ARRÊT N 770
1ère Chambre B
R. G. : 08 / 01205
IT / CM
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON
09 décembre 2003
S / RENVOI CASSATION
X...
FERRAND
C /
MINISTÈRE PUBLIC
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère Chambre B
SUR RENVOI DE CASSATION
ARRÊT DU 15 DÉCEMBRE 2009
APPELANTS :
Monsieur Jean-Michel X...
né le 03 Janvier 1968 à BOURG DE PÉAGE (26300)
...
...
84700 SORGUES
représenté par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour
assisté de Me Vincent PUECH, avocat au barreau d'AVIGNON
Madame Florence Z... épouse X...
née le 22 Janvier 1971 à PANTIN (93500)
...
...
84700 SORGUES
représentée par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour
assistée de Me Vincent PUECH, avocat au barreau d'AVIGNON
INTIMÉ :
MINISTÈRE PUBLIC
Parquet Général
Cour d'Appel
30031 NÎMES CEDEX
représenté par Monsieur REDON, Substitut Général,
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 09 Octobre 2009
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Gérard DELTEL, Président,
Mme Isabelle THERY, Conseiller,
M. Jacques TESTUD, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Sylvie BERTHIOT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
à l'audience tenue en Chambre du Conseil le 03 Novembre 2009, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 Décembre 2009.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Gérard DELTEL, Président, publiquement, le 15 Décembre 2009, date indiquée à l'issue des débats, sur renvoi de la Cour de Cassation, par mise à disposition au greffe de la Cour.
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FAITS et PROCÉDURE, MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu le jugement du tribunal de grande instance d'Avignon du 9 décembre 2003 rendu dans l'instance opposant les époux X... au ministère public,
Vu l'arrêt de la cour de cassation du 6 février 2008 qui a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 17 mai 2005 et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Nîmes autrement composée,
Vu la saisine de la cour d'appel de Nîmes par déclaration du 14 mars 2008,
Vu les dernières conclusions et bordereaux de pièces annexées déposés au greffe de la mise en état le 15 décembre 2008 par les époux X..., appelants, conclusions signifiées au ministère public le 17 décembre 2008 et les conclusions du ministère public du 17 juin 2009, intimé,
Pièces auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé du litige et des prétentions respectives,
Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 9 octobre 2009.
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Le 12 octobre 2001, Madame Florence Z... épouse X... a accouché d'un foetus sans vie de sexe féminin pesant 155 grammes après 18 semaines d'aménorrhée.
S'étant heurtés au refus de l'officier d'état civil de déclarer l'enfant qu'ils avaient prénommé Clara, ils ont saisi le procureur de la république près le tribunal de grande instance d'Avignon puis par requête du 3 avril 2003, le tribunal de grande instance d'Avignon qui, par jugement du 9 décembre 2003, les a déboutés de leur demande tendant à voir établir un acte d'enfant sans vie sur le fondement de l'article 79-1 alinéa 2 du Code civil.
Par arrêt du 17 mai 2005, la cour d'appel de Nîmes a confirmé le jugement quant au rejet de cette demande.
À la suite du pourvoi formé par les époux X..., la cour de cassation, par arrêt du 6 février 2008, a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt du 17 mai 2005 en retenant que la cour d'appel avait violé l'article 79'1 alinéa 2 du Code civil qui ne subordonne l'établissement d'un acte d'enfant sans vie ni au poids du foetus, ni à la durée de la grossesse.
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Par déclaration du 14 mars 2008, les époux X... ont saisi la cour désignée comme juridiction de renvoi
Ils concluent à l'infirmation du jugement demandant à la cour d'ordonner à l'officier d'état civil d'Avignon d'établir un acte d'enfant sans vie aux nom et prénom de Clara X... et de juger que les dépens de première instance et d'appel ainsi que les frais de l'arrêt cassé seront mis à la charge du trésor public avec le bénéfice de la distraction.
Ils critiquent en substance la décision rendue en ce qu'il n'a pas été répondu à leurs moyens, qu'il a été retenu à tort l'absence d'accouchement au regard du certificat médical produit et l'existence de conséquences économiques alors que les dispositions du code de la sécurité sociale sont applicables aux seuls enfants élevés.
Ils soutiennent que les circulaires du 3 mars 1993 et 30 novembre 2001 contreviennent à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et aux articles 34 et 37 de la Constitution.
Ils observent encore que cette solution n'est pas justifiée sur le plan humain rappelant les dispositions de l'article 16 du Code civil.
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Le ministère public conclut à l'infirmation du jugement entrepris soulignant que l'établissement d'un acte d'enfant sans vie n'est subordonné qu'à l'existence d'un accouchement ce qui est le cas en l'espèce et ce que confirme le décret du 20 août 2008.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il est rappelé à titre liminaire que la procédure suivie devant la Cour est une procédure écrite de sorte que les arguments du ministère public développés oralement à l'audience qui divergent de ceux figurant dans ses écritures ne constituent pas des moyens pouvant être pris en compte par la cour.
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L'article 79-1 du Code civil, tel qu'il résulte de la loi du 8 janvier 1993 relative à l'état civil, à la famille et aux droits de l'enfant dispose dans son alinéa premier que : « lorsqu'un enfant est décédé avant que sa naissance ait été déclarée à l'état civil, l'officier de l'état civil établit un acte de naissance et un acte de décès sur production d'un certificat médical indiquant que l'enfant est né vivant et viable et précisant les jours et heures de sa naissance et de son décès ».
L'alinéa deux précise qu'" à défaut d'un tel certificat, l'officier de l'état civil établit un acte d'enfant sans vie. Cet acte est inscrit sur les registres de décès et il énonce les jour, heure et lieu de l'accouchement, les prénoms, noms, dates et lieu de naissance, profession et domicile des père et mère et, s'il y a lieu, ceux du déclarant. L'acte ne préjuge pas de savoir si l'enfant a ou non vécu et tout intéressé peut saisir le tribunal afin de faire trancher cette question ".
Il ne peut être contesté la portée hautement symbolique pour les parents de disposer d'un tel acte qui peut être dressé à tout moment et qui leur permet notamment de donner un prénom à l'enfant, de le faire figurer sur le livret de famille et d'organiser des obsèques, ce qui contribue incontestablement à l'accomplissement de leur travail de deuil.
Pour critiquer la décision déférée, les appelants développent deux moyens tenant d'une part, à la non-conformité des circulaires des 3 mars 1993 et 30 novembre 2001 à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et aux articles 34 et 35 de la Constitution, et d'autre part, à la violation de l'article 16 du Code civil.
Sur ce dernier moyen, il doit être observé que l'article 16 du Code civil est invoqué à tort puisqu'il garantit le respect de l'être humain dès le commencement de la vie et ne peut être transposé à l'état d'un enfant sans vie.
Le premier moyen nécessite de rechercher les conditions d'application de l'article 79-1 alinéa 2 du Code civil.
Si cet article dans son deuxième alinéa consacre la reconnaissance de l'enfant sans vie et ne confère aucune faculté à l'officier d'état civil qui'établit'l'acte, il ne fournit aucune précision sur la notion d'enfant en se contentant d'évoquer la nécessité d'un accouchement. Il ne fixe en particulier aucun seuil en deçà duquel un enregistrement ne peut avoir lieu à l'état civil.
Cette disposition légale n'impose nullement la condition de viabilité de l'enfant puisque l'officier d'état civil est précisément chargé d'établir un acte d'enfant sans vie.
Il n'existe pas en l'état du droit applicable de définition de la notion d'enfant et il n'entre pas dans les compétences de la Cour de se prononcer sur ce point sauf à ajouter au texte qui lui est soumis, en se référant à des critères de viabilité tels que proposés par les circulaires du 3 mars 1993 puis du 30 novembre 2001 qui n'obligent que les fonctionnaires auxquels elles sont adressées et dans les sphères de leurs compétences sans lier les juges.
Il n'y a donc pas lieu de se prononcer sur le moyen tiré de la violation par ces circulaires de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et des articles 34 et 37 de la Constitution puisqu'elles n'ont pas de valeur normative.
Il doit être relevé que la difficulté d'application de cet article constituant le litige soumis à la cour a donné lieu à la publication du décret n 2008-800 du 20 août 2008 et à un arrêté d'application du même jour qui, s'ils ne sont pas applicables au cas d'espèce, témoignent de l'impérieuse nécessité de préciser les conditions d'application de cet article.
Ce décret relatif à l'application de l'article 79-1 du Code civil dispose que l'acte d'enfant sans vie est dressé par l'officier de l'état civil sur production d'un certificat médical établi dans les conditions définies par arrêté du ministre chargé de la santé et mentionnant les jour, heure et lieu de l'accouchement.
L'arrêté précise que le certificat médical d'accouchement prévu par le décret est établi par le praticien qui a effectué l'accouchement ou par celui qui dispose des éléments cliniques permettant d'en affirmer l'existence, le modèle du certificat étant reproduit en annexe.
Au travers de ces dispositions, il s'avère qu'il appartient dorénavant au seul médecin de distinguer entre les situations ouvrant la possibilité d'un certificat d'accouchement correspondant à un accouchement spontané ou provoqué pour raisons médicales et celles n'ouvrant pas la possibilité d'un certificat d'accouchement dans l'hypothèse d'une interruption spontanée précoce de grossesse (fausse couche précoce) et interruption volontaire de grossesse (IVG).
En l'occurrence, il y a lieu de rechercher si la seule condition légale prévue est remplie à savoir l'existence d'un accouchement, qui selon la définition communément admise est " la sortie de l'enfant hors du corps de sa mère ".
Les documents médicaux produits aux débats par les appelants (certificat d'accouchement et compte-rendu médical) attestent amplement de cet accouchement permettant ainsi l'établissement de l'acte contesté.
Il échet en conséquence d'infirmer le jugement déféré et de faire droit aux prétentions des époux X....
Sur les frais de l'instance
Les dépens de l'instance y compris ceux de l'arrêt cassé devront être supportés par le Trésor Public puisqu'il est fait droit aux prétentions des appelants conformément à l'article 696 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Ordonne l'établissement sur les registres de l'état civil de la ville d'Avignon d'un acte d'enfant sans vie conformément à l'article 79-1 alinéa 2 du Code civil,
Laisse les dépens de première instance et d'appel ainsi que ceux de l'arrêt cassé à la charge du Trésor Public et autorise la SCP Curat Jarricot, avoués, à les recouvrer conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Arrêt signé par M. DELTEL, Président et par Madame BERTHIOT, greffier présent lors du prononcé.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT