Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRÊT DU 15 JANVIER 2019
(n°005/2019, 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08434 -
N° Portalis 35L7-V-B7B-B3FVC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Mars 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/06011
APPELANTE
SAS ACIERIES DE BONPERTUIS
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de VIENNE sous le numéro563 620 616
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
Bonpertuis - Apprieu - CS 70001
[...] SUR FURES
Représentée par Me Pierre H..., avocat au barreau de PARIS, toque : D1562
Assistée de Me Françoise X... de la Y..., avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉ
Monsieur Z..., José DA A...
Né le [...] à ACORES CELORICO DA BEIRA (PORTUGAL)
Agent administratif
Demeurant [...]
Représenté par Me Antoine B... de la C..., avocat au barreau de PARIS, toque : J058
Assisté de Me Jean-Christophe D... de la E..., avocat au barreau de GRENOBLE, toque : B35
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Novembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:
Monsieur David PEYRON, Président de chambre
Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère
M. François THOMAS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
Contradictoire
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par David PEYRON, Président de chambre et par Karine ABELKALON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS
La société SAS ACIERIES DE BONPERTUIS est spécialisée dans le laminage de profils en acier inoxydable, principalement pour la coutellerie.
Monsieur Z... DA A... a été engagé par la société ACIERIES DE BONPERTUIS le 4 octobre 1976 en qualité de rectifieur de cylindres niveau 1, échelon 3, coefficient I 55 en application de la Convention Collective des Mensuels des Industries des Métaux de l'Isère.
Son contrat de travail est à ce jour en cours d'exécution et monsieur DA A... a occupé les fonctions suivantes :
à compter du 22 juin 1989, il a été muté au service commercial/expédition en qualité de responsable expédition et gestion des stocks;
courant 1998, dans le cadre de l'arrêt définitif de l'activité d'aciérie, il a été muté comme agent administratif classé niveau 4, échelon 1, coefficient 255 puis 270 à compter du 8 juin 2016 au service papeterie, qu'il compose depuis avec un autre salarié, monsieur Lahcène F..., ingénieur papetier.
Le service papeterie commercialise des pièces destinées à 1'industrie papetière et notamment des disques de raffineur de pâte à papier.
Monsieur DA A... déclare avoir, sans qu'aucune mission ne lui soit confiée :
recherché avec son supérieur monsieur F... une solution technique pour fabriquer les disques de raffineur de la société ACIERIES DE BONPERTUIS pour ses clients papetiers à partir de matière première produite par elle, ce afin de reprendre la maîtrise des coûts de revient perdue lors de la cessation de l'activité aciérie qui avait imposé un approvisionnement externe,
eu personnellement l'idée d'introduire une entretoise intercalaire afin de compenser le manque d'épaisseur des nouveaux disques laminés.
Une enveloppe Soleau a été déposée par monsieur F... le 26 avril 2006, désignant les deux salariés en qualité de co-inventeurs.
La société ACIERIES DE BONPERTUIS a ensuite déposé le 22 novembre 2006 une demande n° 06 55052 de brevet français et le 17 septembre 2007, une demande de même objet de brevet européen sous priorité du précédent, désignant toutes deux monsieur F... en qualité d'inventeur. Le premier brevet est maintenu en vigueur, tandis que le second a été abandonné.
Après l'échec d'une médiation tentée fin 2014, monsieur DAA... a saisi le 19 juin 2015 la Commission Nationale des Inventions de Salariés (la CNIS) en sollicitant la qualification d'invention hors mission attribuable et le paiement d'un juste prix ; la CNIS a établi le 24 mars 2015 une proposition de conciliation qualifiant l'invention d'invention de mission et fixant la rémunération supplémentaire due à Monsieur DA A... à la somme brute de 25 000 euros.
Par acte d'huissier du 14 avril 2016, la société ACIERIES DE BONPERTUIS a assigné monsieur DA A... devant le tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 30 mars 2017, a:
dit que l'invention de monsieur Z... DA A... est une invention hors mission attribuable,
condamné la SAS ACIERIES DE BONPERTUIS à payer à monsieur Z... DA A... la somme de 100 000 € en paiement du juste prix contrepartie de l'attribution de son invention à la SAS ACIERIES DE BONPERTUIS,
rejeté la demande de la SAS ACIERIES DE BONPERTUIS au titre des frais irrépétibles,
condamné la SAS ACIERIES DE BONPERTUIS à payer à monsieur Z... DA A... la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la SAS ACIERIES DE BONPERTUIS à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés directement par Maître Antoine B... conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
ordonné l'exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions et à hauteur de 50.000 euros pour la condamnation au paiement du juste prix.
La société ACIERIES DE BONPERTUIS a fait appel de ce jugement et, par conclusions du 7 novembre 2017, demande à la cour de:
réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de PARIS, le 30 mars 2017, dans toutes ses dispositions;
Statuant à nouveau :
juger que l'invention des disques laminés résulte d'études et de recherches confiées à monsieur Z... DA A... dans le cadre de l'exécution de ses fonctions de salarié pour le compte de la société ACIERIES DE BONPERTUIS et par conséquent;
qualifier l'invention litigieuse d'invention de mission susceptible d'ouvrir droit à l'allocation d'une rémunération supplémentaire au salarié, à condition d'être justifiée;
constater que la contribution de monsieur Z... DA A... à l'invention a été limitée et que l'invention a eu un intérêt commercial et économique modéré pour la société ACIERIES DE BONPERTUIS et en conséquence;
juger que monsieur Z... DA A... n'est pas fondé à solliciter une rémunération supplémentaire au titre de l'invention litigieuse;
A titre subsidiaire,
constater l'intérêt commercial limité de l'invention pour la société ACIERIES DE BONPERTUIS et la contribution personnelle non significative de monsieur Z... DA A... à sa création et en conséquence;
fixer la rémunération supplémentaire de monsieur Z... DA A... à un montant symbolique, lequel ne saurait excéder la somme de 500 €;
En tout état de cause:
condamner monsieur Z... DA A... à verser à la société ACIERIES DE BONPERTUIS la somme de 4.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître H... Pierre.
Par conclusions du 12 septembre 2017, monsieur DA A... demande à la cour de:
juger que l'appel de la société ACIERIES DE BONPERTUIS est mal fondé;
débouter la société ACIERIES DE BONPERTUIS de ses fins, moyens et prétentions;
confimer le jugement entrepris en ce qu'il a entendu juger que l'invention des disques laminés dont monsieur Z... DA A... est le co-inventeur, doit être qualifiée d'invention hors mission attribuable, donnant droit au versement d'un juste prix à titre de contrepartie de l'attribution de son invention à la société ACIERIES DE BONPERTUIS, et condamner la société ACIERIES DE BONPERTUIS d'avoir à payer à monsieur Z... DA A... la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de 1ère instance ;
fixer le juste prix à :
/ pour les années écoulées, de 2007 à 2016, soit pendant 10 années, une somme forfaitaire 145.000,00 €,
/ pour les années 2017 et suivantes, un pourcentage égal à 10% du chiffre d'affaires H.T réalisé sur la production des disques laminés;
En conséquence,
condamner la société ACIERIES DE BONPERTUIS d'avoir à payer à Monsieur Z... DA A... :
/ la somme de 145.000 € à titre de juste prix, pour les années écoulées de 2007 à 2016,
/ avant le 31 janvier de chaque année, un pourcentage égal à 10% du chiffre d'affaires H.T réalisé sur la production des disques laminés pour l'année écoulée, et ce à compter de l'année 2017, avec communication pour la même date du justificatif du chiffre d'affaires réalisé, sous astreinte de 100 € par jour de retard passé cette daté, la Juridiction d'appel se réservant la compétence de la liquidation de l'astreinte provisoire et de sa conversion en astreinte définitive;
À titre subsidiaire;
juger que l'invention des disques laminés dont monsieur Z... DA A... est le co-inventeur, doit être qualifiée d'invention de mission, donnant droit au versement d'une rémunération supplémentaire;
fixer la rémunération supplémentaire à :
/ pour les années écoulées, de 2007 à 2016, soit pendant 9 années, une somme forfaitaire 145.000 €;
/ pour les années 2017 et suivantes, un pourcentage égal à 10% du chiffre d'affaires H.T réalisé sur la production des disques laminés;
En conséquence;
condamner la société ACIERIES DE BONPERTUIS d'avoir à payer à Monsieur Z... DA A...:
/ la somme de 145.000 € à titre de rémunération supplémentaire, pour les années écoulées de 2007 à 2016,
/ avant le 31 janvier de chaque année, un pourcentage égal à 10% du chiffre d'affaires H.T réalisé sur la production des disques laminés pour l'année écoulée, et ce à compter de l'année 2017, avec communication pour la même date du justificatif du chiffre d'affaires réalisé, sous astreinte de 100€ par jour de retard passé cette daté, la Juridiction d'appel se réservant la compétence de la liquidation de l'astreinte provisoire et de sa conversion en astreinte définitive;
En tout état de cause,
condamner la société ACIERIES DE BONPERTUIS d'avoir à payer à monsieur Z... DA A... la somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel;
condamner la société ACIERIES DE BONPERTUIS aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Me Antoine B..., Avocat constitué, sur ses offres de droit.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 mai 2018.
MOTIVATION
Sur la qualification de l'invention
La société ACIERIES DE BONPERTUIS demande à la Cour de retenir, comme la CNIS, que l'invention est une invention de mission, monsieur DA A... étant placé sous l'autorité de son supérieur hiérarchique, monsieur F... -responsable du service papeterie-, qui rendait régulièrement compte de l'avancée de la mission à la direction de l'entreprise, laquelle pilotait l'ensemble des opérations ayant pour but de parvenir à l'invention.
Elle affirme que les travaux d'études étant réalisés dans le cadre de sa mission, les heures dédiées par monsieur DA A... à la création et au développement de l'invention étant comptabilisées comme des heures de travail et rémunérées comme telles, et fait notamment état des comptes-rendus de réunion avec la direction.
Elle s'étonne que l'intéressé n'ait déclaré l'invention que huit années après sa création.
Monsieur DA A... soutient que l'invention est une invention hors mission attribuable donnant droit, à titre de contrepartie, au paiement d'un juste prix. Il fait notamment valoir que son contrat de travail ne comporte pas de mission inventive, que ses fonctions effectives ne contenaient aucun caractère inventif, et qu'aucune mission inventive ponctuelle ne lui a non plus été confiée, ainsi que le révèle l'absence de tout écrit en attestant. Il ajoute avoir agi avec monsieur F... de leur propre initiative, sans y avoir été invités par la direction de l'entreprise, comme le démontrent notamment les attestations de monsieur F... et le dépôt de la demande de brevet.
Sur ce
Monsieur DA A... a, au sein de la société ACIERIES DE BONPERTUIS, exercé depuis son embauche jusqu'à l'invention les fonctions de rectifieur cylindre, avant d'être muté au service commercial en tant qu'agent administratif puis au service papeterie de la société, et il n'est pas justifié par les pièces versées que ses fonctions aient comporté une quelconque mission inventive.
L'enveloppe Soleau, datée du 21 avril 2006 et enregistrée le 26 avril 2006, est dressée sur du papier à en-tête 'aciéries de Bonpertuis', elle est signée par 'monsieur F... service papeterie', et désigne comme inventeurs messieurs F... et DA A....
Si la société ACIERIES DE BONPERTUIS soutient que les travaux d'études et de recherches portant sur l'invention ont été réalisés dans le cadre de l'exécution de ses fonctions de salarié par monsieur DA A..., elle ne produit pas de pièces démontrant qu'elle avait alors confié une mission inventive à messieurs DA A... et F....
En effet, monsieur F..., également employé de la société ACIERIES DE BONPERTUIS, qui a déposé l'enveloppe SOLEAU et y est désigné comme co-inventeur, n'indique pas dans son attestation du 20 juillet 2015 qu'il avait reçu une quelconque mission de cette société pour cette invention, alors qu'il précise avoir, une fois le concept arrêté, déposé l'enveloppe SOLEAU sur instruction de la direction.
L'information par monsieur F... de la direction de la société quant aux essais réalisés sur les disques conçus avec monsieur DA A... ne saurait révéler que la société leur avait confié une mission inventive ; la production de spécification des missions et compétence du personnel du service papeterie du mois de septembre 2011, soit plusieurs années après les travaux litigieux en cause, est dénuée d'intérêt pour des travaux inventifs ayant précédé le dépôt d'un brevet français le 22 novembre 2006, ce d'autant qu'il ressort du même document daté du 9 mai 2005 qu'il revenait au personnel du service papeterie de définir les spécifications techniques des nouveaux produits, en partenariat avec le bureau d'études, ce qui ne peut justifier l'existence d'une mission d'invention.
Il en est de même des tableaux de planification de conception et de développement de l'invention de 2008.
L'attestation du 20 juillet 2015 de monsieur F... révèle que c'est lui qui a eu l'idée de produire des disques de raffineur à partir de la matière première laminée, et que monsieur DA A... a pour sa part pensé à prévoir un intercalaire afin de pallier le manque d'épaisseur des disques laminés. Sa seconde attestation du 22 juin 2017 confirme que l'idée de compenser le manque d'épaisseur des disques laminés par un intercalaire est celle de monsieur DA A..., survenue au cours de leurs discussions, et cette attestation, si elle évoque le développement de l'invention par la société ACIERIES DE BONPERTUIS, ne démontre pas que la société avait confié une mission inventive à ses deux employés.
Le cahier contenant les comptes-rendus de réunion entre monsieur G..., directeur des ACIERIES DE BONPERTUIS, et monsieur F..., ne mentionne l'invention pour la première fois que lors de la réunion du 24 mars 2006 par la formule 'disques : début de réflexion/voir pour faire échantillon...' de sorte que le dépôt, un mois après, de l'enveloppe SOLEAU démontre que l'invention était déjà à un stade très avancé lors de cette réunion.
Le développement de cette invention par messieurs F... et DA A... pendant leurs heures de travail ne peut pas davantage établir qu'ils avaient reçu une mission inventive de leur employeur, comme il ne peut être déduit de l'évocation par monsieur DA A... d'une 'mission inventive' dans son courrier du 16 septembre 2008 la reconnaissance d'une telle mission, l'intimé n'étant pas en sa qualité d'agent administratif rompu aux dispositions du code de la propriété intellectuelle.
L'élément intercalaire ou 'spacer', inventé par monsieur DA A... comme en témoigne monsieur F..., fait l'objet des revendications 8 à 10 du brevet français déposé le 22 novembre 2006.
Il est au surplus relevé que monsieur DA A... a fait part de ses revendications sur l'invention à l'ancienne direction de la société ACIERIES DE BONPERTUIS dès l'année 2008, soit moins de deux années après le dépôt du brevet.
Aussi convient-il de confirmer l'analyse du tribunal en ce qu'il a retenu que l'activité inventive de monsieur DA A..., attestée par monsieur F..., était caractérisée, et qu'avec ce dernier monsieur DA A... a, sans instruction de la SAS ACIERIES DE BONPERTUIS, hors de toute mission inventive permanente ou temporaire, inventé le disque objet du brevet.
Sur le juste prix
La société ACIERIES DE BONPERTUIS considère que monsieur DA A... ne peut solliciter le paiement d'un juste prix, mais tout au plus d'un supplément de rémunération puisque l'invention est une invention de mission. Elle ajoute que sa contribution à l'invention, soit l'idée d'ajouter des entretoises aux disques laminés, est limitée, comme l'est l'intérêt économique de l'invention, car celle-ci n'a pas entraîné une augmentation du chiffre d'affaires de l'entreprise, ce qui explique qu'elle ne soit protégée qu'en France.
Elle fait état du caractère déraisonnable des demandes de l'intimé, au vu de la marge dégagée par la commercialisation des disques laminés sur les dix dernières années. Elle déclare avancer des données comptables exactes, certifiées par son commissaire aux comptes.
Monsieur DA A... soutient que la recherche ayant permis l'invention a duré plus d'une année et qu'il est mentionné comme co-inventeur dans l'enveloppe Soleau, de sorte que son apport est réel. Il conteste la valeur probante des documents versés par l'intimée, qui seraient le plus souvent non datés ou établis pour les besoins de la cause, et souligne qu'ils révéleraient l'importance de sa contribution à l'invention.
Il fait état de l'importance de son apport, soit l'idée de l'intercalaire des disques laminés, qui a permis de produire ces disques en interne, donc de cesser de faire appel à des prestataires extérieurs et par-là même de réaliser des économies. Il ajoute qu'elle a aussi permis d'introduire un nouveau produit sur le marché et de re-positionner l'entreprise sur celui-ci.
Il fait état de marges supérieures réalisées sur les disques laminés par rapport à celle réalisée sur les disques traditionnels, lesquels ont aujourd'hui été remplacés par lesdits disques laminés.
Sur ce
L'article L611-7 du code de la propriété intellectuelle précise que le salarié ayant fait une invention dans les conditions de monsieur DA A... doit en obtenir le juste prix par son employeur titulaire du brevet protégeant ladite invention, et que sont 'pris en considération tous éléments qui pourront être fournis notamment par l'employeur et par le salarié, pour calculer le juste prix tant en fonction des apports initiaux de l'un et de l'autre que de l'utilité industrielle et commerciale de l'invention'.
Il n'est pas véritablement contesté que lorsque monsieur DA A... a été muté en 1998 au service papeterie, celui-ci était en déclin et sa pérennité était menacée, ainsi qu'il ressort de la première attestation de monsieur F... dans laquelle il indiquait que le disque retaillable était en perte de vitesse depuis plusieurs années du fait de son coût élevé, phénomène amplifié par le développement de produits innovants par la concurrence.
Comme précédemment indiqué, la contribution de monsieur DA A... à l'invention est établie par les déclarations de monsieur F..., par la présence de son nom comme co-inventeur sur l'enveloppe SOLEAU, par le fait que trois revendications du brevet portent sur l'intercalaire dont il a eu l'idée. La société ACIERIES DE BONPERTUIS reconnaît notamment que le brevet a été déposé 'après plus de 12 mois d'études menées simultanément par les deux salariés du service' soit messieurs DA A... et F....
L'idée de l'intercalaire de monsieur DA A... a permis la production de disques en interne -présentant l'épaisseur nécessaire- à partir de la matière première laminée telle que l'avait pensée monsieur F..., donc en maîtrisant leur coût.
Il ressort des données chiffrées visées par le commissaire aux comptes de la société ACIERIES DE BONPERTUIS que la vente des seuls 'spacers' ou intercalaires, inventés par monsieur DA A... a rapporté la somme de 257.573 euros pour les années 2007 à 2014, et que le chiffre d'affaires sur leur vente sur 10 années s'est établi à 318.104 euros.
Le taux de marge nette de 10% avancé par la société ACIERIES DE BONPERTUIS, s'il est validé par son commissaire aux comptes, n'est cependant pas explicité.
Par ailleurs, l'invention a permis à la société ACIERIES DE BONPERTUIS de se re-positionner sur le marché des disques laminés, comme en atteste monsieur F....
Si l'appelante conteste l'augmentation des ventes des disques laminés, elle reconnaît que le brevet 'a assurément apporté un plus en termes de service à la clientèle, de qualité, d'image d'innovation, il a certainement contribué à la fidélisation de certains clients, voire la conquête de nouveaux'.
L'invention a donc contribué au regain d'activité du secteur papeterie de la société ACIERIES DE BONPERTUIS, et les disques laminés selon l'invention ont pris une part de plus en plus importante dans les ventes de cette société, lui permettant de retrouver, malgré la poursuite de la chute des ventes des disques taillés, les niveaux de vente de ses disques des meilleures années 2001 à 2004.
Ce regain d'activité a été observé dès 2007 et 2008, ainsi qu'il ressort des comptes-rendus des réunions de délégués du personnel de l'aciérie de BONPERTUIS, et était attribué au lancement du produit élaboré en application du brevet, donnant notamment satisfaction aux clients en leur permettant de réaliser des économies d'énergie.
L'utilité industrielle de cette invention est encore établie par la communication de la société ACIERIES DE BONPERTUIS sur son site internet, sur lequel est indiqué 'nous avons développé ces dernières années des garnitures de raffineur laminées à haute performance dont la technologie est brevetée et pour lesquelles nous avons aujourd'hui de nombreuses références client', et par le paiement des annuités du brevet pour le maintenir en vigueur.
Il en résulte que le brevet présente pour la société ACIERIES DE BONPERTUIS un intérêt indéniable non seulement sur le plan commercial, mais également économique et financier.
L'article L611-7 du code de la propriété intellectuelle prévoyant le versement au salarié d'un juste prix, lequel prend la forme d'une somme forfaitaire, il ne peut être fait droit à la demande de monsieur DA A... tendant à la condamnation de la société ACIERIES DE BONPERTUIS au paiement d'une somme équivalent à 10% de son chiffre d'affaires pour les années 2017 et suivantes.
Aussi, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le juste prix dû à monsieur DA A... et prévu par l'article L611-7 du code de la propriété intellectuelle à la somme de 100.000 euros.
Sur les autres demandes
La société ACIERIES DE BONPERTUIS succombant au principal, elle sera condamnée au paiement des dépens, outre au versement à monsieur DA A... d'une somme supplémentaire de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement du 30 mars 2017 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société ACIERIES DE BONPERTUIS à payer à monsieur DA A... la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société ACIERIES DE BONPERTUIS à supporter les entiers dépens d'appel dont distraction au profit de maître Antoine B..., avocat constitué.
LE PRÉSIDENTLE GREFFIER