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20/06/2017 | FRANCE | N°17/01193

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 20 juin 2017, 17/01193


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRÊT DU 20 JUIN 2017



(n° 154/2017, 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 17/01193



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Décembre 2016 - Président du TGI de PARIS - RG n° 16/58701





APPELANTE



Clinique Laboratories LLC,

Société de droit américain constituée selon les lois

de l'Etat du Delaware, représentée par son 'Senior Vice President and Deputy, General Counsel', Monsieur [H] [R], dûment autorisé et domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité ...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRÊT DU 20 JUIN 2017

(n° 154/2017, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/01193

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Décembre 2016 - Président du TGI de PARIS - RG n° 16/58701

APPELANTE

Clinique Laboratories LLC,

Société de droit américain constituée selon les lois de l'Etat du Delaware, représentée par son 'Senior Vice President and Deputy, General Counsel', Monsieur [H] [R], dûment autorisé et domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 1] (ETATS UNIS)

Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Représentée par Me Olivia BERNARDEAU-PAUPE de la société d'avocats HOGAN LOVELLS, avocat au barreau de PARIS, toque : J033

INTIMÉE

La société WB TECHNOLOGIES, société par actions simplifiée,

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 798 151 858,

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Caroline CASALONGA de la SELAS CASALONGA, avocat au barreau de PARIS, toque : K0177

Représentée par Me Marianne GABRIEL de la SELAS CASALONGA, avocat au barreau de PARIS, toque : K0177

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Mai 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Benjamin RAJBAUT, Président

Monsieur David PEYRON, Président de chambre

Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par M. Benjamin RAJBAUT, président et par Mme Karine ABELKALON, greffier.

***

La cour rappelle que la société CLINIQUE LABORATORIES LLC, société de droit américain, filiale du groupe Estée Lauder, est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de produits cosmétiques ;

Qu'elle est titulaire des droits sur la marque de l'Union Européenne CLINIQUE n°54 429, déposée le 1er avril 1996, enregistrée le 11 janvier 1999 et renouvelée depuis lors, pour désigner des produits et des services en classes 3, 14, 25 et 42, et notamment des produits de toilette et produits de soin pour le corps, savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, antiperspirants, talc, produits de soin pour les cheveux y compris les lotions, dentifrices ;

Qu'ayant constaté que la Sas WB TECHNOLOGIES, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris depuis le 25 novembre 2013, ayant pour objet social la conception, la réalisation et la commercialisation de produits technologiques innovants, avait déposé des demandes d'enregistrement :

le 10 janvier 2015, sous le n° 15 4 147 354, de la marque CLINIQUE DIGITALE pour désigner des produits et des services en classes 3, 5 et 42 et notamment des "cosmétiques" en classe 321,

le 4 mai 2015, sous le n° 15 4 178 402, de la marque LA CLINIQUE DIGITALE, pour désigner des produits et des services en classes 3, 35 et 42 et notamment des "cosmétiques" en classe 322,

Elle a, les 30 mars et 29 juillet 2015, formé opposition auprès de l'INPI, puis, les 30 mars et 27 avril 2016, des recours devant la cour d'appel de Paris contre les décisions qui les ont rejetées ; que ces procédures, distinctes de la présente, sont en cours ;

Que par ailleurs, après avoir fait procéder le 25 août 2016 à un constat d'huissier sur le site internet www.wired-beauty.com appartenant à la Sas WB TECHNOLOGIES, et estimant que cette société, de première part, y faisait usage des signes CLINIQUE DIGITALE et LA CLINIQUE DIGITALE, de seconde part, se préparait à lancer une application pour smartphone dénommée LA CLINIQUE DIGITALE, la société CLINIQUE LABORATORIES LLC, et la Sas ELCO, sa filiale commercialisant ses produits en France, l'ont faite citer le 19 octobre 2016 devant le juge des référés sur le fondement de l'atteinte à la marque renommée CLINIQUE, tel que prévu notamment par l'article 9c du règlement 207/2009 modifié sur la marque de l'Union Européenne, pour :

lui faire interdiction

d'utiliser des signes CLINIQUE DIGITALE et LA CLINIQUE DIGITALE ou de tout signe similaire, notamment pour désigner une application pour smartphones ;

de lancer l'application LA CLINIQUE DIGITALE sous cette dénomination ou toute dénomination similaire ;

d'utiliser la couleur vert clair ou toute couleur similaire ;

de lancer l'application LA CLINIQUE DIGITALE en conjonction avec la couleur vert clair ou toute couleur similaire ;

le voir condamner au versement :

à la société CLINIQUE LABORATORIES LLC d'une provision d'un montant de 25.000 euros au titre du préjudice causé au caractère distinctif et à la renommée de la marque CLINIQUE ;

à la Sas ELCO d'une provision d'un montant de 25.000 euros au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;

d'une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC ;

Que la Cour statue sur l'appel interjeté par la société CLINIQUE LABORATORIES LLC de l'ordonnance contradictoire rendue le 16 décembre 2016 par le Juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris qui :

a rejeté les demandes de la société CLINIQUE LABORATORIES LLC et de la Sas ELCO,

a condamné la société CLINIQUE LABORATORIES LLC et la Sas ELCO à payer à la Sas WB TECHNOLOGIES une somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

les a condamnées aux dépens ;

Que dans ses dernières conclusions du 14 avril 2017, la société CLINIQUE LABORATORIES LLC demande à la Cour de :

CONFIRMER l'ordonnance en ce que Monsieur le Président a reconnu la renommée de la Marque CLINIQUE No. 54 429 ;

INFIRMER l'ordonnance en ce que Monsieur le President a rejeté les demandes de Clinique Laboratories LLC visant a faire reconnaitre l'atteinte actuelle et imminente des droits de Clinique Laboratories LLC sur la Marque CLINIQUE No. 54 429 par WB Technologies SAS et statuant a nouveau,

DÉCLARER Clinique Laboratories LLC recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes ;

DIRE ET JUGER que l'usage par WB Technologies SAS des signes "CLINIQUE DIGITALE" et "LA CLINIQUE DIGITALE" sur le site Internet www.wired-beauty.com constitue une atteinte a la renommée de la marque CLINIQUE No. 54 429 dont est titulaire Clinique Laboratories LLC ;

DIRE ET JUGER que le lancement a venir de l'Application pour smartphones sous le nom "LA CLINIQUE DIGITALE" est de nature a porter une atteinte imminente a la marque CLINIQUE No. 54 429 dont est titulaire Clinique Laboratories LLC ;

DIRE ET JUGER que la demande reconventionnelle de WB Technologies SAS pour procedure abusive constitue une nouvelle prétention ou a tout le moins n'est pas fondée ;

En conséquence,

ORDONNER a WB Technologies SAS de cesser tout usage des signes "CLINIQUE DIGITALE" et "LA CLINIQUE DIGITALE", ou de tout signe similaire, sur son site internet notamment et sur tout support, pour designer tout produit ou service et notamment une application pour smartphones, et ce, sous astreinte de 1000 euros par infraction constatee, a compter de la signification de l'arret a intervenir ;

INTERDIRE a WB Technologies SAS de lancer son application sous le nom "LA CLINIQUE DIGITALE", ou tout signe similaire, et ce, sous astreinte de 1000 euros par infraction constatée, a compter de la signification de l'arret a intervenir ;

CONDAMNER WB Technologies SAS a réparer l'ensemble des préjudices subis par Clinique Laboratories LLC et a lui payer la somme de 25.000 euros a titre de dommages-interets provisionnels en réparation du préjudice cause au caractère distinctif et a la renommée de la Marque CLINIQUE ;

DEBOUTER Technologies SAS de sa demande reconventionnelle pour procedure abusive ;

CONDAMNER WB Technologies SAS a payer a Clinique Laboratories LLC la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procedure civile ;

CONDAMNER WB Technologies SAS aux entiers depens qui pourront être recouvrés par Maitre Alain Fisselier, avocat aux offres de droit.

Dans ses dernières conclusions du 4 mai 2017, la Sas WB TECHNOLOGIES demande à la Cour de :

Confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a retenu la renommée de la marque CLINIQUE invoquée,

DIRE ET JUGER que la société Clinique Laboratories LLC est irrecevable, ou à tout le moins mal fondée en l'ensemble de ses demandes, et l'en débouter,

CONDAMNER la société Clinique Laboratories LLC à verser à la société WB Technologies la somme de 15.000 € en réparation du préjudice subi au titre de la procédure abusive,

CONDAMNER la société Clinique Laboratories LLC à verser à la société WB Technologies la somme de 20.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER la société Clinique Laboratories LLC aux entiers dépens,

SUR CE

I - Sur la renommée de la Marque de l'Union Européenne CLINIQUE n° 54 429

Considérant que la société CLINIQUE LABORATORIES LLC vient au soutien de l'ordonnance qui a reconnu à la marque CLINIQUE n°54 429 une renommée au sens de l'article 9 du règlement 207/2009 modifié sur la marque de l'Union Européenne ;

Que la Sas WB TECHNOLOGIES vient à son infirmation, en soutenant que les éléments produits pour l'établir ne sont pas suffisamment probants ;

Considérant que la société CLINIQUE LABORATORIES LLC est une société de droit américain spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de produits cosmétiques ;

Qu'il ressort d'une attestation établie le 5 octobre 2016 par [A] [I], Vice President & Senior Trademark counsel de la société CLINIQUE LABORATORIES LLC, que les chiffres d'affaires de cette société et ses dépenses publicitaires et marketing sont les suivants :

ventes nettes en millions de $

2012

2013

2014

2015

2016

RU

160

165

175

175

175

Allemagne

50

55

50

45

50

France

45

30

40

35

35

Europe de l'ouest

475

470

475

455

465

dépenses publicitaires et marketing en millions de $

2012

2013

2014

2015

2016

RU

30

35

35

30

30

Allemagne

16

15

12

13

15

France

13

11

10

10

11

Europe de l'ouest

110

110

95

90

100

Que la Sas WB TECHNOLOGIES critique cette attestation, en ce qu'elle n'est pas manuscrite et qu'elle émane d'une salariée ; que cependant les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité ; qu'en outre, la société intimée ne produit aucune pièce permettant de contredire la réalité de ces faits ainsi attestés ;

Que par ailleurs, ces éléments sont corroborés par :

un article tiré de 'l'histoire des marques' duquel il ressort que la marque CLINIQUE, créée en 1968, est vendue dans plus de 130 pays et dans plus de 16 000 points de vente,

le classement mondial BRANDZ 2016 pour les 'soins personnels' duquel il découle que la marque CLINIQUE occupe la 7ème place, avec une valorisation de 6,35 millions de $,

des extraits des magazines de presse féminine ELLE, BIBA, MARIE-CLAIRE, COSMOPOLITAN, FEMME ACTUELLE, faisant ressortir des pages publicitaires pour les produits CLINIQUE,

la présence de CLINIQUE dans les réseaux sociaux, notamment sur Facebook, Instagram, Twitter et Linkedin ;

Qu'enfin, il ressort d'une étude de notoriété par sondages établie au mois de mai 2016 auprès d'un échantillon de 1 011 hommes et femmes français âgés de 18 ans et plus :

que 8% ont acheté des produits cosmétiques CLINIQUE au cours des 6 derniers mois,

que 66% des femmes et 69% des femmes acheteuses connaissent la marque CLINIQUE,

Que la même étude menée au Royaume Uni montre que 88% des femmes connaissent cette marque ;

Que quand bien même les résultats de cette étude, établie à l'initiative de la société CLINIQUE LABORATORIES LLC, doivent être accueillis avec prudence, la cour ne peut que noter ici encore que la partie intimée ne produit aucune pièce permettant d'en contester la portée probatoire ;

Considérant, en définitive, qu'il résulte suffisamment des pièces qui précèdent, de première part, que le public concerné par les produits et services de la marque CLINIQUE est un consommateur de produits cosmétiques, principalement féminin ; de seconde part, que cette marque, ancienne, comme datant de 1968, est vendue dans plus de 130 pays et dans plus de 16 000 points de vente ; qu'au classement BRANDZ 2016, elle est classée au 7ème rang pour les 'soins personnels' ; qu'elle réalise un chiffre d'affaires important et effectue des investissements publicitaires considérables en Europe de l'Ouest, notamment en Grande Bretagne, en Allemagne et en France ; qu'elle est présente sur les réseaux sociaux et les pages publicitaires des grands magazines de la presse féminine ; qu'elle est connue de 66% des femmes en France et 88% en Grande Bretagne ; que la marque CLINIQUE jouit ainsi auprès d'une partie significative du public pertinent d'une renommée dans l'ensemble du territoire de l'Union et plus particulièrement en France ; que l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a dit que la marque clinique était renommée ;

II - Sur l'atteinte à la marque renommée

Considérant que pour bénéficier de la protection de l'article 9 du règlement 207/2009 modifié sur la marque de l'Union Européenne, le titulaire de la marque renommée doit d'abord établir que le public concerné fait un lien entre sa marque et la reproduction ou l'imitation qui en est faite ; qu'il doit en outre prouver que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou lui porte préjudice ;

Que la cour de justice de l'Union Européenne précise que cinq facteurs doivent notamment être pris en compte pour identifier ce lien :

le degré de similitude entre les marques en conflit,

la nature des produits ou des services pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné,

l'intensité de la renommée de la marque antérieure,

le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l'usage, de la marque antérieure,

l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public ;

Considérant que pour dire que l'atteinte à la marque CLINIQUE n'était pas suffisamment caractérisée, le premier juge, de première part, a estimé que la ressemblance entre les signes, née de la seule reprise commune du terme CLINIQUE, n'était pas suffisante, au regard des différences constatées, pour que le public concerné puisse établir un lien entre la marque CLINIQUE et les signes en cause ; de deuxième part, que seul un lien indirect pouvait être fait entre les produits visés par la marque CLINIQUE et les services résultant de l'application LA CLINIQUE DIGITALE ; de troisième part, que le public concerné pour la marque CLINIQUE, consommateur de produits cosmétiques soucieux du bien être de sa peau, était plus étroit que celui de l'application proposée ;

Considérant que la Sas WB TECHNOLOGIES vient au soutien de l'ordonnance pour les motifs qu'elle contient et ceux repris ci-après ;

Que la société CLINIQUE LABORATORIES LLC vient à son infirmation ; qu'elle soutient, de première part, qu'il existe une forte similarité entre la marque CLINIQUE renommée et les signes CLINIQUE DIGITALE et LA CLINIQUE DIGITALE ; que visuellement, le signe CLINIQUE est entièrement repris, qu'il est en position d'attaque, qu'il est dominant, les termes LA et DIGITALE étant de simples article et adjectif, que phonétiquement, le terme CLINIQUE constitue la sonorité principale ; que conceptuellement, l'adjonction du terme DIGITALE vient uniquement qualifier le terme CLINIQUE et n'en modifie pas le sens ; de deuxième part, que les produits et services sont fortement similaires ; que la marque CLINIQUE utilise le digital et les nouvelles technologies pour promouvoir, commercialiser et communiquer tant sur ses produits cosmétiques que sur des outils en lien avec ces produits cosmétiques ; que les services de conseil en matière de soins de la peau et de cosmétiques offerts par la Sas WB TECHNOLOGIES sont complémentaires et donc similaires aux siens ; que tout laisse à penser qu'elle prévoit de se lancer dans la vente directe de cosmétiques ; de troisième part, que le public concerné est identique, à savoir un public féminin consommateur de produits cosmétiques ; de quatrième part, que la renommée de la marque CLINIQUE est forte ; de cinquième part, que le signe CLINIQUE est fortement distinctif ; de sixième part, qu'il existe pour le public concerné un risque de confusion ; de septième part, que l'application lancée orientera les consommateurs vers des produits différents de la marque CLINIQUE ; de huitième part, qu'en voyant l'application, les consommateurs l'associeront à la marque CLINIQUE et la téléchargeront en pensant obtenir des conseils de de beauté prodigués par CLINIQUE ;

Considérant, ceci étant exposé, qu'il convient de rappeler au préalable que les marques CLINIQUE DIGITALE et LA CLINIQUE DIGITALE déposées par la Sas WB TECHNOLOGIES ne sont pas enregistrées et que dès lors seul l'usage qui est fait du signe CLINIQUE sur le site internet www.wired-beauty.com appartenant à la Sas WB TECHNOLOGIES est à prendre en considération pour apprécier l'atteinte à la marque ;

Qu'en l'espèce, à l'appui de ses demandes, la société CLINIQUE LABORATORIES LLC revendique dans ses conclusions la protection de ses droits sur la marque de l'Union Européenne CLINIQUE n°54 429, déposée le 1er avril 1996, enregistrée le 11 janvier 1999 et renouvelée depuis lors, pour désigner des produits et des services en classes 3, 14, 25 et 42, et notamment des produits de toilette et produits de soin pour le corps, savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, antiperspirants, talc, produits de soin pour les cheveux y compris les lotions, dentifrices ;

Que concernant les atteintes à cette marque renommée, il sera rappelé que la Sas WB TECHNOLOGIES, qui a pour objet social la conception, la réalisation et la commercialisation de produits technologiques innovants, exploite le site internet www.wired-beauty.com ;

Que selon le constat d'huissier du 25 août 2016 :

le site s'ouvre par une première page WB, comprendre ce dont votre peau a vraiment besoin ; dans le menu, apparaissent trois liens, MAPO, HELIO SENSE et WIRED RESEARCH ;

le clic sur ce troisième lien conduit à une deuxième page intitulée Wired Research, l'app coach de votre peau et de votre beauté. Véritable auto-coaching personnel pour mieux comprendre, jour après jour, les facteurs (externes et internes) influençant votre beauté et votre peau et améliorer vos gestes de soins ; en bas de page apparaît un lien LA CLINIQUE DIGITALETM ;

le clic sur ce lien conduit à une troisième page intitulée La Clinique DigitaleTM, application bientôt disponible sur l'App Store, avec le texte suivant :

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2 - nous investissons plus de 50% de nos ressources en Recherche et Développement

3 - nous sommes neutres

4 - nous croyons au meilleur de la science et de la nature

5 - nous construisons ensemble une nouvelles cosmétique ;

Qu'il ressort encore des conclusions et des pièces non démenties de la Sas WB TECHNOLOGIES, de première part, qu'elle ne fabrique et ne commercialise pas de produits cosmétiques ; de deuxième part, qu'elle a développé les produits technologiques suivants ; en premier lieu, MAPO, masque de beauté connecté qui, grâce à ses capteurs digitaux miniaturisés, permet de mesurer l'hydratation et le stress de la peau du visage, d'analyser l'épiderme et de communiquer le bilan de l'analyse via le smartphone connecté ; en second lieu, HELIOSENSE, bracelet textile, développé en collaboration avec des dermatologues, des patients atteints de cancer de la peau et des designers qui permet de mesurer et de suivre l'exposition UV de celui qui le porte et d'améliorer les comportements au soleil ; de troisième part, que depuis le 4 octobre 2016, seul le signe La Clinique DigitaleTM est exploité sur le site internet www.wired-beauty.com, le '3ème avantage' ci-dessus cité étant dorénavant rédigé : vous pouvez créer votre propre La Clinique DigitaleTM grâce à l'App (...) ;

1 - sur le degré de proximité ou de dissemblance des produits et services

Considérant qu'il ressort de ce qui précède que les produits et services en cause sont essentiellement dissemblables ; que ceux revendiqués ressortant de l'enregistrement de la marque CLINIQUE sont des produits de toilette et produits de soin pour le corps, savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, antiperspirants, talc, produits de soin pour les cheveux y compris les lotions, dentifrices ; qu'alors qu'il n'y a pas lieu de prendre en considération les produits et services pour lesquels la marque LA CLINIQUE DIGITALE a été déposée, mais seulement l'usage qui est fait du signe CLINIQUE sur le site internet www.wired-beauty.com, force est de constater que celui-ci n'y désigne pas des produits cosmétiques mais des produits technologiques innovants et particulièrement une application numérique dénommée LA CLINIQUE DIGITALE qui permet à son utilisateur de construire son profil beauté, notamment sur la base des données collectées par le masque de beauté MAPO et et par le bracelet HELIOSENSE, puis d'accéder aux solutions de la communauté WB (Web Beauty) ; qu'il est essentiel de noter qu'alors que la Sas WB TECHNOLOGIES affirme dans ses conclusions qu'elle ne fabrique et ne commercialise pas de produits cosmétiques, rien ne vient au soutien de l'assertion de la société CLINIQUE LABORATORIES LLC selon laquelle tout laisse à penser qu'elle prévoit de se lancer dans la vente directe de cosmétiques ; qu'enfin, si la société appelante affirme que la marque CLINIQUE affirme utiliser le digital et les nouvelles technologies pour promouvoir, commercialiser et communiquer tant sur ses produits cosmétiques que sur des outils en lien avec ces produits cosmétiques, c'est à juste titre que la société intimée observe qu'il s'agit alors de simples supports de promotion de vente de ses produits cosmétiques ;

Qu'ainsi c'est exactement que le premier juge a pu dire que seul un lien indirect pouvait être fait entre les produits visés par la marque CLINIQUE et les services résultant de l'application LA CLINIQUE DIGITALE ;

Sur le public concerné

Considérant que c'est à juste titre que la société CLINIQUE LABORATORIES LLC soutient que le public concerné de la marque CLINIQUE est un public consommateur de produits cosmétiques, essentiellement féminin ; que cependant celui de l'application LA CLINIQUE DIGITALE, lui aussi essentiellement féminin, est plus spécifique, puisque nécessairement attiré par les nouvelles technologies dans le domaine de la beauté ;

Sur le degré de similitude entre les signes en conflit

Considérant, au préalable, qu'à ce jour seul le signe LA CLINIQUE DIGITALE est utilisé par la Sas WB TECHNOLOGIES ; qu'à défaut de risque d'atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou de risque de poursuite d'actes de contrefaçon, il n'y a pas lieu d'examiner en référé l'usage du signe CLINIQUE DIGITALE ;

Considérant que les signes en conflit ont en commun le terme clinique ; que cependant, visuellement, le signe protégé comporte un terme alors que le signe LA CLINIQUE DIGITALE en comporte trois ; que phonétiquement, le premier compte trois syllabes alors que le second en a huit ; que le terme clinique n'est pas en position d'attaque étant précédé par LE ; que, surtout, sur un plan conceptuel, la marque CLINIQUE peut désigner indifféremment un nom ou un adjectif, cependant que le signe LA CLINIQUE DIGITALE évoque explicitement un établissement médical mettant en oeuvre des technologies numériques, lui donnant ainsi une signification substantiellement différente ; qu'ainsi les signes en conflit sont essentiellement dissemblables ;

Sur la distinctivité et la notoriété de la marque CLINIQUE

Considérant qu'il a été examiné que la marque CLINIQUE jouit d'une grande notoriété ; que le terme CLINIQUE, qui ne renvoie pas aux cosmétiques, est distinctif ;

Sur le risque de confusion et d'association

Considérant, en définitive, que nonobstant la distinctivité et la notoriété de la marque CLINIQUE, et un public concerné en partie commun, qu'en l'état des importantes différences visuelles, phonétiques et conceptuelles entre les signes en cause pris dans leur ensemble, et de la notable dissemblance des produits proposés, le consommateur de produits cosmétiques moyennement attentif, qui ne sera pas amené à croire que le signe LA CLINIQUE DIGITALE serait la déclinaison ou l'adaptation de la marque antérieure, ne fera pas non plus de lien entre les signes en cause ;

Que sans qu'il y ait lieu d'examiner si l'usage du signe LA CLINIQUE DIGITALE tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou lui porte préjudice, l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a dit qu'il n'avait pas été porté atteinte à la renommée de la marque CLINIQUE ;

III - Sur les autres demandes

Considérant, alors que la marque CLINIQUE est renommée et que la Sas WB TECHNOLOGIES a fait usage de ce terme dans les conditions examinées ci-dessus, la cour estime que l'action engagée par la société CLINIQUE LABORATORIES LLC n'a pas dégénéré en abus et la demande reconventionnelle sera rejetée ;

Que la société CLINIQUE LABORATORIES LLC succombant, l'ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ; qu'ajoutant, elle sera aussi condamnée aux dépens d'appel et ainsi qu'il est dit au dispositif en ce qui concerne les frais irrépétibles d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme l'ordonnance en toutes ses dispositions,

Précise qu'il n'y a pas lieu à référé en ce qui concerne l'usage du signe CLINIQUE DIGITALE,

Déboute la Sas WB TECHNOLOGIES de sa demande reconventionnelle en procédure abusive,

Ajoutant,

Condamne la société CLINIQUE LABORATORIES LLC aux entiers dépens d'appel et à payer à la Sas WB TECHNOLOGIES une somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE PRÉSIDENTLE GREFFIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 17/01193
Date de la décision : 20/06/2017

Références :

Cour d'appel de Paris I1, arrêt n°17/01193 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-20;17.01193 ?
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