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23/05/2012 | FRANCE | N°10/07064

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 23 mai 2012, 10/07064


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1



ARRET DU 23 MAI 2012



(n° 135, 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/07064



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mars 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/00599









APPELANTE



Madame [LB] [R]

[Adresse 10]

[Localité 13]



représentée par M

aître Gaëlle VIZIOZ, avocat au barreau de Paris (E 839) substituant Maître Dominique PERRAN-ARRINDELL, avocat au barreau de PARIS (D 2127)











INTIMES



Monsieur [O] [X]

[Adresse 4]

[Localité 8]



Madam...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRET DU 23 MAI 2012

(n° 135, 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/07064

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mars 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/00599

APPELANTE

Madame [LB] [R]

[Adresse 10]

[Localité 13]

représentée par Maître Gaëlle VIZIOZ, avocat au barreau de Paris (E 839) substituant Maître Dominique PERRAN-ARRINDELL, avocat au barreau de PARIS (D 2127)

INTIMES

Monsieur [O] [X]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Madame [DU] [BG]

[Adresse 6]

[Localité 14]

Madame [A] [V]

[Adresse 7]

[Localité 12]

Monsieur [IB] [Y]

[Adresse 16]

[Adresse 16]

[Localité 14]

Monsieur [P] [K] [XE]

[Adresse 6]

[Localité 14]

représentés par Maître Catherine POSTEL-VINAY, avocat au barreau de Paris plaidant pour Maître Catherine DENOUN, avocat au barreau de PARIS (A 717)

Madame [D] [B]

[Adresse 3]

[Localité 13]

Madame [M] [DS]

[Adresse 3]

[Localité 13]

Monsieur [RP] [UU]

[Adresse 3]

[Localité 13]

Madame [T] [ZD]

[Adresse 3]

[Localité 13]

Monsieur [F] [GW]

[Adresse 3]

[Localité 13]

Madame [IR] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 13]

représentés par la SCP FISSELIER ET ASSOCIES, avocats postulants au barreau de PARIS (L 0044)

assistés de Maître Jean-Max DELAISSER, avocat au barreau de Paris (B 0430) plaidant pour la SCP BELOT-CREGUT-HAMEROUX, avocats associés au barreau de Saint-Denis (Réunion)

Monsieur [JW] [G]

[Adresse 5]

[Localité 9]

Madame [I] [MG]

[Adresse 1]

[Localité 11]

représentés par Maître Olivier BLOCH, avocat au barreau de PARIS (R 64)

COMPOSITION DE LA COUR :

Après le rapport oral de Madame [S] [E] dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile et en application des dispositions de l'article 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mars 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Marie GABER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire et de Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère faisant fonction de Président

Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

Madame Sylvie NEROT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Gilles DUPONT

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère faisant fonction de Président et par Monsieur Gilles DUPONT, Greffier

* * *

Vu le jugement contradictoire du 5 mars 2010 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,

Vu l'appel interjeté le 29 mars 2010 par [LB] [R],

Vu les dernières conclusions du 7 février 2012 de l'appelante,

Vu les dernières conclusions du 15 mars 2011 d'[I] [MG] et de [JW] [G], intimés et incidemment appelants,

Vu les dernières conclusions du 7 février 2012 de :

- [IR] [Z], intimée et incidemment appelante,

- [IB] [Y], intimé,

- [F] [GW], [D] [B], [RP] [UU], [M] [DS] et [T] [ZD], intimés et incidemment appelants,

Vu les dernières conclusions du 28 février 2012 de [DU] [BG], [P] [K] [XE], [A] [V] et [O] [X], intimés,

Vu l'ordonnance de clôture du 13 mars 2012,

SUR CE, LA COUR,

Considérant que [LB] [R] est, en particulier, l'auteur :

' de trois articles :

-'La classe adjectivale en créole réunionnais et mauricien', inclus dans un ouvrage édité par [K] [XE] en 1996 intitulé 'Matériaux pour étude des classes grammaticales dans les langues créoles' rassemblant diverse contributions de chercheurs dont celles de [IB] [Y], [T] [ZD], [A] [V] et [K] [XE],

-'Les marqueurs du passé et de l'accompli en créole réunionnais', constituant une des 14 études d'un recueil intitulé 'Regards sur l'aspect' édité en 1998 s'adressant aux linguistes,

-'L'expression du futur en créole réunionnais' présenté à Beyrouth (Liban) en 1999, avec de nombreux autres articles de tiers, lors des VIèmes Journées scientifiques du Réseau thématique intitulées 'L'éloge de la différence : La voix de L'autre',

' d'une thèse intitulée 'Etude comparée des systèmes verbaux en créole, réunionnais et mauricien' sous la direction de [IB] [Y] professeur à la faculté des lettres de l'université de [17], qui a été soutenue le 23 octobre 2000 devant un jury présidé par [K] [XE] professeur à l'université de la [18], imprimée par l'Atelier National de Reproduction des Thèses (ANRT) et dont il n'est actuellement pas dénié qu'elle a été publiée en mars 2003 ;

Que [LB] [R] estimant que son ancien directeur de thèse, [IB] [Y], des chercheurs ou universitaires ([JW] [G], [DU] [BG], [A] [V], [M] [DS], [D] [B], [RP] [UU], [T] [ZD], [F] [GW], [IR] [Z], [P] [K] [XE] et [I] [MG] ) dont certains la connaîtraient, ainsi qu'un ancien étudiant, [O] [X], ont repris ses travaux sans son autorisation, dans divers articles, et pour [O] [X] dans un mémoire de DEA et un projet de thèse, elle a fait assigner ces treize personnes les 22 juillet, 12 et 30 septembre, 6,1,9 et 21 octobre, 1er, 3, 9 et 29 décembre 2008 devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d'auteur ;

Que, selon jugement dont appel, les premiers juges ont estimé que la demanderesse n'apportait la preuve d'aucune divulgation des écrits revendiqués, la déclarant irrecevable en ses demandes tout en relevant que ses travaux ne constitueraient qu'une modélisation linguistique, non protégeable comme ne constituant pas une oeuvre de l'esprit empreinte de la personnalité de son auteur et que les écrits contestés ne reproduiraient pas formellement les extraits revendiqués et en sanctionnant son action à l'encontre des défendeurs comme abusive ;

Considérant qu'en cause d'appel, il n'est pas sérieusement contesté que [LB] [R] justifie de la divulgation sous son nom des écrits précités, à date certaine ; que la décision entreprise ne pourra qu'être infirmée de ce chef ;

Considérant que [LB] [R], réitérant pour l'essentiel ses moyens de première instance, prétend que des passages de ses écrits originaux auraient été abusivement utilisés peu après sa soutenance de thèse, par [K] [XE], et serait la cause de son non recrutement au CNRS, puis par les autres intimés, lesquels la paraphraseraient ou reprendraient, en violation de son droit de paternité, ses références ou citations, ainsi que l'enchaînement de ses idées dans sa réflexion sur la linguistique créole, ou dénatureraient ses recherches ; qu'à cet égard, elle prétend que le jugement serait réducteur, et dénie toute faute dans l'exercice de son action, nonobstant le nombre de mis en cause, arguant par contre de dénonciations calomnieuses émanant de [K] [XE], [O] [X], [IB] [Y], [SV] [BG], [F] [GW] et [IR] [Z] ; qu'elle forme subsidiairement des demandes pour concurrence déloyale et parasitaire et résistance abusive ;

Considérant que les intimés dénient formellement toute appropriation d'éléments originaux ou références relevant du droit d'auteur, et toute faute de leur part, [F] [GW], [D] [B], [RP] [UU] [M] [DS], [T] [ZD], [IR] [Z], ainsi que [I] [MG] et [JW] [G], demandant, par ailleurs, une augmentation de l'indemnité qui leur a, en fait, été allouée en première instance pour procédure abusive ;

Sur la contrefaçon et les faits reprochés à titre principal

Considérant que, sur la contrefaçon, l'appelante établit un tableau récapitulatif de ses griefs à l'encontre des intimés, comme auteurs ou éditeurs, en pages 3 à 7/106 de ses écritures, et des tableaux comparatifs présentant des extraits en pages 18 et 19 (concernant [M] [DS]), 25, 29, 30 à 33 (pour [F] [GW]), 38 et 39, 41, 42 et 43 (s'agissant de [T] [ZD]), 45 à 48 (pour [A] [V]), 49 à 51 (concernant [K] [XE]), 52 (pour [DU] [BG]) , 54 à 56, et 57 (s'agissant de [O] [X]) ;

Que ses critiques concernent en particulier :

1) les articles suivants, respectivement de :

' [P] [K] [XE] intitulé 'temps, aspect et mode en Mauricien' de la revue 'L'information grammaticale' de mars 2001,

' [F] [GW], universitaire, intitulé 'Grammaire créole et grammaire française' publié dans la revue de sociolinguistique en ligne 'GLOTTOPOL' de juillet 2003 comportant une introduction de [D] [B] et [M] [DS] respectivement comme organisatrice du colloque (6ème table ronde du Moufia de 2001) et éditrice des actes, et un autre de 2003 intitulé 'Le système verbal du créole réunionnais : flexion, auxiliaires, relation prédicative' inclus dans un numéro des Etudes créoles de l'agence de la francophonie dénommé 'Créoles de l'Océan Indien : éclairages & perspectives' présenté par [RP] [UU], et dont l'appelante prétend que [IB] [Y] serait co-éditeur avec ce dernier,

' [M] [DS], chercheur au CNRS, intitulé 'Regards sur l'évolution des mélanges codiques à la Réunion : L'avènement de l'interlecte'' de la revue en ligne précitée 'GLOTTOPOL' de 2003 dont l'appelante prétend que [D] [B] est éditrice,

' [A] [V], universitaire, intitulé 'Grammaticalisations en créole haïtien : Morceaux choisis' de la revue 'CREOLICA' d'avril 2003,

' [DU] [BG], chercheur au CNRS, intitulé 'Qui a dit « simple »' Organisation informative et interaction entre rôles sémantiques et syntaxiques' inclus dans un volume 'Mondes créoles et francophones' de 2007 réunissant, sous la direction notamment de [P] [K] [XE], diverses contributions, en hommage à [IB] [Y] auteur en particulier en 1974 d'une thèse d'Etat sur le créole réunionnais et fondateur de l'institut d'études créoles à [Localité 14], et un autre intitulé 'Quelques évolutions syntaxiques en créole seychellois' de 2005 disponible en ligne,

' [T] [ZD], dénommé 'La Genèse des créoles de l'océan indien: L'éclairage des marqueurs du dimorphisme verbal en réunionnais', constituant l'un des textes réunis et présentés par [JW] [G] et [I] [MG] dans un ouvrage de 2007 intitulé 'Grammaires créoles et grammaire comparative',

2) d'autres écrits tels :

' un ouvrage de [T] [ZD] de 2004 intitulé 'Grammaire du créole réunionnais', 

' un projet de thèse de [O] [X], sous la direction de [K] [XE], intitulé 'Temps et aspect en créole haïtien et en créole mauricien : comparaison constrastive de l' émergence et du fonctionnement sémantico-syntaxique des marqueurs TMA', et le résumé du mémoire de DEA sur 'Les phénomènes de grammaticalisation et de réanalyse dans le processus de créolisation' de ce même étudiant, sous la même direction,

' une version, avec introduction de [IR] [Z] qui se substituerait à celle de l'appelante, de l'ouvrage collectif 'Lexique(s), culture(s) et construction identitaire' du laboratoire du CIRCI (Centre Interdisciplinaire de Recherches sur la Construction Identitaire) de La Réunion, que [LB] [R] prétend avoir dirigé avec un tiers ;

Considérant que si l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, il incombe, à celui qui entend se prévaloir de la protection au titre d'auteur, de caractériser l'originalité de cette création, seules la représentation, la reproduction ou l'exploitation, sans le consentement de leur auteur, de caractéristiques protégeables au sens de la loi, c'est à dire originales, étant constitutive de contrefaçon ;

Que l'appelante reproche aux intimés de s'être approprié ses apports originaux sans la citer ni reconnaître son droit à la paternité, en la discréditant, se prévalant essentiellement au titre de la contrefaçon, sauf en ce qui concerne [IR] [Z], de l'originalité des 3 articles précités 'La classe adjectivale en créole réunionnais et mauricien', 'Les marqueurs du passé et de l'accompli en créole réunionnais' et 'L'expression du futur en créole réunionnais' ainsi que de l'ouvrage divulguant sa thèse sur l''Etude comparée des systèmes verbaux en créole, réunionnais et mauricien' ; qu'elle fait valoir qu'elle ne s'est pas contentée de reprendre les travaux d'autres auteurs, mais a effectué des recherches pour collecter des données et procédé à une analyse personnelle du

système verbal des créoles réunionnais et mauricien, tels $gt; ; qu'elle indique avoir notamment défini l'expression du futur en créole réunionnais ainsi que les formes longues et formes courtes en créole réunionnais et mauricien, et avoir, en particulier :

- $gt;, sa méthodologie reliant les notions verbales aux marqueurs,

- réalisé $gt;, proposant $gt; de ces créoles et procédant à une nouvelle analyse du morphème verbal 'i' en créole réunionnais, établissant une règle grammaticale selon laquelle ce morphème $gt; ;

Qu'il n'est pas sans intérêt de relever que :

- la thèse de l'appelante cite comme antériorités des travaux de quatre intimés : [IB] [Y], [K] [XE], [SV] [BG] et [A] [V],

- le rapport sur sa soutenance, s'il fait état d'un projet d'ensemble original de comparaison des créoles et d'une contribution importante à de futures recherches, constituant un réel apport aux travaux de description des créoles de l'Océan Indien, ayant justifié que le jury lui décerne à l'unanimité la mention 'Très Honorable' sans toutefois y ajouter ses félicitations, note que l'apport majeur ne réside sans doute pas dans le débat théorique sur la genèse du mauricien, mais précieux par une analyse comparée minutieuse de deux parlers conduite selon les mêmes principes descriptifs ;

Que, certes ,l'appelante soutient que ce rapport, signé par [IB] [Y] et [K] [XE], sous estime ses travaux et produit, à cet égard, une recommandation du 16 janvier 2008 du titulaire de la Chaire de Théorie Linguistique au Collège de France faisant état de travaux novateurs, mais ce dernier se borne à citer concernant sa thèse ses champs de recherche et l'objet de son travail de terrain ; que, par ailleurs, l'attestation du 6 octobre 2009 (pièce 22 [BG] et autres) d'un autre tiers au procès, [C] [VZ] [H], qui indique avoir fait un pré rapport sur cette thèse ayant pour but de faire ressorti les similitudes entre deux créoles pour valider une hypothèse d'origine commune, précise que ce travail est $gt; mentionnés dans l'ouvrage et qu'il comporte $gt; sans pour autant $gt; ;

Qu'il sera, enfin, rappelé que si un droit exclusif sur une oeuvre particulière n'est pas sérieusement discutable, seule la forme dans laquelle une idée, même novatrice, est exprimée est susceptible de protection, les théories ou méthodes scientifiques imaginées n'étant pas couvertes par le droit d'auteur mais relevant d'un fonds commun devant permettre de nourrir d'autres recherches ; que le fait d'opérer des choix de présentation ou d'utiliser des concepts lexicaux pour décrire une langue ne suffit pas en soi à caractériser un acte de création, lequel droit traduire l'empreinte de la personnalité de son auteur, et la simple collecte d'informations, si elle relève d'un travail personnel important ne traduit pas un effort créateur au sens du droit d'auteur ; qu'en conséquence la reprise de certaines

données ou de quelques références bibliographiques ne saurait, à elles seules, constituer des actes de contrefaçon, étant observé que l'examen des tableaux comparatifs produits montre l'absence d'identité textuelle, les passages incriminés ne reprenant pas formellement les extraits revendiqués, ainsi que justement relevé par les premiers juges  ;

Considérant qu'il convient, au vu de l'ensemble de ces éléments, d'examiner les faits reprochés à chacun des intimés, et préalablement ceux imputés à [IR] [Z] qui, à la différence des autres, ne sont pas fondés sur les 3 articles ou la thèse précités de l'appelante, mais uniquement sur un ouvrage collectif postérieur 'Lexique(s), culture(s) et construction identitaire' dont elle revendique la direction, sans pour autant établir de divulgation sous son nom ;

Sur les actes reprochés à [IR] [Z]

Considérant que [LB] [R] impute à [IR] [Z] la reprise d'un travail, réalisé avec [N] [W] [PK] [YJ] qui n'est pas en cause, pour réunir les articles d'un ouvrage collectif, la substitution de son nom aux leurs et de son introduction ainsi que la suppression de deux articles ; que [LB] [R] présentait l'ouvrage revendiqué comme s'inscrivant dans le $gt;, mais ce travail n'a pas été validé par le CIRCI et n'a fait l'objet d'aucune diffusion, [PK] [YJ] déplorant, au demeurant, cette absence d'édition sous leurs noms dans une attestation du 6 juillet 2010, par elle produite ;

Que seul l'ouvrage modifié, incriminé, a été approuvé, à l'unanimité, par le CIRCI, suivant procès verbal du 22 février 2008, mais n'a pas plus été divulgué, l'université de La Réunion ayant renoncé, selon lettre circulaire du 6 juin 2011, à sa publication, chacun des contributeurs retrouvant l'entière liberté de valoriser sa production ;

Qu'il s'infère de ces éléments que l'appelante ne saurait valablement se prévaloir d'une quelconque exploitation de l'ouvrage en cause et ne démontre pas plus l'existence d'une faute de [IR] [Z] dans le remaniement du projet initial que le CIRCI n'a pas entendu valider ; qu'il sera ajouté que n'est pas plus caractérisé de dénigrement de son travail par l'intimée ; qu'en conséquence toutes les demandes présentées à titre principal à l'encontre de [IR] [Z] ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les actes reprochés à [IB] [Y]

Considérant que l'appelante reproche à son ancien directeur de thèse l'édition d'un article de [F] [GW] ; que cependant [IB] [Y] dénie formellement être coéditeur du texte dont s'agit, publié en 2003 dans la revue 'Etudes créoles' (Volume XXVI n°2), précisant qu'il a simplement écrit un article distinct ; qu'à l'examen de la pièce 2, produite à cet égard par l'appelante, force est de constater qu'effectivement [IB] [Y] a écrit le dernier article publié dans ce volume, qui n'est pas critiqué, et que son nom n'apparaît que comme référence bibliographique de

l'article incriminé, la programmation éditoriale ayant été confiée à [J] [H] qui se proposait $gt; écrit notamment par [IB] [Y] ; qu'il ne résulte pas plus de la pièce 11 de l'appelante que [IB] [Y] serait responsable de la publication d'un article d'un autre intimé ([K] [XE]) dans 'L'Information grammaticale' de mars 2001, n'y apparaissant que comme l'auteur d'un article distinct ; qu'enfin il n'est pas plus établi que [IB] [Y], dont aucun écrit n'est en cause, a formulé de fausses allégations ou entendu nuire à la réputation de [LB] [R] dont le sujet de thèse s'inscrit dans la ligne de ses propres travaux, même si elle fait valoir qu'elle s'en est détachée en procédant notamment à une analyse syntactico-sémantique du morphème verbal 'i' ; qu'aucune faute ne s'avère caractérisée à l'encontre de [IB] [Y], étant observé que le fait de rappeler que [LB] [R] a été son étudiante ou d'estimer qu'elle ne saurait s'arroger le monopole de thèmes qu'il indique avoir déjà traités ne pouvant relever d'une 'calomnie' ; que l'ensemble des demandes formées à titre principal à l'égard de [IB] [Y] ne saurait ainsi prospérer ;

Sur les actes reprochés à [F] [GW]

Considérant qu'outre l'article susvisé, un second article de 2003 de [F] [GW] est argué de contrefaçon, [LB] [R] estimant qu'il aurait repris à son compte en les maquillant et les dénigrant des résultats inédits qu'elle aurait mis en évidence sur le créole réunionnais : formes courtes et longues des verbes, expression du futur, actant zéro équivalent de 'on' et analyses sur le morphème verbal 'i' ;

Que force est cependant de constater que l'examen des écrits en cause, pas plus que des tableaux comparatifs de l'appelante ne permettent pas de caractériser des emprunts non autorisés d'éléments qui relèveraient du droit d'auteur ou justifieraient une citation du nom de [LB] [R] qui admet que [F] [GW] 'ne plagie pas dans les faits d'écrits' et donne ses propres exemples ;

Qu'en réalité les faits reprochés apparaissent relever de constats sur l'emploi ou la forme du morphème 'i' en créole réunionnais, d'une règle de troncation concernant les verbes, la forme du futur et un pronom et [LB] [R] n'établit pas que l'utilisation de thèmes de recherches dans le langage créole relèverait du droit d'auteur alors notamment que préexistait une comparaison syntaxique du créole réunionnais et du français publiée par l'université de La réunion en décembre 1985 ;

Qu'il s'avère que les articles litigieux proposent leur propre analyse, tant en la forme qu'au fond, et que les passages plus particulièrement incriminés portent sur des propriétés grammaticales connues ou des termes relevant du domaine commun et la reprise de résultats susceptibles de traduire l'empreinte de la personnalité de [LB] [R] ne s'avère pas démontrée ;

Qu'il n'est pas plus prouvé que seuls des agissements fautifs ne permettraient pas de déceler d'actes contrefaisants dans les écrits incriminés, ni que des faits de harcèlement, discrimination ou entrave seraient caractérisés en la cause ;

Que toutes les prétentions formées à titre principal par l'appelante à l'encontre de [F] [GW] ne pourront dans ces conditions qu'être rejetées ;

Sur les actes reprochés à [M] [DS]

Considérant qu'outre sa qualité de co éditrice d'un des deux articles précités de [F] [GW], dont le caractère illicite n'est pas retenu, ce qui exclu une condamnation de [M] [DS] à ce titre, il est imputé à cette dernière une appropriation, dans un article de juillet 2003, d'observations de l'enquête de terrain et de l'analyse des formes longues et courtes ; que l'appelante prétend qu'elle se serait largement inspirée de son sujet d'étude et ferait état, sans la citer, de sa distinction des formes des verbes en créole réunionnais ; que toutefois il n'apparaît pas que le fait que des extraits succincts de l'article critiqué validerait le corpus d'un autre auteur ou citerait sur le thème des formes longues ou courtes un autre chercheur et non le travail [LB] [R] caractérise des actes de contrefaçon, alors qu'aucun emprunt irrégulier au sens du droit d'auteur ne s'avère résulter de l'examen des textes en cause ni des tableaux comparatifs établis par l'appelante ;

Que les demandes formées à l'encontre de [M] [DS] au titre de la contrefaçon ne sauraient dans ces conditions être accueillies ;

Sur les actes reprochés à [D] [B] et [RP] [UU]

Considérant qu'il en de même des demandes formées à l'encontre de [D] [B] et de [RP] [UU] dans la mesure où les seuls reproches formulés à leur égard tiennent à leur qualité de co éditeurs des articles incriminés de [F] [GW] et en outre pour [D] [B] également de sa qualité d'éditrice de l'article précité de [M] [DS], tous écrits dont le caractère contrefaisant n'est pas retenu ;

Sur les actes reprochés à [T] [ZD]

Considérant que [LB] [R] reproche à [T] [ZD] de se référer à diverses analyses grammaticales sans la citer et, plus particulièrement, d'avoir repris, dans un article de 2007, sa distinction des formes courtes et longues du créole réunionnais, de faire référence à la duplication verbale, d'évoquer la variété et la contraction du morphème 'i' dans un article dont elle compare de courts extraits ; que l'évocation incidente de l'alternance de formes, donnée déjà relevée en matière linguistique, ou de phénomène de réduplication verbale, ou d'amalgame du morphème 'i' relevant de simples observations, ne saurait à l'évidence suffire à permettre de retenir un emprunt contrefaisant de données originales au sens du droit d'auteur ; que [LB] [R] soutient que dans un ouvrage de 2004 [T] [ZD] aurait reformulé des

données qu'elle lui aurait empruntées, tout en fournissant des exemples qui s'avèrent peu probants et ne sauraient caractériser des faits constitutifs de contrefaçon ; qu'il sera enfin relevé que si dans ses motifs [LB] [R] argue de faits de discrimination et de dénigrement il n'est formé aucune demande à ce titre en principal à l'encontre de [T] [ZD] ;

Sur les actes reprochés à [I] [MG] et [JW] [G]

Considérant que les demandes formées à titre principal à l'encontre d'[I] [MG] et de [JW] [G] ne sauraient pas plus prospérer, puisqu'il leur est reproché d'avoir co dirigé l'ouvrage ayant réuni et présenté neuf textes, dont l'article incriminé (30 pages) de [T] [ZD] dans un ouvrage de grammaires créoles et grammaire comparative de 2007, contenant de manière totalement incidente des règles de données linguistiques connues, qui ne sont pas constitutives d'emprunts illicites, même si l'appelante a également étudié, dans un autre cadre, les phénomènes en cause ;

Sur les actes reprochés à [P] [K] [XE], [DU] [BG] et [A] [V]

Considérant que [P] [K] [XE], [DU] [BG], et [A] [V] ont été cités par l'appelante dans la bibliographie de sa thèse ; qu'elle leur reproche respectivement d'avoir repris ses développements sur les marqueurs, ses travaux ou analyses, tout en bloquant son recrutement au CNRS alors qu'elle avait été accidentée en 1999, et de transposer son modèle de description théorique ;

Considérant que [K] [XE] a édité la première publication de [LB] [R] et n'a pas plus que [SV] [BG] écrit sur le créole réunionnais, son champ d'étude portant sur le créole mauricien ; que si l'utilisation de marqueurs ou de théories visés dans les écrits de [LB] [R] lui est reprochée, il résulte de l'examen des écrits en cause que sa perspective s'avère différente ; qu'il sera relevé que les tableaux comparatifs des quelques brefs extraits d'un article de 2001 incriminés s'avèrent au demeurant peu révélateurs d'une réelle ressemblance des propos en cause et contredits par l'analyse comparative de [K] [XE] (pages 29 à 32/46 des écritures précitées) même s'il ne dénie pas l'existence de thèmes communs (expression par le terme 'fek' de l'accompli immédiat) ; qu'en réalité il n'est pas démontré que son travail encourt le grief de contrefaçon de développements originaux de [LB] [R] ; qu'il ne peut pas plus être admis que des agissements fautifs engageant sa responsabilité civile, mais également celle de [SV] [BG] qui a été recrutée au CNRS, sont établis, étant relevé à cet égard que l'appelante a exercé un recours devant le Conseil d'Etat ;

Considérant que s'agissant des faits de contrefaçon reprochés à [SV] [BG] deux de ses articles sont en cause, l'appelante comparant de brefs extraits ; que la reprise d'un thème linguistique (oralité) , de constatations ou de références bibliographiques, de termes descriptifs et techniques (marqueurs), ou d'un phénomène grammatical connu en

créole mauricien (phrases sans sujet) ne sauraient permettre de retenir une contrefaçon alors que l'intimée démontre à suffisance, en détaillant deux exemples (en pages 26 et 27/46 des écritures du 28 février 2012), avoir en fait poursuivi ses propres analyses antérieures, dans un contexte et avec des corpus différents ; qu'en réalité aucune preuve de reproduction ou adaptation d'une combinaison constitutive d'une oeuvre de l'esprit au sens du droit d'auteur ne s'avère rapportée à son encontre ;

Considérant qu'il n'est pas dénié que [A] [V], pour sa part, ne travaille que sur le créole haïtien, non examiné dans les écrits revendiqués ; que l'appelante prétend cependant que dans l'article de 2003 incriminé elle se serait 'appuyée' sur son analyse du système verbal des créoles de l'Océan indien reprenant ses théories ; qu'elle vise plus précisément divers extraits de l'article ; que l'intimée relève cependant à juste titre que la parenté des créoles français explique des ressemblances d'observations ou descriptions grammaticales, que le métalangage est le bien commun de tous les linguistes et que de simples faits linguistiques ne sauraient justifier une appropriation ; que l'article critiqué relève en réalité d'une approche propre de grammaticalisation opérée par [A] [V] dans la continuité de ses travaux antérieurs, ce qui est conforté en particulier par une analyse comparative d'[L] [BE] professeur honoraire à l'université [15] membre du jury de sa thèse de doctorat produite aux débats (pièce 21) ; qu'aucune appropriation d'éléments protégeables au titre du droit d'auteur ne s'avère réellement démontrée et il ne peut pas plus être sérieusement reproché à [A] [V] d'avoir évoqué l'existence de plusieurs études sur la grammaticalisation des créoles sans la citer, dans un article qui n'a pas vocation à inventorier tous les travaux antérieurs sur des créoles différents de celui étudié ; qu'en définitive la preuve de faits de contrefaçon, exclusifs de la liberté scientifique en matière de linguistique, ne s'avèrent pas établis à l'encontre de [A] [V] ;

Sur les actes reprochés à [O] [X]

Considérant qu'il sera relevé que le projet incriminé de [O] [X] n'apparaît pas avoir été utilisé pour sa thèse et que seul est, par ailleurs, incriminé un résumé de son mémoire de DEA ; que l'appelante se fonde à la fois sur des éléments de sa propres thèse et sur un projet de recherche pour le CNRS non public dont elle allègue qu'il aurait pu être porté à la connaissance de l'intéressé, ce qu'il dénie formellement, par l'intermédiaire de son directeur de thèse [K] [XE], ce qui n'est pas démontré ; qu'elle ne dénie pas que la thèse de [O] [X] compare les créoles haïtien et mauricien, ce qu'elle n'a pas fait personnellement , en particulier dans sa propre thèse, seule opposable à [O] [X] ; qu'elle soutient cependant que cette 'réduction' n'exclurait pas la reprise de l'étude du TMA du créole mauricien, ni du contenu qui serait simplement masqué, sans pour autant apporter de réelles précisions sur cette affirmation ; que ses tableaux comparatifs portant sur le projet de thèse et sur le résumé de DEA, s'ils montrent l'existence de thèmes communs (phénomènes de grammaticalisation et de réanalyse) mettent également en exergue des présentations ou formulations différentes traduisant un travail personnel, et non 'la moindre évidence de contrefaçon' ainsi que le

relève [OF] [U] professeur à l'université de [19] (pièce 36) qui précise avoir eu l'occasion de comparer les textes en cause ; que l'examen du mémoire faisant suite à un travail de maîtrise et des documents concernant la thèse de [O] [X] ne permettent pas plus de retenir à son encontre une appropriation d'éléments relevant du monopole du droit d'auteur ni d'agissements engageant sa responsabilité, étant observé que le fait de citer [LB] [R] dans sa thèse, en précisant que son travail n'a pas été utilisé, ne sautait caractériser une faute ; que toutes les demandes formées à titre principal à l'encontre de [O] [X] seront rejetées, y compris celles afférentes à sa thèse ;

Considérant qu'il ne résulte pas des comparaisons auxquelles la cour a procédé des écrits en cause de reprises justifiant une sanction au titre de la contrefaçon de droits d'auteur à l'encontre de l'un quelconque des intimés ;

Sur les demandes subsidiaires

Considérant que les actes reprochés ne relèvent pas plus d'actes de concurrence déloyale et parasitaire, invoqués à titre subsidiaire par [LB] [R] ; qu'à supposer que les demandes présentées à ce titre, pour la première fois en cause d'appel, soient recevables, il ne saurait en effet être valablement reprochés aux intimés, qui justifient d'un effort personnel des auteurs des écrits incriminés, une appropriation injustifiée d'informations résultant du travail intellectuel de l'appelante ; qu'aucune faute caractérisée ne permet de retenir que les intimés profitent de façon illégitime des efforts de [LB] [R], de ses recherches et du temps passé ; qu'il n'est pas plus établi qu'ils s'en sont 'largement inspirés' et auraient ainsi fautivement omis de la citer dans leurs sources ;

Considérant enfin que l'appelante, qui succombe en toutes ses prétentions au fond ne saurait valablement prétendre que la résistance des intimés à son action est abusive ;

Sur les demandes reconventionnelles pour procédure abusive

Considérant, toutefois, que si l'action de [LB] [R] ne s'avère pas fondée, il n'est pas pour autant démontré qu'elle a revêtu, tant en première instance qu'en cause d'appel, un caractère malin et, en conséquence, abusif qui ouvrirait droit à indemnité compensatoire ; que les demandes formulées à ce titre seront rejetées, le jugement entreprise étant infirmé sur ce point ;

PAR CES MOTIFS,

Infirme la décision entreprise, sauf en ce qu'elle a rejeté l'exception de nullité de l'assignation de [IR] [Z] et condamné [LB] [R] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens,

Statuant à nouveau dans cette limite,

Déboute [LB] [R] de l'ensemble de ses demandes,

Rejette toutes les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts pour procédure abusive, et toutes autres demandes des parties contraires à la motivation,

Condamne [LB] [R] aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, et à verser à chacun des treize intimés - [IB] [Y], [JW] [G], [DU] [BG], [A] [V], [M] [DS], [D] [B], [RP] [UU], [T] [ZD], [F] [GW], [IR] [Z], [K] [XE], [I] [MG] et [O] [X] - une somme complémentaire de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/07064
Date de la décision : 23/05/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I1, arrêt n°10/07064 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-23;10.07064 ?
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