RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT No
No RG 19/03788 - No Portalis DBVH-V-B7D-HQC6
LD/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ALES
20 septembre 2019 RG :18/00139
[I]
C/
Association VIVADOM
Grosse délivrée
le
à
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ALES en date du 20 Septembre 2019, No18/00139
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Leila DAFRE, Vice-présidente placée, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
Madame Leila DAFRE, Vice-présidente placée
GREFFIER :
Madame Emmanuelle BERGERAS, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 07 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 Novembre 2022.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Madame [L] [I] épouse [H]
née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Camille ANDRE, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
Association VIVADOM
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Sylvie SERGENT de la SCP DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, avocat au barreau de NIMES susbtituée par Me Vincent VINOT, avocat au barreau de NÎMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 23 Août 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 15 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
Mme [L] [I] épouse [H] a été engagée à compter du 15 novembre 1987 suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel par l'ANADA, devenue l'association Vivadom Autonomie, en qualité d'auxiliaire de vie sociale.
A compter du 16 juillet 2015, Mme [H] était placée en arrêt de travail pour maladie.
Le 22 août 2016, l'assurance maladie notifiait à Mme [H] la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie.
Le 31 juillet 2017, le médecin du travail, dans le cadre d'une visite de reprise, déclarait
Mme [H] inapte à son poste d'auxiliaire de vie sociale, mais "apte à un travail à temps partiel sans transfert et sans ports de charges trop lourdes ex : agent à domicile ou agent d'accueil".
Par courrier du 24 août 2017, l'association Vivadom proposait à Mme [H] un poste d'agent à domicile qu'elle a refusé par courrier du 12 septembre 2017.
Mme [H] était convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé le 5 octobre 2017.
Par courrier recommandé du 10 octobre 2017, Mme [H] était licenciée pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement.
Postérieurement à cette notification, Mme [H] demandait à l'association Vivadom de modifier le fondement du licenciement afin de tenir compte de l'origine professionnelle de son inaptitude laquelle, a refusé.
En l'absence de modification de sa position par l'employeur, le 27 juin 2018, Mme [H] saisissait le conseil de prud'hommes d'Alès en paiement d'indemnités de rupture pour licenciement sans cause réelle et sérieuse lequel, par jugement contradictoire du 20 septembre 2019, a :
- débouté Mme [L] [I] épouse [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamné Mme [L] [I] épouse [H] à payer à l'association Vivadom Autonomie, prise en la personne de son représentant légal, la somme de 50 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a condamnée aux entiers dépens
- débouté l'association Vivadom Autonomie de ses autres ou plus amples demandes, fins et prétentions.
Par acte du 01 octobre 2019, Mme [H] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 17 mars 2020, Mme [L] [I] épouse [H] demande à la cour de :
- réformer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,
Statuant de nouveau,
- dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse du fait du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement,
- condamner l'association "Vivadom Autonomie" à lui verser la somme de 32 524,80 euros (20 mois) à titre de dommages et intérêts,
En toutes hypothèses,
- condamner l'association "Vivadom Autonomie" à lui verser la somme de :
* 3252,48 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre 325,24 euros au titre des congés payés afférents
* 11 714,89 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle ;
- la condamner à lui verser la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que :
- l'association Vivadom a manqué à son obligation de reclassement en lui proposant un poste « d'agent à domicile » qui nécessite de mobiliser le dos de façon régulière pour accomplir les tâches requises, alors que son inaptitude résulte de l'impossibilité pour elle de porter des charges. De surcroît, les délégués du personnel se sont déclarés défavorables à la proposition de reclassement formulée par l'employeur. Elle avance par ailleurs que, la seule circonstance que le médecin de travail ait donné un avis favorable pour un poste d'agent à domicile ne suffit pas à caractériser une proposition de reclassement valable.
- l'avis du médecin du travail prévoyait également son aptitude au poste d'agent d'accueil, l'employeur aurait donc dû tout mettre en oeuvre pour lui proposer un tel poste.
- son licenciement l'a placée dans une situation extrêmement difficile. Elle n'a pas retrouvé d'emploi, et elle bénéficie comme revenu des indemnités Pôle Emploi, ce qui occasionne une baisse de ses ressources.
- elle n'a pas bénéficié des indemnités relatives aux licenciements pour inaptitude professionnelle alors que son inaptitude est sans conteste d'origine professionnelle. Elle expose que, au moment de son licenciement elle était en arrêt de travail depuis le 25 janvier 2016 ; elle souffre de lombalgies chroniques liées à une hernie discale L4-L5, cette maladie a été reconnue comme maladie professionnelle à compter du 25 janvier 2016, et le 22 août 2016 la CPAM a reconnu le caractère professionnel de sa maladie.
- c'est à tort que premiers juges ont rejeté sa demande en se fondant sur l'existence d'un avis du médecin du travail faisant état d'une maladie non-professionnelle. Cet avis ne remettrait pas en cause l'origine professionnelle de sa maladie.
- dans l'avis du 31 juillet 2017, lequel l'a déclarée inapte, le médecin du travail a coché par erreur la case « maladie ou accident non professionnel », puisqu'il a spontanément rectifié son erreur en dressant un avis d'inaptitude rectificatif. L'employeur ne peut donc lui faire grief de ne pas avoir contesté judiciairement l'avis initial.
En l'état de ses dernières écritures en date du 17 mars 2020, l'association Vivadom Autonomie a sollicité la confirmation du jugement et la condamnation de Mme [L] [H] au paiement de la somme de 3500,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que :
- la demande de Mme [H] de bénéficier des indemnités relatifs aux licenciements pour inaptitude professionnelle ne saurait prospérer en raison du caractère définitif de la décision du médecin du travail, du 1er août 2017, qui n'a fait l'objet d'aucun recours dans le délai légal par la salariée.
- Mme [H] n'ayant pas exercé de recours à l'encontre de l'avis du médecin du travail,
son inaptitude est bien d'origine non professionnelle. Elle explique que, ce n'est pas parce que le salarié a été en accident du travail, ou en situation de maladie professionnelle qu'automatiquement l'inaptitude prononcée aura une origine professionnelle.
- au jour du licenciement, Mme [H] ne lui avait communiqué aucun avis différent de
celui communiqué à l'occasion de son inaptitude. Ainsi, la cour ne peut se fonder sur les éléments postérieurs à la rupture du contrat de travail.
- par courrier du 17 novembre 2017, le médecin du travail confirmera bel et bien que
l'inaptitude de Mme [H] est d'origine non professionnelle.
- elle a mis en oeuvre, loyalement, des recherches de reclassement et cela en relation étroite avec le médecin du travail. C'est en parfait accord avec le médecin du travail qu'elle avait proposé à Mme [H] une affectation sur un poste d'aide à domicile, qu'elle a refusé.
- il n'y avait plus de postes d'accueil disponible comme le démontre les registres du
personnel.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 26 avril 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 23 août 2022. L'affaire a été fixée à l'audience du 07 septembre 2022.
MOTIFS
Sur le caractère professionnel de l'origine de inaptitude
Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'employeur a connaissance de l'origine professionnelle de la maladie ou de l'accident et même si, au jour du licenciement, l'employeur a été informé d'un refus de prise en charge au titre du régime des accidents du travail ou des maladies professionnelles.
La décision de reconnaissance d'une maladie professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie est sans incidence sur l'appréciation par le juge prud'homal de l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude.
Mme [L] [I] épouse [H] fait observer que dès le 25 janvier 2016 ses arrêts de travail étaient prescrits en raison d'une maladie professionnelle, que le 22 août 2016 l'assurance maladie lui a notifié la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie, ce que l'employeur ne pouvait ignorer, cette reconnaissance ayant d'une part donné lieu à enquête de la part de la Caisse, d'autre part ayant été nécessairement notifiée à l'employeur.
Dès lors peu importe les mentions erronées portées par le médecin du travail sur l'avis d'inaptitude, lequel avis ne s'impose pas au juge quant à l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude.
En effet, l'article L.4624-7 dans sa rédaction applicable au litige prévoyait que «le salarié ou l'employeur peut saisir le conseil de prud'hommes selon la procédure accélérée au fond d'une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4....»
Il ne peut être reproché au salarié de ne pas avoir exercé un recours contre l'avis d'inaptitude du médecin du travail qui n'a pas précisé l'origine de cette inaptitude alors qu'un tel recours ne peut concerner que les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4. En effet, l'examen médical d'aptitude permet de s'assurer de la compatibilité de l'état de santé du travailleur avec le poste auquel il est affecté, afin de prévenir tout risque grave d'atteinte à sa santé ou à sa sécurité et l'article L.4624-4 prévoit qu'après avoir procédé ou fait procéder par un membre de l'équipe pluridisciplinaire à une étude de poste et après avoir échangé avec le salarié et l'employeur, le médecin du travail qui constate qu'aucune mesure d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n'est possible et que l'état de santé du travailleur justifie un changement de poste déclare le travailleur inapte à son poste de travail. L'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail est éclairé par des conclusions écrites, assorties d'indications relatives au reclassement du travailleur.
Il en résulte que le recours que pouvait exercer le salarié ne pouvait pas porter sur l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude, ce qui doit être discuté dans le cadre du débat judiciaire portant sur l'application ou non des règles protectrices du salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle comme en l'espèce.
Dès lors l'argumentation développée à ce titre par l'employeur doit être écartée.
Dès lors que l'employeur ayant connaissance de l'origine professionnelle, au moins pour partie, de l'inaptitude déclarée de Mme [I] épouse [H], les dispositions de l'article L1226-14 du code du travail devaient recevoir application
Mme [I] épouse [H] est donc en droit de percevoir une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5, soit la somme de 3252,48 euros, étant rappelé que cette indemnité n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés, ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9 soit la somme de 11 714,89 euros, sommes non contestées en leur quantum ne serait-ce qu'à titre subsidiaire par l'employeur.
Sur le reclassement
Selon l'article L.1226-10 du code du travail tel qu'issu de la loi no2016-1088 du 8 août 2016 «Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail».
L'article L1226-12 poursuit : «Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.
L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.
L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.»
Sauf recours exercé dans les conditions rappelées plus avant contre l'avis du médecin du travail, ledit avis s'impose aux parties comme au juge.
Le 31 juillet 2017, le médecin du travail a établi un « avis d'aptitude médicale » lequel a
déclaré Mme [I] épouse [H] inapte à son poste d'auxiliaire de vie sociale, tout en la déclarant apte au poste d'agent à domicile agent d'accueil : « Apte à un travail à temps partiel sans transfert et sans ports de charges trop lourdes ex : agent à domicile ou agent d'accueil ».
L'employeur a proposé à Mme [I] épouse [H] un poste d'agent à domicile pour lequel le médecin du travail à écrit à l'association intimée le 17 août 2017 qu'il «devrait convenir». Le délégué du personnel a été associé aux recherches de reclassement. Mme [I] épouse [H] a refusé cette proposition de poste qu'elle considérait incompatible avec son état de santé en dépit de l'approbation donnée par le médecin du travail à cette proposition de reclassement.
L'association Vivadom verse aux débats la copie de son registre du personnel confirmant l'absence de poste disponible compatible avec les restrictions exprimées par le médecin du travail.
C'est à juste titre que les premiers juges ont débouté Mme [I] épouse [H] de ses prétentions au titre de la rupture de son contrat de travail
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'association Vivadom à payer à Mme [I] épouse [H] la somme de 1.500,00 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
- Réforme le jugement déféré en ce qu'il a :
-débouté Mme [L] [I] épouse [H] de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice et du solde de son indemnité de licenciement qui devait être doublée,
- condamné Mme [L] [I] épouse [H] à payer à l'association Vivadom Autonomie, prise en la personne de son représentant légal, la somme de 50 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a condamnée aux entiers dépens,
- Statuant à nouveau de ces chefs réformés,
- Condamne l'association Vivadom à payer à Mme [I] épouse [H] les sommes de 3252,48 euros à titre d'indemnité compensatrice et celle de 11 714,89 euros au titre du solde l'indemnité spéciale de licenciement,
- Déboute l'association Vivadom de l'ensemble de ses demandes,
- Confirme le jugement pour le surplus,
- Y ajoutant,
- Condamne l'association Vivadom à payer à Mme [I] épouse [H] la somme de 1.500,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne l'association Vivadom aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,