Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRÊT DU 26 FÉVRIER 2019
(n° 029/2019, 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/12122 -
N° Portalis 35L7-V-B7B-B3RUW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mars 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n°
APPELANTS
Monsieur [K] [R]
Né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 5]
De nationalité française
Demeurant [Adresse 1],
[Adresse 1] (CHINE)
Représenté par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050
Assisté de Me Bruno METRAL de la SCP BALAS & METRAL AVOCATS, avocat au barreau de LYON (Toque 773)
Société FAIR WIND INDUSTRY LIMITED
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 1],
[Adresse 1] (CHINE)
Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050
Assisté de Me Bruno METRAL de la SCP BALAS & METRAL AVOCATS, avocat au barreau de LYON (Toque 773)
INTIMÉE
SA LA REDOUTE
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de LILLE MÉTROPOLE sous le numéro 477 180 186
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Assisté Me André BERTRAND de la SELARL ANDRE BERTRAND & ASSOCIES - SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0207
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 Janvier 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur David PEYRON, Président de chambre
Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère
M. François THOMAS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur [Y] [I] dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
Contradictoire
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par David PEYRON, Président de chambre et par Karine ABELKALON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
La cour rappelle qu'[K] [R], de nationalité française, qui demeure à [Localité 4], y dirige notamment la société de droit hongkongais FAIR WIND INDUSTRY Limited ;
Qu'il expose qu'ayant été en relation d'affaires pendant plusieurs années avec la société LA REDOUTE, celle-ci, durant l'automne 2004, lui a passé des commandes "test" pour des produits qu'il soutient avoir créés, à savoir :
une parka longue matelassée (12.500 pièces commandées le 29 novembre 2004),
un sac à main avec boucle coloris noir (2.710 pièces commandées le 16 novembre 2004), un ensemble montre et sac,
ces différents produits étant destinés à des articles cadeaux ;
Qu'il revendique avoir ensuite déposé à son nom ces modèles auprès de l'OHMI, devenue EUIPO :
le 25 avril 2005, publié le 28 juin 2005
sous le numéro 000330337 pour la parka matelassée,
sous le numéro 000330238 pour la montre,
sous le numéro 000330246 pour le sac (faisant ensemble avec la montre),
le 4 octobre 2005, publié le 29 novembre 2005, sous le numéro 000410071 pour le sac noir à boucle, ce dernier produit ayant également été déposé le 12 avril 2005 auprès de l'INPI sous le numéro 05 1922, avec publication au BOPI le 12 août 2005 ;
Parka matelassée
Ensemble montre et sac
Sac noir à boucle
Qu'[K] [R] et la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd, exploitante des modèles litigieux, exposent qu'en septembre 2005, la société LA REDOUTE a décidé d'organiser un système d'enchères inversées pour la commande de la parka-doudoune longue à l'issue duquel elle a les a informés qu'ils n'étaient pas retenus ; que par ailleurs, elle s'est adressée à d'autres fournisseurs pour la fabrication du sac avec boucle (qu'elle a dénommé California) et de l'ensemble montre et sac (dit "Set ARDAR") ; que ces produits ont été proposés en tant que cadeaux pour les clients dans les catalogues et les publicités de la Redoute ;
Qu'après une lettre de mise en demeure du 11 décembre 2008 demeurée vaine, ils ont, le 30 décembre 2008, fait citer la société LA REDOUTE devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de modèles communautaires, concurrence déloyale et indemnisation du préjudice résultant de l'abus de la situation de dépendance économique ainsi que d'une brusque rupture des relations commerciales ;
Qu'à la suite d'un incident devant le juge de la mise en état, puis de deux arrêts de cassation, le dernier en date du 6 septembre 2016, le litige, en ce qu'il concerne l'abus de la situation de dépendance économique et la brusque rupture des relations commerciales, a été renvoyé par arrêt de cette chambre du 6 février 2018 devant le tribunal de commerce de Paris ; que la présente instance ne concerne donc plus que les faits de contrefaçon de modèles communautaires et de concurrence déloyale ;
Qu'[K] [R] et la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd ont interjeté appel du jugement contradictoire rendu le 10 mars 2017 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :
sursis à statuer sur les demandes présentées au titre de l'abus de dépendance économique et de rupture brutale d'une relation commerciale établie dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Paris statuant sur renvoi après l'arrêt de la Cour de cassation rendu le 6 septembre 2016 ;
déclaré prescrite l'action en contrefaçon intentée par M. [K] [R] et la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd relative au modèle de 'sac à boucle noir'n°05 1922 déposé auprès de l'INPI, le 12 avril 2005 et publié au BOPI le 12 août 2005 ;
rejeté la demande en contrefaçon intentée par M. [K] [R] et la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd relative au modèle de 'sac à boucle noir'n°000410071-0002, déposé auprès de l'OHMI le 4 octobre 2005, publié au Bulletin de l'Office du 29 novembre 2005 ;
dit que le modèle n°000330337- 0001 (représentant une veste parka) est nul pour défaut de caractère individuel et débouté en conséquence M. [K] [R] et la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd de leur demande en contrefaçon fondée sur ce modèle ;
dit qu'en commercialisant à titre de cadeau un ensemble constitué d'un sac et d'une montre - dit 'Set ARDAR' - reproduisant les modèles communautaires n°3302466001 et n°330238-0001 a commis des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de M. [K] [R] et de la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd ;
condamné la société LA REDOUTE à payer à M. [K] [R] et la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd la somme de 30.000 euros en réparation des actes de contrefaçon et la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitisme commis à leur encontre,
rejeté la demande reconventionnelle de la société LA REDOUTE ;
condamné la société LA REDOUTE à payer à M. [K] [R] et à la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
condamné la société LA REDOUTE aux dépens ;
Que dans leurs dernières conclusions du 27 février 2018, [K] [R] et la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd demandent à la cour de :
CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 10 mars 2017 en ce qu'il dit qu'en commercialisant à titre de cadeau un ensemble constitué d'un sac et d'une montre ' dit « Set ARDAR » - reproduisant les modèles communautaires n° 3302466001 et n° 330238-001, la société LA REDOUTE a commis des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de Monsieur [K] [R] et de la société FAIR WIND INDUSTRY LIMITED ;
CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 10 mars 2017 en ce qu'il rejette la demande reconventionnelle de la société LA REDOUTE ;
REFORMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 10 mars 2017 pour le surplus ET STATUANT DE NOUVEAU,
Sur les demandes présentées au titre de l'abus de dépendance économique et de la rupture brutale d'une relation commerciale établie,
CONSTATER le renvoi devant le Tribunal de Commerce de PARIS par arrêt de la Cour d'Appel de PARIS du 06 février 2018.
CONSTATER les demandes présentées au titre de l'abus de dépendance économique et de la rupture brutale d'une relation commerciale établie sont maintenues devant le Tribunal de Commerce de PARIS à qui il appartiendra de statuer.
Sur l'action en contrefaçon,
DIRE ET JUGER l'action de Monsieur [R] et de la société FAIR WIND INDUSTRY LIMITED recevable et bien fondée, DIRE ET JUGER que les concluants bénéficient d'une présomption de titularité des droits sur les modèles en cause,
CONSTATER que la société LA REDOUTE ne conteste pas la fabrication et la commercialisation des modèles en cause,
CONSTATER que la société LA REDOUTE ne démontre pas avoir collaboré à la création des modèles en cause ni a fortiori en être l'auteur,
REJETER les demandes de la société LA REDOUTE tendant à voir prononcer la nullité des modèles en cause sur le fondement des articles 14, 25.c et 86 du Règlement n°6/2002 du 12 décembre 2001,
DIRE ET JUGER que la société LA REDOUTE a commis des actes de contrefaçon des modèles déposés par Monsieur [R], régulièrement enregistrés et publiés au Bulletin des dessins ou modèles communautaires de l'OHMI,
CONDAMNER la société LA REDOUTE à régler aux concluants la somme de 1.147.660,00 € au titre du manque à gagner découlant de la contrefaçon des modèles litigieux,
Sur l'action en concurrence déloyale,
DIRE ET JUGER que la société LA REDOUTE a commis des actes de concurrence déloyale,
CONDAMNER la société LA REDOUTE à régler aux concluants la somme de 1.000.000,00 € en réparation du préjudice subi du fait de la concurrence déloyale
EN TOUTE HYPOTHESE
DEBOUTER la société LA REDOUTE de ses demandes reconventionnelles,
CONDAMNER la société LA REDOUTE à régler aux concluants la somme de 20.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens distraits au profit de la SCP REGNIER ' BEQUET ' MOISAN, représentée par Maître Bruno REGNIER, Avocat, sur son affirmation de droit.
Que dans ses dernières conclusions du 26 juin 2018, la société LA REDOUTE demande à la cour de :
RECEVOIR la société LA REDOUTE dans l'ensemble de ses écritures, fins et moyens, et déclarer ceux-ci bien fondés.
Vu l'arrêt du 6 février 2018 de la 1ère Chambre du Pôle 5 de la Cour qui a déclaré le Tribunal de Grande Instance de Paris incompétent pour connaître des demandes fondées sur la rupture brutale de relations commerciales et l'abus de dépendance économique et qui a renvoyé l'affaire devant le Tribunal de Commerce de Paris sur lesdites demandes,
DECLARER IRRECEVABLES les demandes formulées par la société FAIRWIND à ces deux titres.
En ce qui concerne les actes allégués de contrefaçon de modèle,
En ce qui concerne le modèle de « "Sac à boucle",
CONFIRMER le jugement frappé d'appel en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en contrefaçon intentée par M. [K] [R] et la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd relative au modèle de 'sac à boucle noire' n°05 1922 déposé auprès de l'INPI, le 12 avril 2005 et publié au BOPI le 12 août 2005, et REJETÉ la demande en contrefaçon intentée par M. [K] [R] et la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd relative au modèle de 'sac à boucle noire' n°000410071-0002, déposé auprès de l'OHMI le 4 octobre 2005, publié au Bulletin de l'Office du 29 novembre 2005.
En ce qui concerne le modèle de parka matelassée dit "Western Coat", CONFIRMER le jugement frappé d'appel en ce qu'il a jugé que le modèle n°000330337- 0001 (représentant une veste parka) est nul pour défaut de caractère individuel et débouter en conséquence M. [K] [R] et la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd de leur demande en contrefaçon fondée sur ce modèle.
A titre principal, en ce qui concerne le modèle de sac et de montre du "Set Ardar",
CONSTATER que Mr. [K] [R] n'est pas le créateur du sac et de la montre composant le "Set Adrar" qu'il a déposé à son nom à l'OHMI, car ceux-ci ont été créés en collaboration avec LA REDOUTE,
En conséquence, INFIRMER le jugement frappé d'appel en ce qu'il a dit qu'en commercialisant à titre de cadeau un ensemble constitué d'un sac et d'une montre - dit 'Set ARDAR' - reproduisant les modèles communautaires n°3302466001 et n°330238-0001 a commis des actes de contrefaçon au préjudice de M. [K] [R] et de la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd.
A titre subsidiaire, en ce qui concerne le modèle de sac du "Set Ardar",
CONSTATER que le sac du set ARDAR déposé sous le modèle communautaire n°3302466001 est nul pour défaut de caractère individuel,
En conséquence, DEBOUTER Mr. [K] [R] et la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd de leur demande en contrefaçon fondée sur ce modèle.
A titre subsidiaire, en ce qui concerne le modèle de montre du "Set Ardar",
CONSTATER que ladite montre a été créée par M [F] [J] et non pas Mr. [K] [R] qui a déposé celle-ci à son nom,
En conséquence, DEBOUTER Mr. [K] [R] et la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd de leur demande en contrefaçon fondée sur ce modèle.
CONSTATER que « mise au point du Set Ardar » a été effectuée par LA REDOUTE, et elle a été mise en 'uvre par les fournisseurs-sous-traitant de Mr. [R] sans aucun investissement de la part de celui-ci.
En conséquence, INFIRMER le jugement frappé d'appel en ce qu'il jugé que LA REDOUTE avait commis des actes de concurrence déloyale à propos du 'Set Ardar' et qu'il a condamné celle-ci à payer à M. [K] [R] et la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitisme commis à leur encontre.
Dans l'hypothèse fort peu probable où la Cour jugerait les modèles du 'Set Ardar' valides et contrefaits,
CONDAMNER LA REDOUTE à payer à la société FAIR WIND : 17.100 € de dommages et intérêts pour la contrefaçon des deux modèles composant le "Set Ardar".
INFIRMER le jugement frappé d'appel en conséquence.
Reconventionnellement,
DIRE ET JUGER que Mr. [K] [R] en sa qualité de sous-traitant de LA REDOUTE a commis un acte contraire aux usages loyaux du commerce en déposant à son nom à titre de modèle communautaire des produits mis au point en collaboration avec son donneur d'ordre LA REDOUTE, et si ce n'est même des produits développés entièrement par celle-ci.
INFIRMER le jugement frappé d'appel en conséquence.
CONDAMNER, Mr. [K] [R] et la société FAIR WIND à payer 200.000 euros de dommages et intérêts à la société LA REDOUTE pour le préjudice subi par celle-ci suite à leur action en contrefaçon initiée sur la base de dépôts de modèles dans des conditions contraires aux usages loyaux du commerce.
CONDAMNER in solidum les appelants, Mr. [K] [R] et la société FAIR WIND Ltd à verser à la société LA REDOUTE la somme de 30.000 €uros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de Maître François TEYTAUD, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Que l'ordonnance de clôture est du 18 septembre 2018 ;
SUR CE
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées ;
I - Sur les faits d'abus de la situation de dépendance économique et de brusque rupture des relations commerciales
Considérant que le litige, en ce qu'il concerne l'abus de la situation de dépendance économique et la brusque rupture des relations commerciales, a été renvoyé par arrêt de cette chambre du 6 février 2018 devant le tribunal de commerce de Paris ; que les demandes formulées à cet égard devant la cour sont dès lors devenues irrecevables ;
II - Sur les développements 'à titre liminaire' de la société LA REDOUTE concernant le fait qu'[K] [R] et la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd ne seraient pas des créateurs mais seulement des intermédiaires commerciaux
Considérant que ces développements, qui figurent dans les motifs des conclusions, ne font l'objet d'aucune demande spécifique dans le dispositif ni même dans le corps de ces écritures ; qu'il n'y a dès lors pas lieu d'y répondre dans le présent arrêt ;
III - Sur l'action en contrefaçon concernant le modèle de sac avec boucle noir déposé le 12 avril 2005 auprès de l'INPI sous le numéro 05 1922
Considérant que le premier juge a considéré qu'alors que l'offre de ce sac était faite sur le catalogue de la Redoute à la date du 25 juin 2005 et que l'assignation a été délivrée le 30 décembre 2008, la prescription triennale applicable à l'époque était acquise ;
Que la société intimée demande la confirmation du jugement pour les motifs qu'il contient ;
Que les parties appelantes en demandent l'infirmation, en soutenant qu'il s'agit d'un cadeau qui aurait été distribué par La Redoute pendant plusieurs années à ses clientes jusqu'en 2016 ;
Mais considérant que l'unique pièce produite pour justifier de la poursuite de la distribution de ce modèle au-delà du 25 juin 2005 est une page du site internet 'clubpromos- taillissime' à la date du 1er août 2016 avec la mention '15 € de remise pour 30 € d'achat facturé + sac california en cadeau gratuit' ; qu'ainsi que l'a relevé justement le tribunal, cette copie écran, qui ne comprend pas de photo de l'article en cause, ne suffit pas à établir que le sac concerné, certes dénommé 'sac california', est toujours le même et qu'il a été commercialisé par La REDOUTE pendant la période de trois ans précédant l'assignation du 30 décembre 2008 ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a constaté la prescription ;
IV - Sur l'action en contrefaçon concernant le modèle de parka matelassée 'Western Coat' déposé le 25 avril 2005 et publié le 28 juin 2005 sous le numéro 000330337
Considérant que le premier juge, après avoir écarté les moyens de la société La REDOUTE tendant à faire reconnaître sa qualité de co-auteur, la divulgation de ce vêtement lors de la commande test passée le 29 novembre 2004 et son absence de nouveauté, n'en a pas moins déclaré ce modèle nul pour défaut de caractère individuel et a, en conséquence, débouté [K] [R] et la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd de leurs demandes en contrefaçon fondées sur ce modèle ;
Que la société LA REDOUTE demande la confirmation du jugement pour les motifs qu'il contient ;
Que [K] [R] et la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd en demandent l'infirmation pour les motifs ci-après repris ;
Considérant, au préalable, que, dans leurs conclusions, les parties ne critiquent pas le jugement en ce qu'il a écarté les moyens de la société La REDOUTE tendant à faire reconnaître sa qualité de co-auteur, la divulgation de ce vêtement lors de la commande test passée le 29 novembre 2004 et son absence de nouveauté ; que ces dispositions de la décision entreprise qui ne sont pas remises en cause seront confirmées ;
Considérant, sur la nullité du modèle pour absence de caractère individuel, que, reprenant les motifs du jugement, la société LA REDOUTE, qui indique avoir commercialisé plusieurs parkas matelassées durant les saisons qui ont précédé la commande passée à la société FAIR WIND, et notamment :
- aux pages 63 et 223 de son Catalogue Automne/Hiver 2003 - distribué au mois de juin 2003,
- aux pages 250 et 251 de son Catalogue Automne/Hiver 2004 - distribué au mois de juin 2004,
soutient que ces modèles sont similaires au modèle de parka matelassée 'Western Coat' numéro 000330337 lequel, ne présentant pas d'impression globale différente sur l'utilisateur averti manquerait de caractère individuel et partant serait nul ;
Que la société LA REDOUTE ne précise pas plus en quoi les modèles antérieurs seraient 'similaires' au modèle protégé ni quelles seraient leurs caractéristiques communes ; que cependant le tribunal, pour ce qui le concerne, a relevé que la société La Redoute justifie, par la production d'un extrait de son catalogue 'spécial Automne-Hiver 2003/2004", et en particulier de ses pages 62 et 63, qu'elle a commercialisé, dès cette époque, soit un an avant la commande du 29 novembre 2004, une doudoune, notamment de couleur marron grisé, référencée 952.2565, avec une fermeture boutonnée, et deux poches latérales, qui présente, dans sa version sans capuche, une impression globale similaire sur l'utilisateur averti alors qu'en la matière s'agissant de vêtements, le créateur dispose d'un très important degré de liberté ;
Mais considérant, ainsi que l'observent les parties appelantes, que si dans les deux cas les vêtements en question rentrent dans la catégorie générale des 'doudounes', et comportent une fermeture boutonnée et deux poches latérales, ce qui est en soi banal, il existe entre elles des différences significatives ; qu'ainsi, le matelassage est différent, pour le modèle antérieur, vertical et horizontal, dessinant des motifs rectangulaires, et pour le modèle contesté, descendant en diagonale d'arrière en avant du vêtement ; que les deux poches latérales sont différentes, pour le modèle de 2003 verticales et insérées dans le manteau, pour celui de 2005, appliquées et verticales ; qu'en outre, sur le premier modèle, les pressions permettant de fermer le vêtement sont invisibles, cependant qu'elles sont apparentes sur le second ; que l'ensemble de ces différences n'échappera pas à l'utilisatrice avertie qui a l'habitude d'acheter des parkas et ne permet pas d'écarter le caractère individuel du modèle western coat 000330337 ;
Qu'infirmant, la cour dira ce modèle valable ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que le modèle commercialisé ensuite par LA REDOUTE est identique à celui qui a été déposé comme modèle par [K] [R] et que le délit civil de contrefaçon est dès lors constitué ;
V - Sur l'action en contrefaçon concernant l'ensemble montre (enregistré sous le numéro 000330238) et sac (enregistré sous le numéro 000330246)
Considérant que pour demander l'infirmation du jugement qui a rejeté les moyens tendant à l'annulation de ces modèles, la société La REDOUTE soutient :
1 - qu'il résulterait des échanges de courriels que le modèle de sac et de montre n'aurait pas été créé par [K] [R], mais qu'il s'agirait de produits mis au point avec le concours actif de La REDOUTE, donc d'oeuvres de collaboration,
2 - que sur l'enregistrement du modèle de la montre, il serait expressément mentionné que celui-ci aurait été créé par le [F] [J], qui serait un dessinateur de manga, et qu'il serait douteux que celui-ci ait cédé son modèle à [K] [R] ;
3 - que ce 'set Ardar'serait dépourvu de nouveauté dès lors qu'il aurait été présenté à La Redoute avant d'être déposé à l'OHMI ;
4 - qu'enfin le sac manquerait de caractère individuel puisqu'il s'agirait d'un simple sac à main dont la seule caractéristique serait de comporter une fermeture éclair sur l'un de ses cotés et une surpiqûre verticale sur l'autre ;
Considérant que les parties appelantes demandent la confirmation du jugement pour les motifs qu'il contient et ceux repris ci-après ;
Considérant, alors que les motifs de nullité 2 et 3 sont identiques à ceux soutenus en première instance, que c'est par de justes motifs que la cour fait siens que le tribunal les a rejetés ;
Que concernant le premier moyen nouveau tiré de ce que ces produits auraient été créés avec le concours de La REDOUTE, donc seraient des oeuvres de collaboration, il ressort des échanges de courriels entre le 7 février et le 3 mars 2005 que si, sur le modèle de sac qui lui a été proposé, La REDOUTE a demandé la présence d'une pochette ou deux et, sur le modèle de montre, a fait le choix entre plusieurs qui lui étaient proposés, notamment quant à la couleur qui devrait être identique à celle du sac, il n'en reste pas moins, comme l'indiquent les parties appelantes, que seules celles-ci ont proposé et créé les modèles, La REDOUTE se contentant, en phase finale, de choisir ; que le moyen, qui est infondé, sera écarté ;
Que concernant le second moyen tiré du défaut de caractère individuel du sac, force est de constater que la société La REDOUTE n'oppose aucun modèle antérieur, notamment qui comporterait une fermeture éclair sur l'un de ses cotés et une surpiqûre verticale sur l'autre ; que le moyen est aussi infondé ;
Que confirmant, la cour dira ces modèles valables ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que le 'ser Ardar' commercialisé ensuite par la redoute est identique aux modèles de montre et de sac qui ont été déposés par [K] [R] et que le délit civil de contrefaçon est encore constitué ;
VI - Sur la concurrence déloyale
Considérant que pour invoquer des faits distincts à ce titre, les appelants font valoir que la société LA REDOUTE a fait travailler [K] [R] et la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd sur des commandes et échantillons 'test' avant finalement de s'approprier le fruit de leur travail, ce qui lui a permis de lancer la production de ces modèles sans prendre de risque quant au succès escompté auprès du public ; que se plaçant dans leur sillage, elle a indûment profité des ventes réalisées sans engager la moindre dépense de création et de prospection ;
Que la société La REDOUTE s'oppose pour les motifs ci-après repris ;
Considérant en effet, de première part, que le fait de faire fabriquer et de commercialiser des produits enregistrés comme modèles est déjà indemnisé au titre de la contrefaçon ; que, de deuxième part, le fait de rompre ses relations avec les appelants ressort de la rupture brutale des relations commerciales, qui sera appréciée par le tribunal de commerce ; que de dernière part, le fait de profiter des investissements réalisés par les appelants et de se placer dans leur sillage ressortit au parasitisme ; que cependant, alors que [K] [R] et la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd ne justifient par aucune pièce d'un quelconque investissement pour concevoir et faire fabriquer ces trois modèles, leurs demandes ne peuvent qu'être rejetées ;
Que le jugement sera dès lors partiellement infirmé en ce sens ;
VII - Sur les mesures réparatrices
Considérant qu'à ce titre les parties appelantes demandent l'indemnisation de leur manque à gagner, soit :
au titre de la parka, pour 800 000 pièces et un prix unitaire de 4,41 €, un chiffre d'affaires de 3 528 000 € ; pour un taux de marge brute de 28,72 %, une marge bénéficiaire perdue de 1 013 241,60 € ;
au titre de l'ensemble 'montre et sac', pour 45 000 pièces et un prix unitaire de 3,83 €, un chiffre d'affaires potentiel de 172 350 € ; pour un taux de marge brute de 28,72 %, une marge bénéficiaire perdue de 49 498,92 € ;
au titre du sac boucle noir, une somme de 84 919,30 € ;
Considérant que la société LA REDOUTE conteste les quantités alléguées pour la parka, qu'elle qualifie de fantaisistes, et le taux de marge de 28,72 €, qu'elle suggère de ramener à 10 % ;
Considérant, ceci étant exposé, que les parties appelantes seront déboutées de leurs demandes au titre du sac avec boucle noir pour lequel la contrefaçon n'est pas retenue ; que concernant les quantités, le nombre d'ensembles 'montre et sac' de 45 000 n'est pas contesté ; que celui de 800 000 pour la parka ne ressort d'aucune pièce justificative ; que la cour retiendra celui de 150 000 pièces ayant fait l'objet d'une commande par enchères inversées au mois d'octobre 2005 ; que les prix unitaires ne sont pas contestés ; que le taux de marge allégué de 28,72 € n'est pas plus justifié ; que la cour retiendra un taux de 10 % ;
Qu'ainsi, le manque à gagner sera évalué de la manière suivante :
pour la parka, 150 000 pièces x 4,41 € x 10% = 66 150 €
pour l'ensemble 'montre et sac', 45 000 pièces x 3,83 € x 10 % = 17 235 €
soit au total une somme de 83 385 € ;
VIII - Sur les demandes reconventionnelles
Considérant que la société La REDOUTE se porte demanderesse reconventionnelle en soutenant qu'[K] [R] en sa qualité de sous-traitant de LA REDOUTE aurait commis un acte contraire aux usages loyaux du commerce en déposant à son nom à titre de modèle communautaire des produits mis au point en collaboration avec son donneur d'ordre LA REDOUTE, et si ce n'est même des produits développés entièrement par celle-ci ;
Que cependant, la cour ayant ci-dessus jugé le contraire, cette demande ne pourra qu'être rejetée et le jugement confirmé de ce chef ;
IX - Sur les frais et dépens
Considérant que la société La REDOUTE succombant pour l'essentiel, le jugement sera confirmé de ce chef ;
Qu'ajoutant, elle sera condamnée aux dépens d'appel et ainsi qu'il est dit au dispositif en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :
sursis à statuer sur les demandes présentées au titre de l'abus de dépendance économique et de rupture brutale d'une relation commerciale établie dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Paris statuant sur renvoi après l'arrêt de la Cour de cassation rendu le 6 septembre 2016 ;
dit que le modèle n°000330337- 0001 (représentant une veste parka) est nul pour défaut de caractère individuel et débouté en conséquence M. [K] [R] et la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd de leur demande en contrefaçon fondée sur ce modèle ;
dit qu'en commercialisant à titre de cadeau un ensemble constitué d'un sac et d'une montre - dit 'Set ARDAR' a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de M. [K] [R] et de la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd ;
condamné la société LA REDOUTE à payer à M. [K] [R] et la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd la somme de 30.000 euros en réparation des actes de contrefaçon et la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitisme commis à leur encontre,
Infirmant de ces seuls chefs et statuant à nouveau :
Dit que les demandes présentées au titre de l'abus de dépendance économique et de rupture brutale d'une relation commerciale établie sont devenues irrecevables devant la cour dès lors qu'elles ont été renvoyées devant le tribunal de commerce de Paris pour être jugées ;
Déboute la société LA REDOUTE de sa demande d'annulation du modèle n°000330337- 0001 (représentant une veste parka) ;
Dit qu'en commercialisant à titre de cadeau le modèle n°000330337- 0001 (représentant une veste parka) LA REDOUTE a commis des actes de contrefaçon au préjudice d'[K] [R] et de la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd ;
Déboute [K] [R] et la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd de leurs demandes en concurrence déloyale et parasitaire ;
Condamne la société LA REDOUTE à payer à [K] [R] et à la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd la somme de 83 385 € euros en réparation des actes de contrefaçon commis à leur encontre ;
Déboute les parties de leurs autres demandes notamment reconventionnelles ;
Ajoutant,
Condamne la société LA REDOUTE à régler à [K] [R] et à la société FAIR WIND INDUSTRY Ltd la somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens distraits au profit de la SCP REGNIER ' BEQUET ' MOISAN, représentée par Maître Bruno REGNIER, Avocat, sur son affirmation de droit.
LE PRÉSIDENTLE GREFFIER