Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 4
ARRÊT DU 29 MARS 2011
(n° 167 , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/09532
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Septembre 2008 - Tribunal d'Instance de PARIS 18ème arrondissement - RG n° 11-07-001054
APPELANT :
- Monsieur [J] [S]
demeurant [Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour
assisté de Maître Sophie DAGANNAUD, avocat au barreau de PARIS, toque D 638
INTIMÉE :
- S.C.I. 2L, prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège [Adresse 1]
représentée par Maître Dominique OLIVIER, avoué à la Cour
assistée de Maître Sarah PINEAU, avocat au barreau de PARIS, toque B726
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 06 Décembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jacques REMOND, Président
Madame Marie KERMINA, Conseillère
Madame Claude JOLY, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier :
lors des débats et du prononcé : Madame OUDOT
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jacques REMOND, président et par Madame OUDOT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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La Cour est saisie de l'appel interjeté par monsieur [J] [S], d'un jugement rendu le 10 septembre 2008, par le Tribunal d'Instance de PARIS 18ème arrondissement, qui a :
- validé le congé pour vendre délivré le 31 mars 2006 pour le 9 octobre 2006 ;
- constaté que monsieur [J] [S] était déchu de tout titre d'occupation sur le local qu'il occupe à [Adresse 4], depuis le 10 octobre 2006 ;
- autorisé la société 2L à faire procéder à l'expulsion de monsieur [J] [S], ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, hors du logement situé à [Adresse 4], bâtiment cour, avec, si nécessaire, le concours de la force publique, et ce, sous astreinte de 10 € par jour, passé un délai de deux mois à compter de la signification du jugement ;
- condamné monsieur [J] [S] à payer à la société 2L une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer tel que résultant du bail expiré, charges en sus, et ce, jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés ;
- condamné la société 2L à payer à monsieur [J] [S] la somme de 1 500 €, au titre de son préjudice de jouissance ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
- condamné monsieur [J] [S] à payer à la société 2L la somme de 600 €, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- condamné monsieur [J] [S] aux dépens.
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Les faits et les demandes des parties
Par acte sous seing privé daté du 10 octobre 1997, la SCI du [Adresse 2], représentée par son mandataire, la SARL Cabinet Immobilier [V], elle-même représentée par son gérant, monsieur [O] [V], a loué à monsieur [S], pour une durée de six années, un local à usage d'habitation (une pièce, cuisine, salle d'eau, wc) sis à [Adresse 4], moyennant un loyer mensuel s'établissant courant 2006 à 406,70 € et une provision sur charges de 34 €, soit un total de 440,70 € ; depuis janvier 2009, monsieur [S] règle une somme de 468,60 €, dont 434,40 € en principal ; cette location, qui a donné lieu au versement d'un dépôt de garantie de 670,78 € (4 400 Frs), était soumise à la loi n°89-462 modifiée du 6 juillet 1989.
Le bail a été reconduit tacitement le 10 octobre 2003.
Suivant acte d'huissier daté du 31 mars 2006, la société en nom collectif DP IMMOBILIER, devenue propriétaire du logement sus-visé, a fait délivrer à monsieur [S] un congé à effet du 9 octobre 2006, aux fins de vendre le dit local ; ce congé contenait une offre de vente, valable pendant les deux premiers mois du préavis, au prix de 88 500 €.
Aux termes d'un acte notarié daté du 21 juillet 2006, l'immeuble du [Adresse 2], composé de deux corps de bâtiment, dont l'un comprend l'appartement loué à monsieur [S], a été vendu à la société civile 2L.
Saisi par la société 2L suivant assignation du 25 janvier 2007, le Juge des Référés du Tribunal d'Instance du 18ème arrondissement de Paris a, par ordonnance du 29 mars 2007, constaté l'existence d'une contestation sérieuse et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir devant le juge du fond.
Par acte d'huissier daté du 23 juillet 2007, la société 2L a fait assigner monsieur [S] devant le Tribunal d'Instance, aux fins, notamment et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de voir constater que monsieur [S] était déchu de tout titre d'occupation, de voir ordonner son expulsion sous astreinte, de le voir condamner au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation et de réduire les délais édictés par l'article 62 de la loi du 9 juillet 1991.
Le 10 septembre 2008, le Tribunal d'Instance a rendu le jugement dont monsieur [S] a relevé appel.
La clôture a été prononcée le 30 novembre 2010.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 22 octobre 2010, monsieur [J] [S] demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris en ses dispositions, sauf en ce qu'il a jugé qu'il avait subi un trouble de jouissance et, statuant à nouveau, de :
- dire et juger que le bail de monsieur [S] a été tacitement reconduit pour une durée de six ans, soit jusqu'au 9 octobre 2009 ;
- prononcer la nullité du congé délivré le 31 mars 2006 par la SNC DP IMMOBILIER, pour le 9 octobre 2006 ;
- enjoindre à la société civile 2L d'avoir à réaliser les travaux d'isolation de la cuisine et de la ventilation de l'appartement, sous astreinte de 100 € à compter de la décision à intervenir ;
- condamner la société civile 2L à payer la somme de 15 000 €, à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance ;
- subsidiairement, porter à la somme de 5 000 € le montant de l'indemnité pour le trouble de jouissance subi jusqu'au 9 octobre 2006 ;
- supprimer l'astreinte fixée par le Tribunal pour l'expulsion ;
- en tout état de cause, condamner la société civile 2L à payer la somme de 3 000 €, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- la condamner aux entiers dépens, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Dans ses dernières conclusions en réponse et de demande reconventionnelles n°2 signifiées le 16 novembre 2010, la SCI 2L demande à la Cour de :
- déclarer monsieur [S] mal fondé en son appel et l'en débouter ;
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, notamment, en ce qu'il a validé le congé pour vente délivré le 31 mars 2006 et en ce qu'il a constaté que monsieur [S] était déchu de tout titre d'occupation du logement litigieux depuis le 9 octobre 2006 ;
- y ajoutant, constater le caractère dilatoire de l'appel interjeté le 21 avril 2009 par monsieur [S], qui se prévaut d'un bail qui aurait expiré le 9 octobre 2009 dernier et continue de se maintenir dans les lieux sans droit, ni titre ;
- faire droit à la demande reconventionnelle de la SCI 2L et condamner en conséquence monsieur [S] à payer à la SCI 2L la somme de 5 000 €, à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- débouter monsieur [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;
- le condamner à payer à la SCI 2L la somme de 4 000 €, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
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SUR CE, LA COUR
* sur la durée du bail reconduit tacitement
Il est constant que, consenti pour une durée de six années, le bail d'origine ne précise pas que le bailleur est une société civile de famille au sens de l'article 13,a, de la loi du 6 juillet 1989, c'est à dire constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu'au 4ème degré inclus, et que le congé pour vendre a été délivré par une société en nom collectif DP IMMOBILIER, dont on ignore si elle était propriétaire lors de la tacite reconduction du bail (10 octobre 2003) et dont il n'est pas soutenu qu'elle serait une société civile ayant un caractère familial.
Or, la durée du bail varie selon la qualité (personne physique ou personne morale) des bailleurs successifs et doit être appréciée à la date de la reconduction tacite.
Faute, par la société intimée, de prouver qu'à la date de la reconduction tacite du bail, le logement était la propriété d'une société civile au sens de l'article 13,a, sus-visé, il ne peut être considéré que le bail du 10 octobre 1997 a été tacitement reconduit pour trois ans, à compter du 10 octobre 2003.
Il en sera déduit que le bail a été tacitement reconduit pour six années, soit jusqu'au 9 octobre 2009 inclus.
* sur la validité du congé pour vendre
Un congé donné pour une date prématurée n'est pas nul, mais ses effets sont reportés à la date pour laquelle il aurait dû être délivré.
Le congé pour vendre délivré le 31 mars 2006 sera dès lors validé pour le 9 octobre 2009 et l'appelant sera déchu de tout droit d'occupation sur les lieux loués à compter du 10 octobre 2009.
Le jugement sera en conséquence réformé en ce qui concerne la date d'effet du congé et celle de la déchéance de tout titre d'occupation sur le logement.
Il sera confirmé en ce qu'il a autorisé l'expulsion de monsieur [S], celle de tous occupants de son chef et en ce qu'il l'a condamné au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation, d'un montant égal au loyer résultant du bail expiré, charges en sus.
En revanche, dans la mesure où l'effectivité de l'expulsion est garantie par le concours de la force publique, il n'y a pas lieu d'assortir la mesure d'expulsion du prononcé d'une astreinte.
Le jugement sera réformé sur ce point.
* sur la demande de travaux
La validation du congé pour vendre entraînant la déchéance de tout titre d'occupation des lieux, monsieur [S] n'a plus qualité pour solliciter la réalisation de travaux.
Cette demande sera rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.
* sur la demande de dommages et intérêts pour troubles de jouissance
C'est par des motifs pertinents, non utilement critiqués par l'appelant et adoptés par la Cour, que le Tribunal a alloué à monsieur [S] la somme forfaitaire de 1 500 €, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice de jouissance subi par lui du fait des désordres affectant les lieux.
Le jugement sera confirmé sur ce point, monsieur [S] étant débouté de ses demandes tendant à voir augmenter le montant des dommages et intérêts à lui alloués par le Tribunal.
* sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
L'appel étant partiellement accueilli, il ne peut être fait grief à monsieur [S] de s'être maintenu dans les lieux dans l'attente de l'arrêt à intervenir sur le litige.
La preuve d'une résistance abusive de l'appelant n'étant pas rapportée, la demande en paiement de dommages et intérêts formée par la société intimée - qui n'a constitué avoué que le 2 décembre 2009, sur assignation de monsieur [S] du 10 septembre 2009 - ne peut qu'être rejetée.
Sur les frais irrépétibles
L'issue du litige exclut l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en faveur de monsieur [S].
S'il y a lieu de confirmer le jugement qui a alloué à la SCI 2L une indemnité de 600 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles exposés par elle en cause d'appel.
Il lui sera alloué de ce chef une indemnité complémentaire de 1 200 €, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a validé le congé pour vendre délivré le 31 mars 2006, pour le 9 octobre 2006 et sauf en ce qu'il a assorti l'expulsion d'une astreinte ;
Le réforme de ces chefs et, statuant à nouveau,
Valide le congé délivré le 31 mars 2006, pour le 9 octobre 2009 ;
Constate que monsieur [J] [S] est déchu de tout titre d'occupation sur le local qu'il occupe à [Adresse 4], depuis le 10 octobre 2009 ;
Dit n'y avoir pas lieu d'assortir l'expulsion du prononcé d'une astreinte ;
Déboute monsieur [J] [S] du surplus de ses demandes ;
Condamne monsieur [J] [S] à verser à la SCI 2L la somme complémentaire de 1 200 €, en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Déboute la SCI 2L du surplus de ses demandes ;
Condamne monsieur [J] [S] aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
La Greffière, Le Président,