RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT No
No RG 19/04315 - No Portalis DBVH-V-B7D-HRRB
LR/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES
31 octobre 2019 RG :18/00471
[O]
C/
ROUSSEL
S.A.R.L. MV2
Grosse délivrée
le
à
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 31 Octobre 2019, No18/00471
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
M. Michel SORIANO, Conseiller
Madame Leila REMILI, Conseillère
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 22 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Décembre 2022.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
Monsieur [K] [O]
né le [Date naissance 3] 1978 à [Localité 17]
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représenté par Me Guillaume BROS de la SARL LEGANOVA NIMES,
avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
Maître Bernard ROUSSEL Es qualité de « Commissaire à l'éxécution du plan » de la « sarl mv2 »
[Adresse 9]
[Localité 5]
SARL MV2 Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège.
[Adresse 13]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-gabriel MONCIERO de la SELARL PARA FERRI MONCIERO, avocat au barreau de NIMES
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE TOULOUSE
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Jean-charles JULLIEN de la SCP LAICK ISENBERG JULLIEN SAUNIER GARCIA, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 08 Septembre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 06 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
M. [K] [O] a été engagé à compter du 4 février 2015 selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, en qualité de chef d'équipe, par la société MV2 nouvellement renommée Genius Loci.
Le 29 juillet 2017, la société MV2 adressait à M. [O] un avertissement. Et, par courrier du 31 juillet 2017, elle lui adressait une "note informative".
Par jugement du tribunal de commerce du 1er février 2018, la SARL MV2 était placée en redressement judiciaire et la SELARL BRMJ était désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Le 7 mars 2018, M. [O] était convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 19 mars 2018.
Par courrier du 2 avril 2018, le salarié était licencié pour faute grave.
Le 3 septembre 2019, le tribunal de commerce accordait un plan de redressement à la SARL MV2 et M. Roussel était désigné en qualité de commissaire à l'exécution dudit plan.
Considérant que son licenciement était abusif, le 24 août 2018, M. [O] saisissait le conseil de prud'hommes de Nîmes en paiement d'indemnités de rupture et de diverses sommes lequel, par jugement contradictoire du 31 octobre 2019, a :
- dit et jugé que le licenciement pour faute grave de M. [K] [O] est justifié,
- fixé au passif de la SARL MV2 les sommes suivantes :
* 1 847,22 euros bruts à titre de rappels de salaires pour heures supplémentaires effectuées sur la période de 2015 à 2018,
* 184,72 euros bruts à titre de congés payés y afférent,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision, et fixé la moyenne des trois derniers mois de salaires à 1 532,32 euros bruts,
- débouté M. [K] [O] de ses autres demandes,
- déclaré le présent jugement commun et opposable au CGEA de Toulouse, gestionnaire de l'AGS ;
- dit que la garantie de cet organisme interviendra dans les limites et plafonds réglementaires applicables en la matière, au vu du relevé qui lui sera produit et du justificatif de l'absence de fonds disponibles au titre de ladite procédure collective.
Par acte du 12 novembre 2019, M. [O] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 13 mai 2020, M. [K] [O] demande à la cour de :
Au titre de l'exécution du contrat de travail
? Sur les sanctions disciplinaires
- juger que la note du 31 juillet 2017 est une sanction disciplinaire,
- juger que l'avertissement du 29 juillet 2017 et la sanction du 31 juillet 2017 sont abusifs.
En conséquence,
- condamner la SARL MV2 à lui porter et payer la somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts.
? Sur les rappels de salaires
Au titre des temps de transport,
- condamner la SARL MV2 au paiement des sommes suivantes :
* pour l'année 2015 :
o 2 548,60 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
o 254,86 euros au titre des congés y afférents
* pour l'année 2016 :
o 2 861,83 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
o 286,18 euros au titre des congés y afférents
* pour l'année 2017 :
o 2 922,19 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
o 292,21 euros au titre des congés y afférents
* pour l'année 2018 :
o 745,16 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
o 74,51 euros au titre des congés y afférents.
Au titre des heures supplémentaires,
- condamner la SARL MV2 à lui porter payer la somme de 1 847,22 euros à titre de rappel de salaire outre 184,72 euros de congés payés afférents
? Sur les dommages-intérêts pour défaut de paiement des cotisations congés payés
- condamner la SARL MV2 à lui porter et payer la somme de 1 733,57 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de paiement des cotisations à la Caisse des congés payés.
Au titre de la rupture du contrat de travail
- juger abusif son licenciement,
En conséquence,
- condamner la SARL MV2 à lui porter et payer les sommes suivantes :
* 1 811,19 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;
* 4 346, 86 euros à titre d'indemnité de préavis ;
* 434,68 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;
* 8 693,73 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif.
En tout état de cause,
- condamner la SARL MV2 au paiement des intérêts légaux sur l'ensemble des condamnations depuis la date de l'acte introductif d'instance devant le conseil de prud'hommes et jusqu'à parfait paiement, outre capitalisation en application des dispositions de l'article 1154 du code civil,
- condamner la SARL MV2 au paiement d'une somme de 1 500 euros pour la procédure de première instance et 2500 euros pour la procédure d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- condamner la SARL MV2 à lui remettre des documents de fin de contrat conformes.
L'appelant soutient que :
- l' avertissement du 29 juillet 2017 doit être annulé car les griefs qui lui sont reprochés, à savoir un refus d'effectuer des heures supplémentaires sur le chantier [X] pour terminer son intervention et un déficit de production, sont totalement injustifiés. Ainsi :
* l'employeur ne peut pas lui reprocher " d'avoir quitté le chantier sans avoir fini son intervention" alors qu'il ne lui a pas demandé d'effectuer des heures supplémentaires,
* seules les difficultés financières rencontrées par la société sont à l'origine du manque de productivité général sur les chantiers. L'employeur ne saurait donc lui reprocher d'avoir été peu productif.
- la "note informative" du 31 juillet 2017 est un second avertissement et doit être annulé à plusieurs titres :
* l'employeur en notifiant un premier avertissement le 29 juillet 2017 a épuisé son pouvoir disciplinaire,
* or, dans cette "note informative" les faits qui lui sont reprochés sont antérieurs à l'avertissement du 29 juillet 2017,
* de surcroît, l'employeur avait connaissance des faits litigieux le jour où il a prononcé l'avertissement du 29 juillet 2017.
- les temps de transports qu'il a effectués entre le siège et les chantiers, à la demande de l'employeur, étaient du temps de travail effectif puisqu'il était à la disposition de ce dernier. Par conséquent, ils doivent être rémunérés comme tels et non inclus dans la rémunération des indemnités de trajet comme l'a retenu le conseil de prud'hommes.
- c'est à bon droit que les premiers juges ont jugé qu'il avait accompli des heures supplémentaires non rémunérées.
- la SARL MV2 a manqué à son obligation légale de paiement des cotisations à la caisse des congés payés, ce qui lui a causé un préjudice. Il n'a pas pu bénéficier de l'indemnité de congés payés due.
- son licenciement pour faute grave est dénué de cause réelle et sérieuse car l'ensemble des griefs invoqués par l'employeur sont inconsistants et pour certains mensongers. Par ailleurs, la véracité des photos versées au débat par l'employeur, censées démontrer la réalité des griefs qui lui sont reprochés, n'est pas rapportée.
- la véritable raison d'être de son licenciement est en réalité la situation économique obérée de la société.
En l'état de ses dernières écritures du 14 mai 2020, La SARL MV2 nouvellement dénommée Genius loci a sollicité la confirmation du jugement en ce qu'il a :
- jugé que l'avertissement du 29 juillet 2017 est motivé et justifié et que la note d'information du 31 juillet 2017 n'est pas une sanction et débouté M. [O] de sa demande indemnitaire y afférente ;
- débouté M. [K] [O] de sa demande de rappels de salaire à titre de temps de transport sur les chantiers ;
- débouté M. [K] [O] de sa demande d'indemnité de déplacement ;
- jugé que le licenciement pour faute grave de M. [K] [O] est justifié et débouté le salarié de ses demandes indemnitaires y afférentes.
La SARL MV2 fait valoir que :
- les griefs reprochés à M. [O] dans l'avertissement du 29 juillet 2017 sont parfaitement justifiés.
- contrairement à ce que tente de faire croire l'appelant, la lettre du 31 juillet 2017 dont l'objet est "finition sur les travaux exécutés" n'est pas une sanction disciplinaire ainsi qu' elle le précise expressément. Subsidiairement, les griefs reprochés à M. [O] dans cette lettre sont justifiés.
- M. [O] n'a pas contesté l'avertissement du 29 juillet 2017, ni les faits mentionnés dans la note informative mais aussi et surtout il ne rapporte la preuve d'aucun préjudice.
- concernant la demande de rappels de salaire au titre du temps de transport sur les chantiers, elle n'a jamais demandé à M. [O] de se rendre au siège de l'entreprise avant de se rendre sur son lieu de travail. C'est donc à bon droit que le conseil de prud'hommes l'a débouté de sa demande
- elle est effectivement redevable du règlement de quelques heures supplémentaires réalisées par M. [O].
- l'indemnité sollicitée par le salarié pour défaut de paiement des cotisations à la caisse des congés payés ne peut correspondre à la somme brute qu'il aurait dû percevoir mais uniquement à la somme nette.
- c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que le licenciement pour faute grave de M. [O] était justifié et l'a débouté de ses demandes indemnitaires y afférentes.
L'UNEDIC délégation AGS CGEA de Toulouse, reprenant ses conclusions transmises le 26 mai 2020, demande à la cour de :
- confirmer la décision entreprise, sauf à condamner la SARL MV2 à payer à M. [O] les sommes fixées au titre de la créance salariale par le conseil de prud'hommes, dès lors que la société fait l'objet maintenant d'un plan de redressement.
Subsidiairement,
- apprécier le bienfondé de la demande de M. [K] [O] tendant au règlement de dommages et intérêts pour défaut de paiement des cotisations de congés payés.
- débouter M. [K] [O] de demande de paiement de dommages et intérêts pour annulation des sanctions disciplinaires dès lors que M. [K] [O] ne justifie pas de son préjudice.
- apprécier le bienfondé des demandes de rappel de salaire et d'indemnité compensatrice de congés payés telles que formulées par M. [K] [O].
- déclarer le licenciement de M. [K] [O] fondé sur une cause réelle et sérieuse.
- apprécier les réclamations de M. [K] [O] formulées au titre de règlement d'une indemnité de préavis, de congés payés sur préavis et au titre du règlement d'une indemnité de
licenciement.
Très subsidiairement, dans l'hypothèse où le licenciement de M. [K] [O] serait considéré comme abusif,
- apprécier le préjudice subi par M. [K] [O] en application de l'article 1235-3 du code
du travail.
En tout état de cause,
- rappeler que les sommes qui pourraient être accordées à M. [K] [O] sur le fondement
de l'article 700 du code de procédure civile sont hors garantie AGS.
- faire application des dispositions législatives et réglementaires du code de commerce.
- donner acte à la Délégation UNEDIC et AGS de ce qu'ils revendiquent le bénéfice exprès et
d'ordre public des textes légaux et décrets réglementaires applicables, tant au plan de la mise en oeuvre du régime d'assurance des créances des salariés, que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément les articles L.3253-8, L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 19 mai 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 08 septembre 2022. L'affaire a été fixée à l'audience du 22 septembre 2022.
MOTIFS
Au préalable, sur les demandes de « condamner» l'intimée formées par l'appelant :
Il sera rappelé ici que les sommes dues par l'employeur en raison de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après l'adoption d'un plan de redressement, qu'il soit par cession ou par continuation, au régime de la procédure collective, en sorte qu'il appartient à la juridiction saisie de déterminer le montant des sommes à inscrire sur l'état des créances déposé au greffe du tribunal, sans pouvoir condamner le débiteur à payer celles-ci.
I - Sur les demandes liées à l'exécution du contrat
- Sur l'annulation des sanctions disciplinaires
L'article L. 1331-1 du code du travail dispose que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
L'article L. 1333-2 du même code ajoute que le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
*Sur l'avertissement du 29 juillet 2017
Par courrier du 29 juillet 2017, la SARL Genius loci a adressé à M. [K] [O] un avertissement en ces termes :
« En date du 10/07/2017, sur le chantier de M. et Mme [X], à [Localité 15] .
Vous êtes intervenu pour la pose d'un isolant sur le plafond du couloir de l'appartement ,soit 21 m². Il vous a été fourni les matériaux nécessaires pour la mise en oeuvre .Il reste sur le travail exécuté ,un morceau de 20 cm de large sur 1m de long. Soit 10 minutes de travail, il fallait couper un morceau d'isolant et poser 2 vis au plafond.
Vous avez préféré quitter le chantier plutôt que finir votre intervention.
Le temps que vous passez à fumer et boire des cafés aurait largement contribué à finir votre intervention .
–Conséquence avec vos collègues de travail :
désorganisation du planning
– Conséquences pour l'entreprise :
perte de crédibilité vis-à-vis de notre client
perte financière
perte de confiance de la part de vos dirigeants
perte de temps de vos dirigeants
désorganisation des plannings
En date du 25 juillet 2017, sur le chantier de Mme [X],
Vous avez posé 21 m² d'ossature de plafond dans votre journée, alors que dans une journée de 7 h vous pouvez en poser 60 m² .
J'ai rencontré M. [B] [E] en date du jeudi 27 juillet, en présence d'[F] et [B] [U], afin d'avoir une discussion concernant la production de cette journée.
Il nous a confirmé qu'ensemble vous avez eu une journée très peu productive.
Il a reconnu que vous auriez pu faire d'autres travaux, il reste du travail sur ce chantier.
Vous n'êtes pas sans savoir que vous avez une obligation de production .
–Conséquences avec vos collègues de travail
désorganisation du planning
–Conséquences pour l'entreprise
perte financière
perte de confiance de la part de vos dirigeants
perte de temps de vos dirigeants
désorganisation des plannings
perte de temps de vos dirigeants
désorganisations des plannings
Ces 2 derniers mois, je suis venu discuter avec vous ainsi que M. [B] [E], 3 fois, afin de demander de vous ressaisir à propos de la production.
Nous avons évoqué lors de différentes réunions, les difficultés financières et la désorganisation de l'entreprise qui nous ont amenés à un manque de productivité sur les chantiers.
Le fait que M. [K] [O] n'ait pas contesté cet avertissement ne l'empêche pas de le faire dans le cadre de la présente procédure.
S'agissant de la journée du 10 juillet 2017, il sera relevé que, en soi, le fait de ne pas avoir terminé le chantier le jour-même ne saurait être considéré comme répréhensible.
Dans ses conclusions de première instance, l'employeur indiquait seulement « Monsieur [O], qui n'a jamais contesté cet avertissement fait l'aveu dans ses écritures (page 9), de ne pas avoir terminé son chantier « pour la simple et bonne raison que, conformément à ses horaires de travail ce jour-là, il avait fini sa journée ». Il affirme en effet qu'il ne lui a pas été demandé de réaliser des heures supplémentaires et qu'il n'avait donc pas à terminer ce jour là... Le conseil appréciera tout le sérieux et l'implication de Monsieur [O] dans l'exécution de son contrat de travail. Par ailleurs, le conseil constatera que Monsieur [O] a très régulièrement pris de nombreuses pauses pendant son temps de travail, pour fumer une cigarette ou boire un café... »
S'il était fait état des temps de pause, l'employeur reprochait bien à son salarié de ne pas avoir pris l'initiative de réaliser des heures supplémentaires pour terminer le jour-même.
La SARL Genius loci ne prétendait pas alors, comme elle le fait en appel, que la nature des travaux à effectuer ce jour-là, les moyens mis à sa disposition pour y parvenir au regard de ses fonctions et de ses compétences de chef d'équipe, démontre que s'il n'a pas terminé dans les temps c'est uniquement parce qu'il a fait preuve d'un réel manque d'implication.
Ce changement de motivation permet de douter de ce qui était réellement reproché au salarié, ainsi, soit de ne pas avoir réalisé d'heures supplémentaires, ce qui ne peut au demeurant être fait qu'à la demande de l'employeur, soit de ne pas avoir terminé un travail qui normalement aurait dû l'être dans la journée.
Par ailleurs, il n'est pas contesté que le chantier des époux [X] consistait à rénover tout un appartement et ne se réduisait pas à la seule pose d'un isolant, laquelle pouvait être achevée les jours suivants. Il n'est d'ailleurs pas prétendu que le salarié ne l'aurait pas, par la suite, terminée.
En outre, les excès de pauses pour fumer ou boire un café ne ressortent d'aucun élément au dossier de l'intimée.
Enfin, il n'est pas démontré les conséquences prétendues « avec les collègues de travail » ou « pour l'entreprise ».
Ce premier grief n'est donc pas fondé.
S'agissant de la journée du 25 juillet 2017, l'employeur ne fournit à la cour aucun élément sur ce que sont les normes de productivité en matière de pose d'ossature de plafond.
Par ailleurs M. [B] [E] aurait indiqué « qu'ensemble » ils avaient eu une journée très peu productive et le seul fait que celui-ci ait reconnu que M. [K] [O] « aurait » pu faire d'autres travaux et qu'il « reste du travail sur ce chantier » ne démontre rien.
Enfin, l'employeur mentionne « les difficultés financières et la désorganisation de l'entreprise qui nous ont amenés à un manque de productivité sur les chantiers », ce qui ne permet pas de considérer que M. [K] [O] serait lui-même peu productif ou bien à l'origine d'une désorganisation de l'entreprise, alors que l'employeur lui-même reconnaît que le manque de productivité résulte de difficultés financières et d'une désorganisation de l'entreprise.
Ce second grief n'est pas plus justifié.
Il convient en conséquence d'annuler l'avertissement du 29 juillet 2017.
*Sur la lettre du 31 juillet 2017
Le 31 juillet 2017, l'employeur a adressé à son salarié une lettre recommandée avec avis de réception ayant pour objet «finition sur les travaux exécutés » ,et dont les termes sont les suivants :
« Ce courrier n'est pas un avertissement, mais un constat et une note informative, permettant d'évoluer ensemble vers une meilleure cohésion. Je souhaite que sur l'ensemble des points évoqués ci-dessous, une réflexion soit faite et que nous en discutions.
En date du 19/07/2017, sur le chantier de M. [L],
Vous avez demandé à votre conductrice de travaux des vis de « 27 » pour des vis de 270, sachant qu'elle avait très peu d'expérience et de référence dans le milieu du bâtiment.
Nous nous exprimons en mm pour la longueur de la visserie, vous vous êtes toujours exprimé de cette manière.
Votre manière d'agir à mis à mal l'organisation de l'entreprise.
[F] a transféré votre demande à [Z] et moi-même, qui allons chercher des vis de 27, notre confiance en vous, nous a fait perdre 2 à 3h de travail .
–Conséquences avec vos collègues de travail
désorganisation du planning
–Conséquences pour l'entreprise
perte de crédibilité vis-à-vis de notre client
perte financière
perte de confiance de la part de vos dirigeants
perte de temps de vos dirigeants
désorganisation des planning »
En date du 24/07/2017, sur le chantier [R],
Vous avez eu des consignes concernant un bâchage et un clôt.
Nous vous avons mis avec M. [M] [S] pour la mise en oeuvre du bâchage.
Nous vous avons demandé, sur photos, de bâcher le pignon de Mme [R] .
Vous n'avez pas écouté les consignes, la mise en oeuvre que vous avez mise en place a failli s'envoler et blesser les habitants .
Je suis intervenu rapidement pour sécuriser le travail.
–Conséquences avec vos collègues de travail
désorganisation du planning
–Conséquences pour l'entreprise
mise en danger d'autrui
perte de crédibilité vis-à-vis de notre client
perte de crédibilité face à notre mandat qui est l'assurance
perte financière
perte de confiance de la part de vos dirigeants
désorganisation des plannings »
Cet écrit, qui a pour effet de reprocher au salarié des faits que l'employeur estime fautifs, d'ailleurs dans les mêmes termes que la lettre précédente d'avertissement, constitue bien une sanction disciplinaire au sens de l'article L. 1331-1 précité.
Ce second avertissement doit être annulé dans la mesure où l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire en notifiant au salarié le premier avertissement du 29 juillet 2017, le premier ayant manifestement été informé des faits reprochés dès cette date.
Il convient en conséquence d'annuler également ce second avertissement.
Le jugement sera donc infirmé.
*Sur l'indemnisation sollicitée
M. [K] [O] fait valoir que la chronologie de ces sanctions injustifiées, la réitération à des délais proches ainsi que le fait pour l'employeur d'avoir instrumentalisé la procédure disciplinaire en le convoquant à des entretiens auxquels il ne sera donné aucune suite, n'avait pour but que de lui nuire.
Il fait état cependant d'une convocation à un entretien le 29 mars 2017 puis le 8 septembre 2017 sans lien avec les deux avertissements.
Par ailleurs, force est de constater que le salarié n'a pas réagi après les deux courriers, de sorte qu'ils n'apparaissent pas l'avoir particulièrement choqué.
L'appelant ne démontre ici aucun préjudice .
- Sur le temps de transport
Il n'est pas contesté que constitue du temps de travail effectif le temps de trajet entre le siège de l'entreprise et le lieu de travail, lorsque le salarié est contraint de se rendre au siège de l'entreprise avant de se rendre sur son lieu de travail.
M. [K] [O] fait valoir que l'employeur lui demandait de passer chaque matin par le siège avant de se rendre sur les chantiers afin de venir récupérer des collègues de travail.
La SARL Genius loci fait valoir pour sa part que l'appelant ne produit absolument aucun élément à l'appui de ses allégations et qu'elle ne lui demandait pas de se rendre au siège de l'entreprise avant de se rendre sur son lieu de travail.
Or, la cour relève que M. [K] [O] était chef d'équipe, qu'il ressort au moins d'un texto du 19 juillet 2017 adressé à [F], conductrice de travaux, qu'il la conduisait au chantier au départ du siège de l'entreprise.
L'employeur, pour sa part, n'apporte aucun justificatif de ce qu'il ne demandait pas à son salarié de partir de l'entreprise et d'amener ses collègues, ainsi par exemple des attestations.
Il convient dès lors de faire droit à la demande de rappels de salaires à ce titre, soit :
-2548,60 euros pour 2015, outre 254,86 euros au titre des congés payés afférents
-2861,83 euros pour 2016, outre 286,18 euros au titre des congés payés afférents
-2922,19 euros pour 2017, outre 292,21 euros au titre des congés payés afférents
-745,16 euros pour 2018, outre 74,51 euros au titre des congés payés afférents
Il convient de constater que M. [K] [O] ne forme pas de demande au titre d'indemnités de déplacement.
- Sur les heures supplémentaires
Il n'y a pas en appel de contestation de la somme de 1847,22 euros bruts accordée par le conseil de prud'hommes au titre des heures supplémentaires de 2015 à 2018, outre les congés payés afférents, soit 184,72 euros.
Le jugement sera donc confirmé.
- Sur le défaut de paiement des cotisations à la caisse des congés payés
Il n'est pas contesté que l'employeur n'a pas payé les cotisations à la caisse des congés payés, de sorte que le salarié n'a pas pu être indemnisé.
La SARL Genius loci ne conteste pas devoir les dommages-intérêts pour le défaut de paiement des cotisations. Elle fait valoir cependant que l'indemnité sollicitée ne peut correspondre à la somme brute que le salarié aurait dû percevoir mais uniquement à la somme nette. L'intimée sollicite donc que la cour limite l'indemnisation à hauteur de l'indemnité compensatrice nette de congés payés qu'il aurait perçue.
Le salarié peut prétendre à une somme équivalente à celle dont il a été privée.
M. [K] [O] fait justement valoir que du fait du défaut des cotisations, ses droits à la retraite et au chômage notamment ont été impactés, de sorte que son préjudice est effectivement équivalent au montant brut de l'indemnité compensatrice de congés payés à laquelle il n'a pas pu prétendre.
Il convient donc de condamner la SARL Genius loci à payer la somme de 1733,57 euros de dommages et intérêts pour défaut de paiement des cotisations à la caisse des congés payés.
II - Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail
- Sur le licenciement pour faute grave
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur débiteur qui prétend en être libéré.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c'est au regard des motifs qui y sont énoncés que s'apprécie le bien-fondé du licenciement.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 2 avril 2018 est rédigée comme suit :
« Les motifs de ce licenciement que je vous ai exposés lors de notre entretien sont les suivants:
–Feuille d'heures
Le jeudi 8 mars, vous avez indiqué sur votre feuille d'heures que vous êtes arrivé au chantier à 7 heures, alors que vous étiez au dépôt à cette heure-là .
Vous me demandez de vous payer une zone de déplacement alors que je vous ai payé en déplacement sur votre temps de travail effectif .
–Chantier DPEP, à [Localité 16]
Vous étiez présent sur ce chantier du 14 novembre 2017 au 15 décembre 2017 et du 31 janvier 2018 au 8 mars 2018
M. [H] [Y] a abîmé un plafond en placo lors de son intervention mi-novembre 2017, il vous a informé de son accident, ainsi que moi-même et vous a demandé de le réparer. Il n'est pas plaquiste.
Je vous ai demandé plusieurs fois d'effectuer la réparation.
En date du 6 mars 2018, cela n'avait toujours pas été fait.
Je vous expliqué que j'ai pris un savon de la part de la directrice du centre, actuellement je suis en pleine négociation pour faire rentrer de nouveaux chantiers et que je ne peux pas me permettre d'avoir ce genre de réflexion de la part de nos clients. Ce genre d'attitude nuit à mon travail de commercial et nuit à l'image de l'entreprise.
– Votre réponse lors de cet entretien
Vous n'étiez pas au courant.
Sur ce même chantier, je vous ai demandé de prendre la photo de portail fermé quand vous partiez. Je vous ai expliqué qu'une autre entreprise passe par le même passage que nous et laisse portail ouvert. La directrice pense que c'est nous et j'ai besoin de lui prouver que nous ne sommes pas responsables de ce fait, surtout que cela peut avoir des conséquences importantes, nous intervenons dans un centre de jeunes enfants à déficience mentale et devant ce portail des jeunes vendent de la drogue .
Votre réponse lors de cet entretien
Vous pensiez que c'était la dernière équipe qui partait qui devait prendre la photo
Ma réponse lors de cet entretien
Je vous ai demandé de prendre la photo du portail fermé quand vous partiez, et vous n'en avez jamais pris alors que vous étiez le dernier à quitter le chantier
– [Adresse 10]
Vous deviez intervenir sur ce chantier avec M. [E], à qui j'ai donné les consignes.
C'est une intervention sur un plafond en plaques de plâtre de 16 m².
? Mercredi 28 février 2018, vous étiez présents 1h30 sur le chantier
? Lundi 5 mars 2018, vous étiez présent toute la journée. Ce jour-là, vous avez posé l'isolant entre les poutres, M. [E] faisait des finitions dans une autre partie de la maison.
? Mardi 6 mars 2018, vous étiez présent à 7h sur le chantier.
M. [E] m'a contacté à 8h40 pour me prévenir que le plafond ne pouvait être posé et que vous étiez bloqué.
J'ai dû écrire en urgence un devis de travaux supplémentaires, l'envoyer à l'architecte afin qu'elle le fasse valider aux clients.
Vous vous êtes retrouvé à deux dans l'impossibilité de continuer le chantier .
Vous m'avez compté 7h de travail alors que vous n'avez pas effectué votre intervention.
Vous avez mis 1h30 à deux personnes pour vérifier un plafond de 16 m².
Votre réponse lors de cet entretien
Vous avez vérifié une partie sur les côtés, mais pas l'intégralité .Vous me dites aussi que j'aurais dû me déplacer sur le chantier pour faire les vérifications.
Ma réponse lors de cet entretien
Sur la photo, on voit qu'il y a eu une modification des poutres qui auraient dû vous mettre un doute, je ne peux pas me permettre de me déplacer sur chaque petite intervention et, si ,j'ai des chefs d'équipe, c'est pour m'épauler et m'éviter de perdre du temps sur des petits détails comme cela.
Votre réponse lors entretien
Je vous ai fait livrer des matériaux, vous ne vous posez pas plus de questions,vous posez ce que j'ai livré .
– Fiche de suivi
Votre travail consiste aussi à nous retourner des informations permettant d'anticiper et de préparer les chantiers.
Nous avons mis en place depuis plus d'un an, une fiche de suivi, vous pouvez aussi nous envoyer des photos. Vous oubliez régulièrement de nous les faire parvenir.
Votre réponse lors de cet entretien
Vous en faites parvenir de temps en temps, vous en faites parvenir aussi aux autres équipes, mais que vous oubliez parfois de le faire.
Lors de cet entretien, je vous ai posé trois fois la même question à des moments différents:
« Est-ce que je vous laisse la liberté de choisir la mise en oeuvre et les matériaux pour réaliser vos chantiers ? »
Votre réponse lors de cet entretien
Oui, je vous laisse la liberté de choisir la mise en oeuvre et les matériaux, je vous demande un résultat.
– Suite à notre entretien vous êtes intervenu sur le chantier de M. [T]/ M. [P], [Adresse 2] du 19 mars 2018 au 27 mars 2018
M. [Z] [N], chargé de projet, vous a exposé l'importance du respect du planning et des objectifs concernant ce chantier .
M. [P] doit réintégrer son appartement le 30 mars 2018.
Vous deviez intervenir pour la dépose du faux plafond et la pose du nouveau faux plafond .
Vous n'avez pas protégé correctement l'appartement de M. [P]. (Voir photos).
Vous n'avez pas respecté les consignes, ni les objectifs concernant le respect des plannings, vous auriez pu faire des heures supplémentaires l'après-midi , sachant que vous quittiez le chantier à 14h et que vous devez 30 heures à l'entreprise .
Vous n'avez pas averti M. [Z] [N] que vous n'aviez pas remis le conduit d'évacuation des fumées de la chaudière à gaz .
Vous n'avez pas pris vos dispositions, ni averti votre commercial concernant l'évacuation de vos gravats.
Des mégots de cigarettes ont été retrouvés sur le chantier.
Les conséquences sont :
? Une mise en danger du client, les émanations de la chaudière sont du monoxyde de carbone, gaz inodore et incolore. M. [P] aurait pu être intoxiqué voir décédé en mettant sa chaudière en route.
? Une atteinte de l'image et du sérieux de l'entreprise, mettant à mal le travail de commercial de M. [N] et le travail des autres techniciens de l'entreprise.
? Une désorganisation du planning.
? Vos collègues ont dû nettoyer le chantier à votre place, demandant des heures supplémentaires.
? Vos collègues ont dû évacuer vos gravats , demandant des heures supplémentaires.
? J'ai dû faire intervenir en urgence un de vos collègues, le samedi pour poser le conduit de la chaudière.
–[Adresse 11]
Le 2 avril 2018, j'ai reçu un mail de M. [J] maître d'oeuvre, concernant une mise en oeuvre qui n'a pas été respecté.
Ci-joint copie de son mail et les photos des dégâts.
« Bonjour [B],
Je t'envoie ce mail car il va falloir prévoir une intervention sur le chantier [A] de St Jean de Cuculles.
On a beaucoup de souci de bandes qui se fissurent.
Suite photos et visites sur site se seraient dues à deux problèmes :
1 : vous n'avez pas mis de joint de dilatation au niveau du JD (ça peut arriver de ne pas le voir)
2 : vous n'avez pas décalé les plaques au-dessus des linteaux (pas normal en plus j'ai dut leur dire xx fois ,ils ont repris certaines portes intérieurs mais pas les doublages extérieurs) »
Les conséquences sont :
? Dépose et pose de plaques de plâtre gratuitement
? Miss en peinture gratuitement
? Désorganisation de nos plannings
? Perte financière
? Atteinte à l'image et au sérieux de l'entreprise
Je considère que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien, même temporaire dans l'entreprise .»
Il convient d'examiner chacun des griefs reprochés, étant rappelé que l'accumulation de griefs contenus dans la lettre ne saurait en elle-même présumer de leur consistance.
–Sur la « Feuille d'heures »
Aux termes de l'article 8.17 de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment :
« L'indemnité de trajet a pour objet d'indemniser, sous une forme forfaitaire, la sujétion que représente pour l'ouvrier la nécessité de se rendre quotidiennement sur le chantier et d'en revenir.
L'indemnité de trajet n'est pas due lorsque l'ouvrier est logé gratuitement par l'entreprise sur le chantier ou à proximité immédiate du chantier. »
L'indemnité de trajet prévue par ces dispositions, qui a un caractère forfaitaire et a pour objet d'indemniser une sujétion pour le salarié obligé chaque jour de se rendre sur le chantier et d'en revenir, est due indépendamment de la rémunération par l'employeur du temps de trajet inclus dans l'horaire de travail et du moyen de transport utilisé.
Dès lors, l'employeur ne peut reprocher au salarié le cumul de l'indemnité de trajet avec le paiement du temps de trajet inclus dans l'horaire de travail du salarié.
Ce premier grief est infondé.
- Sur la réparation du plafond en placo
L'employeur ne mentionne ni ne démontre à quelles dates il aurait demandé à son salarié et réitéré sa demande d'effectuer la réparation du plafond en placo sur le chantier DPEP à [Localité 16], M. [K] [O] contestant pour sa part que cette demande ait été portée à sa connaissance avant le mois de mars 2018.
Il est d'ailleurs étonnant qu'une telle intervention, étant nécessaire depuis la mi-novembre, l'employeur ait attendu trois mois avant de rappeler à son salarié ses obligations.
Il est enfin non contesté qu'entre le 12 et le 16 mars 2018, M. [K] [O] s'est rendu sur le chantier afin de réparer le plafond et qu'au jour du prononcé du licenciement, les réparations avaient été réalisées.
La faute du salarié n'est pas ici démontrée.
- Sur le portail
L'employeur n'apporte ici aucun élément qui puisse confirmer que ce fait se rattache bien au chantier DPEP à [Localité 16], alors que le salarié produit le compte rendu de l'entretien du 8 septembre 2017, dans lequel le délégué du personnel mentionne « Sur d'autres chantiers : un portail qui ne fermait pas et avait une poignée cassée ».
La SARL Genius loci ne fournissant aucune précision sur la date des faits reprochés, la cour ne peut notamment contrôler s'ils sont ou non prescrits.
Enfin, le fait éventuellement d'avoir omis pour le chef d'équipe de prendre une photo ne saurait en soi empêcher le maintien de la relation contractuelle et justifier un licenciement.
Ce grief doit être écarté.
- Sur le chantier Leveque à [Localité 12]
La SARL Genius loci ne peut sérieusement mettre sur M. [K] [O] la responsabilité d'un chantier pour lequel il n'a reçu directement aucune consigne, celles-ci ayant été données à un autre et alors que manifestement les griefs reprochés relèvent d'un manque d'organisation de l'employeur qui envoie ses salariés sur un chantier, lequel nécessitait des travaux supplémentaires et un réapprovisionnement de matériaux dont ils n'étaient pas informés.
Il n'est pas non plus démontré ici une faute de M. [K] [O].
- Sur les fiches de suivi
L'obligation de transmission de fiches de suivi ne figure ni sur le contrat de travail, ni sur une éventuelle note de service.
Ceci étant, il ressort du compte rendu du 8 septembre 2017 que le salarié envoyait bien à son employeur des photos prises sur les chantiers.
M. [K] [O] justifie ainsi de l'envoi du rapport photos du chantier de Mme [R] et de celui de [Localité 18].
Aucun reproche d'ailleurs ne lui a été fait sur ce point en trois ans d'ancienneté.
Ce grief est inconsistant.
- Sur le chantier de M. [T]/ M. [P]
Il ne saurait tout d'abord être reproché au salarié d'avoir effectué des heures supplémentaires, sans demande préalable de son employeur, étant relevé en outre qu'en septembre 2017, au contraire, il était fait grief au salarié de mettre en péril l'entreprise par un excédent important d'heures supplémentaires.
Par ailleurs, l'employeur indique que le chantier aurait dû être terminé le 30 mars 2018 pour que M. [P] réintègre son appartement, pourtant, dès le 27 mars, il demandait à M. [K] [O] de se rendre sur un autre chantier à [Localité 14], comme cela ressort du texto produit.
La SARL Genius loci produit ensuite des photos montrant un tuyau d'évacuation et une chaudière, une machine à laver, un lavabo, une baignoire, un sol sali, des cartons, des matériaux dans un coin.
L'intimée ne peut sérieusement, sur la base de ces seules photographies sans date, sans lieu identifié, qui ne présentent aucune valeur probante, prétendre imputer à son salarié le fait de n'avoir pas protégé correctement le chantier, de n'avoir pas remis le conduit d'évacuation de la chaudière, de n'avoir pas évacué les gravats et les mégots.
Ce grief sera également écarté.
- Sur le chantier [A] à [Localité 18]
L'employeur fait état ici d'un courriel reçu le jour même de la lettre de licenciement concernant un chantier réalisé en juillet et août 2016, soit plus d'un an et demi auparavant, pour lequel il y aurait un problème d'apparition de fissures.
Or, M. [K] [O] produit un courriel datant du 16 août 2016, par lequel il avertissait son employeur de l'existence de fissures sur la dalle, de sorte que la SARL Genius loci connaissait les risques de fissures sur ce chantier.
Par ailleurs et les deux photographies produites par l'intimée ne démontrant rien du tout, aucun élément probant ne permet d'affirmer que les fissures invoquées, apparues vingt mois après son intervention, auraient pour origine des défauts de mise en oeuvre imputables à M. [K] [O].
Ce dernier grief doit également être écarté.
Au vu de ces éléments, il n'est démontré aucune faute grave justifiant le licenciement immédiat du salarié. Il est dénué de toute cause réelle et sérieuse, la cause se trouvant manifestement dans les importantes difficultés économiques que rencontrait la société, placée en redressement judiciaire depuis deux mois et qui avait notamment réalisé deux gros chantiers qui se sont révélés à perte.
Il convient donc de prononcer la nullité du licenciement.
- Sur les conséquences indemnitaires
- L'indemnité légale de licenciement
Compte tenu de l'ancienneté de 3 ans et 4 mois ainsi que d'un salaire brut des trois derniers mois égal à 2173,43 euros, l'indemnité légale de licenciement de l'article L. 1234-9 du code du travail s'élève à la somme de :
(1/4 X 2173,43) X (3 + 4/12) = 1811,19 euros
- L'indemnité de préavis
M. [K] [O] a droit à une indemnité compensatrice de préavis de deux mois, soit :
2173,43 euros X 2 = 4346,86 euros, outre les congés payés afférents, soit 434,68 euros.
- Sur les dommages et intérêts pour licenciement abusif
En application des dispositions de l'article L.1235-3 telles qu'issues de l'ordonnance no 2017-1387 du 22 septembre 2017 tenant compte du montant de la rémunération de M. [K] [O] ( 2173,43 euros en moyenne) et de son ancienneté en années complètes ( trois années), dans une entreprise comptant au moins onze salariés, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de M. [K] [O] doit être évaluée à la somme de 6520,29 euros correspondant à l'équivalent de trois mois de salaire brut.
III - Sur les demandes accessoires et les dépens
Les intérêts sont dus dans les termes du dispositif du présent arrêt.
Il sera ordonné la remise des documents de fin de contrat, conformément au présent arrêt, dans les deux mois de la notification.
Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la SARL Genius loci.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [K] [O] les frais irrépétibles exposés, il lui sera accordé la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt par défaut, rendu publiquement en dernier ressort
- Confirme le jugement rendu le 31 octobre 2019 par le conseil de prud'hommes de Nîmes en ce qu'il a :
- fixé au passif de la SARL MV2 les sommes suivantes :
* 1 847,22 euros bruts à titre de rappels de salaires pour heures supplémentaires effectuées sur la période de 2015 à 2018,
* 184,72 euros bruts à titre de congés payés y afférent,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision, et fixé la moyenne des trois derniers mois de salaires à 1 532,32 euros bruts,
- déclaré le présent jugement commun et opposable au CGEA de Toulouse, gestionnaire de l'AGS ;
- dit que la garantie de cet organisme interviendra dans les limites et plafonds réglementaires applicables en la matière, au vu du relevé qui lui sera produit et du justificatif de l'absence de fonds disponibles au titre de ladite procédure collective.
-L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,
- Fixe ainsi que suit le montant des sommes à inscrire sur l'état des créances de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société, déposé au greffe du tribunal de commerce :
- au titre des rappels de salaires pour les temps de transport
*pour l'année 2015 :
o 2 548,60 euros
o 254,86 euros de congés payés afférents
*pour l'année 2016 :
o 2 861,83 euros,
o 286,18 euros de congés payés afférents
*pour l'année 2017 :
o 2 922,19 euros,
o 292,21 euros de congés afférents
* pour l'année 2018 (janvier) :
o229,28 euros,
o 22,92 euros de congés payés afférents.
- Dit qu'en application des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,
- Donne acte à l'AGS - CGEA de son intervention et de ce qu'elle revendique le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan de la mise en oeuvre du régime d'assurances des créances des salaires que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément des articles L 3253-8 , L 3253-17 et D 3253-5 du Code du travail,
- Prononce l'annulation des sanctions disciplinaires des 29 et 31 juillet 2017 mais rejette la demande de dommages et intérêts formée à ce titre par M. [K] [O],
- Prononce la nullité du licenciement pour faute grave de M. [K] [O] intervenu le 2 avril 2018,
- Condamne la SARL Genius loci à payer à M. [K] [O] :
- au titre des rappels de salaires pour les temps de transport:
515,88 euros outre 51,58 euros de congés payés afférents (février et mars 2018)
-au titre des dommages et intérêts pour défaut de paiement des cotisations congés payés: la somme de 1733,57 euros,
- au titre de l'indemnité légale de licenciement :
la somme de 1811,19 euros
- au titre de l'indemnité de préavis :
la somme de 4346,86 euros
- au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis :
la somme de 434,68 euros
- au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif :
la somme de 6520,29 euros
- Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, que s'agissant des créances salariales à venir au moment de la demande, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible, et qu'ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus ;
- Ordonne la capitalisation des intérêts, laquelle prend effet à la date à laquelle les intérêts sont dus pour la première fois pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
- Condamne la SARL Genius loci à délivrer à M. [K] [O] les documents de fin de contrat conformément au présent arrêt, dans les deux mois de la notification du présent arrêt,
- Rejette le surplus des demandes,
- Condamne la SARL Genius loci à payer à M. [K] [O] la somme de 4000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
- Condamne la SARL Genius loci aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,