No 397
RG 26/CIV/06
Grosse délivrée à
le
Expédition délivrée à
le
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 28 Juin 2007
Monsieur Roger MONDONNEIX, conseiller à la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Mme Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;
En audience publique tenue au Palais de Justice ;
A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
Madame Geneviève X... épouse Y..., née le 6 mai 1948 à Papeete, de nationalité française, demeurant à Faaone PK 48 côté montagne à Taravao ;
Appelante par requête en date du 23 janvier 2006, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le 25 du même mois, sous le numéro de rôle 06/00026, d'un jugement no 968 du Tribunal Civil de première instance de Papeete en date du 7 décembre 2005 ;
Représentée par Me GAULTIER, avocat à Papeete ;
d'une part ;
ET :
L'EURL TE IRIATAI, dont le siège social est sis à Arue PK 3,6, BP 5193 PIRAE, prise en la personne de sa gérante, Mme Odette Z..., demeurant en cette qualité audit siège ;
Intimée,
Représentée par Me GIRARD, avocat à Papeete ;
d'autre part ;
Après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 14 juin 2007, devant M. GAUSSEN, président de chambre, Mme TEHEIURA, conseillère et M. MONDONNEIX, conseiller, assistés de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, le prononcé de l'arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
A R R E T,
EXPOSE DU LITIGE :
Suivant acte notarié en date du 30 juin 1961, Hortense A... veuve X... a donné à bail à Hubert B..., pour une durée de 40 ans, un terrain sis à ARUE, avec faculté de faire édifier tous bâtiments d'habitation, le preneur contractant alors l'obligation de les maintenir et de les entretenir jusqu'au terme du contrat.
Il était stipulé aussi qu'à l'expiration du bail, le bailleur avait le choix, soit d'exiger du preneur et aux frais de ce dernier leur démolition, l'enlèvement des matériaux et la remise en état du sol, soit de retenir lesdits bâtiments à la condition dans ce dernier cas, de payer au preneur une indemnité correspondant à la valeur qu'auront alors lesdits bâtiments et qui, à défaut d'accord entre les parties, sera fixée à dire d'experts.
Suivant acte notarié en date du 15 décembre 1975, Hubert B... cédait partiellement ce bail à la SCI TE IRIATAI.
Par acte en date du 14 décembre 2000, Geneviève X... épouse Y... venant aux droits de Hortense A... faisait délivrer à la SCI TE IRIATAI une sommation de vider les lieux et de démolir les constructions.
Suivant requête notifiée par acte d'huissier du 30 juin 2001, l'EURL TE IRIATAI venant aux droits de la SCI TE IRIATAI faisait assigner Geneviève X... aux fins de voir dire et juger abusive la demande en démolition.
Suivant protocole d'accord en date du 23 octobre 2003, Geneviève X... et la SARL/EURL TE IRITAI convenaient de confier une mesure d'expertise à monsieur André C... aux fins de déterminer la valeur des constructions, le coût des éventuels travaux de réfection ou d'entretien à réaliser et le coût des travaux de démolition et de remise en état du terrain.
Dans son rapport établi le 22 décembre 2003, l'expert C... a fixé la valeur résiduelle de l'immeuble à la somme de 64 797 500 francs CFP en tenant compte notamment de la qualité moyenne de la construction et de l'absence totale d'entretien, évalué les frais de remise en état à la somme de 115 623 589 francs CFP et chiffré le coût de la démolition éventuelle de l'immeuble à la somme de 20 000 000 francs CFP.
Suivant protocole d'accord en date du 16 décembre 2004, Geneviève X... et l'EURL TE IRIATAI arrêtaient les dispositions suivantes :
A compter du 1er janvier 2005, Mme X... épouse Y... aura seule la jouissance totale et exclusive du terrain et de l'immeuble et elle en assurera seule l'exploitation.
Sauf à parvenir à un accord sur le montant de l'indemnité due à Mme X..., celle-ci sera arbitrée par le Tribunal Civil saisi du litige...
Dans le dernier état de ses écritures devant le premier juge, Geneviève X... soutenait que la transformation de la SCI TE IRIATAI en EURL, quelques mois après la délivrance de la sommation de déguerpir et de démolir, lui était inopposable, que le preneur devait lui rembourser les loyers encaissés du mois de juillet 2001 au mois de décembre 2004, soit une somme de 99 960 000 francs CFP, et lui régler une somme de 10 000 000 francs CFP à titre de dommages-intérêts pour défaut d'entretien du bâtiment en contrariété avec l'obligation stipulée dans le bail.
Après déduction de la somme de 64 697 500 francs CFP au titre de la valeur résiduelle de l'immeuble, elle sollicitait la condamnation de la SCI TE IRIATAI au paiement d'un solde en sa faveur de 35 272 500 francs CFP outre une somme de 300 000 francs CFP en application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
L'EURL TE IRIATAI reconnaissait que la transformation sociale était inopposable à Geneviève X... mais s'opposait à l'octroi d'une quelconque indemnité au motif que l'accord du 16 décembre 2004 avait opéré novation dans les rapports entre les parties, la bailleresse ayant renoncé à solliciter une quelconque indemnisation en contrepartie de la restitution du terrain et des constructions à la date du 1er janvier 2005 et le preneur ayant renoncé à solliciter une indemnité au titre de la valeur résiduelle de l'immeuble.
Par jugement en date du 7 décembre 2005, le tribunal de première instance de PAPEETE, faisant sienne l'analyse du preneur, déclarait inopposable le changement de forme sociale à Geneviève X... mais déboutait cette dernière de l'ensemble de ses prétentions cependant qu'il disait n'y avoir lieu à application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Geneviève X... interjetait appel de ce jugement par requête déposée au greffe de la cour d'appel le 25 janvier 2006.
Par acte en date du 13 février 2006, elle a fait assigner l'EURL TE IRIATAI et la SCI TE IRIATAI à l'audience du 31 mars 2006.
Cette assignation était déposée au greffe de la cour d'appel le 17 février 2006.
Aux termes de sa déclaration d'appel, Geneviève X... réitère les termes de ses écritures devant le premier juge sauf à solliciter la condamnation solidaire des intimées au paiement de la somme de 35 272 500 francs CFP et celle de 500 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles.
Elle souligne notamment que le principe d'une indemnité en sa faveur résulte suffisamment de l'accord du 16 décembre 2004, seul le montant de l'indemnité restant à définir.
L'EURL TE IRIATAI reproche d'abord à l'appelante de continuer à diriger sa requête contre la SCI alors que la transformation sociale est incontestable quoique ne lui étant pas opposable.
Elle réitère ensuite les termes de ses écritures développées devant le premier juge pour conclure à la confirmation de la décision entreprise et à la condamnation de l'appelante au paiement d'une somme de 300 000 francs CFP en application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
A titre subsidiaire, elle sollicite l'organisation d'une nouvelle expertise.
Par conclusions déposées le 7 février 2007 puis le 13 mars 2007, Geneviève X... réplique que la transformation sociale ne lui étant pas opposable, c'est à bon droit qu'elle a attrait la SCI TE IRIATAI.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 mai 2007.
EXPOSE DES MOTIFS :
Attendu que la SCI TE IRIATAI a été transformée en EURL, qu'elle n'a plus d'existence juridique ; que c'est à tort que la gérante de l'EURL a signé l'acte d'huissier valant assignation devant la cour en date du 13 février 2006 au nom de la SCI ;
Attendu que cette dernière, qui d'ailleurs ne figurait pas au nombre des parties en première instance alors même que la condamnation était demandée à son encontre, est radicalement inexistante ; qu'elle doit être omise des parties en cause d'appel ;
Attendu que si la transformation sociale est inopposable à Geneviève X..., cette inopposabilité n'a d'autre signification que de lui permettre de poursuivre l'EURL à raison d'une dette qui aurait été contractée par la SCI mais sans pour autant faire revivre cette dernière ; qu'elle pourrait aussi avoir pour conséquence de lui permettre d'agir à titre subsidiaire contre les associés de la SCI ainsi que l'a très justement relevé le premier juge ;
Attendu qu'en vertu de l'article 1273 du code civil, la novation ne se présume point (et) il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte ;
Attendu qu'aux termes de l'accord du 16 décembre 2004, à compter du 1er janvier 2005, Mme X... épouse Y... aura seule la jouissance totale et exclusive du terrain et de l'immeuble et elle en assurera seule l'exploitation ;
Attendu qu'il résulte suffisamment de cette stipulation que Geneviève X... a explicitement renoncé au droit qu'elle tenait du contrat de bail et a corrélativement et nécessairement reconnu l'existence d'un droit de même nature au profit de l'EURL TE ARIATAI au titre de la période du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2004 ; que ce partant, elle ne saurait réclamer le remboursement des loyers perçus par cette société pendant ladite période ;
Attendu qu'il est vrai, l'accord du 16 décembre 2004 comporte un deuxième volet aux termes duquel sauf à parvenir à un accord sur le montant de l'indemnité due à Mme X..., celle-ci sera arbitrée par le Tribunal saisi du litige ;
Attendu cependant qu'il n'est pas mentionné à quel titre une indemnité serait due par le preneur au bailleur alors que le contrat initial prévoit précisément le contraire lorsqu'il stipule que le bailleur qui conserve les bâtiments à la fin du bail sera tenu de payer au preneur une indemnité correspondant à la valeur qu'auront alors les dits bâtiments et qui, à défaut d'accord entre les parties, sera fixée à dire d'experts ;
Attendu qu'en réalité, la seule indemnité susceptible d'être allouée au bailleur qui conserve le bénéfice des constructions est celle qui correspond à un défaut d'entretien de l'immeuble ; que Geneviève X... sollicite de ce chef la somme de 10 000 000 francs CFP ;
Attendu cependant que l'expert judiciaire a évalué le coût des bâtiments, compte tenu de leur mauvais état d'entretien, à la somme de 64 697 500 francs CFP ; qu'il a donc déjà pondéré la valeur de l'immeuble au regard de son défaut d'entretien ; que Geneviève X... ne saurait réclamer un nouvel abattement à concurrence de 10 000 000 francs CFP ; qu'elle doit être déboutée de sa demande ;
Attendu qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de l'EURL TE IRIATAI les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer la somme de 250 000 francs CFP en application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière ciet en dernier ressort,
Constate que la SCI TE IRIATAI n'est pas partie à l'instance ;
Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;
Condamne Geneviève X... à payer à l'l'EURL TE IRIATAI la somme de deux cent cinquante mille (250 000 FCFP) francs pacifique en application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Condamne Geneviève X... aux dépens distraits au profit de Me GIRARD.
Prononcé à Papeete, le 28 Juin 2007
Le Greffier, Le Président,
M. SUHAS-TEVERO P. GAUSSEN