQ COMTE, avocats au barreau de NÎMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 11 Avril 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Pierre BOUYSSIC, Président, Mme Christine JEAN, Conseiller, M. Serge BERTHET, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Véronique VILLALBA, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
à l'audience publique du 13 Mai 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 Septembre 2008. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Serge BERTHET, Conseiller en l'absence du Président légitimement empêché, publiquement, le 23 Septembre 2008, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.
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Au mois de septembre 2002, Monsieur Elie
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recevait de l'établissement français de la société anonyme D. DUCHESNE, société de droit belge ayant pour enseigne TV DIRECT DISTRIBUTION, plusieurs courriers lui annonçant qu'il était gagnant d'un chèque de 10. 000 €. Puis il recevait un courrier du 3 décembre 2002 aux termes duquel la société TV DIRECT DISTRIBUTION lui indiquait qu'elle n'attendait qu'une commande de sa part et qu'il lui serait adressé sous 15 jours, sous pli scellé, un chèque de 10. 000 € en recommandé.
Ayant passé commande, spécialement le 9 décembre 2002, de sept plats à micro-ondes et n'ayant pas reçu le chèque promis, Monsieur
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a fait assigner TV DIRECT DISTRIBUTION devant le tribunal de grande instance de NIMES qui, par jugement du 15 septembre 2002, a :
dit que la SA D DUCHESNE avait commis une faute engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
condamné la SA D DUCHESNE représentant son enseigne TV DIRECT DISTRIBUTION à payer à M. Elie
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:
- la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts-la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
débouté chacune des parties du surplus de leur demande
condamné la SA D DUCHESNE représentant son enseigne TV DIRECT DISTRIBUTION aux dépens.
La société anonyme D DUCHESNE a relevé appel de ce jugement. Par conclusions du 26 mars 2008 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et de ses moyens, elle demande à la cour de :
Débouter Monsieur
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de son appel
Réformer le jugement rendu le 15 septembre 2005 par le Tribunal de Grande Instance de NIMES,
Statuant à nouveau,
Débouter Monsieur
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de l'ensemble de ses demandes,
Constater que les jeux publicitaires diffusés par la Société D. DUCHESNE sont parfaitement licites.
Constater qu'aucune faute ne peut être mise à la charge de la Société D. DUCHESNE, qui a par ailleurs souscrit aux seules obligations auxquelles elle s'était engagée.
Constater qu'il n'existe aucun engagement ferme de versement d'un prix à la charge de la Société D. DUCHESNE.
Débouter Monsieur
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de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Si par extraordinaire la Cour devait retenir la responsabilité de la Société D. DUCHESNE,
Ne pas prononcer une condamnation supérieure à celle de première instance.
Condamner Monsieur
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au paiement de la somme 2. 000 Euros au titre de l'article 700 du N. C. P. C, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP CURAT-JARRICOT, Avoué près la Cour.
Par conclusions du 3 avril 2006 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et de ses moyens, Monsieur
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demande à la cour de :
VU l'appel de la SA DUCHESNE, à l'encontre du jugement rendu par le TGI de NIMES le 15 septembre 2005
FAISANT DROIT à l'appel incident de Monsieur
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,
AU PRINCIPAL,
VU les dispositions de l'Article 1371 du Code Civil,
CONDAMNER la Société DUCHESNE à payer à Monsieur
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la somme de la 10 000, 00 €,
LA CONDAMNER à payer une somme de 1 000, 00 € à titre de dommages et intérêts,
SUBSIDIAIREMENT,
VU la Loi du 21 Mars 1936,
VU les Articles L. 121-37, R. 121-11 et R. 121-12 du Code de la Consommation,
VU les Articles 1147 et suivants du Code Civil,
CONDAMNER la Société DUCHESNE à payer à Monsieur
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la somme de la 10 000, 00 € en exécution de son engagement unilatéral de volonté,
LA CONDAMNER à lui payer une somme de 1 000, 00 € à titre de dommages et intérêts,
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE,
VU les dispositions de l'Article 1382 du Code Civil,
CONDAMNER la Société DUCHESNE à payer à Monsieur
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la somme de 10 000, 00 € à titre de dommages et intérêts,
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
LA CONDAMNER à payer à Monsieur
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une somme de 2 000, 00 € en application de l'Article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
CONDAMNER la SA DUCHESNE aux dépens de première instance et de ceux d'appel dont distraction, pour ces derniers, au profit de SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, Avoué à la Cour, en vertu des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La mise en état a été clôturée par ordonnance du 11 avril 2008.
SUR QUOI, LA COUR :
Attendu que le courrier de la société DUCHESNE du 21 novembre 2002, sous le timbre en rouge DERNIER AVIS-Réponse Urgente Attendue stipule notamment que « le courrier que vous avez entre les mains n'est pas un jeu mais bien un courrier administratif important » et précise que dès réception d'une simple commande il sera procédé à l'envoi du chèque de 10. 000, 00 € en recommandé et ce sous contrôle d'un huissier ; que le courrier de cette même société du 3 décembre 2002, intitulé AVIS UNIQUE D'ENVOI DE REGLEMENT, mentionne en gros caractères :
« Dès réception de votre prochaine commande, LE RÈGLEMENT DE " L'ENVOI DU CHÈQUE DE 10. 000 € EN RECOMMANDÉ " vous sera expédié sous pli scellé. Envoi garanti. Oui M. Elie
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c'est un engagement formel et définitif »
que non seulement cette formule ne comporte aucune indication qu'il s'agirait d'un jeu et ne renvoie à aucune autre mention, mais elle est précédée, au-dessus de l'intitulé, de l'indication que « Ceci est un Document Administratif – Pas un Jeu » ; que le courrier du 2 janvier 2003, pouvant être compris comme annonçant la mise en œuvre de cet engagement à la suite de la commande de Monsieur
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du 9 décembre 2002, intitulé CONFIRMATION OFFICIELLE DE GAIN, comporte des indications formelles, telles le no personnel de gain, le nom du gagnant à savoir M.
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, la nature du prix à remettre à savoir un chèque bancaire, le montant du chèque à savoir 10. 000 Euros, l'indication qu'il a vraiment gagné avec, soussignée par le Directeur Général et par le Responsable remise des gains, la mention « Nous vous garantissons l'envoi de 10. 000 Euros (65. 595, 70 Frs) à votre ordre exclusif » ; qu'il ne figure sur la première page de ce document aucune indication du caractère aléatoire de l'attribution ; que cette première page se suffit à elle-même puisqu'il n'y est fait aucun renvoi au verso où figure un règlement de jeu, dont au demeurant la typographie en lettres majuscules serrées sans espaces ni interlignes le rend en pratique illisible, et qui constituerait une rétractation unilatérale de l'engagement formel pris par l'expéditeur et déjà accepté par Monsieur
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s'il n'était accompagné de cadres rappelant les engagements souscrits et dont le contenu confirme le gain bénéficiant à son destinataire.
Attendu que l'organisateur d'une loterie qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l'existence d'un aléa s'oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer ; que l'existence de l'aléa affectant l'attribution du prix doit être mise en évidence, à première lecture, dès l'annonce du gain ; que la société D. DUCHESNE doit donc régler à Monsieur
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la somme de 10. 000, 00 €.
Attendu que Monsieur
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ne justifie pas d'un préjudice distinct des frais de justice et doit être débouté de ce chef de sa demande.
Attendu que la société D DUCHESNE qui succombe doit supporter les dépens ; que pour défendre sur son appel, Monsieur
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a dû exposer des frais non compris dans les dépens, au titre desquels il doit lui être alloué la somme de 2000, 00 €.
PAR CES MOTIFS, la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile, en dernier ressort,
En la forme, reçoit la société anonyme de droit belge D. DUCHESNE en son appel et Monsieur Elie
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en son appel incident.
Infirme le jugement déféré et, statuant à nouveau :
Condamne la société anonyme de droit belge D. DUCHESNE en son appel à payer à Monsieur Elie
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la somme en principal de 10. 000 €.
Déboute Monsieur Elie
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de sa demande de dommages et intérêts.
Condamne la société anonyme de droit belge D. DUCHESNE en son appel à payer à Monsieur Elie
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la somme de 2. 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile
Condamne la société anonyme de droit belge D. DUCHESNE aux dépens et alloue à la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Arrêt qui a été signé par M. Serge BERTHET, Conseiller en l'absence du Président légitimement empêché, et par Madame VILLALBA, greffier.