Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 4
ARRÊT DU 04 MARS 2014
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/14928
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Juillet 2012 -Tribunal d'Instance de Paris 16 - RG n° 11/12/0417
APPELANTE
Société GENERALI VIE SA, société appartenant au groupe GENERALI, agissant poursuites et diligences de son président et directeur général domicilié es qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée et assistée de Me Charles GUIEN de la SCP GUIEN LUGNANI & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0488
INTIMES
Monsieur [M] [I]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté et assisté de Me Luc COUTURIER de la SELARL HANDS Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : L0061, substitué par Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELARL HANDS
Madame [R] [T] épouse [I]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée assistée de Me Luc COUTURIER de la SELARL HANDS Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : L0061, substitué par Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELARL HANDS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 Janvier 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jacques LAYLAVOIX, Président de chambre
Madame Sabine LEBLANC, Conseillère
Madame Sophie GRALL, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Fabienne LEFRANC
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jacques LAYLAVOIX, président et par Mme Fabienne LEFRANC, greffier présent lors du prononcé.
Vu le jugement prononcé le 10 juillet 2012 par le tribunal d'instance du 16 ème arrondissement de Paris, qui, saisi sur assignation délivrée le 6 avril 2011 à la requête de la société Générali Vie, propriétaire de locaux à usage d'habitation situés [Adresse 2], donnés à bail à M. [M] [I] et à Mme [R] [T], épouse [I], en vertu d'un contrat de location conclu par acte sous seing privé en date du 27 mars 1998, aux fins de voir valider le congé pour motif légitime et sérieux, qui leur a été délivré le 13 octobre 2009 à effet au 30 avril 2010, a :
- dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer,
- débouté la société Générali Vie de ses demandes en validation de congé et en résiliation judiciaire de bail,
- débouté M. et Mme [I] de leur demande reconventionnelle,
- dit que chaque partie supporterait la charge de ses propres dépens ;
Vu l'appel interjeté de ce jugement par la SA Générali Vie, qui, aux termes de ses conclusions signifiées le 21 janvier 2014, prie la cour de :
- déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts d'un montant de 500 000 euros formée pour la première fois en appel par les époux [I],
- à titre principal, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes en validation de congé et en résiliation de bail, constater que les époux [I] ont renoncé à contester la validité du congé, dire que le congé est empreint d'un motif légitime et sérieux justifiant le non renouvellement du bail, constater le non renouvellement du bail au 30 avril 2010,
- à titre subsidiaire, prononcer la résiliation du bail,
- en conséquence, ordonner l'expulsion des époux [I] et dire que le dépôt de garantie lui restera acquis,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux [I] de leurs demandes de sursis à statuer et en remboursement de la somme de 5 064 euros et les débouter de leurs prétentions,
- condamner in solidum M. et Mme [I] aux dépens et à leur payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions signifiées le 20 janvier 2014 par M. [M] [I] et Mme [R] [T], épouse [I], intimés et appelants à titre incident, qui demandent à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Générali Vie de ses demandes en validation de congé et en résiliation judiciaire du bail, d'annuler le congé, de condamner la société Générali Vie, outre aux dépens, à leur verser la somme de 5 064 euros en remboursement des travaux de remise en état du plafond de l'appartement et celle de la somme de 10 000 euros pour leurs frais de procédure non compris dans les dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 21 janvier 2014 ;
Sur l'appel principal,
Considérant que la société Générali Vie soutient que les époux [I] ont renoncé de façon expresse et sans équivoque à toute demande tendant à l'annulation du congé du 13 octobre 2009 dans leurs conclusions devant le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris du 10 janvier 2011 ;
Mais considérant que les époux [I], dans leurs conclusions pour l'audience du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris, 'ont renoncé, dans le cadre de la présente instance, à toute demande tendant à l'annulation de congé de bail contre la compagnie Générali' ;
Que cette renonciation à contester la validité du congé de la part des époux [I], dans le cadre de la procédure, qu'ils avaient engagée devant le tribunal de grande instance pour s'opposer à l'exception d'incompétence soulevée par la société Générali Vie devant cette juridiction, ne peut s'analyser comme une renonciation claire et non équivoque à renoncer à toute contestation de la validité du congé litigieux, ce alors que la procédure devant le tribunal de grand instance n'avait pas pour objet la validation de ce congé ;
Qu'en conséquence, les époux [I] sont recevables à solliciter l'annulation du congé ;
Considérant que le congé donné aux époux [I] pour motif légitime et sérieux au visa de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 fait état d'un défaut constant de paiement de loyers et de charges ayant justifié la délivrance de quatre commandements de payer les 7 juillet 2008, 3 décembre 2008, 6 janvier 2009 et 1er septembre 2009 ;
Que la société Générali Vie précise que les époux [I] ont laissé se former des arriérés de loyer représentant en moyenne entre trois et cinq mois de loyers et qu'en outre, entre les années 2010 et 2011, ils ont eu systématiquement un, deux ou trois mois de retard dans le paiement du loyer ou de l'indemnité d'occupation ;
Que les époux [I], pour s'opposer à la demande de validation du congé, soutiennent que leurs retards de paiement ont été régularisés et se justifient par d'importantes difficultés financières imputables à la compagnie d'assurance et au propriétaire qui ont refusé de les indemniser à la suite des sinistres survenus le 18 septembre 2006 dans la salle de bains à hauteur de 45 109,77 euros, au mois de juin 2010 au niveau du plafond de la pièce de séjour pour 5 064 euros et le 5 décembre 2011 dans le W.C, le couloir et la chambre d'enfant, sinistres dont la cause est imputable à la vétusté des installations ;
Considérant que la société Madeleine Opéra, alors propriétaire des lieux, a fait délivrer à M. et Mme [I] successivement quatre commandements de payer :
- la somme de 8 533,32 euros, correspondant en principal aux termes de mai 2008, juin 2008 et juillet 2008, le sept juillet 2008,
- la somme de 5 742, 42 euros le 3 octobre 2008, correspondant en principal aux termes de septembre 2008 et octobre 2008,
- la somme de 8 533,32 euros le 6 janvier 2009, correspondant en principal aux termes de novembre 2008, décembre 2008 et janvier 2009,
- la somme de 13 345 le 1er septembre 2009, correspondant en principal aux termes de mai 2009, juin 2009, juillet 2009, août 2009 et septembre 2009 ;
Considérant que la délivrance de ces commandements, alors qu'il n'est ni prétendu, ni a fortiori établi que les locataires étaient à jour du paiement des échéances locatives à la date de la délivrance de chacun de ces commandements, démontrent un retard systématique de la part des locataires dans le paiement des loyers pendant seize mois, hormis une période de trois mois en 2009 ;
Que les époux [I] ne peuvent valablement justifier leur carence dans le paiement des loyers à leur échéance, ce qui constitue leur première obligation de locataire, au motif que la société Générali Vie devrait les indemniser des conséquences d'un dégât des eaux qu'ils ont subi le 20 septembre 2006, alors que, s'ils reconnaissent avoir été dédommagé partiellement pour un montant de 19 740,54 euros et de 11 775,88 euros, ils s'abstiennent de faire part de la franchise de loyer de 14 468,02 euros, dont ils ont été bénéficiaires de la part de leur ancien bailleur pour effectuer eux-mêmes les travaux de remise en état de la salle de bains ; que ces indemnisations et franchise de loyers sont d'ailleurs intervenus pendant l'année 2007, antérieurement à la délivrance des commandements précités ;
Que, surtout, ils ne sont pas en droit de prétendre opérer une compensation entre les loyers dont ils étaient redevables avec les sommes réclamées à la bailleresse, lesquelles ne constituaient pas une créance certaine et exigible, ce d'autant plus que M. [I] était le gérant de la société Oudinex Paris, ayant pour objet l'activité d'expertise de sinistres-conseil en immobilier, conseil en assurances et marchand de biens, et donc, du fait de sa profession, particulièrement à même d'apprécier exactement ses droits en la matière vis à vis de son bailleur ; que, d'ailleurs, les prétentions des époux [I] à obtenir une indemnisation complémentaire a été rejetée par jugement du 16 mai 2013 ;
Qu'à cet égard encore, les sinistres survenus postérieurement, en juillet 2010 et le 5 décembre 2011, ne sauraient avoir pour effet de justifier leur carence dans le paiement des loyers à leur échéance en 2008 et en 2009 ;
Qu'enfin, ils ne justifient par aucun document ou élément de preuve les difficultés financières dont ils font état sans les expliciter, étant précisé que les frais d'opération chirurgicale de Mme [I] sont également postérieurs aux incident de paiement, objet des commandements ;
Considérant ainsi, que comme l'a relevé justement le premier juge, sans en tirer la conséquence, à la date du congé le bailleur disposait d'un motif légitime et sérieux pour s'opposer au renouvellement du bail ;
Qu'il s'ensuit que le congé doit être validé, avec les conséquences qui s'y attachent quant à l'expulsion des locataires, devenus occupants sans droit ni titre par l'effet du congé ;
Sur l'appel incident et les demandes incidentes des époux [I],
Considérant que la société Générali Vie prétend que la demande d'indemnisation formée par les époux [I] pour 'perte de valeur locative' et 'perte de valeur d'embellissement' à hauteur de 510 000 euros est irrecevable comme étant nouvelle en appel et ne tendant pas aux mêmes fins que les demandes qu'ils ont présentées en première instance ;
Considérant que cette demande n'a pas été présentée en première instance ;
Qu'une telle demande d'indemnisation, visant en réalité à être dédommagé du non renouvellement du bail, n'a pas pour effet d'opposer compensation à la société Générali Vie, ni pour objet de faire écarter ses prétentions ; qu'elle ne tend pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ; qu'elle ne constitue pas l'accessoire, la conséquence ou le complément des demandes en nullité du congé ou en remboursement de frais de réfection d'un plafond présentées par les époux [I] devant le premier juge ;
Qu'en conséquence, cette demande est irrecevable en application des articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile ;
Considérant que le premier juge, par des motifs pertinents approuvés par la cour, à bon droit a rejeté la demande de remboursement de la somme de 5 064 euros, qui aurait été exposée par les époux [I] pour la réfection du plafond de la salle de séjour, qui se serait effondré au mois de juin 2010 ;
Qu'il convient d'ajouter que les époux [I] ne justifient pas avoir mis en demeure leur bailleur de procéder à la réfection du plafond en cause, ni davantage d'avoir été autorisés par celui-ci ou par décision de justice à y procéder à sa place, ce d'autant plus que la facture de travaux est antérieure à l'information donnée au bailleur sur le sinistre ;
Qu'en outre, la garantie due au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage, obligeant le bailleur à l'indemniser s'il en résulte une perte pour le preneur, ne trouve pas à s'appliquer à une telle demande de remboursement de travaux opérés sans l'accord du bailleur ;
Que le jugement sera donc confirmé de ce chef ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de l'appelante tendant à ce que le dépôt de garantie lui reste acquis, cette demande n'étant pas motivée et se heurtant aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 ;
Considérant qu'eu égard au sens du présent arrêt, M. et Mme [I] supporteront les dépens de première instance et d'appel, seront déboutés de leur demande d'indemnité de procédure formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et seront condamnés à payer à la société Générali Vie la somme de 5 000 euros sur le fondement de ce texte pour compenser ses frais hors dépens ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement déféré, sauf sur le rejet de la demande de sursis à statuer et sur le rejet de la demande reconventionnelle de remboursement de la somme de 5 064 euros et le confirme sur ces deux points,
Statuant à nouveau des chef infirmés et y ajoutant,
Déclare irrecevable la demande d'indemnisation formée par les époux [I] pour perte de valeur locative et perte de valeur d'embellissement,
Valide le congé donné aux époux [I] pour le 30 avril 2010,
Ordonne qu'ils libèrent les lieux et, à défaut de libération volontaire des lieux, ordonne leur expulsion dans les conditions prévues par les articles L 412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
Rejette toute autre demande,
Condamne in solidum M. et Mme [I] aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile, et à payer à la société Générali Vie la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT