Notification par LRAR RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRÊT DU 31 MARS 2015
(n°072/2015, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/24690
Décision déférée à la Cour : Décision du 09 Octobre 2014 -Institut National de la Propriété Industrielle - RG n° OPP14-1840
DÉCLARANTE AU RECOURS
S.A.S. IRO,
agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro
Ayant élu domicile
C/O Cabinet de Me Emmanuelle HOFFMAN
Avocat à la Cour
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro B 528 471 980
Représentée par Me Emmanuelle HOFFMAN-ATTIAS de la SELARL HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, toque C 610
EN PRÉSENCE DE
MONSIEUR LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE (I.N.P.I.)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Mme [J] [X], chargée de mission
APPELÉE EN CAUSE
S.A.S. NOUVELLE DE BIJOUTERIE,
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 380 920 777
Représentée par Me Valérie PROVOST-DUPONCHEL de la SCP MARC SABATIER, avocat au barreau de PARIS, toque D 1840
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 février 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Benjamin RAJBAUT, Président
Mme Anne-Marie GABER, Conseillère
Mme Nathalie AUROY, Conseillère
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
Le dossier a préalablement été transmis au Ministère Public, représenté lors des débats par M. Hugues WOIRHAYE, Avocat Général, qui a fait connaître son avis
ARRÊT :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par M. Benjamin RAJBAUT, Président, et par Mme Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu la décision du 9 octobre 2014, par laquelle le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) a reconnu justifiée, en ce qu'elle porte sur les produits suivants $gt;, l'opposition n°14-1840 formée le 11 avril 2014 par la SOCIETE NOUVELLE DE BIJOUTERIE à l'enregistrement de la marque déposée par la société IRO le 17 janvier 2014,
Vu le recours formé le 4 novembre 2014 par la société IRO,
Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens du recours déposé au greffe par la société requérante le 3 décembre 2014,
Vu le mémoire en défense du 22 janvier 2015 de la SOCIETE NOUVELLE DE BIJOUTERIE,
Vu les observations écrites du directeur de l'INPI déposées le 27 janvier 2015,
Vu les mémoires en réponse du :
5 février 2015 de la société IRO,
11 février 2015 de la SOCIETE NOUVELLE DE BIJOUTERIE,
Le ministère public entendu en ses observations orales,
SUR CE,
Considérant que la SOCIÉTÉ NOUVELLE DE BIJOUTERIE demande de :
rejeter 'les pièces de l'appelante non produites dans le cadre de l'opposition', savoir, selon les motifs de ses écritures, l'extrait Kbis la concernant, l'extrait Kbis de la société IRO et un précédent arrêt de cette cour (sur recours) du 4 juillet 2008,
tenir compte des décisions de jurisprudence par elle nouvellement citées dans ses écritures à l'appui de son argumentation ;
Que la société IRO soutient, au contraire, qu'il conviendrait de ne pas tenir compte de ces décisions si l'arrêt précité, par elle produit en pièce 1, était écarté des débats, et que les extrais Kbis ne modifieraient en rien le débat au fond ;
Considérant, ceci exposé, que si le présent recours, improprement qualifié d'appel par la SOCIETE NOUVELLE DE BIJOUTERIE, n'a pas d'effet dévolutif, la production d'extraits Kbis récents (du 2 novembre 2014), faite à titre informatif, ne saurait être assimilée à une modification des moyens soumis au directeur de l'INPI, alors qu'elle permet à la cour de vérifier l'existence juridique des personnes morales en cause ;
Que la SOCIETE NOUVELLE DE BIJOUTERIE, qui ne conteste pas viser dans ses écritures des décisions non antérieurement citées dans le cadre de la procédure d'opposition, ne saurait sérieusement reprocher à la requérante de produire une décision de jurisprudence visée dans son mémoire, dès lors qu'il s'agit du simple respect du principe du contradictoire, et que cette communication ne modifie pas les termes du litige tel que défini dans le cadre de la procédure d'opposition, puisqu'elle ne tend qu'à constituer un argument à l'appui du moyen d'irrecevabilité soulevé devant le directeur de l'INPI ; qu'il n'y a donc pas lieu à rejet de pièces ;
Considérant que la SOCIETE NOUVELLE DE BIJOUTERIE est titulaire de la marque française
déposée le 14 juin 1991 et enregistrée sous le numéro 1 671 508 pour désigner en classe 14 notamment les produits suivants :
$gt; ;
Que la société IRO a demandé le 17 janvier 2014 l'enregistrement (n° national 14/4061941) de la marque
en particulier en classe 14 pour les produits précités ;
Considérant que le directeur de l'INPI ayant rejeté le 9 octobre 2014 l'enregistrement de cette marque en ce qui concerne ces produits, la société IRO a formé recours à l'encontre de cette décision soutenant, à titre principal, qu'elle devrait être annulée en ce qu'elle a reconnu recevable l'opposition de la SOCIETE NOUVELLE DE BIJOUTERIE en l'état de la seule production du formulaire d'inscription CERFA portant sur le transfert de propriété de la marque revendiquée, sans production d'une copie de l'acte y afférent ;
Mais considérant qu'il n'est pas contesté que l'opposante, qui agissait en qualité de propriétaire de la marque par suite d'une transmission de propriété (et non comme propriétaire originel), a précisé les dates et numéro d'inscription de l'acte de transmission de propriété au registre national, savoir le 13 janvier 1994 sous le n° d'inscription 167648, et a effectué, en son nom, les renouvellements de la marque des 8 juin 2001 et 21 juin 2011 ; que toute transmission des droits attachés à une marque enregistrée inscrite au registre national des marques est opposable aux tiers, et les pièces précitées justifient à suffisance la qualité à agir de la SOCIETE NOUVELLE DE BIJOUTERIE, publiquement inscrite, de manière continue et non équivoque, depuis plus de 20 ans comme titulaire de la marque, pour former, le 11 avril 2014, opposition à la demande d'enregistrement contestée du 17 janvier 2014, sans qu'il y ait lieu d'exiger d'autre pièce ; que le recours en annulation ne saurait prospérer de ce chef ;
Considérant ce recours porte, à titre subsidiaire, sur la comparaison des signes ; que la marque contestée n'étant pas la reproduction à l'identique de la marque invoquée, faute de la reproduire sans modification ni ajout en tous les éléments la composant, il convient de rechercher s'il existe entre les signes en présence un risque de confusion, qui doit être apprécié globalement à la lumière de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; que cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants de celles-ci ;
Considérant que le directeur de l'INPI a retenu l'existence globalement d'un risque de confusion dans l'esprit du public en $gt; ;
Que la société IRO reproche à la décision critiquée d'avoir retenu que le signe contesté constituerait $gt;, estimant que cette appréciation ne serait ni globale ni objective et que la seule diffusion sur le marché de la bijouterie de la marque antérieure ne saurait renforcer un risque de confusion par ailleurs inexistant ;
Considérant que, visuellement, la similitude tenant à la reprise en attaque, en lettres grasses et dans le même ordre, des trois dernières lettres du terme 'CIRO' dans l'expression 'I R O . JEANS' est largement occultée par l'absence de la lettre 'C' d'attaque du signe antérieur, et par le choix d'une dénomination plus longue, le signe contesté étant composé de deux termes séparés par un point, comprenant, pour le premier, 3 lettres espacées et, pour le second, 5 lettres dans une police de même dimension quoique plus fine, présentation moins habituelle au plan visuel et nettement distincte de celle du signe de la marque antérieure constitué d'un seul terme de 4 lettres dans une police uniforme ;
Considérant que, de même, phonétiquement, nonobstant la communauté de la séquence 'IRO' peu usitée en langue française et d'une même syllabe 'RO', les sonorités des deux signes demeurent largement distinctes, tant à raison de leur longueur que de l'omission de la lettre 'C' qui génèrent une modification substantielle de prononciation ; qu'ainsi la marque antérieure se prononce en deux temps 'SI' (pour 'CI') 'RO', tandis que le signe contesté, plus long, se prononce, selon qu'il est, ou non, tenu compte de l'espacement des lettres du terme d'attaque, en 3 ou 4 temps 'I' 'RO' 'DJINS' ou 'I' 'R' 'O' 'DJINS', la syllabe d'attaque demeurant en tous les cas constituée par un 'I' ouvert caractéristique, se distinguant nettement de la sonorité sifflante 'SI', plus habituelle en attaque pour le public français, du signe antérieur ;
Considérant qu'intellectuellement, l'adjonction dans la demande d'enregistrement du mot anglais 'JEANS' quoique apparaissant d'importance moindre (lettres plus fines de ce terme placé en position finale après un point) ne saurait revêtir un caractère purement accessoire pour le consommateur français, compte tenu des produits en cause, dès lors qu'il évoque spontanément un pantalon ou un vêtement, et non une couleur particulière ; que s'il renvoie au mot 'jean' (tissu ou toile de coton ) dans lequel pourraient être réalisés certains des produits désignés (bijouterie) il demeure largement distinctif pour ces articles et sans rapport avec les autres produits invoqués (joaillerie, pierres précieuses, horlogerie et instruments chronométriques, étant rappelé qu'ainsi que le souligne la société IRO ne sont pas en cause les montres, quoique figurant tant dans la demande d'enregistrement contestée que dans la marque antérieure et étant susceptibles de comprendre un bracelet en tissu) ; qu'enfin si le terme 'JEANS' peut évoquer plus généralement un style 'décontracté', une telle évocation est totalement inexistante dans la marque antérieure ;
Que le public français ne comprendra pas nécessairement le terme 'CIRO' comme le nom d'une ville italienne mais l'associera instinctivement, à raison de sa prononciation, au seul mot connu 'SIROP', nonobstant une orthographe nettement distincte et un sens dénué de rapport avec les produits désignés, tandis que le mot 'IRO', même non forcément compris comme un prénom japonais, sera spontanément perçu comme ayant une origine étrangère dès lors qu'il ne renvoie à aucun mot connu ; que, de même, si l'espacement entre les lettres 'I' 'R' et 'O' évoque les initiales d'une dénomination, ou un sigle, leur sens demeure inconnu faute d'association immédiate avec une expression usuelle ;
Qu'en définitive, si le consommateur normalement avisé est amené à percevoir globalement le signe 'I R O . JEANS' comme une marque de jeans qui aurait étendu sa gamme à d'autres articles, il ne sera pas incité à le percevoir comme une déclinaison de la marque 'CIRO', aucun élément ne l'incitant à associer le signe 'IRO' ou 'I R OO' à une dénaturation du signe antérieur 'CIRO', dès lors que l'initiale 'C' de ce dernier s'avère indissociable de sa perception d'ensemble ; qu'ainsi, au plan conceptuel, même si le public conserve en mémoire une image imparfaite des signes, il ne sera pas amené à croire à une déclinaison de la marque antérieure, ni, partant, à attribuer aux produits en cause une même origine commerciale ;
Considérant qu'il s'infère de ces observations, que le consommateur moyennement avisé et normalement averti, qui n'a pas nécessairement un haut degré d'attention et qui connaît la marque antérieure ancienne 'CIRO' dans le domaine de la bijouterie ou de la joaillerie, ne sera pas incité à associer le signe 'I R O . JEANS' à cette marque, compte tenu des importantes différences existantes entre les signes en cause, lesquelles excluent globalement tout risque confusion, en ce compris celui d'association, même pour des produits désignés strictement identiques ; qu'en conséquence, le recours de la société IRO doit être accueilli en sa branche subsidiaire, et la décision attaquée sera annulée ;
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Annule la décision du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle du 9 octobre 2014 (OPP 14-1840) ;
Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article700 du Code de procédure civile ;
Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe aux parties et au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, par lettre recommandée avec accusé de réception.
LE PRÉSIDENTLE GREFFIER