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17/12/2013 | FRANCE | N°13/15892

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 5, 17 décembre 2013, 13/15892


Copies exécutoires délivrées

aux parties le

République française

Au nom du Peuple français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 5



ORDONNANCE DU 17 DECEMBRE 2013



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/15892



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juillet 2013

Tribunal de Commerce de PARIS - RG N° 2010085477



Nature de la décision : Contradictoire



NOUS, Nathalie PIGNON, Conseillère, agissant par délégation du Premier Président de cette

Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.



Vu l'assignation en référé délivrée à la requête de :



SAS EDITIONS ODILE JACOB

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée...

Copies exécutoires délivrées

aux parties le

République française

Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 5

ORDONNANCE DU 17 DECEMBRE 2013

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/15892

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juillet 2013

Tribunal de Commerce de PARIS - RG N° 2010085477

Nature de la décision : Contradictoire

NOUS, Nathalie PIGNON, Conseillère, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.

Vu l'assignation en référé délivrée à la requête de :

SAS EDITIONS ODILE JACOB

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocats postulants au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée de Me Olivier FREGET et Me David POR de la SCP Allen & Overy LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J022

DEMANDERESSE

à

SCA LAGARDERE

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Georges JOURDE de l'Association VEIL JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : T06 et par Me Delphine MICHOT et Me Jean-Yves GARAUD de la SDE CLEARY, GOTTLIEB, STEEN & HAMILTON LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J021

SA WENDEL

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par la SCP AUTIER, avocats postulants au barreau de PARIS, toque : L0053

Assistée de Me Dominique MONDOLONI de la SDE WILLKIE, FARR ET GALLAGHER LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J003

SOCIÉTÉ PLANETA CORPORACION SL, société de droit espagnol

[Adresse 4]

[Localité 1] - ESPAGNE

Représentée par Me Christophe INGRAIN de l'AARPI DARROIS VILLEY MAILLOT BROCHIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R170

DÉFENDEURS

MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris

[Adresse 2]

[Localité 2]

Non comparant ni représenté à l'audience

POUR DÉNONCIATION DE LA PROCÉDURE

Et après avoir entendu les conseils des parties lors des débats de l'audience publique du 19 Novembre 2013 :

Par décision du 7 janvier 2004, la Commission européenne a autorisé la cession par la société Vivendi Universal SA de son activité d'édition exercée en Europe et en Amérique latine par sa filiale Vivendi Universal Publishing à la société Lagardère.

Le 30 juillet 2004, la Commission européenne a agréé la société Wendel comme acquéreur des actifs de la société Vivendi Universal Publishing (VUP) cédés par la société Lagardère.

Le 30 septembre 2008, la société Wendel a cédé ces actifs (Nouvel Editis) à la société espagnole Planeta.

A la suite du recours en annulation de cette décision d'agrément intenté par la société Odile Jacob devant le Tribunal de l'Union Européenne, celui-ci, par deux décisions du 13 septembre 2010, a :

- rejeté le recours en annulation intenté par la société Editions Odile Jacob contre la décision d'autorisation du 7 janvier,

- annulé la décision d'agrément du 30 juillet 2004.

En octobre 2010, la société Editions Odile Jacob a assigné les sociétés Lagardère, Wendel et Planeta, en nullité des contrats de cession de Nouvel Editis (les actifs cédés) conclus entre la société Lagardère et la société Wendel, puis entre la société Wendel et la société Planeta devant le tribunal de commerce de Paris.

Le 13 mai 2011, la Commission européenne a rendu une nouvelle décision d'agrément de la société Wendel en tant que repreneur des actifs cédés, ce nouvel agrément étant qualifié de rétroactif à la date du 30 juillet 2004.

La société Editions Odile Jacob a intenté un recours devant le Tribunal de l'Union Européenne à l'encontre de cette décision, l'instance étant encore en cours.

Par jugement du 13 décembre 2011, le tribunal de commerce de Paris, dans le litige initié par la société Editions Odile Jacob en nullité des contrats de cession, s'est déclaré compétent pour connaître des demandes formées par la société Editions Odile Jacob, et a sursis à statuer "jusqu'à ce que les juridictions de l'Union Européenne aient définitivement statué sur la validité des décisions de la Commission européenne qui ont permis à la société en commandite par actions Lagardère de céder Editis à la société anonyme Wendel."

Le 6 novembre 2012, la Cour de Justice de l'Union Européenne a, par deux arrêts distincts :

- rejeté le pourvoi de la société Editions Odile Jacob à l'encontre de l'arrêt du 13 septembre 2010 du TUE ayant validé la décision d'autorisation de la Commission européenne du 7 janvier 2004,

- rejeté les pourvois formés par la société Lagardère et la Commission européenne et a confirmé l'arrêt de la TUE du 13 septembre 2010 ayant annulé la décision d'agrément de la Commission européenne du 30 Juillet 2004.

Par jugement du 2 juillet 2013, le tribunal de commerce de Paris, saisi sur demande de reprise d'instance présentée par la société Editions Odile Jacob, a constaté que la décision de la Commission européenne du 13 mai 2011 fait l'objet d'un recours en annulation devant le tribunal de l'Union européenne,

- débouté la société Editions Odile Jacob de sa demande de reprise d'instance,

- maintenu le sursis à statuer prononcé par le tribunal le 13 décembre 2011,

- et condamné la société Editions Odile Jacob à payer à la société Lagadère SCA la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par actes du 31 juillet 2013, la société Editions Odile Jacob a assigné la société Lagadère SCA, la société Wendel et la société Planeta Corporacion SL devant le délégataire du premier Président de la cour d'appel de Paris en sollicitant l'autorisation d'interjeter appel de cette décision.

Par conclusions développées oralement à l'audience, elle fait valoir :

- que sa demande est recevable, dès lors que le jugement du 2 juillet 2013 constitue une décision de sursis au sens de l'article 380 du code de procédure civile,

- qu'entre le jugement de sursis initial du 13 décembre 2011 et celui du 2 juillet 2013, la CJUE a jugé, le 6 novembre 2012, de manière définitive et irrévocable que le processus imposé par le régime de contrôle des concentrations avait été méconnu à l'occasion de cessions successives d'Editis, et qu'en conséquence, par son jugement du 2 juillet 2013, le tribunal de commerce a bien prononcé un nouveau sursis en étendant le terme jusqu'auquel l'instance est suspendue,

- que le droit procédural français doit nécessairement s'interpréter d'une manière qui rende effectivement possible l'exercice des droits que les Editions [J] [H] tirent des arrêts de la Grande Chambre de la CJUE, et que le droit communautaire impose que les décisions de la CJUE annulant les actes de la Commission se voient immédiatement conférer leur plein effet, indépendamment de l'existence d'une nouvelle procédure devant les instances communautaires,

- que le sursis à statuer risque de rendre le jugement à intervenir sur le fond inefficace, la durée de la procédure étant manifestement contraire au droit des Editions [J] [H] à un procès équitable, et constituant un motif grave et légitime justifiant l'appel immédiat,

- que le tribunal de commerce, dans son jugement du 2 juillet 2013, s'est refusé à examiner in concreto l'incidence de la décision d'agrément du 13 mai 2011au regard de l'action engagée par les Editions [J] [H] devant lui,

- que le jugement du 2 juillet 2013 procède d'une appréciation inexacte de la portée de la nouvelle décision d'agrément de la Commission en date du 13 mai 2011, les demandes d'[J] [H] n'étant pas conditionnées par le succès du recours formé à l'encontre de la nouvelle décision de la Commission du 13 mai 2011, dès lors que la violation du processus imposé par le régime de contrôle des concentrations est définitivement et irrévocablement révélé par l'annulation de la première décision d'agrément,

- que la Commission comme la société Wendel reconnaissent elles-mêmes que la décision du 13 mai 2011 n'emporte pas de conséquences sur l'action engagée devant le tribunal de commerce,

- que les arguments des défenderesses, tirés de la procédure d'annulation de la décision du 13 mai 2011, sont inopérants.

La société Wendel soulève l'irrecevabilité de la demande de la société Editions Odile Jacob et sollicite sa condamnation à lui verser 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que le jugement du 2 juillet 2013 s'est borné à constater que la cause ayant justifié le sursis à statuer prononcé par un précédent jugement du 13 décembre 2011 n'avait pas disparu et qu'il y avait lieu dès lors de maintenir le sursis, rejetant la demande de révocation de sursis de la société Editions Odile Jacob.

Elle soutient que cette décision n'est pas susceptible d'appel, comme ne rentrant pas dans les prévisions de l'article 380 du code de procédure civile.

Subsidiairement, elle conteste l'existence d'un motif légitime.

La société Lagardère SCA soulève l'irrecevabilité de la demande de la société Editions Odile Jacob et sollicite sa condamnation à lui verser 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, elle conclut au débouté de la société Editions Odile Jacob.

Elle invoque les mêmes moyens que ceux soulevés par la société Wendel.

La société Planeta Corporacion SL soulève l'irrecevabilité de la demande de la société Editions Odile Jacob et sollicite sa condamnation à lui verser 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, elle conclut au débouté de la société Editions Odile Jacob.

Elle invoque les mêmes moyens que ceux soulevés par la société Wendel.

MOTIFS

Attendu que l'article 378 du code de procédure civile dispose : "La décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine ;

Que l'article 379 du même code précise : "Le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge. A l'expiration du sursis, l'instance est poursuivie à l'initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d'ordonner, s'il y a lieu, un nouveau sursis.

Le juge peut, suivant les circonstances, révoquer le sursis ou en abréger le délai." ;

Attendu par ailleurs que par application des articles 544 et 545 du code de procédure civile, seuls les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction ou une mesure provisoire peuvent être immédiatement frappés d'appel comme les jugements qui tranchent tout le principal, de même que ceux qui statuent sur une exception de procédure, une fin de non recevoir, ou tout autre incident qui met fin à l'instance ;

Que les autres jugements ne peuvent être frappés d'appel indépendamment des jugements sur le fond, que dans les cas spécifiés par la loi ;

Attendu enfin qu'aux termes de l'article 380 alinéa 1er du code de procédure civile, la décision de sursis peut être frappée d'appel sur autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime ;

Que l'alinéa 2 du même article dispose que la partie qui veut faire appel saisit le premier président, qui statue dans la forme des référés et que l'assignation doit être délivrée dans le mois de la décision ;

Attendu en l'espèce que par jugement du 13 décembre 2011, aujourd'hui définitif, le tribunal de commerce de Paris, statuant dans le litige opposant la société Editions Odile Jacob aux sociétés Lagardère, Wendel et Planeta Corporacion a sursis à statuer "jusqu'à ce que les juridictions de l'Union Européenne aient définitivement statué sur la validité des décisions de la Commission européenne qui ont permis à la société en commandite par actions Lagardère de céder Editis à la société anonyme Wendel" ;

Attendu que l'exposé des faits contenu dans le jugement du 13 décembre 2011 mentionne expressément la décision d'agrément de la Commission européenne du 13 mai 2011, et fait état du recours en annulation de cette décision introduit le 5 septembre 2011 par la société Editions Odile Jacob devant le Tribunal de l'Union Européenne ;

Qu'il en résulte que, contrairement à ce que soutient la société Editions Odile Jacob, à la date à laquelle le sursis à statuer a été prononcé, le tribunal de commerce avait connaissance de la décision de la Commission du 13 mai 2011 et du recours en annulation pendant devant le TUE, et a donc pris en compte cet élément de fait et de droit pour rendre sa décision ;

Que le tribunal de commerce, en mentionnant "les décisions de la Commission Européenne" n'a pas entendu limiter la durée du sursis à statuer au délai nécessaire à la CJUE pour statuer définitivement sur les seules décisions (d'autorisation et d'agrément) des 7 janvier et 30 juillet 2004, mais a visé l'ensemble des décisions prises par la Commission européenne, y compris celle du 13 mai 2011, dont le recours en annulation était déjà pendant devant le TUE ;

Considérant en outre que le tribunal de commerce, dans son jugement du 13 décembre 2011, a visé indistinctement les décisions de la Commission européenne qui ont permis à la société en commandite par actions Lagardère de céder Editis à la société anonyme Wendel, dont la décision du 13 mai 2011 faisait partie ;

Que si la société Editions Odile Jacob craignait que la durée des différentes procédures en cours devant les juridictions européennes, et notamment de celle qu'elle avait introduite quelques mois auparavant à l'encontre de la décision de la commission du 13 mai 2011, ne retardât à l'excès la procédure pendante devant le tribunal de commerce de Paris, il lui était loisible de solliciter l'autorisation d'interjeter un appel immédiat à l'encontre du jugement de sursis à statuer du 13 décembre 2011 ;

Que ne l'ayant pas fait, elle ne peut se prévaloir de cette durée excessive pour prétendre aujourd'hui qu'elle ne bénéficie pas d'un procès équitable ;

Considérant qu'aux termes du jugement du 2 juillet 2013, le tribunal de commerce a seulement constaté que l'événement qu'il avait déterminé pour constituer l'issue de la suspension de l'instance n'était pas survenu, le recours en annulation de la décision de la Commission européenne du 13 mai 2011 étant toujours en cours devant le TUE ;

Que ce jugement ne constituant pas une décision de sursis à statuer, et l'article 380 du code de procédure civile ne prévoyant la possibilité de saisir le premier Président d'une demande d'autorisation de relever appel que d'une décision de sursis, à l'exclusion de toute autre décision, la société Editions Odile Jacob doit être déclarée irrecevable en sa demande ;

Attendu enfin qu'il convient, en équité, de condamner la SAS Editions Odile Jacob à payer à la société LAGARDERE SCA, la société WENDEL et la société Planeta Coporacion SL la somme de 2.000 € chacune en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Qu'elle supportera seule les dépens de l'instance à laquelle elle succombe ;

PAR CES MOTIFS

Déclarons irrecevable la demande d'autorisation de faire appel du jugement rendu le 13 décembre 2011par le tribunal de commerce de Paris ;

Condamnons la société Editions Odile Jacob SAS à payer à la société Lagadère SCA, la société Wendel SA et la société Planeta Corporacion SL la somme de 2.000 € chacune, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamnons la société Editions Odile Jacob SAS aux dépens du présent référé.

ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

La Greffière

La Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 13/15892
Date de la décision : 17/12/2013
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Références :

Cour d'appel de Paris A5, arrêt n°13/15892 : Déclare la demande ou le recours irrecevable


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-12-17;13.15892 ?
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