N° 60
CG
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Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Jourdainne,
le 23.02.2023.
Copie authentique
délivrée à :
- Me Piriou,
le 23.02.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 23 février 2023
RG 21/00300 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 153, rg n° 19/00301 du Tribunanl Civil de Première Instance de Papeete du 7 avril 2021 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 6 août 2021 ;
Appelant :
M. [A] [T], né le 17 décembre 1955 à [Localité 4] (Maroc), de nationalité française, médecin anesthésiste, [Adresse 2] ;
Ayant pour avocat la Selarl Groupavocats, représentée par Me Gilles JOURDAINNE, avocat au barreau de Papeete ;
Intimée :
La Sa Clinique [3], société anonyme, immatriculée au Rcs de Papeete sous le n° 7420 B dont le siège social est sis à [Adresse 5] ;
Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me Yves PIRIOU, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 17 octobre 2022 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 26 janvier 2023, devant Mme GUENGARD, président de chambre, Mme SZKLARZ et M. RIPOLL, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme GUENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
EXPOSE DU LITIGE :
Le 19 octobre 2016, vers 18 heures 30, une violente altercation a opposé M. [A] [T], médecin anesthésiste réanimateur, à M. [W] [S], chirurgien plastique, au sein du bloc opératoire de la clinique [3], où tous deux exerçaient leurs fonctions.
Par courrier en date du 28 octobre 2016, le président directeur général de la clinique [3] a interdit à M. [A] [T] l'accès au bloc opératoire de la clinique 'à compter de ce jour et jusqu'à nouvel ordre'.
Par courrier en réponse du 31 octobre 2016 M. [A] [T] s'est opposé à la mise en oeuvre de cette mesure et a sollicité sa main-levée, indiquant qu'il continuerait ses activités de consultation et de pratique des actes de péridurale au service de la matemité de la clinique, dans l'attente de la décision de main-levée de l'interdiction prononcée à son encontre.
Selon courrier en date du 4 novembre 2016, la clinique [3] a maintenu la mesure d'interdiction prononcée, précisant qu'elle s'appliquait à l'accès à la clinique, donc au bloc obstétrical et aux consultations d'anesthésie, considérant que cette mesure conservatoire s'imposait en l'état du trouble particulièrement grave causé au sein de la clinique par la rixe du 19 octobre 2016.
Le 3 novembre 2016, la clinique [3] adressait un courrier recommandé avec accusé de réception au Dr [T], se prévalant des clauses du contrat les liant, lui indiquant qu'elle allait intenter à son encontre une action en résiliation de son contrat et l'informant de la mise en oeuvre de la procédure préalable obligatoire de conciliation.
Parallèlement, le 3 novembre 2016, la clinique [3] a désigné M. [X] [B] en qualité de conciliateur, M. [A] [T] ayant quant à lui désigné M. [U] [O] en cette qualité.
Le 10 novembre 2016, la clinique [3] a déposé plainte auprès du procureur de la République à l'encontre des deux médecins pour mise en danger de la vie d'autrui, chacun des praticiens ayant par ailleurs déposé plainte contre l'autre pour violences volontaires.
Par courrier du 20 novembre 2016, M. [A] [T] a informé la clinique [3] de son départ et a désigné M. [K] [I] comme son successeur, cette candidature ayant été approuvée par la clinique le 30 novembre 2016.
Par acte authentique en date du 12 janvier 2017, M. [A] [T] a cédé les parts qu'il détenait au sein de la clinique [3] à M. [K] [I], au prix de 37.700.000 cfp, et a renoncé au bénéfice du conventionnement avec la CPS de la Polynésie française.
Par jugement en date du 29 août 2017, le tribunal correctionnel de Papeete a déclaré coupables des faits de violences volontaires réciproques M. [A] [T] et [W] [S], jugement infirmé par la cour d'appel de Papeete en son arrêt du 6 juin 2019 qui a relaxé M. [A] [T] des fins de la poursuite au motif de l'état de légitime défense.
Par ailleurs, par décision de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins en date du 11 mars 2020, la sanction disciplinaire prononcée en première instance à l'encontre de M. [A] [T] a été annulée.
Par requête enregistrée le 2 juillet 2019 et par assignation en date du 1er juillet 2019, complétées par les dernières conclusions récapitulatives reçues le 31 août 2020, M. [A] [T] a fait assigner devant le tribunal civil de première instance de Papeete la SA clinique [3], représentée par le président de son conseil d'administration, aux fins de :
-dire que la clinique [3] a commis une faute à son encontre en lui interdisant l'accès à la clinique et en initiant une action en résiliation de la convention liant les parties,
-condamner la clinique [3] à réparer les préjudices découlant de cette faute,
-débouter la clinique [3] de ses prétentions reconventionnelles,
-condamner la clinique [3] à lui payer les sommes de :
*41 .5 87.000 cfp x 8, soit 332.696.000 cfp au titre de la perte de revenus supportée,
*6. 100.000 cfp au titre de la perte de valeur du prix de vente des parts de la SCP,
* 15.000.000 cfp au titre de la perte financière sur placements,
*11.500.000 cfp au titre du dommage découlant de la vente d'une partie du patrimoine,
* 10.000.000 cfp en réparation du préjudice moral subi,
-condamner la clinique [3] à lui payer la somme de 500.000 cfp en application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Par jugement en date du 7 avril 2021 le tribunal de première instance de Papeete a :
Dit que l'action en responsabilité intentée par M. [A] [T] à l'encontre de la SA clinique [3] doit être fondée sur les dispositions de l'article 1147 du code civil en sa version applicable en Polynésie française ;
Dit que la SA clinique [3] n'a commis aucune faute contractuelle susceptible d'engager sa responsabilité en adoptant à l'encontre de M. [A] [T] une mesure conservatoire de suspension suite aux faits de violence commis au sein de l'établissement de santé le 19 octobre 2016 ;
Par suite, débouté M. [A] [T] de son action en responsabilité exercée à l'encontre de la SA clinique [3] ;
Débouté M. [A] [T] de toutes ses demandes ;
Condamné M. [A] [T] à payer à la SA clinique [3] la somme de 1.000.000 cfp de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française au bénéfice de M. [A] [T] ;
Condamné M. [A] [T] à payer à la SA clinique [3] la somme de 40.000 cfp en application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Condamné M. [A] [T] aux dépens.
Par requête d'appel en date du 6 août 2021 M. [A] [T] a relevé appel de cette décision en sollicitant de voir :
Infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Vu l'article 1382 du code civil,
Dire et juger que la société clinique [3] a commis une faute à l'égard du Dr [T] en lui interdisant l'accès à la clinique et en initiant l'action en résiliation de la convention liant le Dr [T] à la clinique,
Condamner la société clinique [3] à réparer les préjudices découlant de cette faute,
Débouter la clinique [3] de ses demandes reconventionnelles,
Condamner la société clinique [3] à payer au Dr [T] [A] les sommes suivantes :
' Au titre de la perte des revenus : 41 587 000 XPF x 8 = 332 696 000 XPF,
' Au titre de la perte de valeur du prix de vente des parts de la SCP : 6 100 000 XPF,
' Au titre de la perte financière sur les placements : 15 000 000 XPF,
' Au titre du préjudice découlant de vente d'une partie du patrimoine : 11 500 000 XPF,
' Au titre du préjudice moral : 10 000 000 XPF,
Condamner la SA clinique [3] à payer au Dr [T] [A] la somme de 500 000 XPF au titre de l'article 407 du code de procédure civile,
Condamner la SA clinique [3] aux dépens.
Par ses dernières conclusions en date du 16 septembre 2022 M. [A] [T] demande à la cour de :
Déclarer l'appel recevable et bien fondé,
Infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Vu l'article 1382 du code civil,
Dire et juger que la société clinique [3] a commis une faute à l'égard du Dr [T] en lui interdisant l'accès à la clinique et en initiant l'action en résiliation de la convention liant le Dr [T] à la clinique,
Condamner la société clinique [3] à réparer les préjudices découlant de cette faute,
Débouter la clinique [3] de ses demandes reconventionnelles,
Condamner la société clinique [3] à payer au Dr [T] [A] les sommes suivantes :
Au titre de la perte de chiffre des revenus (pertes calculées sur la base du CA) :
41 587 000 XPF x 8= 332 696 000 XPF,
Au titre de la perte de valeur du prix de vente des parts de la SCP : 6 100 000 XPF,
Au titre de la perte financière sur les placements : 15 000 000 XPF,
Au titre du préjudice découlant de vente d'une partie du patrimoine : 11 500 000 XPF,
Au titre du préjudice moral : 10 000 000 XPF,
Condamner la SA clinique [3] à payer au Dr [T] [A] la somme de 500 000 XPF au titre de l'article 407 du code de procédure civile,
Condamner la SA clinique [3] aux dépens.
Par ses dernières conclusions en date du 14 octobre 2022 la clinique [3] demande à la cour de :
Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,
Le dire mal fondé,
Vu les articles 1134 et suivants du code civil,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [A] [T] de ses fins, moyens et conclusions et fait droit à la demande reconventionnelle de la clinique [3],
Recevoir la clinique [3] en son appel incident,
Vu l'article 1382 du code civil,
Dire et juger l'action abusive,
Dire et juger que le comportement de M. [A] [T] au sein du bloc opératoire de la clinique [3] le 19 octobre 2016 et les retentissements médiatiques de celui-ci ont porté atteinte à la notoriété et à l'image de la clinique [3],
En conséquence,
Condamner M. [A] [T] à payer à la clinique [3] la somme de 10 000 000 CFP en réparation de son préjudice,
Condamner M. [A] [T] à payer à la clinique [3] la somme de 500 000 CFP au titre des frais irrépétibles,
Condamner M. [A] [T] aux entiers dépens dont distraction d'usage.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 octobre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions et moyens dont la cour est saisie, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d'appel des parties. L'exposé des moyens des parties, tel que requis par les dispositions de l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, sera renvoyé à la motivation ci-après à l'effet d'y répondre.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la nature de la responsabilité de la clinique [3] :
M. [A] [T] conteste le jugement rendu par le tribunal de première instance de Papeete en considérant que la clinique [3] a commis à son égard une faute, non de nature contractuelle, mais délictuelle.
En l'espèce le 3 février 1995 M. [A] [T] a conclu avec la société civile [3], désignée à l'article 1 de ce contrat comme étant 'la Clinique' ou 'la Société', un contrat d'exercice de sa profession au sein du département anésthésie et réanimation de cette clinique.
Le 1er septembre 2003 un nouveau contrat était conclu entre la clinique [3] et cette fois-ci la SCP des docteurs [F], [T], [Z], [H], [N] et [D], anesthésistes réanimateurs , l'article 1 de ce contrat prévoyant que 'la société Clinique [3] accepte que les médecins anesthésistes , ayant formé entre eux une SCP et exerçant désormais dans le cadre de cette structure, procèdent à l'exercice de leur profession dans les locaux de la clinique [3].'
Il était prévu, à l'article 7 de ce contrat que les praticiens composant la SCP exerçaient leur art à la clinique en toute indépendance et sous leur seule responsabilité , la SCP reversant à la clinique une redevance mensuelle représentant 10,5% des honoraires bruts.
Il était également indiqué à l'article 11 que 'le présent contrat est conclu pour une durée indéterminée et prend effet le 1er septembre 2003, il se substitue aux conventions dont disposait chaque praticien composant la SCP. 'ce qui était , au besoin rappelé encore à l'article 19 : 'A compter de son entrée en application, la présente convention se substitue et remplace chaque convention dont chaque praticien, associé de la SCP était jusqu'alors titulaire.'
L'acte constitutif des statuts de cette SCP n'est pas fourni ; est uniquement versé aux débats l'acte en date du 28 décembre 2013 constituant une SCP entre les docteurs [T], [Z], [H], [N], [D] et [J], nul ne justifiant que le Dr [J] ait fait l'objet d'un agrément par la clinique tel que cela était prévu aux dispositions de l'article 18 du contrat initial liant la SCP et la clinique.
Pour autant, il est suffisamment établi qu'à compter du 1er septembre 2003 le seul contrat d'exercice de l'activité de médecin existant était conclu entre la SCP des médecins anesthésistes réanimateurs et la clinique [3], aucun contrat ne liant plus directement le Dr [T] et la clinique [3].
Le 19 octobre 2016 aucun lien contractuel n'existait donc directement entre le Dr [T] et la clinique [3].
C'est d'ailleurs en ce sens que l'ordonnance en date du 4 novembre 2016 du président du tribunal de première instance de Papeete a rejeté la requê-te présentée en référé par le Dr [T] notant 'absence de contrat liant le Dr [T] à la clinique [3] et absence d'analyse juridique sur ce point.'
Le jugement attaqué sera infirmé en ce qu'il a dit que l'action en responsabilité intentée par M. [A] [T] à l'encontre de la SA clinique [3] doit être fondée sur les dispositions de l'article 1147 du code civil en sa version applicable en Polynésie française et par voie de conséquence en ce qu'il a dit que la SA clinique [3] n'a commis aucune faute contractuelle susceptible d'engager sa responsabilité, en adoptant à l'encontre de M. [A] [T] une mesure conservatoire de suspension suite aux faits de violence commis au sein de l'établissement de santé le 19 octobre 2016 ;
Sur la responsabilité de la clinique [3] :
Aux termes des dispositions de l'article 1382 du code civil de la Polynésie française tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l'espèce alors que la rixe entre le Dr [T] et le Dr [S] date du 19 octobre 2016, la clinique [3] a, le 28 octobre 2016 soit neuf jours plus tard, adressé au Dr [T] un courrier lui interdisant l'accès au bloc opératoire de la clinique à compter de ce jour et 'jusqu'à nouvel ordre' et ce 'dans l'attente de l'évolution des actions déontologiques, disciplinaires et pénales, pour éviter tout troubles, toute réitération et assurer le retour au calme et à la sérénité.'
Bien que le Dr [T] ait répondu le 31 octobre 2016 en contestant cette décision et rappelant que le contrat liant les parties était celui entre la SCP des médecins anesthésistes et la clinique, aucune démarche n'est justifiée à l'égard de la SCP de la part de la clinique.
Cette mesure qu'elle qualifie de 'conservatoire' est donc intervenue unilatéralement, indépendemment de tout respect des règles contractuelles et sans avoir sollicité la moindre autorisation de quiconque.
Ce n'est que par le courrier en date du 3 novembre 2016 que la clinique [3], s'adressant toujours directement au Dr [T], l'informait de l'introduction d'une procédure judiciaire qu'elle entendait diligenter à son encontre en 'résiliation de son contrat' devant le tribunal de première instance de Papeete. Ce même courrier l'invitait à répondre à la tentative amiable, préalable à l'introduction d'une demande judiciaire.
Pour autant la clinique [3] qui indique ne pas avoir agit immédiatement afin de prendre le temps nécessaire afin d'éviter toute précipitation et permettre un délai de réflexion,n'a initié nulle démarche durant cette période pour recevoir les explications du Dr [T] qui travaillait depuis 21 ans en son sein, ainsi qu'il l'a rappelé dans le courrier qu'il lui a adressé le 31 octobre 2016 et alors que la clinique reconnaissait dans le courrier lui interdisant l'accès au bloc opératoire qu'il 'semblait ' que le Dr [S] soit à l'origine de la rixe. Enfin, répétant les courriers adressés au seul Dr [T] malgré les remarques qui lui avaient été faites elle s'est exonérée de tout cadre juridique quant au contrat qui la liait avec la SCP dans laquelle le Dr [T] travaillait.
Si la clinique [3] invoque dans ses écritures une large diffusion médiatique, elle ne justifie nullement que celle-ci ait été concommittante des faits, les articles de presse qu'elle verse en pièces n° 15 et 16 datant respectivement du 29 août 2017 et du 2 mai 2019 et étant consécutives aux audiences pénales intervenues en première instance et en appel. En tout état de cause cela ne peut justifier la décision prise en dehors de tout cadre contactuel ou légal de sorte qu'en agissant ainsi, la clinique [3] a agit de façon fautive à l'égard du Dr [T].
Sur le préjudice matériel :
L'interdiction brutale de tout accès au bloc opératoire a privé le Dr [T] de tout revenu lié à son activité professionnelle, n'étant pas contesté qu'à cette époque il travaillait exclusivement pour la clinique [3].
L'attestation établie par M. [I] affirmant avoir été contacté pour la première fois par le Dr [T] au mois de novembre 2016 pour lui proposer l'achat de ses parts permet d'établir que la décision prise par ce dernier de vendre ses parts a été consécutive à l'impossibilité d'exercer son activité professionnelle du fait de l'interdiction qui lui en avait été signifiée par la clinique.
Jusqu'à la vente de ses parts le Dr [T], toujours lié par son contrat auprès de la SCP, elle même liée avec la clinique, ne pouvait exercer son activité professionnelle ailleurs. Ayant vendu ses parts le 12 janvier 2017 avec effet au 15 janvier 2017 il a donc été privé de revenus durant deux mois et demi.
Pour le surplus, le Dr [T] expose avoir été privé de ses revenus professionnels jusqu'à la date qu'il avait envisagée pour prendre sa retraite à savoir jusqu'au 31 décembre 2024 à l'âge de 69 ans, tenant d'importantes charges financières liées notamment à un emprunt immobilier ainsi qu'au financement des études de sa fille dont l'échéance étaient le mois de décembre 2024.
Dès lors qu'il avait vendu ses parts, le Dr [T] pouvait, ce qu'il reconnaît dans ses conclusions, travailler dans le secteur public. Il ne verse aucun justificatif de ses ressources après l'année 2016 ne justifiant par aucun élément de l'absence de tout revenu d'activité postérieur, se contentant d'affirmer qu'au vu de son âge il ne pouvait pas espérer être recruté à l'hôpital de sorte qu'il n'établit pas la perte de revenus qu'il allègue entre la date de vente de ses parts et le 31 décembre 2024.
Le revenu que M. [A] [T] percevait au titre de son activité ne peut, ainsi que le fait justement valoir la clinique [3], être confondu avec son chiffre d'affaire. Il importe pour déterminer le revenu perçu de pendre en compte le revenu net qu'il y a lieu de considérer selon le seul élément qu'il verse aux débats à savoir les déclarations effectuées auprès des services fiscaux sur les transactions pour les professions et activités non salariées. Pour l'année 2014 il avait ainsi perçu 36 954 976 FCP au titre de son chiffre d'affaire tout en déclarant 9 180 157 FCP au titre des charges soit un revenu net de 27 774 819 fcp. Pour l'année 2015 il avait perçu 41 883 135 FCP au titre de son chiffre d'affaire tout en déclarant 9 555 296 FCP au titre des charges soit un revenu net de 32 327 839 fcp. Pour l'année 2016 il avait perçu 40 003 255 FCP au titre de son chiffre d'affaire tout en déclarant 9 385 945 FCP au titre des charges soit un revenu net de 30 617 310 fcp.
Il y a lieu de considérer que le revenu de l'année 2016 a été obtenu avec une activité limitée à dix mois d'activité de sorte qu'il peut être déterminé un revenu mensuel de 3 061 731 fcp.
La perte de revenu entre l'interdiction d'exercer mise en place par la clinique et la vente par M. [A] [T] de se parts représente donc 7 654 327 fcp.
Concernant le prix de vente de ses parts il n'établit pas aucun élément avoir 'dû accepter de baisser le prix de vente à 35 700 000 FCFP de même que rien ne permet d'établir qu'il aurait pu facilement les vendre 8 ans plus tard au prix du chiffre d'affaire annuel moyen de 41 662 000 FCFP moyenne qu'il estime par projection du chiffre d'affaire des quatre derniers exercices.
Quant à la perte sur les placements financiers, M. [A] [T] justifie avoir racheté le 23 janvier 2017 des FCP pour un montant de 14 053,74 € et 14 783,75 € ainsi qu'avoir, le 22 mai 2017, sollicité le retrait de ses 830 parts de la SCPI Actipierre Europe pour un montant de 151 389 €.
Ayant perçu le 12 janvier 2017 la somme de 35 700 000 FCFP provenant de la vente de ses parts, il ne justifie nullement de la nécessité de vendre précipitamment les placements financiers qu'il avait de façon quasi concomitante ou à quelques semaines d'intervalles.
Quant à la vente le 14 juin 2018 par son épouse, d'une parcelle de terre lui appartenant en propre sur la commune de [Localité 1], il ne peut s'agir d'un préjudice de l'appelant.
Sur le préjudice moral :
M. [A] [T] fait valoir le préjudice moral caractérisé par un état de dépression et de désoeuvrement pendant plus de deux ans.
A défaut de tout élément de justification doit être retenu l'angoisse générée par l'incertitude de ses ressources qui sera justement indemnisée par la somme de 2 100 000 FCFP.
Sur la demande de dommages et intérêts de la clinique [3] :
Au vu de l'infirmation de la décision attaquée il ne peut être considéré que M. [T] a agit de façon abusive de sorte que sera infirmé le chef de jugement attaqué qui a condamné M. [A] [T] à payer à la SA clinique [3] la somme de 1.000.000 cfp de dommages et intérêts pour procédure abusive et que la demande de la clinique [3] à ce titre sera rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La clinique [3] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel par infirmation de la décision attaquée et il n'est pas inéquitable d'allouer à M. [A] [T] la somme de 250 000 XPF au titre des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française, le jugement attaqué étant infirmé en ce qu'il l'a condamné à payer la somme de 40 000 cfp en application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Infirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions en ce qu'il a :
Dit que l'action en responsabilité intentée par M. [A] [T] à l'encontre de la SA clinique [3] doit être fondée sur les dispositions de l'article 1147 du code civil en sa version applicable en Polynésie française ;
Dit que la SA clinique [3] n'a commis aucune faute contractuelle susceptible d'engager sa responsabilité, en adoptant à l'encontre de M. [A] [T] une mesure conservatoire de suspension suite aux faits de violence commis au sein de l'établissement de santé le 19 octobre 2016;
Par suite, débouté M. [A] [T] de son action en responsabilité exercée à l'encontre de la SA clinique [3] ;
Débouté M. [A] [T] de toutes ses demandes ;
Condamné M. [A] [T] à payer à la SA clinique [3] la somme de 1.000.000 cfp de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française au bénéfice de M. [A] [T] ;
Condamné M. [A] [T] à payer à la SA clinique [3] la somme de 40.000 cfp en application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Condamné M. [A] [T] aux dépens ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
Condamne la société clinique [3] à payer au Dr [T] [A] la somme de 7 654 327 XPF au titre de la perte de revenus :
Condamne la société clinique [3] à payer au Dr [T] [A] la somme de 2 100 000 XPF au titre du préjudice moral,
Déboute les parties de toute demande plus ample ou contraire,
Condamne la SA clinique [3] à payer au Dr [T] [A] la somme de 250 000 XPF au titre de l'article 407 du code de procédure civile ;
Condamne la SA clinique [3] aux entiers dépens.
Prononcé à Papeete, le 23 février 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : C. GUENGARD