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11/04/2012 | FRANCE | N°10/12286

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 11 avril 2012, 10/12286


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1



ARRET DU 11 AVRIL 2012



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/12286



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Février 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/00575





APPELANT



Monsieur [L] [R] [I] [U] [X]

[Adresse 3]

[Localité 2]



représenté par la SEL

ARL HANDS, avocats associés postulants au barreau de Paris

(L 0061)

assisté de Maître Jean BAGET, avocat au barreau de Pau plaidant pour la SCP BAGET-CLAVERIE, avocats associés





INTIMEE



SAS EL...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRET DU 11 AVRIL 2012

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/12286

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Février 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/00575

APPELANT

Monsieur [L] [R] [I] [U] [X]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par la SELARL HANDS, avocats associés postulants au barreau de Paris

(L 0061)

assisté de Maître Jean BAGET, avocat au barreau de Pau plaidant pour la SCP BAGET-CLAVERIE, avocats associés

INTIMEE

SAS ELF EXPLORATION PRODUCTION (ELF EP) prise en la personne de ses représentants légaux

dont le siège social est [Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par la SCP FISSELIER ET ASSOCIES, avocats postulants au barreau de Paris (L 0044)

assistée de Maître Dominique MENARD, avocat au barreau de Paris (J 033) plaidant pour la SCP HOGAN LOVELLS, avocats associés

COMPOSITION DE LA COUR :

Après le rapport oral de Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère, dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile et en application des dispositions de l'article 786 et 910 du même, l'affaire a été débattue le 28 Février 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire et Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Didier PIMOULLE, Président

Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère

Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Gilles DUPONT

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère en l'empêchement du Président et par Monsieur Gilles DUPONT, Greffier

* * *

Vu l'appel interjeté le 14 juin 2010 par [L] [X], du jugement contradictoire rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 17 février 2010 ;

Vu les dernières conclusions de [L] [X], appelant, signifiées le 17 janvier 2012 ;

Vu les dernières conclusions de la société ELF EXPLORATION PRODUCTION (SAS), ci-après ELF EP, intimée et incidemment appelante ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 14 février 2012 ;

SUR CE, LA COUR :

Considérant qu'il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures, précédemment visées, des parties ;

Qu'il suffit de rappeler que [L] [X], alors qu'il occupait un emploi salarié d'ingénieur géologue au service de la société ELF EP, a participé entre 1995 et 1998, dans le domaine de l'interprétation des images des parois des puits et du traitement des signaux diagraphiques, à la réalisation des inventions protégées par les brevets suivants :

* 4 brevets français déposés au nom de la société ELF EP :

-FR 95 10963, déposé le 19 septembre 1995, couvrant un procédé pour réaliser une représentation des textures d'une structure géologique,

-FR 96 06740, déposé le 31 mai 1996, portant sur une méthode de détermination automatique des bancs de stratification dans un milieu à partir d'images de paroi de puits ou de déroulé de carottes de ce milieu,

- FR 9715859, déposé le 15 décembre 1997, concernant une méthode de détection automatique des hétérogénéités planaires recoupant la stratification d'un milieu,

- FR 97 07329, déposé le 13 juin 1997, relatif à une méthode de caractérisation de la cohérence de mesures de caractéristiques d'un milieu,

* 2 brevets américains déposés par la société HALLIBURTON ENERGY SERVICES (Inc.), avec laquelle la société ELF EP avait conclu des contrats de recherche et développement et de prestations de services :

- US 6 295 504, déposé le 2 juin 2000, portant sur une méthode de regroupement basée sur les graphes multi-résolution,

- US 6 477 469, déposé le 8 janvier 2001, couvrant une méthode pour organiser, selon leurs relations mutuelles, les partitions d'un ensemble de données du niveau de détail le plus grossier au niveau le plus fin ;

Qu'il a fait adresser par son conseil, à la société ELF EP, un courrier en date du 29 mars 2006, aux termes duquel il demandait que les inventions précitées soient qualifiées d'inventions hors mission attribuables et, par conséquence, le paiement d'une juste rémunération en contrepartie de leur cession ;

Que la société ELF EP lui ayant fait répondre, par lettre officielle de son avocat du 3 octobre 2006, qu'elle refusait de donner suite à une telle demande, il l'a assignée devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins d'obtenir, pour prix des cessions consenties sur les inventions litigieuses, paiement de la somme de 10.500.000 euros ;

Que le tribunal de grande instance de Nanterre, par jugement du 6 décembre 2007, s'est déclaré incompétent pour connaître de la procédure et a transmis le dossier au tribunal de grande instance de Paris ;

Que la Commission nationale des inventions de salariés (CNIS), saisie en juillet 2007 par la société ELF EP, a estimé, par avis notifié le 21 avril 2008, que les inventions en cause ont été réalisées dans le cadre d'une mission inventive générale confiée par son employeur à [L] [X] et proposé le règlement amiable à ce dernier d'une rémunération supplémentaire de 50.000 euros ;

Que les parties n'étant pas parvenues à se concilier, la procédure a suivi son cours devant le tribunal de grande instance de Paris qui a, par le jugement dont appel :

- dit que les brevets dont [L] [X] est co-inventeur sont des inventions de mission,

- donné acte à la société ELF EP de son paiement volontaire de la somme de 1.244,25 euros au titre des primes de brevet afférentes aux brevets US 6 295 504 et US 6 477 469,

- condamné la société ELF EP à verser à [L] [X] la somme forfaitaire globale de 50.000 euros au titre des primes d'exploitation pour les brevets français FR 95 10963, FR 96 06740, FR 9715859, FR 97 07329 et les brevets américains US 6 295 504 et US 6 477 469,

- condamné la société ELF EP à verser à [L] [X] une indemnité de 35.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens ;

Que [L] [X], appelant, prie la cour de juger que ses inventions ont été réalisées hors mission et de désigner un expert aux fins d'évaluation de la juste rémunération devant lui revenir à ce titre, tandis que la société ELF EP, intimée et incidemment appelante, approuve le jugement entrepris en ce qu'il retient la qualification d'inventions de mission mais, estimant avoir rempli de ses droits [L] [X], conteste devoir lui payer une prime d'exploitation de 50.000 euros ;

Sur la qualification des inventions litigieuses,

Considérant que l'article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle dispose à cet égard:

Si l'inventeur est un salarié, le droit au titre de propriété industrielle, à défaut de stipulation contractuelle plus favorable au salarié, est défini selon les dispositions ci-après:

1. Les inventions faites par le salarié dans l'exécution soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d'études et de recherches qui lui ont été explicitement confiées, appartiennent à l'employeur. Les conditions dans lesquelles le salarié, auteur d'une telle invention, bénéficie d'une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les accords d'entreprise et les contrats individuels de travail.

(...)

2. Toutes les autres inventions appartiennent au salarié. Toutefois, lorsqu'une invention est faite par un salarié soit dans le cours de l'exécution de ses fonctions, soit dans le domaine des activités de l'entreprise, soit par la connaissance ou l'utilisation des techniques ou de moyens spécifiques à l'entreprise, ou de données procurées par elle, l'employeur a le droit, dans des conditions et délais fixés par décret en Conseil d'Etat, de se faire attribuer la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet protégeant l'invention de son salarié.

Le salarié doit en obtenir un juste prix qui, à défaut d'accord entre les parties est fixé par la commission de conciliation instituée par l'article L.615-21 ou par le tribunal de grande instance : ceux-ci prendront en considération tous éléments qui pourront leur être fournis notamment par l'employeur et par le salarié, pour calculer le juste prix tant en fonction des apports initiaux de l'un et de l'autre que de l'utilité industrielle et commerciale de l'invention (...). ;

Considérant qu'il est constant que le contrat de travail de [L] [X] ne stipule pas expressément à la charge du salarié une mission inventive ; qu'il indique que ce dernier occupera le poste d' 'ingénieur géologue à la direction exploration de la D.E.F.' mais ne renseigne pas plus précisément, aucun profil de poste n'étant annexé, sur les fonctions effectives du salarié ;

Considérant qu'il importe en conséquence d'examiner, ainsi qu'y invitent les dispositions précitées, si les inventions litigieuses ont été faites par le salarié dans le cadre d'études et de recherches qui lui ont été explicitement confiées ;

Que la cour relève à cet égard, à l'instar du tribunal, que [L] [X], exerçait, au cours de la période concernée, et depuis le mois de septembre 1992, les fonctions de chef du service d'études géologiques et qu'il a fait l'objet, à ce titre, d'une fiche d'évaluation annuelle, d'où il ressort, qu'il avait pour mission générale de donner l'orientation et d'assurer le suivi de la recherche et développement en particulier dans l'interprétation lithologique et le changement d'échelle dans le cadre des objectifs qui lui étaient impartis, année après année, par son employeur ;

Qu'il résulte ainsi des fiches d'évaluation versées aux débats par [L] [X] (pièces 27 à 30) :

- que celui-ci s'est vu fixer pour objectifs, en 1993 et 1994, la mise au point d'outils méthodologiques de synthèses diagraphiques notamment l'enregistrement de paramètres géophysiques des formations traversées par sondage et l'amélioration de l'efficacité de la chaîne colonne-puits sismique d'un point de vue méthodologique, en 1995, sous la rubrique Lithosismique, l'application des méthodes mises au point, le développement des travaux avec DTIS, la surveillance du bon fonctionnement de la nouvelle équipe, en 1997, le développement de la cohérence entre études géologiques et études réservoir, la poursuite de l'excellent travail réalisé sur l'imagerie, la valorisation et l'intégration dans les résultats dans les études opérationnelles ;

- que son employeur a loué en 1995 la qualité de son travail pour l'impulsion qu'il insuffle à son service, tant au niveau des études que de la recherche et l'a félicité en 1997 pour l'avancée des travaux sur l'imagerie avec la mise au point de méthodes opérationnelles ;

- qu'il a, pour sa part indiqué dans ses observations personnelles en 1997, qu'il souhaitait poursuivre et développer les applications géologiques et géophysiques des diagraphies pour une meilleure caractérisation des réservoirs ;

Considérant qu'il s'infère de ces éléments, ainsi que l'a exactement et pertinemment retenu le tribunal, que la société ELF EP a explicitement assigné à son salarié une mission constante d'études et de recherches, impliquant une mission inventive, dans le domaine de l'imagerie des puits en vue de l'intégration des résultats dans des études opérationnelles, et que les inventions litigieuses, réalisées par [L] [X] dans le domaine de l'interprétation des images des parois des puits et du traitement des signaux diagraphiques, l'ont été en exécution de la mission qui lui était impartie par son employeur et appartiennent, par application des dispositions précitées de l'article L.611-7 du Code de la propriété intellectuelle, à la société ELF EP ;

Considérant que pour contester une telle conclusion, [L] [X] fait grief au tribunal de n'avoir retenu que les pièces produites par le salarié alors qu'il incomberait à l'employeur, dès lors que les dispositions de l'article L.611-7, préjudiciables au salarié, sont d'interprétation stricte, de rapporter la preuve de l'invention de mission ;

Or considérant que le tribunal a procédé à une exacte application des dispositions légales en cause et s'est livré à une juste appréciation de l'ensemble des pièces, versées aux débats dans le respect du principe du contradictoire, utiles à la solution du litige ;

Considérant que [L] [X] fait encore grief au tribunal, d'avoir omis de relever que c'est de sa propre initiative, et en dehors de la mission impartie par l'employeur, qu'il a mis au point les outils informatiques adaptés aux besoins de l'exploration pétrolière au moyen desquels il a pu réaliser les inventions brevetées ;

Or considérant que [L] [X] ne saurait sérieusement contester que la mise au point d'outils informatique constitue le volet nécessaire d'une mission d'études et de recherches visant à améliorer l'interprétation de l'imagerie des parois des puits en vue d'une application opérationnelle dans le domaine de l'exploration pétrolière ;

Qu'en outre, force est de constater, (pièce 45 de la société ELF EP), qu'il a bénéficié au cours de la période considérée, de formations spécifiques, organisées et financées par son employeur, dans le domaine informatique et en particulier dans le domaine des logiciels adaptés à l'exploration géologique GIS-MODULE en 1997 et GEOLOG6 en 1998) et qu'en toute hypothèse, force serait d'observer que les outils informatiques qu'il se garde au demeurant d'identifier, ont été mis au point au moyen des budgets affectés annuellement par son employeur (pièce 35) à la mission de recherches et d'études qui lui a été conférée;

Considérant enfin, que [L] [X] ne saurait arguer de l'obtention en 1994 d'une prime de l'innovation, octroyée par son employeur, dès lors qu'il ne peut être sérieusement prétendu, que la société ELF EP viserait au moyen d'une telle prime, à encourager et à récompenser la réalisation par ses salariés d'inventions hors mission ;

Considérant que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a retenu que les inventions protégées par les brevets français et américains précités sont des inventions de mission ;

Sur la rémunération supplémentaire,

Considérant qu'il est constant que [L] [X] n'est pas seul auteur des inventions concernées mais coauteur avec, selon les inventions, un ou deux coauteurs ;

Considérant que le tribunal a exactement relevé que les protocoles d'accord conclus le 9 avril 1993 et le 11 mai 1998 par la société ELF EP avec les partenaires sociaux pour la rémunération des inventions des salariés prévoient à l'article 3 une prime de brevet d'un montant forfaitaire variant selon que le salarié est seul inventeur ou coauteur avec un autre inventeur, ou deux, ou plus, autres inventeurs, ainsi qu'une prime d'exploitation liée au succès et destinée à récompenser la contribution importante d'un inventeur, marquée par le dépôt d'un brevet, à la réussite d'une opération qui est passée au stade industriel et a prouvé sa rentabilité ;

Considérant qu'il n'est pas discuté que les primes forfaitaires de brevet ont été versées à [L] [X], y compris celles relatives aux deux brevets américains, qui ont fait l'objet de l'envoi d'un chèque en cours de procédure de première instance et que [L] [X] a refusé de remettre à l'encaissement ;

Considérant, en ce qui concerne les primes d'exploitation, que le tribunal s'est livré, au terme d'une exacte analyse des pièces versées aux débats et d'une évaluation pertinente des retombées économiques de chacun des brevets concernés pour la société ELF EP qui est mal fondée à soutenir, pour contester devoir à son salarié toute prime d'exploitation, que leur rentabilité ne serait pas prouvée, à une juste appréciation, que la cour approuve, de la rémunération complémentaire qu'il convient d'allouer à [L] [X] à concurrence de la somme totale de 50.000 euros ;

Considérant que le jugement sera encore confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et il n'y a pas lieu, en équité, d'allouer de ce chef à [L] [X] une indemnité complémentaire ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne [L] [X] aux dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/12286
Date de la décision : 11/04/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I1, arrêt n°10/12286 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-04-11;10.12286 ?
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