Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 4
ARRÊT DU 02 MARS 2010
(n° 70 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/12505
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mai 2008 - Tribunal d'Instance de PARIS 10ème arrondissement - RG n° 11-07-000618
APPELANTE :
- Madame [A] [K] épouse [E]
demeurant [Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par la SCP GARNIER, avoués à la Cour
assistée de Maître Michel PIALOUX, avocat plaidant pour la SCP PILAOUX et AUSSEDAT, avocats au barreau de PARIS, toque P 136
INTIMÉS :
- Monsieur [D] [B]
- Madame [F] [B]
demeurant tous deux [Adresse 3]
représentés par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour
assistés de Maître Christophe PIGNEIRA, avocat substituant Maître Raphaël MREJEN, avocat au barreau de PARIS, toque D1260
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 Janvier 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jacques REMOND, Président
Madame Marie KERMINA, Conseillère
Madame Claude JOLY, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier :
lors des débats et du prononcé : Madame OUDOT
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jacques REMOND, président et par Madame OUDOT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Par acte sous seing privé du 5 février 1986, Mme [P], aux droits de laquelle se trouve Mme [E], a loué à M. et Mme [B], alors domiciliés à [Adresse 4], un appartement situé à [Adresse 3] dans un immeuble construit avant le 1er septembre 1948, pour une durée de six ans expirant le 1er mars 1992 et renouvelable, à défaut de congé, pour une période de trois ans.
Par acte sous seing privé du 1er mars 2004 conclu en application de la loi du 6 juillet 1989, Mme [E] a consenti à M. et Mme [B] un bail pour les mêmes lieux d'une durée de trois ans expirant le 1er mars 2007.
Par acte d'huissier de justice du 29 août 2006, Mme [E] a signifié à M. et Mme [B] un congé fondé sur l'article 15-I de la loi du 6 juillet 1989 aux fins de reprise pour habiter au profit de sa fille, à effet au 28 février 2007.
M. et Mme [B] s'étant maintenus dans les lieux, Mme [E] les a assignés le 14 septembre 2007 devant le tribunal d'instance aux fins, notamment, d'expulsion.
Par jugement du 28 mai 2008 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal d'instance de PARIS (10e arrondissement) a :
- dit que la location est soumise aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948,
- débouté Mme [E] de ses demandes de validation de congé et d'expulsion,
- rejeté la demande de remboursement du coût des travaux formée par M. et Mme [B],
- avant-dire droit 'au fond' (sur la demande de M. et Mme [B] aux fins de voir déterminer la surface corrigée et la valeur locative des lieux et faire le compte entre les parties), ordonné une mesure de constat,
- sursis à statuer sur 'les autres demandes',
- réservé les dépens.
Mme [E] a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions signifiées le 30 décembre 2009, Mme [E] demande à la cour, à titre principal, réformant le jugement, de requalifier 'le contrat de louage du 5 février 1986 en bail conclu sur le fondement de l'article 3 quinquies de la loi du 1er septembre 1948', de dire que 'les rapports locatifs des parties sont régis par les seules dispositions de la loi du 6 juillet 1989', de valider le congé, de dire que M. et Mme [B] sont occupants sans droit ni titre depuis le 1er mars 2007, d'ordonner l'expulsion de M. et Mme [B] et de tous occupants de leur chef avec l'assistance de la force publique, d'ordonner la séquestration des meubles dans tel garde-meubles qu'il plaira à l'appelante aux frais, risques et périls des intimés, de condamner M. et Mme [B] au paiement, à compter du 1er mars 2007, d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer majoré de 50 %, outre les charges et taxes, à titre subsidiaire, de rejeter la demande d'évocation et de débouter M. et Mme [B] de leurs demandes, et de les condamner solidairement au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées le 12 janvier 2010, M. et Mme [B] demandent à la cour, à titre principal, de confirmer le jugement et y ajoutant, de fixer le loyer à la surface corrigée de 176 mètres carrés des lieux occupés en catégorie 2 C à 576, 12 euros par mois à compter du 1er juillet 2009 et de condamner Mme [E] au paiement d'un trop-perçu de 12405, 74 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement, voire en catégorie 2B à 760, 12 euros par mois et de condamner Mme [E] au paiement d'un trop-perçu de 3157, 38 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement, d'autoriser M. et Mme [B] à faire exécuter pour le compte du bailleur des travaux de remise en état et de remplacement de fenêtres selon un devis du 15 juin 2009 à hauteur de 3 966, 80 euros venant en compensation des loyers, voire enjoindre la bailleresse à les exécuter sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter de l'arrêt, de condamner Mme [E] au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, à titre subsidiaire, en cas de validation du congé, d'ordonner une expertise pour déterminer leur préjudice en application de la théorie des impenses (voir dans le corps des conclusions in fine page 10) et (dans le dispositif des conclusions) de condamner Mme [E] au paiement de la somme de 20 000 euros au titre des travaux déjà exécutés, et de la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
Considérant que pour soutenir, à titre principal, que la loi du 1er septembre 1948, dont le bénéfice est revendiqué par M. et Mme [B] compte tenu de la situation de l'immeuble, n'est pas applicable aux lieux loués, Mme [E] fait valoir, d'une part, que le bail signé le 5 février 1986, qui a expressément exclu l'application de la loi du 1er septembre 1948 et visé celle de la loi du 22 juin 1982, constitue, comme tel, un bail dérogatoire fondé sur l'article 3 quinquies de la loi du 1er septembre 1948, pour lequel les locataires sont forclos à invoquer l'article 20 de la loi du 21 juillet 1994, et, d'autre part, qu'en application de l'article 34 de la loi du 23 septembre 1986, les relations contractuelles sont entrées dans le champ d'application de la loi du 6 juillet 1989 visée par le bail du 1er mars 2004 ;
Considérant, toutefois, que le moyen pris de l'existence d'un bail dérogatoire, qui ne constitue pas une demande susceptible d'être arguée de nouveauté devant la cour comme le soutiennent M. et Mme [B], n'est pas fondé dès lors qu'en l'absence de constat annexé au bail du 5 février 1986, l'état des lieux produit ayant été établi en application des dispositions de la loi du 22 juin 1982 et non conformément aux exigences du décret du 22 août 1978 alors applicable au litige, et alors qu'il n'est pas démontré que M. et Mme [B] ont renoncé à se prévaloir de cette irrégularité, ce bail n'a pas eu pour effet de faire sortir les lieux loués du régime de la loi du 1er septembre 1948, de sorte que le moyen pris de l'application de l'article 34 de la loi du 23 septembre 1986 est inopérant ;
Mais considérant, en revanche que le moyen subsidiaire de Mme [E] pris de ce que M. et Mme [B] ont renoncé sans équivoque au bénéfice de la loi du 1er septembre 1948 lors de la signature, le 1er mars 2004, du second bail, est fondé, M. [B] ayant signé, sans que soient démontrés une fraude ou un dol, un bail établi conformément à la loi du 6 juillet 1989, et Mme [B], qui ne l'a pas signé, ayant donné mandat tacite à son mari, qui l'a exécuté, pour souscrire, aux conditions prévues, un bail de renouvellement établi, comme le précédent bail, à leurs deux noms ;
Qu'il s'ensuit que les lieux loués étant soumis, en vertu du bail du 1er mars 2004, à la loi du 6 juillet 1989, le congé signifié par Mme [E] à M. et à Mme [B] au visa de l'article 15-I de ladite loi, non autrement critiqué, est valable ;
Considérant que M. et Mme [B] étant devenus occupants sans droit ni titre à compter du 1er mars 2007, leur expulsion sera ordonnée selon les modalités fixées dans le dispositif ci-après ;
Considérant qu'en ne permettant pas la libre occupation du logement, M. et à Mme [B] commettent une faute portant préjudice à la bailleresse ; qu'en raison de sa nature mixte, compensatoire et indemnitaire, l'indemnité d'occupation, qui constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des lieux, assure en outre la réparation du préjudice résultant d'une occupation sans bail ; qu'au vu des éléments d'appréciation soumis à la cour et compte tenu du caractère excessif de la clause pénale incluse dans le bail prévoyant le doublement du loyer au titre de l'indemnité d'occupation, il y a lieu de fixer le montant de celle-ci au montant du loyer mensuel majoré de 20 %, outre les taxes et les charges ; que M. et à Mme [B] seront condamnés solidairement au paiement de cette somme à compter du 1er mars 2007 jusqu'à libération effective des lieux par remise des clés ou expulsion ;
Que le jugement sera reformé en ce sens ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande d'évocation de M. et Mme [B] relative à la fixation du loyer et de la catégorie du logement au regard de la loi du 1er septembre 1948 et à l'exécution de travaux est sans objet ;
Considérant que M. et Mme [B], qui succombent, ne prouvent pas que Mme [E] a commis une faute susceptible de dégénérer en abus en agissant en justice ; qu'ils seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts, le jugement étant complété sur ce point ;
Considérant que M. et Mme [B] ont été autorisés le 23 mai 1986, après accord du bailleur et avis de l'architecte de l'immeuble, à effectuer les travaux qu'ils envisageaient dans les lieux loués (déplacement du WC, démolition d'une cloison, agrandissement de la salle de bains) à leurs frais, risques et périls ; qu'ils sont mal fondés à demander tant la condamnation chiffrée de Mme [E] à les indemniser de ce chef qu'une expertise pour évaluer leur prétendu préjudice ; qu'ils seront déboutés de ces demandes, le jugement étant complété (rejet de la demande d'expertise) et confirmé (rejet de la demande au fond) de ce chef ;
Considérant qu'il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [E] dans les termes du dispositif ci-après ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions rejetant la demande de M. et Mme [B] au titre des travaux exécutés ;
Statuant à nouveau sur les chefs de dispositifs réformés :
Valide le congé signifié à M. et Mme [B] le 29 août 2006, à effet au 28 février 2007 ;
Dit que à M. et Mme [B] sont devenue occupants sans droit ni titre le 1er mars 2007 ;
Dit qu'à défaut de libération volontaire des lieux situés à [Adresse 3], par M. et Mme [B], il sera procédé à leur expulsion et à celle des occupants de leur chef des lieux dans les conditions prévues par les articles 61 et suivants de la loi du 9 juillet 1991, avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier si besoin est ;
Dit que le sort des meubles garnissant les lieux sera régi par les articles 201 et suivants du décret du 31 juillet 1992 ;
Condamne solidairement à M. et Mme [B] à payer à Mme [E] une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer majoré de 20 %, outre les charges exigibles dûment justifiées et les taxes, à compter du 1er mars 2007 jusqu'à la libération effective des lieux par remise des clés ou expulsion ;
Dit que la demande d'évocation de M. et Mme [B] est sans objet ;
Déboute M. et Mme [B] de leur demande d'expertise aux fins d'évaluer leur préjudice ;
Déboute M. et Mme [B] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive;
Condamne solidairement M. et Mme [B] à payer à Mme [E] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement M. et Mme [B] aux dépens de première instance et d'appel avec, pour les dépens d'appel, droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière, Le Président,