Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRET DU 23 JANVIER 2013
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/22963
Sur renvoi après cassation du 26 octobre 2010 d'un arrêt rendu le 1er avril 2009 par la Cour d'Appel de PARIS (4ème CH. Section A) RG : 07-16702 sur appel d'un jugement rendu le 05 septembre 2007 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS (3ème CH. 3ème section) RG : 06-01159
DEMANDERESSE A LA SAISINE
SAS J.M. WESTON
prise en la personne de son Président
[Adresse 8]
[Adresse 9]
[Localité 3]
Représentée par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER (Me Charles-hubert OLIVIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0029)
assistée de Me Michel-paul ESCANDE de la SELARL M-P ESCANDE (avocat au barreau de PARIS, toque : R266)
DÉFENDERESSE A LA SAISINE
Société CAPUCE
prise en la personne de son Président du Conseil d'administration, M. [O] [K]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par la SELARL HJYH Avocats à la cour (Me Patricia HARDOUIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0056)
assistée de Me Marie-marthe JESSLEN (avocat au barreau de PARIS, toque : E0067)
et de Me Michèle MERGUI, (avocat au barreau de PARIS, toque : R275)
COMPOSITION DE LA COUR :
Après le rapport oral dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile et en application des dispositions de l'article 786 et 907 du même code, l'affaire a été débattue le 28 novembre 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président, et Madame Anne-Marie GABER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président,
Madame Anne-Marie GABER, Conseillère
Madame Sylvie NEROT, Conseillère, appelée d'une autre Chambre pour compléter la Cour,
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Claude HOUDIN
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président, et par Madame Marie-Claude HOUDIN, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Vu le jugement contradictoire du 5 septembre 2007 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,
Vu l'arrêt confirmatif de cette cour du 1er avril 2009,
Vu l'arrêt de cassation partielle du 26 octobre 2010 rendu par la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation,
Vu la déclaration de saisine du 12 novembre 2010 de la société J.M WESTON (ci-après dite WESTON),
Vu les dernières conclusions du 30 octobre 2012 de la demanderesse à la saisine,
Vu les dernières conclusions du 12 novembre 2012 de la société CAPUCE, défenderesse à la saisine,
Vu l'ordonnance de clôture du 20 novembre 2012,
SUR CE, LA COUR,
Considérant qu'il sera rappelé que la société WESTON, se prévalant de droits d'auteur et de modèle sur une chaussure mocassin qu'elle commercialise sous l'appellation 'Mohican' (et actuellement sous la dénomination mocassin '180") a fait assigner la société CAPUCE, exploitant de chaussures sous la marque 'Paraboot', en contrefaçon à raison de la commercialisation d'un mocassin dénommé 'Manet' ;
Considérant qu'il a été irrévocablement jugé que la société WESTON n'établit pas être titulaire de droits d'auteur depuis 1946 sur la chaussure en cause, la cour de cassation ayant en particulier retenu que l'arrêt de cette cour du 1er avril 2009 $gt; ;
Considérant, en revanche, que cet arrêt a été cassé en ce qu'il a confirmé l'annulation prononcée par le tribunal de grande instance le 5 septembre 2007 du modèle déposé le 29 janvier 1991 sous le n° 910560 et le rejet de l'action en contrefaçon fondée sur les droits issus de ce dépôt remettant, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt ;
Considérant que les premiers juges après avoir notamment relevé que la société CAPUCE produisait un extrait de l'ouvrage 'L'art de bien se chausser' de [B] [I] faisant état en page 56 'd'un mocassin de l'américain [S] [U] [M] qui a, en 1936, créé la première paire s'inspirant d'un modèle norvégien' et estimé que $gt; avaient admis que la société CAPUCE apportait la preuve que $gt; ;
Que la Cour de Cassation a retenu que la cour d'appel en se déterminant au vu de la publication précitée, $gt; n'a pas donné de base légale à son arrêt confirmatif ;
Considérant qu'il n'est pas discuté que le dépôt litigieux, effectué sous l'empire de la loi du 14 juillet 1909, ne comporte aucune description de la chaussure en cause, mais comprend deux reproductions photographiques de celle-ci, qu'il est déclaratif de droit, et établit une présomption de propriété au profit du premier déposant ;
Qu'il est également admis, eu égard à la loi applicable, que la recherche d'antériorité destructrice de nouveauté doit se faire à compter de la création et que l'auto divulgation par le déposant n'est pas destructrice de la nouveauté requise ;
Considérant que la société CAPUCE, qui conteste la nouveauté du modèle déposé, soutient, par contre, que la société WESTON n'étant pas titulaire de droits d'auteur, ne saurait, sauf à se prévaloir d'une protection exorbitante, bénéficier d'une présomption à raison du dépôt du modèle, ce qui lui 'permettrait de faire remonter ses droits' à compter d'une prétendue première divulgation de 1949 (mocassin 'Pantoufle' présenté dans le magazine masculin ADAM) ; qu'elle en déduit que la nouveauté du modèle litigieux devrait pouvoir être détruite par la production d'éléments antérieurs à la date du dépôt, sans qu'il y ait lieu d'exiger une recherche d'antériorités 'à la date de 1949" ;
Considérant que, certes, il est irrévocablement jugé que la société WESTON n'établit pas être titulaire des droits d'auteur depuis 1946, l'arrêt confirmatif ayant, en particulier, retenu que, nonobstant la production, entre autres, d'une De Weston également, ce mocassin 'Pantoufle en box. Semelle mince$gt;$gt; il ne pouvait $gt; comme soutenu par la société WESTON ;
Qu'il n'en demeure pas moins qu'à raison du dépôt de modèle, la société WESTON, dont il n'est pas dénié qu'elle vient aux droits du déposant, est présumée, jusqu'à preuve contraire, en être le créateur ou l'ayant cause, et qu'une divulgation antérieure qui ne serait pas le fait d'un tiers est à cet égard indifférente ; que sauf à priver de tout effet les dispositions de la loi de 1909, il incombe donc à la société CAPUCE, poursuivie pour contrefaçon, de renverser la présomption simple dont bénéficie la société WESTON ;
Considérant, sur ce point, qu'il n'est pas sans intérêt de relever que la société CAPUCE ne prétend nullement que la divulgation de 1949 serait destructrice de nouveauté, comme émanant d'un tiers au dépôt ; que les doutes qu'elle évoque sur l'attribution de cette divulgation à la société WESTON, à raison d'une chaîne des droits qui ne serait pas établie, ou sur l'identité du modèle ainsi divulgué avec le modèle déposé, ne sauraient suffire à démontrer que la société WESTON ne pourrait en aucune façon se voir attribuer la parution de 1949, alors que l'article précité fait bien mention du nom de 'WESTON' au visa d'une photographie qui, quoique nettement moins nette et précise que celles constituant le dépôt, montre suffisamment qu'il s'agit d'un mocassin identique au modèle déposé ;
Considérant qu'il ne saurait dans ces conditions être retenu qu'il n'y aurait pas lieu d'apprécier la nouveauté du modèle déposé à la date de l'article précité, de 1949 ;
Considérant que la société CAPUCE, qui doit prouver l'existence d'une antériorité de toutes pièces certaine, fait valoir que celle-ci résulterait de la photographie datée de 1947, par elle acquise en original sur le site [Localité 7] des Archives en 2012 , reproduite dans un article paru en 2009 dans le magazine 'L'EXPRESS STYLES' intitulé 'la saga du mocassin' présentant l'acteur [D] [G] en 1947 portant des mocassins [M], lesquels seraient identiques au modèle de mocassin revendiqué ;
Qu'il est effectivement établi que la photographie précitée date de 1947, même si elle illustre un article récent, et montre le soulier [M], ce qui est au demeurant conforté par la comparaison avec l'exemplaire produit (en pièce 53) par la société WESTON comme étant le modèle [M] (pièce 53) ;
Que cet article indique qu'après guerre ces chaussures surnommées 'penny loafer' $gt; tel [D] [G] en 1947 ; que d'autres articles ou extraits d'ouvrages, même s'ils ont été publiés après 1949, comportent également la représentation d'un mocassin , dont il ne saurait être sérieusement dénié qu'il est identique à celui photographié en 1947, précisant que c'est l'américain [M] qui a créé ce modèle en 1936, qu'il en est ainsi notamment :
- de l'ouvrage visé par les premiers juges(L'Art de se bien chausser de 2004),
- d'un ouvrage de 2001 'Un siècle de chaussures' indiquant que la ligne est toujours en production ;
Que l'ensemble de ces éléments concordants, démontrent suffisamment, que le mocassin [S] [U] [M] est connu pour avoir été créé en 1936, ce qui résulte également d'une pièce communiquée par la société WESTON (revue de presse, n° 88, article 'Preppy c'est tout') et, de façon certaine, que ce modèle '[M]' porté dès 1947 était déjà divulgué lors de la première divulgation du modèle déposé de 1949, revendiquée par la société WESTON ;
Considérant qu'il convient donc de comparer le modèle tel que déposé, contrairement au sondage invoqué par la société WESTON, et de le comparer au modèle [M] tel que photographié en 1947, étant observé que l'examen de l'exemplaire (susvisé) de ce modèle (produit par la société WESTON) conforte l'impression d'ensemble produite par la photographie de 1947 ;
Qu'il résulte de la comparaison à laquelle la cour a ainsi procédé que les deux modèles donnent à voir la même apparence de chaussure alliant le genre mocassin à une 'allure citadine et racée' (ainsi que revendiqué par la société WESTON, p 19 de ses écritures) , une arrête 'au lieu du bourrelet rustique, une empeigne légèrement arrondie et bombée sur les bords' une languette avec une découpe et de fines piqûres ; qu'il ne saurait être retenu que le modèle WESTON serait manifestement plus structuré ou présenterait des différences suffisantes pour être significatives ou témoigner d'une création, alors que les deux chaussures montrent globalement un soulier sans lacets lisse avec des parties légèrement bombées, une semelle débordante, leur conférant la même forme d'ensemble, ou interprétation esthétique novatrice de mocassin habillé, et ce, nonobstant la non reprise d'un léger froncé de la couture sur l'empeigne du modèle [M], ou l'ajout sur le modèle déposé d'une couture sur le bout du soulier ;
Que les différences quant à la forme de l'empiècement, sa découpe ou la surpiqûre (rectangulaire) de ses côtés, ne sauraient relever d'éléments dominants, et non de détails, alors même qu'ils n'apparaissent pas visibles sur la reproduction de 1949 invoquée comme première divulgation du modèle déposé (pièce 87), et ne modifient pas en fait l'impression globale de reprise de toutes pièces d'une combinaison antérieure certaine ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments d'appréciation que la société WESTON s'avère mal fondée à arguer d'une prétendue impossibilité d'opposer une antériorité destructrice de la nouveauté du modèle litigieux (régi par l'ancien article L 511-3 du Code de la propriété intellectuelle) ; que la décision de première instance ne peut, en conséquence, qu'être approuvée en ce qu'elle a annulé ce modèle, déposé 29 janvier 1991, et, partant, rejeté l'action en contrefaçon dudit modèle ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme, dans les limites de la saisine de la cour, la décision entreprise ;
Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;
Condamne la société JM WESTON aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 dudit code au titre des frais irrépétibles d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,