Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
19ème Chambre - Section A
ARRET DU 28 NOVEMBRE 2007
(no , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 04/15956
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Avril 2004 -Tribunal de Commerce d'EVRY 4ème chambre (Monsieur FRANÇOIS Président)
APPELANTE
SOCIÉTÉ CRÉDIT INDUSTRIEL DE L'OUEST - CIO
représentée par son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège 2 avenue Jean Claude Bonduelle 44000 NANTES CEDEX 01
représentée par la SCP VERDUN - SEVENO, avoués à la Cour
assistée de Maître FORTÉ (SCP MULAS LEGER et associés) avocat
INTIMES
SOCIÉTÉ CINERGIE
agissant poursuites et diligences de son représentants légal en exercice demeurant es qualités audit siège
ayant son siège 56 rue de Lille 75002 PARIS
représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour
assistée de Maître PERQUIN (Selarl SIGRIST et DARMON) avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 décembre 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-France FARINA, présidente
Monsieur Jean DUSSARD, conseiller
Madame Agnès FOSSAERT-SABATIER, conseillère
qui en ont délibéré.
rapport fait conformément aux dispositions de l'article 785 du nouveau code de procédure civile
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Hélène ROULLET
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Marie-France FARINA, présidente
- signé par Madame Marie-France FARINA, présidente et par Madame Marie-Hélène ROULLET, greffier présent lors du prononcé.
Par déclaration du 19 juillet 2004 la société CRÉDIT INDUSTRIEL DE L'OUEST dite CIO a appelé d'un jugement contradictoire rendu le 29 avril 2004 par le Tribunal de Commerce d'Evry, 4ème chambre qui, statuant en ouverture du rapport clos le 30 décembre 1999 de Monsieur Michel A... commis expert par jugement avant dire droit du 5 novembre 1997 du même tribunal avec mission de faire le compte entre les parties,-celles-ci comprenant notamment la société RGC RESTAURATION, crédit-preneur, la société ETBO en liquidation judiciaire, entrepreneur principal, les sous-traitants dont les travaux n'ont pas été soldés, la CIO cessionnaire de créances de la société ETBO (loi DAILLY), la société CINERGIE crédit-bailleresse -, entre autres dispositions :
- déboute le CIO de sa demande en paiement des sommes de 89.318,89 euros et de 33.995,13 euros au titre des cessions de créances professionnelles dirigée contre la société CINERGIE,
- ordonne la restitution des sommes consignées entre les mains de monsieur le Bâtonnier du barreau d'Evry, conformément aux attributions ci-après mentionnées :
1o/ à Me C... ès qualités d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de cession de la société PHIBOR pour une somme de 61.921,55 euros,
2o/ à Me D... ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ART ET ISOLATION pour une somme de 7.581,39 euros,
3o/ à la société MULTICO pour une somme de 6.462,54 euros,
4o/ à Me E... ès qualités de liquidateur de la société ADEMO pour une somme de 10.624,09 euros,
5o/ à la VILLEMONTEIL pour une somme de 24.770,99 euros,
6o/ à Maître F... ès qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la société PSI pour une somme de 11.953,45 euros,
- déboute les parties de leurs demandes de dommages et intérêts,
- condamne la société RGC RESTAURATION à payer sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, à chacune des sociétés ci-après dénommées la somme de 1.500,00 euros :
1o/ Me C... ès qualités
2o/ Me D... ès qualités
3o/ Me E... ès qualités
4o/ Me F... ès qualités
5o/ la société VILLEMONTEIL
6o/ la société MULTICO
7o/ la société QUALICONSULT
8o/ la société CINERGIE et la société SOFERBAIL, venant aux droits de la société OMNI ENERGIE
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- rejette les demandes autres plus amples ou contraires,
- fait masse des dépens, en ce inclus les frais et honoraires d'expertise, et dit qu'ils seront supportés :
- par la société RGC RESTAURATION à concurrence des trois quarts,
- par la société CIO pour un quart.
La société CINERGIE a constitué avoué.
Monsieur le Bâtonnier du barreau d'Evry, assigné à domicile par acte du 8 décembre 2004, n'a pas constitué avoué.
Les conclusions de l'intimée lui ont été dénoncées par acte du 19 octobre 2006 pour celles du 10 octobre précédent et par acte du 18 décembre 2006 pour celles du même jour.
La Cour fait observer que le destinataire de l'assignation et des conclusions susvisées qui n'était pas partie en première instance n'a pas la qualité d'intimé.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions, moyens et arguments, la Cour fait référence expresse à la décision déférée et aux conclusions d'appel dont les dernières ont été signifiées à la requête :
- de la société CIO, le 19 décembre 2006,
- de la société CINERGIE, le 18 décembre 2006.
Il convient toutefois de rappeler ce qui suit :
La société CINERGIE, seule pour l'ouvrage de Sartrouville et en pool avec la société OMNI ENERGIE pour l'ouvrage de Sannois, a conclu deux contrats de crédit-bail avec la société RGC RESTAURATION pour financer la construction desdits ouvrages destinés à l'activité de restauration du crédit-preneur.
La société RGC RESTAURATION a en tant que maître d'ouvrage délégué confié la construction de chacun des deux restaurants à la société ETBO, entreprise générale.
Celle-ci, en tant qu'entrepreneur principal, a sous-traité les lots spécialisés ou de second oeuvre à d'autres entreprises, dont celles mentionnées dans le dispositif du jugement entrepris entre lesquelles les sommes consignées entre les mains de Monsieur le Bâtonnier de l'ordre des avocats d'Evry ont été réparties.
En application de la loi dite DAILLY, la société ETBO, alors in bonis, a cédé à la banque CIO deux créances détenues sur la société CINERGIE :
- cession d'un montant de 585.893,53 Francs en date du 8 février 1994 correspondant à une facture no 940108 du 31 janvier 1994,
- cession d'un montant de 222.993,46 francs en date du 16 février 1994 correspondant à une facture no 940201 du 9 février 1994.
La société ETBO a été déclarée en redressement judiciaire par jugement du 25 mars 1994 puis en liquidation judiciaire par jugement du 22 avril 1994.
Plusieurs instances qui seront jointes aboutiront au jugement entrepris :
- action en paiement des créances cédées intentée par la banque CIO contre la société CINERGIE, introduite par assignation du 23 janvier 1996,
- assignations en paiement formées par des entreprises sous-traitantes contre la société RGC RESTAURATION,
- assignation en date du 10 mai 1996 de la société CINERGIE par la société RGC RESTAURATION aux fins de condamnation de la société assignée à consigner les fonds non réglés entre les mains du Bâtonnier de l'ordre des avocats d'Evry,
- assignation de 1996 du CIO par les sociétés CINERGIE et FIDEIBAIL aux fins de déclaration de procédure commune.
Par un premier jugement du 5 novembre 1997 non frappé d'appel rendu entre les parties précitées le Tribunal de Commerce d'Evry, joignant dix instances avait :
- ordonné la consignation par la société CINERGIE des sommes de 222.993,46 F et 585.893,46 F entre les mains du Bâtonnier d'Evry,
- désigné avant dire droit l'expert A....
Les sommes consignées sont égales au quantum des créances cédées à la CIO.
CELA ETANT EXPOSE
LA COUR
I/ SUR LA PORTÉE DE L'APPEL
La société CINERGIE soutient que sa seule intimation rend "juridiquement impossible toute réformation du jugement entrepris sans violer le principe du respect du contradictoire".
Il est constant que les parties au profit desquelles les premiers juges ont ordonné la restitution des sommes consignées entre les mains du Bâtonnier de l'ordre des avocats d'Evry, - c'est-à-dire les sous-traitants de la société ETBO et les liquidateurs judiciaires de certains d'entre eux entre lesquels lesdites sommes ont été réparties sur la base des comptes dressés par l'expert A... -, n'ont été intimées ni à titre principal ni par la voie d'appel provoqué ouverte à la société CINERGIE qui ne l'a pas utilisée.
Mais le défaut d'intimation de ces parties au procès de première instance ne rend pas "impossible" l'appel dirigé contre la partie intimée.
Il oblige seulement la Cour à déterminer la portée de l'appel.
Le CIO n'a rien à redire sur l'attribution d'indemnités aux sous-traitants occultes non réglés qui ne sont pas mises à sa charge et qui impliquent la seule responsabilité quasi-délictuelle du maître d'ouvrage. Elle n'avait donc pas à intimer ces sous-traitants auxquels elle ne réclame rien.
Le jugement a acquis un caractère définitif en ses dispositions concernant les parties non intimées soit :
1o/ la restitution des sommes consignées :
* à Me C... ès qualités pour 61.921,55 euros,
* à Me D... ès qualités pour 7.581,39 euros,
* à la société MULTICO pour 6.462,54 euros,
* à Me E... ès qualités pour 10.624,09 euros,
* à la société VILLEMONTEIL pour 24.770,99 euros,
* à Me F... ès qualités pour 11.953,45 euros,
2o/ la condamnation de la société RGC RESTAURATION au paiement d'indemnités pour frais irrépétibles à neuf parties ainsi qu'à une partie des dépens.
C'est donc à tort que le CIO affirme que :
"(...)
La difficulté invoquée relative à la distribution des sommes consignées ne pourrait, tout au plus, constituer qu'une difficulté d'exécution.
(...)"
II/ SUR LA DEMANDE EN PAIEMENT DE LA CRÉANCE CÉDÉE
Les dispositions définitives sus-rappelées du jugement entrepris qui font obstacle à la remise à la banque CIO de la somme consignée ne privent pas en revanche le cessionnaire de la créance de son action en paiement dirigée contre le débiteur cédé.
La décision de remise aux six parties non intimées sus-énumérées (Titre I du présent arrêt) des sommes consignées qui sont égales aux créances cédées n'est pas en effet pour la société CINERGIE libératoire à l'égard de la banque CIO.
Elle ne pourrait avoir cet effet que dans un cas au regard de l'article 13-1, alinéa 1er, de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance : celui de la condamnation du maître d'ouvrage au profit des sous-traitants exerçant l'action directe.
Or tel n'est pas le cas de l'espèce.
Le jugement entrepris, devenu définitif à l'égard des attributions des sommes consignées à des sous-traitants dits "occultes" faute d'avoir été soumis aux modalités d'acceptation et d'agrément de leurs conditions de paiement prévues par les dispositions combinées des articles 3 et 14-1, premier alinéa, de la loi précitée, a fait droit aux demandes de dommages et intérêts de ces sous-traitants sur le fondement délictuel de l'article 14-1 de la loi et des articles 1382 et 1383 du code civil.
En l'absence d'exercice d'actions directes par les sous-traitants, le débiteur cédé n'est pas fondé à se prévaloir à l'encontre du cessionnaire de créances de la violation de l'article 13-1 de la loi sus-visée..
Dès lors, c'est par une inexacte application de l'article 13-1 de la loi que pour rejeter la demande en paiement de la banque CIO contre la société CINERGIE les premiers juges, qui se sont livrés ici à une recherche inutile à la solution du litige opposant ces deux parties, ont retenu que les factures cédées ne correspondaient pas aux sommes dues à la société ETBO au titre des travaux que celle-ci avait personnellement effectués.
Ce fait, à le supposer établi, n'avait en soi aucun effet libératoire à l'égard de la société CINERGIE, sauf pour celle-ci à démontrer une collusion frauduleuse entre le créancier cédant (ETBO) et le cessionnaire de la créance (CIO).
Or la preuve de la fraude n'est pas administrée, et ce d'autant plus que le caractère occulte des sous-traités ne révélait pas à la banque CIO l'existence de sous-traitants avec lesquels elle pouvait se trouver en concours.
Et le banquier cessionnaire de créances qui n'est tenu qu'à une vérification formelle de celles-ci n'a pas à se livrer à une enquête aux fins d'apprécier les risques d'atteintes éventuelles aux droits de tiers que la cession peut générer.
Enfin la qualité d'établissement financier qui est celle du crédit-bailleur dont les opérations sont assimilées par la loi du 24 janvier 1984 à celles de crédit ne permet pas à la société CINERGIE d'opposer au cessionnaire de créances qui ne vient pas en concours avec des sous-traitants titulaires de l'action directe des articles 11 et suivants de la loi du 31 décembre 1975 d'autres exceptions que celles inhérentes aux créances cédées, et ce même si l'intimé comme en l'espèce s'expose à un double paiement, celui des créances cédées et celui des dommages et intérêts dus aux sous-traitants "occultes" non réglés.
Les cessions de créance dont s'agit qui sont régulières en la forme et qui ont été notifiées au débiteur cédé sont opposables à celui-ci.
Ainsi que le reconnaît la société intimée en page 8 de ses conclusions récapitulatives le montant réclamé par la banque CIO "correspond exactement aux sommes disponibles à la société ETBO, entreprise générale pour les chantiers de Sannois et de Sartrouville".
Encore faut-il que ce solde disponible soit effectivement dû à la société ETBO après établissement du compte entre les parties.
En ce qui concerne le chantier de Sartrouville l'expert A... avait retenu qu'il restait dû à l'entreprise précitée la somme de 222.993,46 francs et c'est une créance égale à cette somme qui a été cédée à la banque CIO.
La Cour alloue conséquemment au cessionnaire ladite somme, soit 33.995,13 euros.
En ce qui concerne le chantier de Sannois, la société CINERGIE a réglé la somme de 15.253.432,97 francs sur un marché de 16.029,481,92 francs, ce qui laisse un solde comptable de 776.048,95 francs.
Après déduction de la somme de 183.025,04 francs que l'expert a retenue dans son rapport, le solde passe à la somme de 593.023,91 francs, légèrement supérieure à celle de 585.893,53 francs correspondant à la créance cédée au titre de ce chantier.
La Cour retiendra en conséquence que la banque CIO prouve conformément à l'article 1315 alinéa 1er du code civil que les créances que lui a cédées la société ETBO sont justifiées tant en leur principe qu'en leur quantum.
Il échet par réformation de condamner la société CINERGIE à régler les sommes réclamées.
Sur les intérêts
Conformément à l'article 1153 du code civil ils ont couru sur les sommes demandées à compter seulement du 18 septembre 1995, date de la première mise en demeure de payer adressée à la société CINERGIE par courrier LRAR.
Le placement sous séquestre judiciaire des sommes litigieuses (consignation entre les mains du Bâtonnier d'Evry) ordonné par jugement du 5 novembre 1997 du Tribunal de Commerce d'Evry a suspendu le cours des intérêts jusqu'au jugement entrepris à l'égard de toutes les parties qui les réclamaient à des titres différents.
L'attribution de ces sommes aux sous-traitants non intimés a fait repartir le cours des intérêts au profit du cessionnaire des créances qui n'a rien reçu, et ce à dater du jugement entrepris.
III/ SUR LES AUTRES DEMANDES
La demande de la société CINERGIE tendant à ordonner la restitution à son profit et à celui d'une partie ni intervenante ni intimée, la société SOFERBAIL, des sommes consignées et non attribuées s'avère sans objet puisque les sommes attribuées aux sous-traitants totalisent le même montant que celles consignées.
La condamnation de la banque CIO, partie gagnante, au quart des dépens de première instance est supprimée en appel.
C'est la partie perdante qui supportera cette fraction des dépens ainsi que les dépens d'appel et qui réglera à la partie gagnante, l'équité le commandant, la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
I/ Constate que le jugement entrepris est définitif en ses dispositions concernant les parties non intimées, soit :
1o/ la restitution des sommes consignées par la société CINERGIE :
* à Me C... ès qualités pour 61.921,55 euros,
* à Me D... ès qualités pour 7.581,39 euros,
* à la société MULTICO pour 6.462,54 euros,
* à Me E... ès qualités pour 10.624,09 euros,
* à la société VILLEMONTEIL pour 24.770,99 euros,
* à Me F... ès qualités pour 11.953,45 euros,
2o/ la condamnation de la société RGC RESTAURATION au paiement d'indemnités à neuf parties sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux trois quarts des dépens dont il a été fait masse,
II/ Reçoit la société CIO en son appel,
Statuant dans les limites de l'appel,
Réforme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la société CINERGIE à payer à la société CIO les sommes de 89.318,89 euros et 33.995,13 euros produisant intérêts au taux légal :
* à compter du 18 septembre 1995 jusqu'à la consignation des sommes litigieuses entre les mains de Monsieur le Bâtonnier de l'ordre des avocats d'Evry,
* puis à partir de la date du jugement entrepris,
Condamne la société CINERGIE à payer à la société CIO la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Rejette les demandes autres plus amples ou contraires,
Supprime la condamnation prononcée contre la société CIO au titre des dépens de première instance,
Condamne la société CINERGIE au quart des dépens de première instance dont il a été fait masse,
Condamne la société CINERGIE aux dépens d'appel,
Dit que les dépens pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE