Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRET DU 18 SEPTEMBRE 2013
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/03975
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Janvier 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/05125
APPELANTS
Madame [L] [S] née [W]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par l'ASSOCIATION BAYLE LEYRIE (Me Philippe BAYLE) (avocats au barreau de PARIS, toque : B0728)
assistée de Me Lydia LECLAIR de la SCP MOUTET-LECLAIR (avocat au barreau de BAYONNE )
Monsieur [F] [S]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par l'ASSOCIATION BAYLE LEYRIE (Me Philippe BAYLE) (avocats au barreau de PARIS, toque : B0728)
assisté de Me Lydia LECLAIR de la SCP MOUTET-LECLAIR (avocat au barreau de BAYONNE )
Monsieur [O] [S]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représenté par l'ASSOCIATION BAYLE LEYRIE (Me Philippe BAYLE) (avocats au barreau de PARIS, toque : B0728)
assisté de Me Lydia LECLAIR de la SCP MOUTET-LECLAIR (avocat au barreau de BAYONNE )
SARL CONSTRUCTIONS MECANIQUES TOULOUSE
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par l'ASSOCIATION BAYLE LEYRIE (Me Philippe BAYLE) (avocats au barreau de PARIS, toque : B0728)
assistée de Me Lydia LECLAIR de la SCP MOUTET-LECLAIR (avocat au barreau de BAYONNE )
INTIMÉE
SAS GARBOLINO
prise en la personne de son gérant, M. [P]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Goulwen PENNEC (avocat au barreau de PARIS, toque : P0267)
assistée de Me Nicoletta SAVOVA, avocat au barreau de TOURS (Case 70)
(SELARL [H]-[D]-[V])
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 Juin 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre
Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère
Madame Anne-Marie GABER, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN
ARRET :
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président, et par Mme Marie-Claude HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
****
Vu le jugement contradictoire du 6 janvier 2012 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,
Vu l'appel interjeté le 1er mars 2012 par la société CONSTRUCTIONS MECANIQUES TOULOUSE (ci-après dite CMT) , [L] [S] née [W] ainsi que [F] et [O] [S] (ci-après dits, ensemble, les consorts [S]),
Vu les dernières conclusions du 4 avril 2013 des appelants,
Vu les uniques conclusions du 13 juillet 2012 de la société GARBOLINO, intimée et incidemment appelante,
Vu l'ordonnance de clôture du 9 avril 2013,
SUR CE, LA COUR,
Considérant que la société CMT se prévaut :
- de droits d'auteur sur un moulinet de canne à pêche, dénommé RITMA 71/72, décliné en modèles pour droitiers et pour gauchers, qu'elle commercialise, et dont la protection au titre du droit des dessins et modèles initiée par Isidore TOULOUSE, aux droits duquel les consorts [S] indiquent se trouver, a expiré le 27 février 2006,
- de droits de dessins et modèles sur un modèle de moulinet de pêche RITMA 72 EVOLUT déposé à l'INPI le 21 novembre 2007 et enregistré sous le n°0075277 ;
Qu'ayant découvert l'offre en vente par la société GARBOLINO, d'un modèle de moulinet dénommé GTR , décliné en versions pour droitiers et gauchers (respectivement GTR D et GTR G) qui constituerait, selon elle, la contrefaçon de ses modèles RITMA, elle a fait procéder à deux constats d'achat les 17 et 18 février 2009, puis a mis en demeure le 9 avril 2009 la société incriminée de cesser la commercialisation litigieuse ; que cette dernière a, par courrier du 6 mai 2009, alors contesté la validité du modèle opposé ainsi que la protection au titre du droit d'auteur revendiquée ;
Considérant que, dans ces circonstances, la société CMT a fait assigner la société GARBOLINO en contrefaçon et concurrence déloyale ou parasitaire devant le tribunal de grande instance de Paris le 22 mars 2010 ; que les consorts [S] sont intervenus volontairement à l'instance le 14 mars 2011, et la société GARBOLINO a formé une demande reconventionnelle en concurrence déloyale et pour dénigrement ;
Considérant qu'aux termes du jugement dont appel, les premiers juges ont pour l'essentiel :
- déclaré valable le modèle 0075277, retenant que sa nouveauté et son caractère propre,
- déclaré la société CMT recevable à agir en contrefaçon de droits d'auteur du moulinet RITMA 71-72, admettant l'originalité de ce moulinet,
- débouté la société CMT de ses demandes en contrefaçon de modèle et de droits d'auteur, ainsi que de celles en concurrence déloyale et parasitisme,
- débouté la société GARBOLINO de sa demande reconventionnelle ;
Considérant qu'en cause d'appel les parties réitèrent leurs prétentions de première instance ;
Sur le droit d'auteur
Considérant que les premiers juges ont pertinemment rappelé qu'il n'est pas contesté que le moulinet opposé sur le fondement du droit d'auteur, pour lequel le droit de propriété industrielle est expiré, était commercialisé depuis de nombreuses années par la société CMT ;
Que, certes, cette société n'était pas le déposant du modèle de ce moulinet, mais il n'est nullement prétendu que les consorts [S] qui sont intervenus à ses côtés en première instance (trois d'entre eux y demeurant en cause d'appel), n'auraient pas la qualité d'ayants droits dudit déposant ;
Considérant qu'il en résulte que les actes d'exploitation de la société CMT s'avèrent dénués d'équivoque et font présumer à l'égard de la société intimée, tiers recherché pour contrefaçon, en l'absence de revendication de la personne physique qui s'en prétendrait l'auteur, qu'elle est titulaire sur le moulinet invoqué, des droits patrimoniaux de l'auteur ;
Que le jugement entrepris ne peut qu'être approuvé sur ce point , et il n'y a donc pas lieu à examen des demandes formulées 'en tant que de besoin' par les consorts [S] ;
Considérant que la société GARBOLINO maintient qu'en tout état de cause le modèle de moulinet revendiqué, qui n'est plus protégé par le droit des dessins et modèles, est dénué de l'originalité requise pour prétendre accéder à une protection au titre du droit d'auteur, faisant essentiellement valoir que tous les éléments le composant sont conditionnés par sa finalité ;
Que la société CMT soutient, au contraire, que ce n'est pas seulement l'ornement central du moulinet, tel que retenu par le tribunal, qui lui confère son originalité mais sa silhouette générale, laquelle résulte de son association à un prolongateur dont la fonction peut être assurée suivant d'autres modalités ;
Considérant qu'il ressort de l'appréciation de la Cour, qui doit s'effectuer de manière globale, en fonction de l'aspect d'ensemble produit par l'agencement des différents éléments et non par l'examen de chacun d'eux pris individuellement, que le moulinet revendiqué apparaît avoir une physionomie propre au regard d'autres moulinets, même si certains des éléments qui le composent sont connus ou appartiennent au fonds commun de l'univers du moulinet ou du moulinet pour la pêche 'au toc' ;
Que, cependant, le choix de faire passer, au sortir d'un moulinet de pêche, le fil dans un prolongateur, banalement en forme de tube cylindrique, afin d'éviter qu'il s'emmêle et d'améliorer l'enroulement et du déroulement de celui-ci, même associé à l'apposition sur un côté du moulinet de parties évidées, lesquelles s'imposent dans une structure fermée amenée à contenir du fil pouvant être mouillé, en leur donnant des formes géométriques connues, alternant triangles et rectangles, entourant le renflement central circulaire renfermant le système de rotation, et de positionner à l'arrière des éléments permettant le fonctionnement du moulinet, telle une manivelle présentée, comme son bouton, dans une forme facilitant sa manipulation, ne saurait suffire à conférer à l'ensemble ainsi réalisé, dont la protection industrielle est expirée, une protection en application des dispositions du livre I du Code de la propriété intellectuelle ;
Qu'en effet, même si cette combinaison procède incontestablement de choix pour partie arbitraires elle ne s'avère pas de nature à traduire un réel parti-pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur, au sens des dispositions précitées, qui permettrait de déclarer ce moulinet digne d'accéder à la protection instituée au titre du droit d'auteur comme original ;
Considérant qu'il convient, en conséquence, par motifs substitués, de rejeter toutes les demandes de la société CMT formées au titre de la contrefaçon de droits d'auteur ;
Sur le droit des dessins et modèles
Considérant que tant sur la validité du modèle déposé n°0075277 que sur la contrefaçon de ce modèle déposé les parties reprennent en fait les moyens dont les premiers juges ont connu et auxquels, en se livrant à une exacte appréciation des faits de la cause et à une juste application des règles de droit s'y rapportant, ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte ;
Considérant que le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la société GARBOLINO de sa demande d'annulation du modèle déposé, étant relevé qu'il ne saurait être admis en comparant ce modèle au moulinet RITMA 71/72 que seuls des détails insignifiants auraient été modifiés alors que le tribunal a justement retenu qu'ils produisaient une impression visuelle d'ensemble différente pour l'utilisateur averti ;
Considérant que, de même, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a débouté la société CMT de ses demandes en contrefaçon du modèle n°0075277 ;
Qu'il sera simplement observé sur ce point qu'un courriel adressé à la société appelante postérieurement au jugement et faisant état d'une 'esthétique apparente et semblable' des deux modèles RITMA et GARBOLINO , ne saurait suffire à remettre en cause l'analyse pertinente du tribunal ;
Qu'au contraire, la comparaison à laquelle la cour a procédé, du modèle tel que déposé et du modèle incriminé, montre que le positionnement et la découpe très particulière des excavations en demi cercle du côté opposé à la manivelle, représenté sur 2 des 3 vues représentant le modèle de moulinet déposé, associé à la présentation d'un large renflement central arrondi évoque un mouvement rotatif facilité, effet dominant immédiatement perceptible mais totalement inexistant dans le modèle de l'intimée, qui ne peut que produire sur l'observateur averti qu'une impression visuelle d'ensemble différente ;
Sur la concurrence déloyale et parasitaire
Considérant qu'il s'infère des observations qui précèdent, dès lors que le moulinet RITMA 72 EVOLUT correspond au modèle tel que déposé n°0075277, qu'aucun risque de confusion ne saurait être caractérisé pour un consommateur moyennement attentif et normalement avisé des produits en cause entre le moulinet bénéficiant d'une protection au titre du droit des dessins et le moulinet GTR incriminé ;
Considérant que si ce dernier peut présenter des ressemblances avec le modèle antérieur RITMA 71-72, cette seule constatation, en l'absence de droits privatifs sur ce modèle, ne saurait suffire à caractériser un acte de concurrence déloyale dès lors que la commercialisation d'un produit similaire ne ressort que de l'exercice de la liberté du commerce ; qu'il en est de même de la déclinaison d'un modèle pour droitiers et pour gauchers, dont il n'est d'ailleurs pas établi qu'elle soit distinctive, s'agissant simplement d'une adaptation utilitaire ;
Que l'existence d'un risque de confusion entre les moulinets, pas plus que d'une faute dans le conditionnement du produit incriminé ne s'avèrent démontrés ainsi que pertinemment retenu par les premiers juges ;
Considérant qu'il n'est pas plus démontré une volonté de la société GARBOLINO de s'inscrire dans le sillage de la société CMT;
Que si celle-ci assure la promotion de ses produits il n'est nullement établi que la société intimée en a indûment tirer profit, alors qu'elle produit elle-même divers éléments tendant à montrer que la société GARBOLINO assure, sous sa marque, la publicité de ses produits ne se limitant pas nécessairement aux seules cannes à pêche qui seraient sa spécialité ;
Qu'il sera ajouté que l'évaluation non comptable, non signée ni datée, produite par la société CMT en pièce 41 ne saurait suffire à justifier de ses investissements spécifiques pour la réalisation des moulinets en cause ;
Considérant que le fait que le prolongateur des moulinets incriminés ait un temps pu être apposé sur les moulinets de la société CMT, et réciproquement, ne suffit pas à caractériser un acte déloyal ou parasitaire et il n'est pas plus établi que la baisse des ventes des modèles RITMA invoquée soit imputable à faute à la société GARBOLINO ;
Qu'en définitive aucun trouble commercial ni préjudice en lien avec la commercialisation reprochée ne s'avère démontré et le jugement déféré doit, en conséquence, être confirmé en ce qu'il a débouté la société CMT de ses demandes en concurrence déloyale ou parasitaire ;
Sur la demande reconventionnelle
Considérant que c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé qu'un dénigrement n'était pas suffisamment caractérisé à l'encontre de la société CMT du fait de la mise en demeure qu'elle a cru devoir adresser à un distributeur le 9 avril 2009 invoquant des faits de contrefaçon et que la demande de la société GARBOLINO fondée sur la concurrence déloyale s'analysait en une demande pour action abusive, par ailleurs non établie ;
Qu'à cet égard, il sera ajouté que le seul fait que la société CMT succombe à nouveau en ses prétentions et que ses droits d'auteur ne soient pas reconnus en cause d'appel ne saurait pas plus démontrer son intention de nuire à une société concurrente dans la poursuite de la procédure, qui présenterait ainsi un caractère malin et en conséquence abusif qui ouvrirait droit à indemnité compensatoire ;
Considérant qu'il convient donc de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société GARBOLINO de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme la décision entreprise ;
Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;
Condamne la société CONSTRUCTIONS MECANIQUES TOULOUSE aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, et dit n'y avoir lieu à nouvelle application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,