ARRÊT N 547
R. G : 07 / 04047
RT / AG
CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'AVIGNON
17 septembre 2007
Section : Activités Diverses
X...
C /
ASSOCIATION DEPARTEMENTALE DE PARENTS ET AMIS DE PERSONNES HANDICAPEES MENTALES
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 21 AVRIL 2009
APPELANTE :
Madame Colette X... épouse Y...
...
...
...
représentée par Maître Cathy DELGADO, avocat au barreau d'AVIGNON
INTIMÉE :
Association DEPARTEMENTALE DE PARENTS ET AMIS DE PERSONNES HANDICAPEES MENTALES dite ADAPEI
prise en la personne de son représentant légal en exercice
Section d'Apt
Quatier les Gondonnets
84400 SAIGNON
représentée par Maître Jean-Philippe DUBOIS, avocat au barreau de NICE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller, et Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Conseiller, ont entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties.
Ils en ont rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Monsieur Régis TOURNIER, Président
Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Conseiller
Messieurs Valentin TRINTIGNAN et Abdessamad ERRABIH, élèves avocats ont assisté au délibéré selon les dispositions de l'article 12-2 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971, modifiée, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
GREFFIER :
Madame Catherine ANGLADE, Adjoint Administratif exerçant les fonctions de Greffier, lors des débats, et Madame Patricia SIOURILAS, Greffier, lors du prononcé,
DÉBATS :
à l'audience publique du 11 Février 2009, où l'affaire a été mise en délibéré au 21 Avril 2009
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 21 Avril 2009, date indiquée à l'issue des débats,
FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Madame Colette Y... était employée en qualité d'animatrice de 1ère catégorie, par l'Association Départementale de Parents et Amis de Personnes Handicapées mentales dite ADAPEI section d'APT, selon contrat à durée indéterminée en date du 16 mai 1978.
Souffrant d'un état dépressif elle bénéficiait d'un arrêt de maladie à compter du 31 Août 1999 et ne travaillait plus.
Lors d'une visite du 25 novembre 2002, le médecin du travail émettait un avis d'inaptitude à son poste et à tout poste dans l'entreprise pour danger immédiat pour sa santé.
Convoquée à un entretien préalable fixé au 18 Décembre 2002, elle était licenciée le 20 décembre 2002.
Madame Colette Y... saisissait le Conseil de Prud'hommes d'Avignon le 6 Mai 2003 pour obtenir paiement de :
- la somme de 29. 341 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la dégradation de son état de santé imputable à l'employeur ;
- la somme de 10. 737 euros, en réparation du préjudice financier résultant de la perte de revenus subie durant la période de maladie mais aussi jusqu'à la validation de ses droits à la retraite ;
- la somme de 2. 445 euros, au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement ;
- la somme de 50. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement mixte du 26 octobre 2004, le Conseil de Prud'hommes condamnait l'ADAPEI à payer à Madame Colette Y... la somme de 2. 445, 00 Euros de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement, la déboutait de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, et pour le surplus se déclarait en partage de voix.
Madame Y... formait un appel cantonné au rejet de la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, le 3 janvier 2005.
Cette prétention était déclarée irrecevable par arrêt du 14 mars 2007 aux motifs que :
Madame Y... a saisi le Conseil de Prud'hommes d'Avignon le 3 décembre 1998 d'une demande tendant à obtenir paiement par son employeur d'un rappel de salaires pour heures supplémentaires et repos compensateur outre les congés payés y afférents.
Le Conseil de Prud'hommes d'Avignon a fait droit à ses demandes dans un jugement du 23 novembre 1999 qui a été confirmé par la Cour d'appel de ce siège le 4 Février 2002.
Dans le cadre de l'instance introduite le 6 mai 2003 ayant donné lieu au jugement querellé, Madame Y... a sollicité le paiement d'une somme de 29. 341 Euros, à titre de dommages et intérêts réparant le préjudice résultant de l'exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail par l'employeur à partir du mois de juillet 1997, à l'origine de la grave altération de son état de santé l'obligeant à cesser son travail en août 1999.
Contrairement à ce qu'elle affirme dans les conclusions d'appel, cette demande de dommages et intérêts ne visait pas aussi les conditions vexatoires de son licenciement intervenu le 20 décembre 2002.
En conséquence, la demande d'indemnisation du préjudice résultant de l'exécution exempte de bonne foi du contrat de travail par l'employeur aurait dû en vertu du principe de l'unicité de l'instance, être présentée au Conseil de Prud'hommes d'Avignon dans le cadre de l'instance initiée le 3 décembre 1998 ou devant la Cour d'Appel, puisque les faits reprochés à l'employeur se situent dans la période de juillet 1997 au 31 août 1999, date à laquelle Madame Y... a bénéficié d'un arrêt de maladie pour dépression et n'a jamais repris son activité.
Devant la formation de départage, après un sursis à statuer, Madame Y... a repris ses demandes.
Par jugement du 17 septembre 2007 :
- étaient déclarées irrecevables les demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de préavis et celle de congés payés,
- étaient rejetées les dommages intérêts pour préjudice financier et celle d'indemnisation pour les frais exposés.
Les premiers juges ont considéré que :
- par sa décision du 26 octobre 2004 le conseil des prud'hommes, en allouant à la salariée des dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement avait « implicitement » rejeté celle due pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- la salariée appelante, en limitant son appel à la demande relative aux dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avait accepté la décision pour le surplus.
- le jugement du 26 octobre 2004 était devenu définitif sur les points non contestés et que la discussion sur la rupture était dès lors irrecevable.
Madame Y... a régulièrement relevé appel de cette décision.
Elle fait valoir que :
- le jugement prud'homal du 26 octobre 2004 n'a jamais, ni implicitement, ni explicitement, rejeté la demande de dommages intérêts qu'elle a formulée puisque les conseillers se sont déclarés en partage de voix sur l'obligation de reclassement et que par suite il n'y a donc eu aucune décision implicite de rejet,
- les dispositions de l'article L. 122-24-4 devenu L 1226-2 du Code du travail sur l'obligation de recherche de reclassement) sont d'ordre public, et les dommages intérêts qu'elle réclame le sont pour violation par l'employeur de son obligation de recherche de reclassement.
Elle considère donc que ses demandes, fondées sur le non-respect de l'obligation de reclassement par l'employeur, sont parfaitement recevables.
Elle sollicite donc les sommes de 50. 000 euros à titre de dommages intérêts et celle de 10. 537, 65 euros de préjudice financier, outre l'indemnité de préavis pour 4. 190, 16 euros et les congés payés y afférents.
L'association demande la confirmation du jugement et la condamnation de l'appelante à lui payer les sommes de 5. 000 euros pour procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile et de 6. 000 euros pour ses frais sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la recevabilité
Attendu que le jugement du 26 octobre 2004 :
- condamnait l'ADAPEI à payer à Madame Colette Y... la somme de 2. 445, 00 euros de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,
- rejetait de la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
pour le surplus des demandes se déclarait en partage de voix.
Attendu qu'en application des articles 1351 du Code civil et 480 du Code de procédure civile, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et qui a été tranché dans son dispositif ;
Attendu qu'en l'espèce le jugement de 2004 n'a pas tranché dans son dispositif les demandes actuellement présentées par Madame Y... ;
Attendu que ce jugement ne bénéficie pas de l'autorité de la chose jugée quant à ces demandes en sorte que l'association ne peut invoquer à son profit une telle fin de non recevoir en alléguant maintenant d'une part que ledit jugement était devenu définitif par un rejet implicite, d'autre part que Madame Y... en cantonnant son appel avait accepté cette décision ;
Attendu qu'enfin il sera précisé que le désistement d'une action en justice ne peut être implicite que s'il résulte d'actes ou de comportements indiscutablement non équivoques établissant une renonciation en toute connaissance de cause, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
Attendu que dans ces conditions sont recevables les demandes qui ont été portées devant le juge prud'homal en formation de départage et de ce chef le jugement doit être infirmé ;
Sur le fond
Attendu que Madame Y... était licenciée le 20 décembre 2002 dans les termes suivants :
" Nous faisons suite à notre entretien du 18 décembre 2002. Votre fiche d'inaptitude totale et définitive nous est parvenue le 25 novembre 2002 confirmé le 12 décembre 2002. Nous vous notifions donc votre licenciement à compter de ce jour. "
Attendu que le licenciement a été uniquement fondé sur le constat de l'inaptitude de Madame Y... en sorte que s'agissant d'une mesure prise sur son seul état de santé, elle ne saurait être prise en considération ;
Attendu que, de plus, l'association ADAPEI n'a procédé à aucune recherche de reclassement et le licenciement de ce chef est donc sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que si les indemnités pour irrégularité de procédure et absence de cause réelle et sérieuse de licenciement dues sur le fondement de l'article L. 122-14-4 devenu L 1235-3 du Code du travail ne se cumulent pas, cette disposition n'interdit pas à Madame Y... d'obtenir une indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Attendu qu'en l'état de l'ancienneté de travail de plus vingt ans de l'appelante, de son salaire moyen au moment de la rupture, de son age pour être née en 1944 et de l'évolution de sa situation professionnelle puisqu'elle est placée en invalidité il convient d'allouer la somme de 35. 000 euros en réparation de son préjudice en application de l'article L 122-14-4 devenu L1235-2 du Code du travail ;
Attendu qu'en revanche il n'est pas démontré l'existence d'un préjudice financier distinct en sorte que cette demande n'est pas fondée ;
Attendu qu'en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement consécutif à l'inaptitude, il convient d'allouer à l'appelante la somme de 4. 890, 16 euros au titre de l'indemnité de préavis outre les congés payés y afférents soit la somme de 489, 01 euros ;
Attendu que, conformément à l'article L 122-14-4 devenu L 1235-2 du Code du Travail, le remboursement par l'employeur fautif des indemnités de chômage payées au salarié licencié doit être ordonné dans la limite maximale prévue par la loi ;
Attendu qu'il parait équitable que l'association participe à concurrence de 1. 000 euros aux frais exposés par Madame Y... et non compris dans les dépens en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'il sera précisé que l'appelante ne succombant pas en son appel des dommages intérêts pour procédure abusive ne sont pas justifiés ;
Vu l'article 696 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Déclare recevables les demandes,
Condamne l'Association Départementale des Parents et Amis de Personnes Handicapés Mentales à payer à Madame Colette Y... les sommes de :
-35. 000 euros pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
-4. 890, 16 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 489, 01 euros de congés payés y afférents, avec pour ces deux dernières sommes intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2003, date de convocation de l'association ADAPEI à l'audience de tentative de conciliation,
-1. 000 euros pour ses frais en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Déboute Madame Y... de sa demande de préjudice financier, et l'ADAPEI de sa demande pour procédure abusive,
Condamne l'association ADAPEI à rembourser les indemnités de chômage en application de l'article L 122-14-4 devenu L L1235-2 du Code du travail dans la limite de la loi,
Dit qu'une copie du présent arrêt sera expédiée par le greffe à l'ASSEDIC devenu Pole Emploi 1 Alpes Provence 2 Place du Général Ferrié 13 008 Marseille
Condamne l'association ADAPEI aux entiers dépens d'appel.
Arrêt signé par Monsieur TOURNIER, Président et par Madame SIOURILAS, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,