No 274
RG 562/CIV/05
Grosse délivrée à
Me Piriou
le
Expéditions délivrées à
Mes Tulasne, Malgras
et H. Auclair
leREPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 22 mai 2008
Monsieur Jean-Pierre SELMES, Président de Chambre de la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Madame Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;
En audience publique tenue au Palais de Justice ;
A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :
Entre :
La Société Fiumarella, Sa au capital de 7 015 000 CFP, dont le siège est Zone Industrielle de la Punaruu, inscrite au RCS de Papeete sous le no 1540 B, BP 380884-98718 Punaauia ;
Appelante par requête en date du 21 octobre 2005, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le 26 du même mois, sous le numéro de rôle 562/CIV/05, d'un jugement du tribunal civil de première instance de Papeete du 20 juillet 2005 ;
Représentée par Me Yves PIRIOU, avocat au barreau de Papeete ;
d'une part ;
Et :
1- La Société Electricité Conseil Expertise du Pacifique (Ecep), ayant son siège social à Papeete Boulevard Pomare, ..., inscrite au RCS de Papeete sous le no 02591 B, prise en la personne de son gérant M. J.P. X..., ce dernier étant décédé en cours d'instance ;
Représentée par Me Gérald TULASNE, avocat au barreau de Papeete ;
2- La Société Civile Api Ingenierie, société civile au capital de 1 000 000 CFP, immatriculée au RCS de Papeete sous le no 2088 B, ayant son siège BP 3932-98713 Papeete ;
Représentée par Me Benoît MALGRAS, avocat au barreau de Papeete ;
3- La Sci Balwin 1, sise à Papeete Boulevard Pomare Immeuble Poe Rava, prise en la personne de son gérant M. Thierry Y... ;
Représentée par Me Olivier HERRMANN-AUCLAIR, avocat au barreau de Papeete ;
4- La Société de Gestion des Copropriétés dite Sogeco, dont le siège social est Papeete Centre Bruat, BP 40198 Z... Tony, en la personne de son co-gérant M Gilbert A... ;
Non comparante, assignée par exploit d'huissier en la personne de M. A... le 8 novembre 2005 ;
5- La Sarl Carroplus, immatriculée au registre du commerce de Papeete sous le no 5535 B, ayant son siège ... ; prise en la personne de son représentant légal
Représentée par Me Stanley CROSS, avocat au barreau de Papeete ;
Intimées ; d'autre part ;
En présence de :
La Sa Ciec dont le siège est à 92210 St Cloud, ..., représentée par son Président Directeur Général M. Simon B..., cette dernière repreneur de la Sarl Ecep. suite au décès de son gérant M. C... ;
Représentée par Me Gérald TULASNE, avocat au barreau de Papeete ;
Intervenante ;
Encore d'autre part ;
Après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 10 avril 2008, devant M. SELMES, Président de chambre, M. MOYER, et Mme LASSUS-IGNACIO, conseillers, assistés de Mme SUHAS-TEVERO, greffier ; le prononcé de l'arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
A R R E T,
Se plaignant de fissures affectant le carrelage des lots 41 et 63 qu'elle avait acquis dans la résidence PAOFAI, la société Electricité, Conseil et Expertise du Pacifique (ECEP) a assigné le 31 octobre 2000 la SCI BALDWIN, la SA FIUMARELLA et la SOGECO devant le juge des référés qui par ordonnance du 29 janvier 2001 a ordonné une expertise ;
Par jugement du 20 juillet 2005 rendu après expertise, le tribunal civil de première instance de Papeete a mis hors de cause la société CARROPLUS et la SCI BALDWIN 1 et le syndicat des copropriétaires de la Résidence Paofai, a constaté que les dommages subis par la société ECEP relevaient de la garantie décennale des constructeurs et a condamné in solidum la société FIUMARELLA et la société API INGENIERIE à verser la somme de 1.540.000 F CFP HT au titre de la reprise des désordres et celle de 500.000 F CFP au titre du préjudice de jouissance, avec exécution provisoire, et celle de 300.000 F CFP en application de l'article 407 du code de procédure civile ;
Suivant requête du 26 octobre 2005, la SA FIUMARELLA a relevé appel de ce jugement dont elle sollicite l'infimation en demandant à la Cour de débouter la société ECEP de ses demandes et de la condamner à lui payer 500.000 F CFP au titre des frais irrépétibles en faisant valoir que les désordres ne relèvent pas de la garanties décennale et que leur cause ne provient pas du lot qui lui avait été confié.
Par conclusions du 1er mars 2006, la SARL ECEP sollicite la confirmation en son principe du jugement entrepris mais relève appel incident pour se voir allouer cinq millions de francs FCP de dommages et intérêts pour préjudice commercial prévisible pendant la durée des travaux, outre 330.000 F CFP au titre des frais irrepétibles ; elle invoque la garantie décennale des constructeurs en faisant valoir que le sinistre est la conséquence d'un vice du sol et du gros oeuvre, que les fissures portent atteinte à la solidité même du sol de par la généralisation des désordres et leur aggravation inévitable, le carrelage n'étant pas un élément dissociable, et que les fissures rendent ce local impropre à sa destination.
Par conclusions du 3 mars 2006, la SARL CARROPLUS sollicite sa mise hors de cause et la condamnation de l'appelante, qui ne demande rien contre elle, au paiement de 150.000 F CFP à titre de dommages et intérêts et de 220.000 F CFP et de 110.000 F CFP au titre des frais irrepétibles de première instance et d'appel.
Par conclusions du 22 mars 2006, la SCI BALDWIN 1 sollicite la confirmation de sa mise hors de cause et la condamnation de tout succombant au paiement de 220.000 F CFP par application de l'article 407 du code de procédure civile.
Par conclusions du 28 juillet 2006, la société API INGENIERIE, relevant appel incident, sollicite l'infirmation du jugement entrepris en faisant valoir qu'en sa qualité de sous-traitant elle n'est pas tenue à la garantie décennale, qu'aucune faute ne peut lui être reprochée, que les désordres ne relèvent pas de la garantie décennale dès lors qu'ils ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage et ne le rendent pas impropre à sa destination ; elle sollicite 450.000 F CFP au titre des frais irrepétibles.
Par conclusions du 1er juin 2007, la SA FIUMARELLA souligne qu'elle n'a pas réalisé la chape de support dont la cassure endommage le carrelage et que les désordres ne relèvent pas de la garantie décennale, d'autant que la SARL ECEP n'a jamais prétendu avoir interrompu l'utilisation de ses burreaux.
Par conclusions du 7 décembre 2007, la SCI BALDWIN sollicite l'entier bénéfice de ses précédentes écritures.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 avril 2008.
SUR QUOI :
Attendu que l'immeuble de la résidence PAOFAI dans lequel se trouvent les lots acquis par la SARL ECEP dont le carrelage est endommagé à fait l'objet d'une réception le 21 janvier 1998 ;
Que courant 2000 sont apparues des fissures sur le carrelage ce qui a donné lieu a des demandes amiables de réparation, puis à l'établissement d'un constat d'huissier puis à une assignation en référé délivrée par actes des 31 octobre et 8 novembre 2000 soit après expiration du délai de la garantie biennale ;
Que l'expert commis par ordonnance de référé a conclu, dans son rapport clôturé le 17 juillet 2001 :
"Nous sommes en présence d'un revêtement de sol qui se casse systématiquement sous l'effet de la cassure de la chape qui lui sert de support.
Les désordres engendrés par ces diverses cassures de carrelage sont importants ; nous les qualifierons de graves d'un point de vue esthétique avec un désafleurement maximal du 1/10o de millimètre.
Les travaux d'expertise nous ont amenés à vérifier les hypothèses de calcul du plancher, le dimensionnement du plancher, le ferraillage du plancher, la qualité des bétons mis en oeuvre, la déformation des planchers, la méthodologie de la pose du carrelage, les spécifications des matériaux utilisés, les descentes de charges du bâtiment avec leur type de fondation.
Suite à ces longues investigations, nous précisions n'avoir décelé aucune faille ou anomalie sur le dossier technique de construction ou sur la construction même de l'ouvrage.
Nous dirons que le bâtiment a été correctement étudié et que les travaux ont été bien réalisés, le tout conformément aux règles de l'art".
Que par ailleurs dans le corps de son rapport, l'expert a indiqué que l'évolution des désordres n'était pas encore terminées et qu'il était très difficile d'affirmer aujourd'hui la fin des désordres ou encore le temps qu'il reste à ceux-ci pour qu'ils soient complètement stabilisés.
Que l'expert a également affirmé que les déformations engendrées sur le revêtement de sol des planchers de l'ouvrage n'avaient aucune incidence sur la robustesse ou la stabilité de celui-ci et a seulement souligné le côté inesthétique du désordre qui se traduit par de multiples fissures dont une minorité a un désafleurement du dixième de millimètre ;
Que le 30 octobre 2001, la SARL ECEP a fait constater par huissier que certaines fissures s'étaient élargies et que quelques fissures nouvelles étaient apparues, l'huissier n'ayant fait aucune observation sur la gêne qu'auraient pu apporter ces fissures -dont les photographies révèlent le caractère limité- dans l'utilisation des locaux ;
Attendu ainsi que plus de six ans et demi après le dépôt du rapport d'expertise et de l'établissement du constat précité, la SARL ECEP, en ne produisant aucune autre pièce, ne démontre pas que les fissures se soient généralisées ou aient rendu impossible l'exploitation des locaux litigieux ;
Que la responsabilité des constructeurs n'étant engagée de plein droit que pour les dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou des éléments d'équipement indissociable ou qui le rendent impropre à sa destination, la responsabilité de la SA FIUMARELLA ne peut être retenue au titre de la garantie décennale dès lors que les désordres ne se sont pas généralisés et portent atteinte à l'esthétique et non à la solidité de l'ensemble du carrelage ou aux conditions d'occupation des locaux ;
Que la société API INGENIERIE n'ayant agi que comme sous-traitant ne peut engager sa responsabilité sur le fondement des articles 1792 ou 1792-2 du code civil ;
Que la responsabilité des désordres qui font l'objet du présent litige pourrait être recherchée sur le fondement de la théorie des vices intermédiaires mais à la condition qu'une faute puisse être retenue à l'encontre des constructeurs ;
Que l'expert ayant mis en évidence qu'aucune faute ne pouvait être reprochée au bureau d'études ou à l'entreprise de gros oeuvre, il convient de débouter la SARL ECEP de ses demandes en infirmant le jugement entrepris ;
Que la société CARROPLUS, qui a posé le carrelage litigieux, ne démontre pas en quoi son appel en cause devant la cour relèverait d'un abus de droit, ce qui conduit à rejeter sa demande de dommages et intérêts ;
Qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Que la SARL ECEP qui succombe devra supporter les dépens.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Infirme le jugement déféré ;
Déboute la SARL Electricité Conseil Expertise du Pacifique (ECEP) de ses demandes ;
Rejette les autres demandes des parties ;
Condamne la SARL Electricité Conseil Expertise du Pacifique (ECEP) aux dépens avec pour ceux d'appel distraction au profit de la SELARL d'avocats PIRIOU - QUINQUIS - BAMBRIDGE-BABIN et de Maître MALGRAS, avocat ;
Prononcé à Papeete, le 22 mai 2008.
Le Greffier, Le Président,
M. SUHAS-TEVERO JP. SELMES