Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 4
ARRÊT DU 17 DECEMBRE 2019
(n° 287, 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/14444 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3ZCE
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mai 2017 -Tribunal d'Instance de Paris 15ème - RG n° 11- 14 - 000502
APPELANTE
Madame [W] [H] [K]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Représentée par Me Frédéric NASRINFAR, avocat au barreau de PARIS, toque : E1572
Ayant pour avocat plaidant Me Karim , de KL2 M AVOCATS, avocat au barreau de
PARIS, toque :
INTIMEES
SA ICF LA SABLIERE SA D'HLM représentée par le Président de son Directoire domicilié en cette qualité au siège.
[Adresse 3]
[Adresse 2]
N° SIRET : 552 022 105
Représentée par assistée par Me Elodie SCHORTGEN de l'ASSOCIATION VAILLANT SCHORTGEN, avocat au barreau de PARIS, toque : R199
Société d'Economie Mixte SOCIÉTÉ NATIONALE IMMOBILIÈRE Société Nationale Immobilière (SNI) société anonyme d'économie mixte à directoire et conseil de surveillance au capital de 493.449.600, immatriculée au RCS de Paris sous le n° B 470 801 168 aujourd'hui dénommée CDC HABITAT et dont le siège social est [Adresse 4], prise en la personne du Président de son directoire, domicilié en cette qualité audit siège,
N° SIRET : 470 801 168
[Adresse 5]
[Adresse 4]
Représentée par Me Nicolas DHUIN de la SELEURL NHDA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0213
Ayant pour avocat plaidant Me Pauline DROUAULT de AARPI D'ORNANO QUERNER D, avocat au barreau de PARIS, toque :
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 29 Octobre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Christian PAUL-LOUBIERE, Président
Mme Marie MONGIN, Conseillère
M. François BOUYX, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Marie MONGIN dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Denise FINSAC
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Christian PAUL-LOUBIERE, Président et par Denise FINSAC, Greffière présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 11 octobre 1983 la société anonyme de gestion immobilière ( ci-après SAGI ), a donné à bail à M. [O] [O] un appartement de quatre pièces principales situé à [Adresse 6], dans le cadre du 1% patronal. La SAGI a été absorbée par la société nationale immobilière ( ci-après SNI ) le 24 juin 2010.
M. [O] [O] et Mme [W] [H] [K] ont divorcé le 20 février 1990 et, ainsi que l'a prévu le jugement de divorce, la transmission du contrat de bail s'est opérée au bénéfice exclusif de celle-ci.
La société [Adresse 7], devenue ICF La Sablière ( ci-après ICF), a acquis par acte notarié en date du 15 novembre 2006, l'intégralité de l'immeuble où est situé l'appartement loué par Mme [W] [H] [K], une clause de cet acte stipulant, au visa de l'article 10-1 de la loi n°75-1351 du 31 décembre 1975, modifiée par la loi du13 juin 2006, que l'acquéreur s'engageait à proroger les baux d'habitation en cours pour une durée de six ans était mentionnée comme constituant une « condition essentielle et déterminante des présentes sans laquelle le vendeur n'aurait pas contracté ».
Le lendemain, 16 novembre 2006, la société acquéreur a signé avec l'État, représenté par le président du conseil de Paris siégeant en formation de conseil général, une convention type conclue en application de l'article L.351-2 (2° ou 3°)du Code de la construction et de l'habitation.
Après avoir réalisé une enquête sur les revenus de divers locataires et notamment auprès de Mme [W] [H] [K], le loyer de celle-ci a été régulièrement majoré de 10%, passant de 500 euros à 540 euros au mois de mai 2007 ; en 2016 il était de 804,52 euros
outre un supplément de loyer de 320 euros soit 1 124 euros.
Mme [W] [H] [K], par exploit en date du 4 novembre 2008, a saisi le tribunal d'instance du 15ème arrondissement afin, principalement, qu'il juge que la société ICF est tenue de proroger son bail aux mêmes conditions de loyer dont le montant ne doit pas excéder celui demandé pour le mois de novembre 2006, indexé ensuite sur l'indice IRL, et ce jusqu'au 15 novembre 2012 ; elle a été déboutée de cette demande par jugement en date du 18 juin 2009, confirmé par arrêt de la cour de Paris en date du 27 mars 2012.
Par requête en date du 28 mai 2013, elle a saisi le tribunal administratif de Paris afin de l'entendre annuler la convention conclue le 16 novembre 2006 entre l'État et la société ICF, la juridiction administrative ayant, par ordonnance en date du 25 avril 2016, considéré, en application de l'article L 353-12 du Code de la construction et de l'habitation, que la contestation ne relevait pas de la compétence de son ordre de juridiction ;
Par assignation délivrée à la requête de Mme [W] [H] [K] à la société ICF et à la SNI par exploits en date du 29 avril 2014, Mme [W] [H] [K] a saisi le tribunal d'instance du 15ème arrondissement de Paris de sa demande tendant à ce que lui soient déclarées inopposables toute révision du loyer et toute modification du bail et en conséquence que la société ICF soit condamnée à lui rembourser les surplus de loyers versés, subsidiairement de juger que la société SNI n'a pas correctement exécuté les obligations découlant du contrat de bail dont elle bénéficiait et de la condamner à lui verser à ce titre la somme de 18 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Par jugement en date du 8 janvier 2015, le tribunal d'instance a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société ICF prise de l'autorité de la chose jugée du jugement rendu le 18 juin 2009 et confirmé par l'arrêt de la cour en date du 27 mars 2012, et a sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal administratif.
L'instance a été reprise après que la décision du tribunal administratif a été rendue et, par jugement en date du 4 mai 2017, le tribunal d'instance a :
- Débouté Madame [W] [H] [K] de ses demandes tendant à déclarer inopposable toute révision du loyer et plus généralement toute modification du contrat de bail qui lui a été transmis le 20 février 1990 et à condamner la société ICF à lui rembourser le surplus des loyers acquittés depuis le 30 mai 2007 soit la somme de 18.168,24 euros, et à condamner la SNI à lui verser la somme de 18.000 euros à titre de dommages-intérêts,
- Condamné Madame [W] [H] [K] à payer la société ICF LA SABLIERE la somme de 4.100,37 euros au titre des loyers et charges impayés, terme de décembre 2016 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
- Condamné Madame [W] [H] [K] aux dépens,
- Condamné Madame [W] [H] [K] à payer la société ICF LA SABLIERE la somme de 2 000 euros et à la SNI, la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 18 juillet 2017, Mme [W] [H] [K] a interjeté appel de ce jugement et, dans ses dernières conclusions en date du 1er août 2019, elle demande à la cour de :
' Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable Madame [W] [H]-[K] ;
' Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré légitime et non abusive l'action engagée par Madame [W] [H]-[K] à l'encontre de ICF et du SNI ;
Infirmer le jugement entrepris sur le surplus,
A titre principal,
' Dire et juger qu'ICF n'a pas respecté les dispositions de l'article L.353-7 du Code de la
construction ;
En conséquence,
' Déclarer inopposable toute révision du loyer et plus généralement toute modification du contrat de bail transmis le 20 février 1990 à Madame [W] [H] ;
' Condamner la société ICF à rembourser à Madame [W] [H]-[K] le surplus de loyers acquittés depuis le 30 mai 2007, soit 18.168,24 euros, somme à parfaire.
A titre subsidiaire,
' Dire et juger qu'ICF n'a pas respecté les dispositions de l'article L.353-16 du Code de la construction ;
En conséquence,
' Déclarer inopposable toute révision du loyer et plus généralement toute modification du contrat de bail transmis le 20 février 1990 à Madame [W] [H]-[K] ;
' Condamner la société ICF à rembourser à Madame [W] [H]-[K] le surplus de loyers acquittés depuis le 30 mai 2007, soit 18.168,24 euros, somme à parfaire.
A titre infiniment subsidiaire,
' Dire et juger que la SAGI, absorbée par la société SNI, n'a pas correctement exécuté ses obligations contractuelles découlant du contrat de bail transmis le 20 février 1990 à Madame [W] [H]-[K] et n'a pas fait respecter les termes de l'acte de vente conclu avec ICF ;
En conséquence,
' Condamner la société SNI à verser à Madame [W] [H]-[K] la somme de 18.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
A titre infiniment superfétatoire,
' Dire et juger qu'ICF n'a pas augmenté les loyers de Madame [W] [H]-[K] conformément à l'article L.442-1 du Code de la construction.
En conséquence,
' Déclarer inopposable la révision du loyer dès lors qu'elle excède le plafond légal prévu à l'article L.442-1 du Code de la construction.
' Condamner la société ICF à rembourser à Madame [W] [H]-[K] le surplus de loyers acquittés depuis le 30 mai 2007 excédant le plafond légal prévu, somme à parfaire au jour du prononcé de l'arrêt.
En tout état de cause,
' Condamner la partie condamnée à verser à Madame [W] [H]-[K] la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du CPC ;
' Condamner la partie condamnée aux entiers dépens.
La société ICF la Sablière, dans ses conclusions en date du 12 septembre 2019, demande à la cour de :
- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré indirectement Madame [W] [H] recevable en ses demandes pour la période antérieure au 29 avril 2011,
En conséquence, Dire et juger Madame [W] [H] irrecevable en ses demandes pour la période antérieure au 29 avril 2011,
- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de condamnation de Madame [W] [H] à verser à ICF LA SABLIERE SA D'HLM une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
En conséquence, Condamner Madame [W] [H] à verser à ICF LA SABLIERE SA D'HLM une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;
- Débouter Madame [W] [H] en toutes ses demandes fins et conclusions,
- Condamner Madame [W] [H] à verser à ICF LA SABLIERE SA D'HLM une somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel ;
- La Condamner aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement par Maître
Elodie SCHORTGEN, avocat au Barreau de PARIS, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La société SNI, dans ses conclusions en date du 15 décembre 2017 demande à la cour de
- Confirmer le jugement rendu le 4 mai 2017 en ce qu'il a débouté Mme [W] [H] [K] de ses demandes à son encontre,
- Condamner Mme [W] [H] [K] à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
L'ordonnance de clôture est en date du 17 septembre 2019.
A l'audience du 29 octobre 2019 à laquelle l'affaire a été plaidée, il a été indiqué aux parties que l'arrêt serait rendu le 17 décembre suivant.
SUR CE,
Sur la prescription des demandes portant sur la période antérieure au 29 avril 2011
Considérant qu'il doit être liminairement relevé que le tribunal, dans son jugement ordonnant un sursis à statuer en date du 8 janvier 2015, a rejeté la fin de non-recevoir fondée sur l'autorité de la chose jugée par la cour dans son arrêt en date du 27 mars 2012 ; qu'il n'a pas été interjeté appel de cette décision déclarant l'action de Mme [W] [H] [K] recevable à cet égard, décision qui est donc irrévocable ;
Que la société ICF fait valoir qu'elle a également soulevé devant le premier juge la fin de non-recevoir prise de la prescription de l'action s'agissant des demandes portant sur la période antérieure à 2011 compte tenu de l'assignation délivrée le 29 avril 2014 et, estime qu'en rejetant les demandes de Mme [W] [H] [K], le tribunal a implicitement rejeté cette fin de non-recevoir ; que la société ICF reprend ce moyen devant la cour en demandant l'infirmation du jugement de ce chef ;
Que la cour relève néanmoins que le dispositif du jugement entrepris, non plus que les motifs, ne font pas état d'un examen de ce moyen non plus que de son existence ; que le tribunal l'a manifestement considéré comme sans objet compte tenu du sens de sa décision ;
Considérant que la cour, saisie de cette fin de non-recevoir, estime cependant, qu'il ne saurait y être fait droit dès lors que Mme [W] [H] [K] a délivré une assignation à la société La Sablière le 4 novembre 2008 afin que le tribunal juge que la société ICF est tenue de proroger son bail conclu antérieurement à l'acquisition faite par cette société en 2006, aux mêmes conditions de loyer dont le montant ne doit pas excéder celui demandé pour le mois de novembre 2006, indexé ensuite sur l'indice IRL ; que cet instance s'est terminée par un arrêt confirmatif rendu par la cour d'appel le 27 mars 2012, dont le caractère définitif a été constaté le 27 août 2012 par un certificat de non pourvoi ; que par assignation en date du 29 avril 2014, délivrée après la saisine du tribunal administratif, Mme [W] [H] [K] a saisi le tribunal d'instance d'une demande tendant à, titre principal, à ce que lui soient déclarées inopposables les majorations du loyer et plus généralement les modifications du contrat de bail en vigueur avant la vente de l'immeuble ;
Qu'en effet, si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en va différemment lorsque les deux actions, quoiqu'ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but ; qu'en l'espèce, l'action engagée par Mme [W] [H] [K] en faisant délivrer une assignation le 4 novembre 2008 si elle avait
une cause distincte de celle engagée par assignation du 29 avril 2014 en ce que l'une vise une demande de prorogation du bail et l'autre une demande d'inopposabilité des révisions de loyer et de modification de son bail, elles tendent à un même but, soit de ne pas voir modifier sa situation locative, de sorte que la deuxième est virtuellement comprise dans la première, laquelle a été engagée moins de trois ans après les modifications de son bail qui lui ont été notifiées par la société ICF au mois de mai 2007, et n'est donc pas, de ce fait, prescrite quant aux augmentation de loyer antérieures à l'année 2011 ;
Que cette fin de non-recevoir sera rejetée ;
Sur le fond du litige
Considérant que les parties divergent sur les dispositions applicables au bail conclu en 1983 et dont Mme [W] [H] [K] est devenue seule titulaire en 1990, à la suite de l'acquisition le 15 novembre 2006 par la société La Sablière de l'immeuble où est situé l'appartement loué, et de la conclusion le lendemain, 16 novembre, par cette société d'une convention avec l'État représenté par la ville de Paris ;
Que l'appelante fait principalement valoir, outre que la société ICF a enfreint la stipulation contenue dans l'acte de vente de l'immeuble précisant que les baux en cours devaient être maintenus pendant six ans, que l'acquéreur aurait dû, ainsi que le prévoit l'article L 353-7 du Code de la construction et de l'habitation lui proposer un nouveau bail s'il voulait modifier son loyer et non lui imposer des augmentations de loyer ainsi que l'article L 353-16 dudit code le lui permet dans certaines conditions qui n'étaient pas en l'espèce réalisées ;
Que la société ICF estime que seul l'article L353-16 du code précité était applicable, les dispositions de l'article L 353-7 ne lui étant pas imposées en raison de sa qualité d'organisme d'habitation à loyer modéré mentionnés à l'article L. 411-2 ;
Considérant que l'article L 353-7 du Code de la construction et de l'habitation prend place au Livre III, chapitre III du titre V, chapitre intitulé : « Régime juridique des logements locatifs conventionnés », dans la section 1, elle même intitulée : « Dispositions générales applicables aux logements conventionnés », et dispose :
« Lorsqu'à la date d'entrée en vigueur de la convention le logement concerné est l'objet d'un bail en cours de validité ou est occupé par un occupant de bonne foi pouvant se prévaloir des dispositions de la loi no 48-1360 du 1er septembre 1948 modifiée, le propriétaire doit proposer au locataire ou à l'occupant un bail conforme aux stipulations de la convention et entrant en vigueur après l'exécution des travaux prévus par celle-ci ou en l'absence de travaux prévus par la convention, à la date de l'acceptation du bail par le locataire ou l'occupant , après publication de la convention au fichier immobilier ou son inscription au livre foncier. Au projet de bail doit être annexée une copie de la convention et du barème de l'aide personnalisée dans des conditions définies par décret.
Le locataire dispose d'un délai de six mois pour accepter le bail. S'il refuse, et sous réserve des dispositions de la loi no 67-561 du 12 juillet 1967, il n'est rien changé aux stipulations du bail en cours. Dans ce cas, le locataire n'a pas droit à l'aide personnalisée au logement et le propriétaire peut demander une révision de ses engagements conventionnels ou le report de leurs effets jusqu'à l'expiration du bail.
L'occupant mentionné au premier alinéa dispose d'un délai de six mois pour accepter le bail proposé. A l'expiration de ce délai ou à la date de signature du bail, les dispositions de la loi du 1er septembre 1948 précitée cessent de s'appliquer à ce logement, sous réserve de ce qui est dit à l'article L. 353-9.
Le locataire ou l'occupant de bonne foi mentionné aux deuxième et troisième alinéas du présent article ayant accepté dans le délai de six mois un nouveau bail continue à occuper
les lieux jusqu'à l'entrée en vigueur de celui-ci aux conditions conventionnelles ou légales applicables à la date de son acceptation. » ;
Que l'article L 353-16 dudit code, figurant à la section 2 intitulée : « Dispositions particulières applicables à certains logements conventionnés », dispose :
« Une copie de la convention doit être tenue en permanence à la disposition des locataires des immeubles mentionnés à l'article L. 353-14.
A compter de la date d'entrée en vigueur de la convention ou de la date d'achèvement des travaux d'amélioration lorsque la convention le prévoit, le bailleur peut, dans la limite du maximum prévu par la convention, fixer un nouveau loyer qui est applicable dès sa notification aux titulaires de baux en cours ou aux bénéficiaires du droit au maintien dans les lieux sans qu'il soit nécessaire de leur donner congé.
Les modalités d'évolution du loyer sont fixées par la convention et s'appliquent aux titulaires de baux en cours ou aux bénéficiaires du droit au maintien dans les lieux.
Le montant du cautionnement versé d'avance à titre de garantie est fixé par la convention, sans pouvoir excéder une somme correspondant à un mois de loyer en principal, révisable en fonction de l'évolution du loyer. », la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018, ayant ajouté la précision suivante : « Les deuxième et troisième alinéas du présent article ne sont pas applicables aux locataires ayant refusé de conclure un nouveau bail en application de l'article L. 353-7 » ;
Considérant que, contrairement à ce qu'a affirmé le jugement entrepris, la section 2 du chapitre III n'est pas seule applicable en l'espèce « du fait du conventionnement de l'immeuble en question qui institue un régime dérogatoire » puisque, non seulement le chapitre III précité est entièrement consacré au « Régime juridique des logements locatifs conventionnés », mais sa section 1, que le tribunal a exclue, traite des : « Dispositions générales applicables aux logements conventionnés », titre qui indique que les dispositions qui y figurent, par leur caractère « général », ont vocation à s'appliquer à l'ensemble des logements conventionnés ;
Que, s'il est exact que la section 2 est consacrée aux « Dispositions particulières applicables à certains logements conventionnés » et s'applique aux logements visés par l'article L353-14, c'est à dire appartenant à un organisme d'habitation à loyer modéré mentionné à l'article L 411-2, circonstance qui n'est pas contestée dans la présente espèce, il ne saurait en être déduit que cette section 2 est exclusive de la section 1 laquelle s'applique également lorsqu'il n'y est pas dérogé par les dispositions particulières figurant dans la section 2, ainsi que cela est prévu dans divers articles de cette section, notamment l'article L 353-17 relatif au moment où la convention conclue avec l'État devient opposable ;
Que s'agissant l'article L 353-16, ce texte ne déroge pas expressément à l'article L 353-7, et ne régit pas la même situation que celle visée par ce dernier lequel évoque la continuation du bail antérieur et les modalités de la proposition d'un nouveau bail conforme à la convention que le locataire a la possibilité de refuser, tandis que le premier évoque les conditions dans lesquelles le bailleur peut augmenter le loyer sans être tenu de « donner congé », situation qui ne saurait concerner les baux en cours soumis au droit commun, l'article 1743 du Code civil posant le principe de la poursuite du bail en cas de vente de la chose louée et la loi du 6 juillet 1989 ne prévoyant pas la possibilité pour le bailleur de donner congé pour modifier le montant du loyer, de sorte que ces textes ne se contredisent ni ne s'excluent l'un l'autre, mais se complètent en visant des situations différentes ;
Que cette interprétation est confirmée par la précision donnée par le législateur, lequel par la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018, a ajouté à l'article L 353-16 un alinéa aux termes
duquel : « Les deuxième et troisième alinéas du présent article ne sont pas applicables
aux locataires ayant refusé de conclure un nouveau bail en application de l'article L. 353-7 », précision qui implique nécessairement que ces deux textes, les articles L 353-7 et L 353-16, ne sont pas exclusifs l'un de l'autre ;
Considérant que s'il est exact, que cette loi du 23 novembre 2018 n'est pas applicable à la situation antérieure à son entrée en vigueur, elle valide l'interprétation selon laquelle, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'article L 353-7, inclus dans la section relative aux « dispositions générales », trouve également à s'appliquer aux logements visés par la section 2, c'est-à-dire, ceux appartenant aux organismes d'habitation à loyer modéré
mentionnés à l'article L 411-2, lorsque les textes de cette section 2 n'y dérogent pas ;
Que d'ailleurs, la société ICF avait bien conscience de cette obligation, ainsi que cela résulte du contrat de bail qui a été proposé à un autre locataire du même immeuble en 2008 (pièce n°15 de l'appelante), dans lequel il est indiqué que ce locataire était engagé par un bail auprès de l'ancien propriétaire et que pour tenir compte de l'acquisition par la société ICF et du conventionnement de l'immeuble, « il est alors devenu nécessaire de procéder à la signature d'un nouveau bail entre les parties présentes », le locataire dans le bail produit, acceptant ce nouveau bail ;
Que cette interprétation est également conforme à la réponse ministérielle faite par le ministère du logement et de l'habitat durable publiée au Journal Officiel du 30 mars 2017, rappelant que l'article L 353-7 du Code de la construction et de l'habitation s'appliquait aux locataires dont les baux étaient, avant la date d'entrée en vigueur d'une convention, soumis au droit privé ( pièce n°16 de l'appelante) ;
Considérant, de surcroît, que l'article L 353-16 du code précité dont se prévaut la société ICF, ne prévoit nullement une obligation de fixer un nouveau loyer, mais une simple faculté du fait de l'emploi du verbe pouvoir :« le bailleur peut (...) fixer un nouveau loyer », et ce, dans une limite maximale : « dans la limite du maximum prévu par la convention » ; que la fixation d'un nouveau loyer ne constitue donc pas une obligation légale qui pourrait permettre au bailleur de s'affranchir de l'engagement qu'il a pris à l'égard des locataires soumis au droit commun, présents dans l'immeuble lors de son acquisition ;
Considérant, en effet, qu'il résulte de l'extrait de l'acte de vente en date du 15 novembre 2006 versé aux débats par l'appelante et non contesté par la bailleresse partie à ce contrat en qualité d'acquéreur de l'immeuble, qu'il était précisé dans cet acte au 8°) Prorogation des baux, que les dispositions de l'article 10-1 de la loi n°2006-685 du 31 décembre 1975 modifiée par la loi n°2006-685 du 13 juin 2006, relatives à la protection des occupants de locaux d'habitation en cas de vente de tout ou partie d'un immeuble, étaient applicables à l'immeuble et, qu'afin de ne pas entrer dans le champ d'application de ce texte, ainsi que celui-ci l'autorise pour éviter de permettre aux locataires d'exercer un droit de préemption, l'acquéreur s'engageait à proroger les baux d'habitation en cours pour une durée de six ans à compter de l'acte authentique ;
Considérant que par cette stipulation, la société ICF s'est engagé envers les locataires concernés, en contrepartie de la privation de leur droit de préemption, à proroger les baux en cours pour une durée de six ans c'est à dire à ne pas modifier les stipulations de ce bail ; que la société ICF était donc tenue de proroger le bail de Mme [W] [H] [K] aux conditions stipulées dans le contrat antérieur et ne pouvait, durant cette période, exercer la faculté que lui offrait la convention conclue avec l'état, de majorer périodiquement son loyer de 10% ;
Considérant en conséquence, qu'il sera fait droit à la demande de Mme [W] [H] [K] tendant à ce que les majoration de loyer qui ont été faites en violation de l'engagement contractuel figurant dans l'acte de vente comme des dispositions de l'article 353-7 du Code de la construction et de l'habitation, lui soient déclarées inopposables faute pour la bailleresse d'avoir prorogé son ancien bail pendant six ans et de lui avoir proposé un bail en application de l'article 353-7 du Code de la construction et de l'habitation ;
Que la somme réclamée en remboursement des sommes versées par Mme [W] [H] [K], n'étant pas contestée en son quantum, la société ICF sera condamnée à lui rembourser 18 168,24 euros au titre des augmentations de loyer acquittées depuis le 30 mai 2017 ;
Considérant que compte tenu de la solution adoptée, il n'y a pas lieu d'examiner les demandes subsidiaires de Mme [W] [H] [K], notamment celle dirigée contre la SAGI ; que les demandes de la société ICF seront rejetées ;
Considérant que le jugement sera infirmé, la société ICF condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'en équité à verser à Mme [W] [H] [K] la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; que la société SNI sera déboutée de sa demande à ce titre dirigée contre l'appelante ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement :
- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- Déboute la société ICF La Sablière de la fin de non-recevoir fondée sur la prescription de l'action de Mme [W] [H] [K] portant sur la période antérieure à l'année 2011,
- Déclare Mme [W] [H] [K] recevable en son l'action relative à cette période,
- Condamne la société ICF La Sablière à verser à Mme [W] [H] [K] la somme de 18 168,24 euros au titre des augmentations de loyer acquittées depuis le 30 mai 2007,
- Condamne la société ICF La Sablière à verser à Mme [W] [H] [K] la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Rejette les demandes de la société ICF La Sablière et de la société SNI,
- Condamne la société ICF La Sablière aux dépens de première instance et d'appel.
La Greffière Le Président