Grosses délivrées aux parties le :RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 15
ORDONNANCE DU 18 NOVEMBRE 2020
(no 55, 24 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 20/12157 - No Portalis 5L7-V-B7E-CCIWJ
Décision déférée : Décision de l'Autorité de régulation des transports no 2020-044 en date du 30 Juillet 2020
Nature de la décision : Contradictoire
Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillère à la cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant des articles L1263-1 et R1263-7 du Codes transports ;
assistée de Véronique COUVET, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;
MINISTERE PUBLIC : auquel l'affaire a été communiquée et représenté lors des débats par Mme Madeleine GUIDONI, avocat général ;
Après avoir appelé à l'audience publique du 21 octobre 2020 :
La société SNCF VOYAGEURS S.A.
prise en la personne de son représentant légal
immatriculée au RCS de Bobigny sous le no 519 037 584 08713
ayant son siège social sis [...]
[...]
Représentée par Me Gilles LE CHATELIER de la SELAS ADAMAS-AFFAIRES PUBLIQUES, avocat au barreau de LYON
assistée de Me Pierre-Adrien DUBROCA avocat au barreau de Paris, plaidant pour le cabinet ADAMAS
REQUERANTE
et
LA REGION HAUTS-DE-FRANCE
prise en la personne de son président
ayant son siège sis [...]
[...]
Représentée et assistée de Me Karine HENNETTE JAOUEN de la SELARL PARME AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
DEFENDERESSE AU SURSIS
EN PRESENCE DE :
L'AUTORITE DE REGULATION DES TRANSPORTS
prise en la personne de son président
ayant son siège sis [...]
[...]
représentée par Mme G... C..., M. X... U... et M. T... F..., dûment mandatés.
Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 21 octobre 2020, l'avocat de la requérante, l'avocat de l'intimée et les représentants de l'Autorité ;
Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 21 octobre 2020, Mme Madeleine GUIDONI, avocat général, en son avis oral ;
Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 18 Novembre 2020 pour mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Avons rendu l'ordonnance ci-après :
Par assignation enregistrée au greffe de la Cour d'appel de PARIS le 31 août 2020, la société SNCF Voyageurs a déposé une requête afin de sursis à exécution de la décision no 2020-044 de l'Autorité de régulation des transports en date du 30 juillet 2020 "portant règlement du différend entre la région Hauts-de-France et SNCF Voyageurs concernant la transmission d'informations relatives à l'organisation ou à l'exécution des services publics de transport ferroviaire des voyageurs et aux missions faisant l'objet du contrat de service public conclu entre la région Hauts-de-France et SNCF Voyageurs".
Le 27 août 2020 la société requérante a formé un recours en annulation et en réformation de cette décision devant la Cour d'appel de PARIS.
Le 19 avril 2019, la région Hauts de France a saisi l'Autorité de Régulation des Transports d'une demande de règlement de différend l'opposant à la société SNCF Voyageurs, en application des articles L1263-1 et L 1263-2 du code des transports. L'ART a rendu une décision le 30 juillet 2020, notifiée le 7 août 2020.
Il ressort des éléments du dossier que la Loi du 27 juin 2018 no 2018-515 "pour un nouveau pacte ferroviaire" prévoit l'ouverture progressive à la concurrence en matière ferroviaire, il est prévu qu'à partir du 25 décembre 2023, les autorités organisatrices de transport (AOT) devront attribuer les contrats de service publics de transport de ferroviaire de voyageurs après publicité et mise en concurrence. Les Régions ont la faculté d'attribuer ces contrats relatifs à des services de transport ferroviaire de personnes d'intérêt régional après publicité et mise en concurrence. Dans ce contexte, il est prévu le recueil par les AOT d'informations relatives à l'exploitation des services, pour organiser la procédure de publicité et mise en concurrence. Le décret No 2019 -851 du 20 août 2019 précise les conditions d'applications concernant l transmission des informations ( liste des catégories d'information, procédure et délais).
La région Hauts- de- France a estimé qu'elle rencontrait des difficultés à accéder aux informations relatives à l'organisation de l'exécution du service public de transport ferroviaire de voyageurs de SNCF Voyageurs et a saisi l'ART le 24 avril 2019 d'une demande de règlement de différent.
Par sa décision du 30 juillet 2020, notifiée le 7 août 2020, l'Autorité de régulation des transports a enjoint la société SNCF Voyageurs de transmettre à la région Hauts-de-France des données relevant de 96 catégories, tant au périmètre de la convention TER 2019-2014 que de l'ensemble des dix lots ouverts à la concurrence, et concernant les années 2016 à 2020 dans les délais suivants :
- transmission de 84 catégories d'informations dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de cette décision soit jusqu'au 7 septembre 2020
- transmission de 12 catégories d'informations dans un délai de 15 jours à compter de l'établissement de la liste du personnel devant être transféré.
L'ART au surplus a :
- Rejeté les demandes de non lieu à statuer et d'audition formulées par SNCF Voyageurs
- Rejeté la demande de sanction formulée par la région.
Ainsi dans sa décision, l'Autorité, saisie sur le fondement de l'article L. 1263-2 du code des transports, a réglé le différend qui opposait la région Hauts-de-France à la société SNCF Voyageurs en raison des difficultés persistantes à accéder aux informations relatives à l'exécution et à l'organisation du service public de transport ferroviaire, dont la première s'estimait victime, dans le contexte d'ouverture à la concurrence du réseau ferroviaire prévu par la loi no 2018-515 du 27 juin 2018 et a enjoint à SNCF voyageurs de communiquer à la région les informations mentionnées en annexe de sa décision.
L'affaire a été audiencée pour être plaidée le 21 octobre 2020 et mise en délibéré pour être rendue le 18 novembre 2020.
* * *
Par assignation en date du 2 septembre 2020, la société SNCF Voyageurs fait valoir :
I – A titre principal, sur le sursis à exécution total de la décision de l'Autorité
Il découle de l'article L. 1263-1 du code des transports la possibilité, pour toute partie au règlement de différend, de solliciter le sursis à exécution de la décision de l'Autorité de la régulation des transports, si cette dernière est « susceptible d'entraîner des conséquences irréparables ou manifestement excessives ou s'il est survenu, postérieurement à sa notification, des faits nouveau d'une exceptionnelle gravité ».
Sur le caractère manifestement excessif des conséquences de la décision
Il est cité plusieurs jurisprudences de la Cour d'appel de PARIS selon lesquelles sont manifestement excessives les conséquences d'une décision d'une autorité administrative indépendante « rendant difficile voire improbable un retour à la situation antérieure » (CA Paris, 18 février 2009, aff. H... N...); portant « une atteinte sérieuse à l'image d'une entreprise et générant un risque de perte de contrats » (CA Paris, 6 septembre 2006, aff. JC Decaux); « de nature à engendrer des coûts conséquents » (CA Paris, 18 février 2009, susvisée).
De même, le sursis à exécution d'une décision d'une autorité administrative indépendante est justifié si celle-ci risque d'être annulée en raison d'une irrégularité grave de procédure (CA Paris, 23 janvier 2007) et lorsque son exécution se heurte à une impossibilité technique ou génère des coûts prohibitifs pour la demanderesse (CA Paris, 17 août 2001).
Sur la notion de conséquences irréparables de la décision
Selon la jurisprudence, la notion de « conséquences irréparables » est caractérisée en cas de création d'une situation irréversible pour l'avenir du requérant.
La requérante entend démontrer que l'exécution de la décision de l'Autorité emporterait pour elle : d'une part des conséquences irréparables et d'autre part des conséquences manifestement excessives.
1 – Sur le caractère irréparable de la transmission des informations échappant au champ d'application des dispositions de l'article L. 2121-19 du code des transports et du décret no 2019-851 du 20 août 2019, ou des informations dont le périmètre sollicité excède celui établi par les textes
Il est argué que l'article L. 2121-19 du code des transports et le décret no 2019-851 du 20 août 2019 ne prévoient qu'un socle minimal d'informations à transmettre par les opérateurs aux autorités organisatrices de transport.
Dès lors, la définition précise du plancher d'informations ainsi que son plafond demeurent soumis à interprétation en l'absence de jurisprudence établi sur ce sujet.
Or, la décision querellée est la première rendue par l'Autorité concernant la fixation de la consistance et du périmètre des informations à transmettre.
Ainsi, la décision rendue par la Cour d'appel de PARIS fera jurisprudence.
Ces décisions feront nécessairement jurisprudence et impacteront les futures demandes de transmission d'informations de l'ensemble des autorités organisatrices de transports à l'égard de SNCF voyageurs pour l'ouverture à la concurrence des lignes TER.
Il est souligné que dans sa version en vigueur, le décret no 2019-851 du 20 août 2019 ne reprend pas sur plusieurs points les recommandations, trop libérales, que l'Autorité avait exprimées dans son avis no 2019-037 du 13 juin 2019, de sorte qu'il est évident que le champ d'application de l'article L. 2121-19 du code des transports prête à débat.
La requérante argue qu'ainsi qu'elle le démontre dans son recours en annulation, la décision de l'Autorité est entachée d'irrégularité et donc susceptible d'être annulée ou réformée, ce qui suffit à justifier le sursis à exécution.
Par conséquent, latransmission des informations que SNCF Voyageurs estime étrangères au champ d'application de l'article L. 2121-19 du code des transports emporterait pour cette dernière des conséquences irréparables, même en cas d'infirmation de la décision de l'Autorité.
En effet, une fois la Région en possession des informations sollicitées, cette dernière pourrait librement en disposer, dans le cadre du plan de gestion des informations couvertes par le secret des affaires qu'elle a établi, alors même que la décision de l'Autorité serait illégale et annulée.
Dans ces conditions, en l'absence de sursis à exécution de la décision de l'Autorité, son annulation par la Cour d'appel serait dépourvue de tout effet utile.
Il résulte donc de ce qui précède que SNCF Voyageurs est fondée à demander le sursis à exécution de la décision de l'Autorité.
2 – Sur le caractère manifestement excessif de l'exécution de la décision de l'Autorité
– Concernant le caractère manifestement excessif de la transmission d'informations dont SNCF Voyageurs ne dispose matériellement pas
L'exécution de la décision de l'Autorité emporterait des conséquences manifestement excessives dans la mesure ou elle enjoint à SNCF voyageurs de transmettre des informations dont SNCF voyageurs ne dispose pas et une quantité de données disproportionnée par rapport au délai imparti.
Il est argué que l'article 3 paragraphe IV du décret no 2019-851 prévoit que le fournisseur d'informations peut ne communiquer à l'autorité organisatrice de transport que des informations approchantes si les informations demandées ne sont pas disponibles. Ce même article prévoit qu'est considérée comme disponible une information « existante » ou « nécessitant des opérations limitées de traitement et de mise en forme de données existantes ».
Dès lors, l'Autorité méconnaît les dispositions susvisées si elle enjoint à un opérateur de transmettre des informations qui ne sont pas disponibles alors que seules des informations approchantes peuvent l'être.
En l'espèce, l'Autorité interprète de manière erronée le décret no 2019-851 en enjoignant à SNCF Voyageurs de transmettre à la Région de nombreuses informations dont elle ne dispose pas (v. par exemple, les points no 315 et 384 de la décision), alors même que SNCF Voyageurs avait communiqué des informations approchantes.
Il est soutenu que de nombreuses informations ne peuvent matériellement pas être transmises à la Région.
- Sur les données indisponibles en raison de l'absence de production ou de conservation de certaines données portant sur les années 2016 à 2018
Concernant les informations jamais produites puisque non proposées par les systèmes d'information de SNCF Voyageurs et ne répondant pas à un besoin exprimé par la Région ni à une exigence réglementaire
Cela concerne les quatre catégories d'informations suivantes: 1) les données relatives aux « Comptes de résultat prévisionnels par nature et par destination, précisant les hypothèses utilisées pour établir ces comptes » : il est indiqué que cette demande fait référence à la production d'un compte de résultat par nature (CRN) et d'un compte de résultat par destination (CRD) sur lesquels l'entreprise s'était engagée à communiquer chaque année à la Région et que les systèmes d'information produisent ce CRN et ce CRD sur une base d'exercice clos et n'ont pas été conçus pour un exercice prévisionnel ; 2) les données relatives au « Temps de service par rame » : il est fait valoir que cette donnée est indisponible dans les systèmes d'information de SNCF Voyageurs car cette notion n'existe pas, d'ailleurs n'étant pas reprise au décret no 2019-851, elle ne peut pas faire l'objet d'une communication à la Région ; 3) les données relatives au « Volume et détail des prestations SUGE effectuées sur l'ensemble du réseau TER Hauts-de-France » : il est soutenu que s'agissant de prestations régulées, il n'est pas possible d'avoir un niveau de détail, par ligne te par train, permettant de satisfaire la demande de la Région ; 4) les données relatives au « Taux de remplissage des trains par numéro de train commercial »:il est argué que ces données sont indisponibles dans le système d'information de SNCF Voyageurs car elles nécessitent le croisement de deux informations issues de systèmes d'information différents, l'une sur la capacité offerte par le matériel dans le train et l'autre sur la fréquentation des trains et cette dernière n'est pas native des système de ventes de SNCF Voyageurs puisque l'activité TER vend des titres sans réservation. La donnée de fréquentation est calculé par un outil FC 12K , qui ne donne pas de résultat de fréquentation au train, cet outil doit être remplacé par un outil opérationnel à partir de début 2021.
Concernant les informations n'ayant pas été conservées
SNCF Voyageurs affirme être dans l'impossibilité de communiquer une partie des catégories d'informations les plus anciennes au périmètre de la convention en l'absence d'enregistrement ou de consolidation de ces informations, en raison de l'absence de norme juridique le prévoyant à la date de production de ces informations.
En effet, plusieurs systèmes d'information utilisés par SNCF Voyageurs n'ont pas conservé l'historique de données détaillées et exhaustives. C'est par exemple le cas des outils qui traitent des réclamations clients, de données de Lutte Anti Fraude, des données relatives à l'offre routière de substitution ou encore les informations détaillées sur les circulations de trains.
La requérante tient à préciser que les données portant sur les années 2016 à 2018 ne sont pas pertinentes pour l'ouverture à la concurrence des lignes TER en raison de: l'entrée en vigueur au 1er janvier 2019 d'une unique convention TER Hauts-de-France, à l'échéance des conventions TER Nord-Pas-de-Calais et Picardie (le périmètre de la convention a évolué au cours de la période puisqu'il y avait jusqu'au 31 décembre 2018, deux conventions bien distinctes, l'une aux bornes de l'ancienne région Picardie, l'autre de l'ancienne région Nord-Pas-de-Calais et additionner les état conventionnels établis sur les périmètres géographiques de ces deux région ne correspond pas une même situation conventionnelle aux bornes de la région Hauts-de-France) ; la modification substantielle du périmètre de l'offre de transport à cette même date avec l'intégration des deux lignes TET (trains d'équilibre du territoire) Paris-Amiens-Boulogne et Paris-Saint Quentin-Maubeuge/Cambrai ; la refonte majeure de 60% de l'offre TER depuis 2019 (les données illustrant les moyens, les effectifs, les matériels, les résultats de fréquentation et de recettes par axe entre 2016 et 2018 ne peuvent être comparées utilement avec les données 2019 et 2020, qui sont les seules pertinentes pour la préparation des réponses aux appels d'offre); la restructuration des activités de TER depuis 2016.
Concernant les informations indisponibles en raison de l'absence de détermination des lots ouverts à la concurrence par la Région à cette date
Il est fait valoir que durant les années 2016 à 2018, SNCF Voyageurs n'avait aucune connaissance des 10 lots ouverts à la concurrence, dont l'Autorité lui demande la communication de nombreuses informations, puisque la Région n'a déterminé leur périmètre que le 10 mai 2019, par la publication d'un avis de pré-information.
Par conséquent, elle est dans l'impossibilité de transmettre ces informations qui doivent être considérées comme indisponibles au sens du décret no 2019-851.
- Sur les données ne pouvant être transmises au périmètre des 10 lots en l'absence de clé de répartition fournie par la Région
Il est indiqué que les 10 lots que la Région souhaite ouvrir à la concurrence correspondent chacun à un découpage territorial du réseau ferré, mais ne sont pas le reflet exact des lignes commerciales jusqu'à présent suivies conventionnellement, avec l'accord de la Région, par SNCF Voyageurs.
Il est rappelé qu'un certain nombre de données ne peuvent être communiquées à la Région car elles dépendent d'une confirmation au préalable de la part de cette dernière sur un certain nombre d'inducteurs et règles de calcul.
Par un courrier du 29 mai 2020, SNCF Voyageurs a rappelé à la Région le besoin de connaître les hypothèses retenues par elle pour affecter une gare, le matériel roulant et les installations à tel ou tel lot.
La requérante soutient qu'en l'absence de détourage de 10 lots par la Région, elle n'est pas en mesure de transmettre les 20 catégories d'informations listées dans le tableau produit.
Ainsi, l'Autorité a placé SNCF Voyageurs dans une situation inextricable en lui imposant la transmission, dans des délais extrêmement brefs, d'informations non disponibles au sens du décret no 2019-851.
Une telle situation entraînant des conséquences manifestement excessives pour SNCF Voyageurs, il est demandé la suspension de l'exécution de la décision de l'Autorité.
– Concernant le caractère manifestement excessif de la transmission des informations dans les délais imposés par l'Autorité à SNCF Voyageurs
Il est fait valoir par un arrêt du 16 février 2018, rendu sur le fondement de l'article L. 2132-7 du code des transports mais parfaitement transposable en l'espèce, le Conseil d'État a rappelé que les informations sollicitées par l'Autorité auprès des opérateurs ne doivent pas faire peser sur ces derniers une charge excessive.
Au cas présent, et alors que plus de 134 000 fichiers ont déjà été transmis à la Région par SNCF Voyageurs, l'Autorité a enjoint à cette dernière de transmettre des informations relevant de 84 catégories de données dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision ainsi que 12 catégories d'informations dans un délai de 15 jours à compter de l'établissement de la liste du personnel devant être transféré.
Il est argué qu'à travers sa décision, l'Autorité s'est livrée à une interprétation singulièrement libérale des dispositions du décret no 2019-851, en enjoignant de communiquer des données pourtant absentes de ce décret, et à une maille temporelle plus large que celle prévue par ce texte (à titre d'illustration, la transmission des données prévisionnelles au titre de l'exercice 2020 n'est pas prévue par le décret).
De surcroît, l'immense majorité des informations doit être transmise avant le 7 septembre 2020.
Il est soutenu que cette injonction, qui concerne plusieurs millions d'informations, représente une charge de travail démesurée pour SNCF Voyageurs, alors même que ces informations doivent être réunies et transmises en pleine période estivale.
Il est d'ailleurs souligné que l'Autorité a, sans motif aucun, rejeté sa demande d'établissement d'un calendrier progressif de transmission des informations d'abord aux trois premiers lots ouverts à la concurrence, puis ensuite, aux sept autres lots.
La requérante indique ne pouvoir transmettre dans le délai imparti du 7 septembre 2020 que les données relatives aux 47 catégories d'informations listées dans le tableau produit( page 19 à 22 de l'asssignation)..
Par ailleurs, comme les articles L. 1264-7 et L. 1264-9 du code des transports prévoient plusieurs sanctions en cas de manquement à une décision de règlement de différend de l'Autorité, SNCF Voyageurs s'exposerait au risque d'une sanction dès lors que la grande majorité des informations historiques n'est pas disponible au sens du décret et que les délais se révèlent irréalistes, ce qui entraînerait des conséquences manifestement excessives.
En tout état de cause, la brièveté des délais impartis par l'Autorité pour la transmission des informations est d'autant plus excessive que la Région n'a établi que très récemment le cadre définitif de ses demandes (en effet, ce n'est que le 13 novembre 2019 que la Région a adressé à l'Autorité une demande régulière de règlement de différend et qu'à partir du le 19 novembre 2019, que les lots sur lesquels portent les demandes de la Région ont été notifiés à SNCF Voyageurs).
Par conséquent, la transmission de ces informations dans les délais impartis par l'Autorité fait peser sur SNCF Voyageurs une charge excessive et donc des conséquences manifestement excessives.
II – A titre subsidiaire, sur le sursis à exécution partiel de la décision de l'Autorité, en ce qu'elle enjoint à SNCF Voyageurs de transmettre des informations pour les années 2016 à 2018 non disponibles et en ce qu'elle ne prévoit pas la mise en œuvre d'un échéancier progressif de transmission des informations
1 - Sur la demande de sursis à exécution partiel de l'injonction de transmettre les données relatives aux années 2016 à 2018
En tout état de cause et ainsi que rappelé supra, la requérante n'est pas en mesure de transmettre une partie des données relatives aux années 2016 à 2018 puisque ces données n'ont pas été produites ou conservées par ses systèmes d'information.
2 – Sur la demande de sursis à exécution partiel de l'injonction de transmettre les données dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision
A titre subsidiaire, la requérante sollicite le sursis à exécution du calendrier de transmission des informations prévu par la décision de l'Autorité, ainsi que la fixation d'un nouvel échéancier de transmission des informations permettant à SNCF Voyageurs de transmettre aux échéances, respectivement, du 7 octobre 2020 et du 7 novembre 2020 les données relevant des catégories d'informations listées dans les deux tableaux Excel produits( pages 25 et 26 de l'assignation).
En conclusion, il est demandé :
A titre principal,
-ordonner le sursis à exécution de la décision de l'Autorité de Régulation des Transports du 30 juillet 2020 en raison des conséquences irréparables et excessives que son exécution fait peser sur SNCF Voyageurs ;
A titre subsidiaire,
-ordonner le sursis à exécution partiel de la décision de l'Autorité de Régulation des Transports du 30 juillet 2020, en raison des conséquences irréparables et excessives que son exécution fait peser sur SNCF Voyageurs, concernant d'une part, l'injonction de transmettre les informations sollicitées non disponibles pour les années 2016 à 2018 et d'autre part, l'injonction de transmettre les données dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision ;
-permettre à SNCF Voyageurs de transmettre certaines données selon un calendrier progressif de transmission.
Par conclusions responsive du 20 octobre 2020 , soutenues à l'audience du 21 octobre 2020 SNCF Voyageurs fait valoir :
SNCF Voyageurs fait un rappel des faits et procédure et estime que la Région n'a pas adhéré à la tentative de dialogue de proposée par SNCF Voyageurs sur les demandes de communication de pièce et a choisi de saisir l'ART , que de nombreuses informations sollicitées par la Région avaient été communiquées dans le cadre de la nouvelle convention d'exploitation TER conclue pour la période 2019-2024. SNCF Voyageurs apporte des critiques concernant le déroulement de la procédure devant l'ARTet rappelle que "si SNCF Voyageurs partage le souhait de la Région et de l'Autorité d'une mise en concurrenece effective des lignes TER, elle désire toutefois que cette ouverture à la concurrence s'effectue en conformité avec le cadre législatif et règlementaire en vigueur,ce qui n'est pas le cas en l'espèce".
I A titre liminaire, il est argué que l'assignation a été rédigée et signifiée conformément aux dispositions du code des transports et qu'elle est recevable.
II -Il est rappelé le contexte de la saisine de l'Autorité et d'instruction du règlement de différend.
SNCF Voyageurs estime que la saisine de l'ART par la Région était en l'espèce irrégulière et que l'ART a fait fi des irrégularités pour rendre une décision de principe.
La procédure de mise en concurrence ne souffre d'aucun retard imputable à SNCF Voyegeurs, et cela d'autant plus que la Région détient déjà 134000 informations transmises qu'elle peut exploiter.
III-A titre principal sur le sursis à exécution total de la décision de l'autorité.
Suite aux écritures de l'Autorité et de la Région, SNCF Voyageurs entend répondre aux allégations de la Région et de l'Autorité et soulever un nouveau moyen d'irrégularité renforçant le caractère manifestement excessif et irréparable des conséquences de l'exécution de la décision.
Sur les réponses aux observations de la Région et de l'Autorité, SNCF Voyageurs maintient que la jurisprudence alléguée est transposable aux faits en l'espèce et que la jurisprudence tant administrative que judiciaire relève que le caractère irréparable des conséquences d'une décision est démontré dès lors que son exécution génère une "situation irréversible" pour le requérant, ce qui est la cas en matière de transmission d'informations, de plus les délais imposés et les irrégularités entachant la décision de l'Autorité sont de nature à entrainer des conséquences manifestement excessives.
Contrairement à ce qu'affirment la Région et l'Autorité, il n'est pas possible d'opposer l'effectivité de l'ouverture à la concurrence des services ferroviaires de voyaguers et la possibilité de prononcer le sursis d'une décision de l'Autorité, sinon cela viderait de
sos sens le sursis à exécution. Contrairement aux écritures de la Région, le moyen tiré de l'absence de conservation de ceratines information et donc de leur indisponibilité n'est pas nouveau et a été développé devant l'Autorité.
SNCF Voyageurs précise les éléments selon lesquels son impossibilité à transmettre plusieurs catégories d'informations est bien fondée, malgré la constestation de la Région et de l'Autorité , concernant les domaines suivants : ( l'offre théorique de transports, la vente de titres de transports, les comptes de résultat prévisionnel par nature et pas destination, les prestations sûreté, le taux de remplissage des trains par numéro de train commercial,les réclamations clients, données anti fraude, offre routière de substitution, circulation des trains (historique de 2016 à 2018), les ETP, les types de matériels roulants, l'indisponibilité de l'ensemble des informations à la maille des lots).
-Sur le nouveau moyen d'irrégularité relatif à la méconnaissance du principe de non rétroactivité de la loi civile , renforçant le caractère manifestement excessif et irréparable des conséquences de l'exécution de la décision. : il est argué un moyen tiré de l'illégalité de la décision de l'Autorité et dudécret No 2019 -851 du fait du principe de non rétroactivité de la loi civile. Le principe de non rétroactivité de la loi civile ( art 2 du CC) est applicable aux textes règlementaires. La jurispudence a pu considérer que la Loi nouvelle ne s'applique pas aux actes juridiques conclus antérieurement à son entrée en vigueur.
En l'espèce les demandes de transmission d'information de la Région son motivées par la mise en oeuvre de l'article L 2121-19 al 1 du code des transports et son décret d'application du 20 août 2019, d'ailleurs l'ART a motivé sa décision sur le fondement de ces articles.
Or l'article L 2121-19 al 1 du code des transports est issu de la loi du 27 juin 2018 ( pour un nouveau pacte ferroviaire) qui est entrée en vigueur à compter du 29 juin 2018. L'article 2 du décret du 20 août 2019 est entré en application le 23 août 2019, il en résulte que ne peuvent être demandées des informations antérieures à son entrée en vigueur puisque ce décret est le seul texte précisant le champ d'application temporel des dispositions de article L 2121-19 al du code des transports., dès lors l'Autorité n'était pas fondée à enjoindre à la SNCF Voyageurs de transmettre de nombreuses informations pour les années 2016 et 2019, donc antérieures au 23 août 2019, tels est le cas des 76 catégories listées (pages 24 à 28 des conclusions).
IV- a titre subsidiaire, sur le sursis à exécution partiel.
La requérante maintient sa demande de sursis partiel à l'exécution de la décision de l'autorité , en ce qu'elle enjoint à SNCF Voyageurs de transmettre des informations non disponibles pour les années 2016 à 2018 et s'agissant de délai imparti a SNCF Voyageurs pour s'exécuter, et ce contrairement aux allégations de la Région , qui prétend que la Cour ne peut connaitre d'une demande de sursis à exécution partiel de la décision. En effet aucune disposition ne l'interdit et cela relève de l'appréciation souveraine du juge., de plus il est cité une décision de la CA de Paris qui a accordé un sursis sur une partie d'une sanction financière.( CA Paris, ord 1er président, 20/12/1990, RG No 1253 / 90).
La région relève que les délais de transmission des informations sont fixés par décret du 20 août 2019, or ce décret encadre les délais relatifs aux échanges entre une autoité organisatrice ( Région) et un fournisseur d'information ( SNCF Voyageurs), mais ne régisent pas le délais de transmissio,n fixés par l'ART à l'occasion d'un réglement de différent.
Contrairement à ce qu'affirme l'autorité, c'est sans contradiction que la requérante peut solliciter à titre subsidiaire la mise en oeuvre d'un calendrier de transmission échelonné. En effet bien que de nombreuses informations ne pouvaient être transmises dans les délais brefs imposés par l'Autorité, SNCF Voyageurs a été en mesure d'un transmettre une partie le 7 octobre 2020 ( listing de fichiers joint sen pièce 8), et déclare en communiquer une autre partie le 7 novembre 2020, concernant des informations non disponibles au moment de la demande de sursis à exécution qui sont devenues disponibles depuis.
Malgré ses efforts pour effectuer ces transmissions, si SNCF Voyageurs n'obtenait pas le sursis à exécution de la décision, elle serait exposée à une situation de manquements pouvant conduire à des sanctions.
Ainsi, si l'exécution de la décision de l'Autorité n'était pas suspendue, son exécution emporterait nécessairement des conséquences irréparables et manifestement excessives.
En toute hypothèse cette demande témoigne de la prise en compte par SNCF Voyageurs de l'intérêt de concilier les intérêts en présence, et permettrait à SNCF voyageurs de produire dans un délai raisonnable les informations disponibles et utiles à la poursuite de la proécdure d'appel d'offres.
SNCF Voyageurs maintient les mêmes demandes telles qu'exposées dans son assignation du 2 septembre 2020.
Par conclusions déposées au greffe de la Cour d'appel de PARIS le 8 octobre 2020, soutenues à l'audience du 21 octobre 2020, l'Autorité de régulation des transports fait valoir :
1 – Suspendre la décision attaquée porterait atteinte à l'ordre public économique
– Le respect scrupuleux de l'article L. 2121-19 du code des transports conditionne le succès de l'ouverture à la concurrence des services conventionnés de transport ferroviaire de voyageurs
Il est d'abord rappelé qu'il résulte de l'article 14 de la loi No 2018-515 du 27 juin 2018, pour un nouveau pacte ferroviaire d'où est issu l'article L2121-515 du code des transports que les autorités organisatrices de transport (AOT) devront attribuer les contrats de service public de transport ferroviaire de voyageurs après publicité et mise en concurrence et qu' à partir du 3 décembre 2019 les AOT ont la faculté d'ouvrir à la concurrence les services publics de transport ferroviaire de voyageurs afin de se conformer progressivement à une obligation généralisée d'ouverture de ce marché, à compter du 25 décembre 2023.
Ainsi, jusqu'au 24 décembre 2023, l'effectivité de l'ouverture à la concurrence est fonction de la capacité des AOT à organiser et mettre en concurrence tout ou partie des services de transport ferroviaire des voyageurs qu'elles organisent.
Il est soutenu que deux éléments de contexte, très spécifiques, sont de nature à les en empêcher.
En premier lieu, l'effectivité du mécanisme des appels d'offres dépend de la capacité des AOT à caractériser précisément le service qu'elles souhaitent voir réalisé et à établir des critères objectifs d'attribution leur permettant ensuite de comparer des offres alternatives. Il est donc indispensables qu'elles aient à leur disposition l'ensemble des données pertinentes.
Or, compte tenu de la position d'opérateur historique de SNCF Voyageurs, l'organisation des appels d'offres est marquée par une forte asymétrie d'informations, vis-à-vis des AOT comme des entreprises ferroviaires entrantes, susceptible de fausser le jeu de la concurrence.
En second lieu, comme indiqué supra, les délais prévus pour assurer l'ouverture à la concurrence des services conventionnés de transport ferroviaire de voyageurs sont particulièrement serrés (3 décembre 2019 - 25 décembre 2023), ce qui impose aux AOT d'organiser très rapidement leurs procédures.
Dans ces conditions, la mise en œuvre effective et à bref délai de l'article L. 2121-19 du code des transports constitue une condition fondamentale de l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire conventionné de voyageurs.
– Suspendre la décision attaquée compromettrait l'effectivité de l'ouverture à la concurrence des services conventionnés de transport de voyageurs
– L'impossibilité pour la Région de procéder à la passation et à l'attribution des lots qu'elle souhaite ouvrir à la concurrence pour l'horaire de service 2024
Il est indiqué que la Région a conclu avec SNCF Voyageurs, le 25 octobre 2019, une convention prévoyant une ouverture à la concurrence de 20% de l'offre des services de transport théorique annuelle entre 2020 et 2024 avec un volume maximum de 6 millions de Tkm (ci-après « Convention TER ») et qu'elle a publié au Journal officiel de l'Union européenne (ci-après « JOUE ») un avis de pré-information no 2019/S 090-217357 faisant état de son intention d'ouvrir à la concurrence certains lots, dès le 10 mai 2019.
Par une délibération du 30 janvier 2020, l'organe délibérant de la Région a retenu trois lots pour la phase de lancement des premières procédures de mise en concurrence, manifestant ainsi son intention de lancer de manière anticipée l'ouverture à la concurrence des transports ferroviaires de voyageurs. Le 13 février 2020 la Région publiait en conséquence un avis de pré-information rectificatif no 2020/S 031-073592 au JOUE définissant les trois lots retenus pour la publication d'avis d'appels publics à concurrence à compter de mai 2020, en vue d'une attribution à partir de 2021.
Le 4 août 2020 la Région publiait trois avis de concession aux JOUE décalant encore dans le temps l'attribution des trois lots choisis, prévoyant désormais un démarrage de l'exploitation ferroviaire à compter de l'horaire de service de 2024.
Il est argué que si la décision était suspendue, la Région n'aurait d'autre choix que de suspendre la procédure d'attribution des trois lots qu'elle a lancée et ne pourrait, en tout état de cause, procéder à une mise en concurrence des lots identifiés à l'horaire de service 2024, compte tenu du contexte historique et de la complexité technique du secteur.
– La suspension de la décision pourrait décourager les autres AOT de lancer des procédures de mise en concurrence pour les services conventionnés de transport ferroviaire de voyageurs
L'Autorité souligne la portée de la décision rendue dans cette affaire : la Cour d'appel de Paris étant saisie pour la première fois dans un différend en matière de communication d'informations, sa décision aura une grande influence sur le comportement des AOT qui envisagent d'ores et déjà de lancer une procédure de mise en concurrence de certains services conventionnés, avant la date butoir du 25 décembre 2023.
En l'espèce, beaucoup de régions, comme les régions Grand Est, Île-de-France, Pays-de-Loire ou Provence-Alpes-Côte d'Azur, ont d'ores et déjà exprimé publiquement leur intention de mettre en concurrence certains de leurs services conventionnés, et il ressort de leurs échanges informels avec les AOT qu'elles sont nombreuses à rencontrer des difficultés à obtenir de SNCF Voyageurs les informations requises sur le fondement de l'article L. 2121-19 du code des transports.
Dans ce contexte, une suspension de la décision porterait gravement atteinte à la libéralisation du marché des services conventionnés de transport ferroviaire de voyageurs dans la mesure où elle rendrait impossible la mise en concurrence des trois lots identifiés par la Région pour l'horaire de service 2024; elle découragerait les autres régions de procéder à la libéralisation de leurs services conventionnés de transport ferroviaire de voyageurs dans les prochains mois, devant l'impossibilité d'obtenir de SNCF Voyageurs les informations nécessaires à la formalisation et la réalisation des procédures de mise en concurrence dans les délais requis ; elle les encouragerait à repousser cette étape, y compris après le 25 décembre 2023, par le renouvellement de conventions TER directement conclues avec SNCF Voyageurs avant le 24 décembre 2023.
Il est soutenu que compromettre le succès de l'ouverture à la concurrence des services conventionnés du transport ferroviaire de voyageurs revient à porter gravement atteinte à l'ordre public économique.
– Suspendre la décision attaquée emporterait ainsi un risque d'atteinte grave à l'ordre public économique
Il est cité la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris qui a admis, à plusieurs reprises, que la suspension d'une décision de l'Autorité de la concurrence est susceptible d'entraîner une atteinte grave à l'ordre public économique.
Il est argué que si la notion d'ordre public économique est historiquement liée à la défense d'une concurrence suffisante sur les marchés et la lutte contre les pratiques anti-concurrentielles, d'autres considérations relative à l'effectivité et à l'exécution rapide des mesures de réglementation économique, doivent être prises en compte notamment dans le cadre des régulations sectorielles.
Au cas présent, l'Autorité est chargée d'accompagner l'ouverture à la concurrence des services conventionnés de transport ferroviaire de voyageurs, en veillant notamment à la réalisation de celle-ci, dans les conditions et les délais prévus par la loi no 2018-515 du 27 juin 2018.
A cette fin, elle doit s'assurer, notamment par le biais de son pouvoir de règlement de différends, de la transmission effective et rapide des informations aux AOT par les entreprises fournissant des services de transport ferroviaire des voyageurs. Ce faisant, l'Autorité participe à la protection de l'ordre public économique en veillant à ce que les conditions d'une mise en concurrence réussie des services conventionnés soit garantie.
Il est soutenu qu'ordonner le sursis à exécution de la décision remettrait clairement en cause la réalisation de cet objectif et l'opportunité même d'une mise en concurrence des services conventionnés, non seulement pour la Région Hauts-de-France mais aussi pour les autres AOT, ce qui porterait gravement atteinte à l'ordre public économique.
2 – Aucun argument juridique ne justifie le sursis à exécution de la décision attaquée
– L'exécution de la décision attaquée n'emporte aucune conséquence irréparable pour SNCF Voyageurs
Il est argué qu'à suivre le raisonnement que SNCF Voyageurs développe dans ses conclusions sur ce point, toute décision de règlement de différends portant sur la communication d'informations aux AOT au sens de l'article L. 2121-19 du code des transports serait, de facto, suspendue dans la mesure où elle revêtirait, par principe, un caractère irréversible.
Par ailleurs, la jurisprudence citée par la requérante ne peut être transposée en l'espèce d'abord car les dispositions applicables (l'article R. 821-5 du code de justice administrative et l'article L. 1263-1 du code des transports) ne sont pas identiques et ensuite puisque les objectifs qu'elles poursuivent sont sensiblement différents (la conciliation du droit des usagers à se voir communiquer les éléments qui les concernant avec la protection spécifique dont pourraient relever certaines informations, dans le cas de la communication de documents administratifs et l'ouverture à la concurrence des services conventionnés de transport ferroviaire de voyageurs, dans le cas prévu par l'article L. 2121-19 du code des transports).
Il est soutenu que si SNCF Voyageurs avait souhaité justifier la suspension de la décision attaquée, elle aurait dû justifier concrètement de ce que la communication des informations sollicitées représentait, matériellement et financièrement, une charge excessive pour ses services, ce qu'elle n'établit pas dans ses écritures.
En outre, en proposant un nouveau calendrier échelonnée, celle-ci admet implicitement que l'exécution de la décision attaquée n'emporte pas de conséquences irréparables.
– L'exécution de la décision attaquée n'emporte aucune conséquence manifestement excessive pour SNCF Voyageurs
– Les données dont SNCF Voyageurs soutient ne pas disposer existent déjà et leur communication à la Région n'emporte pas de conséquences manifestement excessives
Il est soutenu qu'il est inquiétant de constater qu'un opérateur historique de transport, disposant d'un monopole sur l'exploitation des services de transport ferroviaire, ne craigne pas d'affirmer qu'il ne dispose pas d'informations aussi fondamentales que les données relatives à l'offre de transport théorique ou à la vente de titres liés au contrat de service public.
En tout état de cause, la communication de ces informations, qui sont nécessairement connues de SNCF Voyageurs, n'aura aucune conséquence manifestement excessive.
S'agissant des données relatives à l'offre de transport théorique, il est rappelé que la convention d'exploitation TER prévoit que « la consistance de l'Offre de Transport Théorique assurée par l'Opérateur au titre de la présente convention fait l'objet d'une liste de trains et de services routiers détaillés en Annexes OT04 et OT05 ». Il est curieux que la SNCF Voyageurs soutienne que cette information n'est pas disponible alors même que les stipulations de la convention TER attestent de son existence.
De même, on voit mal comment elle aurait pu proposer une refonte de l'offre de transport (citée dans sa propre assignation) sans avoir connaissance de l'offre de transport théorique.
Concernant la vente des titres de transports, il résulte de la convention TER que SNCF Voyageurs doit communiquer chaque trimestre à la Région le détail des ventes de titre sur l'ensemble du périmètre conventionnel, ventilé par abonnements / billets, TERGV / cartes régionales / billets promotionnels / tarifs commerciaux nationaux / billets sociaux nationaux / billets plein tarif.
Ainsi, sauf à ne pas communiquer ces informations en méconnaissance totale de ses obligations contractuelles, la requérante ne peut prétendre que ces informations ne sont pas disponibles, d'autant qu'elle en a besoin pour calculer ses recettes et son chiffre d'affaires, ou que leur communication emporterait des conséquences manifestement excessives.
– Les données que SNCF Voyageurs dit ne pas avoir produites ou conservées existent nécessairement et leur communication à la Région n'emporte aucune conséquence manifestement excessive
A titre liminaire, il est d'abord précisé que le II de l'article 2 du décret no 2019-851 dispose que « il ne peut être demandé d'information antérieure aux trois années précédant la demande (
) ».
Ainsi, la demande de la Région ayant été adressée à SNCF Voyageurs le 13 novembre 2019, celle-ci était parfaitement fondée à demander la communication des informations pour les exercices 2016 à 2019. Leur communication, sur le périmètre géographique et temporel défini par la Région, n'emporte donc aucune conséquence manifestement excessive.
Il est soutenu que la requérante ne peut sérieusement prétendre que les informations demandées n'auraient pas été produites par ses systèmes d'information ou ne répondaient pas à un besoin exprimé par la Région.
S'agissant des comptes de résultat prévisionnels par nature et par destination, il est rappelé que les conventions TER sont conclues dans une perspective pluriannuelle, de sorte que SNCFVoyageurs,comme toute entreprise, élabore nécessairement des budgets prévisionnels afin de prévoir les coûts d'exploitation de ses services ainsi que leur évolution sur plusieurs années. La maille et la forme de ces budgets prévisionnels peut parfaitement être reprise et adaptée pour répondre à la demande de l'Autorité.
Concernant les données relatives au temps de service par rame, il est fait observer que la requérante a mis en place plusieurs logiciels permettant d'obtenir cette information (v. par exemple, le logiciel de « Gestion des Roulements Assistés par Ordinateur »). Cette information est par conséquent une donnée déjà existante dont la communication à la Région n'emporte aucune conséquence manifestement excessive.
Quant aux volume et détail des prestations de surveillance générale (SUGE) effectuées sur l'ensemble du réseau TER Hauts-de-France, il est parfaitement possible, contrairement à ce qu'indique SNCF Voyageurs, de répondre à la demande de la Région dans la mesure où ces prestations sont déjà présentées dans le Document de Référence Sûreté publié par la SNCF (accessible sur internet) par catégories de prestations. De surcroît, la requérante doit déjà communiquer à la Région, en application de la convention TER 2019-2024, des informations similaires (v. notamment les « actions de sécurisation » mises en œuvre par les agents de la SUGE par type d'actions et les « actions de lutte contre la fraude »).
Enfin, le taux de remplissage des trains par numéro commercial constitue nécessairement une information produite par SNCF Voyageurs pour son propre compte pour optimiser sa flotte et prévoir le nombre de rames devant être affectées à un trajet donné, soit par le comptage électronique des entrées et sorties des trains, soit sur la base des enquêtes auprès des voyageurs, qui permettent d'évaluer la fréquentation des trains.
En second lieu, il est fait valoir que contrairement aux affirmations de la requérante, de nombreuses informations relatives au service public existent nécessairement car elles devaient être produites par SNCF Voyageurs en application de ses obligations contractuelles à l'autorité concédante pendant les années 2016 à 2018, tant pour le TER Picardie que pour le TER Nord-Pas-de-Calais, devenus TER Hauts-de-France.
Plus précisément, les données citées par SNCF Voyageurs dans son assignation comme n'ayant pas été produites pour la période 2016-2018 l'ont nécessairement été en application des conventions en vigueur à cette période.
Ainsi, par exemple, la convention TER Picardie 2013-2018 prévoyait que SNCF Voyageurs était tenue de produire chaque semestre le bilan des réclamations clients et d'en présenter régulièrement les résultats à la Région, d'établir « un bilan annuel qualitatif et quantitatif des actions de lutte anti-fraude »..., de sorte que celle-ci ne peut prétendre que ces données ne sont plus disponibles.
Par ailleurs, la circonstance que l'offre TER ait fait l'objet d'une refonte majeure depuis 2019 – dont on peine à imaginer comment elle aurait pu avoir lieu si SNCF Voyageurs n'avait pas disposé d'informations précises relatives à l'exécution des conventions de service public de transport de voyageurs pour les exercices passés – ne change rien au fait que la Région restait parfaitement fondée à demander la communication des informations pour les horaires de service 2016 à 2018.
En troisième lieu, concernant l'affirmation - non étayée - selon laquelle le périmètre des lots n'a été défini que le 10 mai 2019, soit postérieurement à la période 2016-2018, il est rappelé d'une part, que le I de l'article 2 du décret no 2019-851 précité dispose que « les demandes d'informations émises par une autorité organisatrice de transport sont écrites et précisent la nature, l'ancienneté et le niveau de détail, notamment la maille géographique et temporelle, des informations sollicitées » et d'autre part, que la circonstance selon laquelle les lots ont été définis postérieurement à 2016-2018 ne met aucunement SNCF Voyageurs dans l'incapacité de procéder au détourage des lots conformément à la demande de la Région.
– SNCF Voyageurs ne peut sérieusement soutenir ne pas être en mesure de produire en l'absence de validation par la Région du périmètre des 10 lots définis dans l'avis de pré-information
Il est fait valoir que la Région a confirmé, il y a plusieurs mois, le périmètre des différents lots qu'elle entendait ouvrir à la concurrence, sur le fondement des propositions de SNCF Voyageurs.
Ainsi, les lots que la Région entendait ouvrir à la concurrence ont été déterminés par la Région dans son avis de pré-information rectificatif no 2019/5 141-348575 publié au JOUE le 24 juillet 2019 et rectifié le 13 février 2020.
Sur la base des lots ainsi déterminés, SNCF Voyageurs a proposé un « regroupement de portefeuilles de lignes par lot » afin d'arrêter la liste des trains affectés à chaque lot, le 18 décembre 2019, lequel a été approuvé par la Région le 27 janvier 2020.
Dans sa réponse du 20 février 2020, SNCF Voyageurs en prend acte et indique clairement pouvoir procéder, selon un calendrier annexé à ce courrier, à la communication des informations demandées. Elle demande également à la Région de confirmer la répartition du matériel roulant alors qu'elle s'engage à communiquer les informations pour le 27 avril, puis 27 mai 2020.
Il découle de ce qui précède que la requérante a été en mesure, depuis maintenant sept mois, de réaliser le travail de détourage au périmètre des lots définis de concert avec la Région et sur la période demandée par celle-ci, et qu'en dépit des engagements pris, elle ne l'a pas fait.
– La communication des informations dans un délai d'un mois n'emporte aucune conséquence manifestement excessive pour SNCF Voyageurs
Il est encore rappelé que SNCF Voyageurs a disposé de sept mois pour procéder au traitement et à la mise en forme des informations sollicitées par la Région.
En outre, pour certaines informations, la requérante s'est engagée sur un échéancier concernant plusieurs dizaines de données dans son courrier adressé à la Région le 20 février 2020. L'ensemble des délais de transmission demandés étaient échus au moment où l'Autorité a adopté, puis notifié, la décision attaquée.
Enfin, l'Autorité souligne encore l'urgence qui s'attache à permettre à la Région d'organiser la mise en concurrence des lots qu'elle a définis dans l'avis de pré-information modifié publié au JOUE le 13 février 2020, sauf à contraindre la Région à abandonner la procédure de mise en concurrence.
En conclusion, il est demandé de :
- rejeter la requête en référé aux fins de sursis à exécution contre la décision de l'Autorité no 2020-044 du 30 juillet 2020 ;
- condamner SNCF Voyageurs aux entiers dépens de l'instance.
Par conclusions en défense déposées au greffe de la Cour d'appel de PARIS le 9 octobre 2020, soutenues à l'audience du 21 octobre 2020, la Région Hauts- de- France fait valoir :
I – Sur l'absence de démonstration de la recevabilité de l'assignation
Il est rappelé le texte de l'article R. 1263-7 du code des transports.
En l'espèce, s'il est vrai que la copie de l'assignation signifiée à la Région Hauts-de-France comporte la mention selon laquelle « le recours contre la décision dont le sursis à exécution est demandé a été déposé le 27 août 2020 », d'une part, il s'agit d'une mention manuscrite apposée après la rédaction de l'assignation, et d'autre part, cette mention n'a manifestement pas été écrite par la même personne que celle qui a instrumenté l'assignation, et ne vise aucun bordereau d'enregistrement confirmant cette même date.
Dans ces conditions, il appartient à SNCF Voyageurs de démontrer, par la production de l'original, que l'assignation comporte effectivement la date du recours en annulation contre la décision de l'Autorité.
II – Sur le rejet de la demande de sursis à exécution total de la décision de l'Autorité
Il est argué que la Cour d'appel de PARIS n'a jamais eu l'occasion de faire application de l'article L. 1263-1 du code des transports et qu'aucune des jurisprudences dont se prévaut SNCF Voyageurs dans ses conclusions n'est transposable au cas d'espèce.
1 – Sur l'absence de conséquences irréparables résultant de l'exécution de la décision de l'ART
En droit
Il est fait valoir que les contentieux liés à la communication de documents administratifs se nouent systématiquement autour des enjeux effectifs de la communication de documents à un tiers, susceptibles d'être couverts en partie par le secret des affaires, et que ce type de contentieux ne peut se réaliser entre une AOT et l'opérateur qu'elle a chargé de l'exécution de son service public, dès lors que la communication des informations liées au service relève de ses obligations légales, réglementaires et contractuelles.
Par ailleurs, en droit administratif, le sursis à exécution fondé sur l'article R. 821-5 du code de justice administrative prévoit une seconde condition (l'existence d'un moyen sérieux de nature à justifier l'infirmation du jugement), ce qui conduit nécessairement le juge à une interprétation plus souple de la première condition, dès lors que la demande sera rejetée si la seconde condition n'est pas remplie.
De surcroît, l'interprétation souple à laquelle se livre le juge administratif dans l'affaire Société Eolienne en mer, citée par la requérante, est corroborée par la motivation très sibylline des conséquences irréversibles de la communication. Au contraire, la Cour d'appel de PARIS attend une véritable démonstration, surtout lorsque cette seule condition est requise (CA Paris, 30 janvier 2019, no 18/15814, aff. Orange c/ARCEP).
Enfin, la jurisprudence administrative est d'autant moins transposable en l'espèce que les parties en litige étaient uniquement des personnes morales de droit privé, concurrentes sur un même marché.
Il est souligné que toutes les Régions sont à la fois des AOT et des autorités concédantes des services publics ferroviaires sur leur territoire et que cette double qualité leur confère naturellement un droit à la connaissance exhaustive et précise de leurs services.
Par conséquent, il est vain d'opposer une quelconque conséquence irréparable dans la communication d'informations qui doivent, par nature, leur revenir, d'autant qu'il existe des règles protégeant le secret des affaires et le secret professionnel, qui assurent une parfaite protection des données à transmettre (v. notamment article L. 2121-19 du code des transports)
Il est argué que les données brutes transmises par SNCF Voyageurs ne seront nullement communiquées en l'état aux opérateurs candidats car, concrètement, l'élaboration des dossiers de consultation des entreprises par « lots » nécessite, au préalable, une analyse et un retraitement (ne serait-ce que pour les adapter aux périmètres géographiques et matériels des futurs contrats) qui, de fait, font obstacle à tout caractère prétendument irréversible ou irréparable de leur communication par SNCF Voyageurs à la Région.
Par ailleurs, reconnaître que la communication à la Région d'informations relatives à son propre service public ferroviaire serait irréversible et engendrait des conséquences irréparables reviendrait nécessairement à la priver de pouvoir ouvrir correctement ce service à la concurrence.
Il découle enfin de la décision rendue par la Cour d'appel de PARIS dans l'affaire Orange c/ARCEP précitée trois enseignements qui peuvent être appliqués au litige en cause : il appartient au demandeur au sursis de démontrer en quoi le secret des affaires pourrait concrètement être affecté; les conséquences qui découleraient de l'inexécution de la décision doivent également être prises en compte; pour apprécier l'impact de la communication des informations en litige, est prise en compte la qualité des destinataires de ces informations.
En l'espèce
Il est d'abord soutenu que la requérante se livre à une lecture contra legem de l'article L. 2121-19 du code des transports en prétendant qu'il n'imposerait qu'une communication « minimale ».
Au contraire, cet article permet un accès large aux informations car il prévoit en termes claires que « les entreprises fournissant des services publics de transport ferroviaire de voyageurs, les gestionnaires d'infrastructure et les exploitants d'installations de service transmettent à l'autorité organisatrice de transport compétente, à sa demande, toute information relative à l'organisation ou à l'exécution de ces services et aux missions faisant l'objet du contrat de service public, sans que puisse y faire obstacle le secret des affaires. (...) ».
Ensuite, un décret d'application précise les conditions matérielles de mise en œuvre de la communication des informations (forme de la demande, délais de transmission...) et fixe « notamment » la liste des catégories d'informations devant être regardées, de manière irréfragable, comme remplissant les conditions du premier alinéa de l'article L. 2121-19 du code des transports. Il découle de l'emploi du mot « notamment » que les autres informations doivent être appréciées cas par cas. Autrement dit, la circonstance qu'elles ne relèvent pas expressément d'une de ces catégories n'implique en aucun cas qu'elles ne seraient pas communicables.
Il ressort clairement de la décision de l'Autorité que toutes les informations dont la communication s'impose à SNCF Voyageurs relèvent bien des catégories définies par le décret d'application et pour lesquelles la communication est irréfragable et s'inscrivent, en tout état de cause, dans le champ de l'article L. 2121-19 du code des transports.
Dans son assignation, la requérante se contente d'affirmer que « la transmission d'informations que SNCF Voyageurs estime étrangères au champ d'application de l'article L. 2121-19 du code des transports », sans apporter aucune démonstration.
Il est encore rappelé qu'en raison de sa double qualité d'AOT et d'autorité concédante à qui les informations doivent, par nature, revenir, la Région ne peut être assimilée à un tiers classique et totalement étranger à la procédure.
En outre, la Région et son personnel sont soumis à de strictes règles de confidentialité et de secret des affaires.
De surcroît, la protection des données reçues par la Région est d'autant plus forte qu'elle s'est dotée d'un PGIC dès le 24 septembre 2019 qui rend donc inopposable le secret des affaires à la transmission des données par SNCF Voyageurs.
Il est souligné que si la Cour d'appel décidait de suspendre l'exécution de la décision de l'Autorité, les conséquences sur la procédure de mise en concurrence de la Région seront inévitablement un abandon pur et simple de cette procédure et l'impossibilité de procéder à une ouverture à la concurrence à l'horizon 2024.
La Région produit un tableau rappelant le calendrier de procédure, à l'appui de son argumentation.
Enfin, concernant l'irrégularité de la décision attaquée en raison de la méconnaissance du droit à un procès équitable, invoquée par la requérante, son existence n'est nullement établie.
Il découle de ce qui précède qu'aucune conséquence irréparable ne peut sérieusement être invoquée par SNCF Voyageurs.
2 – Sur l'absence de conséquences manifestement excessives résultant de l'exécution de la décision de l'ART
En droit
Il est soutenu que les jurisprudences citées par la requérante dans ses observations sont dénuées de toute pertinence avec l'objet du présent litige.
En effet, et d'une part, s'agissant de la prétendue circonstance que les données n'existeraient pas, il est encore rappelé que les informations dont il est ici question sont toutes relatives « à l'organisation ou à l'exécution de ces services et aux missions faisant l'objet du contrat de service public » (article L. 2121-19 du code des transports) et que SNCF Voyageurs est le seul opérateur, en situation de monopole historique, exerçant ces missions et services. On voit mal donc comment ces données ne seraient pas en sa possession ou n'existeraient pas.
D'autre part, s'agissant des délais prétendument trop courts, il est fait valoir que les demandes de communication ont été faites par la Région depuis maintenant plus de deux ans et demi.
De surcroît, les délais dans lesquels elles doivent être communiquées ne dépendent aucunement de l'ART mais sont fixés dans le décret d'application (article 3).
En l'espèce
Sur le caractère prétendument inexistant des informations
Il est rappelé que les informations sollicitées par la Région ont été largement débattues par les parties, et surtout par SNCF Voyageurs, et qu'à aucun moment, celle-ci n'a fait valoir que des pans entiers d'informations n'existeraient pas.
Il est soutenu que cette nouvelle argumentation est soulevée en pure opportunité par la requérante pour la première fois devant le juge d'appel et que contrairement à ce qu'elle prétend, même dans sa note en délibéré, elle n'a jamais fait part d'une « absence de production » ou d'une « absence de conservation » des informations.
Par ailleurs, ces affirmations sont non seulement pas vérifiables, mais grossièrement absurdes.
Ainsi, par exemple, concernant l'offre théorique de transport, non seulement ces données existent nécessairement pour les exercices passés et en cours mais seule SNCF Voyageurs en dispose à l'échelle des lots définis dans l'avis de pré-information ; il en va de même s'agissant des comptes de résultat prévisionnels par nature et par destination, etc.
Concernant les informations à la maille des lots, il est précisé que les demandes adressées par la Région à SNCF Voyageurs les 12 mars et 16 juillet 2018 portaient sur la maille de l'ensemble du réseau régional pour les années 2017, 2018 et 2019 et 2020 (à titre prévisionnel) et qu'ainsi qu'il ressort clairement du courrier du 6 juin 2019 adressé par la Région à SNCF Voyageurs, cette dernière disposait bien du niveau de précision nécessaire à la compréhension des demandes « alloties » de la Région dès le mois de février 2019.
En outre, dès l'avis de pré-information du 10 mai 2019, les 10 lots concernés étaient encore précisément listés.
Ainsi, la Région a bien « détouré » le périmètre de chacun des lots.
Par conséquent, SNCF Voyageurs disposait incontestablement de l'ensemble des précisions lui permettant de saisir le périmètre des 10 lots projetés par la Région et délivrer donc les informations à la maille de ces lots.
En tout état de cause, les arguments soulevés par la requérante n'apportent aucune démonstration des conséquences manifestement excessives de la communication des informations à la Région.
Sur le caractère prétendument trop court des délais impartis par la décision de l'ART
Il ressort des pièces du dossier et des énonciations de la décision de l'ART que la Région a adressé à SNCF Voyageurs des courriers en ce sens le 12 mars et 16 juillet 2018 ainsi que les 13 novembre et 6 juin 2019.
En application de l'article 3 du décret susvisé, qui prévoit un délai d'un mois à partir des demandes de la Région, SNCF Voyageurs aurait donc dû transmettre les informations demandées dans le délai d'un mois suivant respectivement les différentes dates.
Il est souligné que la requérante accuse un retard qui est très important, ce qui est d'autant moins justifiable compte tenu des moyens conséquents dont elle dispose.
Il est précisé que SNCF Voyageurs s'est contentée de produire une série d'informations qui ne correspondent ni au fond ni à la forme des injonctions de l'Autorité.
Ainsi, à titre illustratif, la Région ne dispose toujours d'aucune information précise permettant de convenir du nombre d'équivalent temps plein (ETP) car SNCF refuse de fournir les données permettant la vérification du nombre proposé et la méthode de répartition/ventilation, tout comme elle ne dispose toujours pas des informations relatives au type de matériel roulant.
Enfin, quant à la procédure en manquement évoquée par la requérante, il est rappelé qu'elle a été instituée précisément pour sanctionner l'opérateur qui ne respecte pas les règles qui s'imposent à lui. On ne saurait donc s'en prévaloir afin de prouver le caractère manifestement excessif des conséquences entraînées.
III – Sur le rejet de la demande de sursis à exécution partiel de la décision de l'ART
1 – Sur l'absence de fondement juridique au sursis partiel et au rééchelonnement
Il est fait valoir que ni l'article L. 1263-1, ni l'article R. 1263-7 du code des transports, qui régissent la présente procédure, n'autorisent ou même ne prévoient que le sursis pourrait être partiel ou encore que le Premier président pourrait disposer d'un pouvoir de modulation de a décision rendue par l'ART.
Ainsi, la demande subsidiaire de la requérante n'est juridiquement pas fondée.
En outre, s'agissant d'un rééchelonnement des délais de communication, il est argué que ni l'ART, ni le juge d'appel, ni le juge du sursis à exécution n'ont le pouvoir de modifier des délais légaux.
En effet, le délai de transmission des informations est déterminé par l'article 3 du décret d'application qui ne laisse aucune marge d'appréciation.
2 – En toute hypothèse, sur le rejet de la demande de sursis partiel et du rééchelonnement
Il est soutenu que SNCF Voyageurs fonde sa demande subsidiaire sur les mêmes moyens que ceux qu'elle a développés pour sa demande principale. Cette demande subsidiaire ne pourra donc qu'être écartée.
En effet, d'une part, la requérante fait à nouveau valoir que les informations devant être communiquées seraient indisponibles, faute d'avoir été produites ou conservées, d'autre part, que les délais qui lui seraient impartis seraient trop courts.
Il est demandé donc le rejet de cette demande.
En conclusion, il est demandé de :
- rejeter la requête en référé de SNCF Voyageurs aux fins de sursis à exécution de la décision de l'Autorité de Régulation des Transports no 2020-044 du 30 juillet 2020 ;
- condamner SNCF Voyageurs à lui verser la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner SNCF Voyageurs aux entiers dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.
Par conclusions responsives et en défense du 21 octobre 2020, soutenues à l'audience du 21 octobre 2020 , La Région Hauts- de- France fait valoir :
SNCF voyageurs fait état d'un moyen nouveau tiré de ce que la décision rendue par l'ART et le décret 2019 -851 du 20 août 2019 pris pour l'application de l'article L 2121-19 du code des transports seraient illégaux en ce qu'ils méconnaitraient le prinicipe de non -rétroactivité de la loi civile, or ce moyen est irrecevable en ce qu'il a été présenté tardivement, et ce moyen ne relève pas de l'office du juge du sursis. En outre ce moyen est mal fondé en ce qu'il y a lieu de relever l'absence d'illégalité de la décision de l'ART, du décret d'application et de l'incompétence du juge judiciaire pour en juger.En effet il n'appartient pas au juge judiciaire de se prononcer sur la légalité du décret dès lors qu'il n'est pas compétent pour en connaitre en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaire ( arrêt Septfonds du 16 juin 1923 du Tribunal des Conflits).En conséquence SNCF voyageurs n ‘est pas fondé à mettre en cause la légalité de la décision de l'ART au motif d'une méconnaissance du principe de non rétroéctivité par le décret d'application.
La Région Hauts-de France maintient les mêmes demandes telles qu'exposées dans ses conclusions du 9 octobre 2020..
Par avis oral à l'audience du 21 octobre 2020, le Ministère public soutient :
Le ministère public rappelle le cadre juridique de la demande de sursis à exécution et que la décision de l'ART rendue sur le fondement de l'article 1263-2 du code des transports est la première à faire l'objet d'un tel sursis. Le ministère public s'enrapporte en ce qui concerne les moyens de procédure relatifs à la régularitéde l'assignation. Il rappelle les principes quant à l'office de la cour et la jurisprudence du 16 octobre 2019 et du 22 janvier 2020 , il a été ainsi affirmé qu'il n'appartient pas au magistrat délégué de contrôler la légalité de la décision, objet du recours , sauf en cas de violation flagrante des règles de droit.
En l'espèce, le moyen présenté par SNCF Voyageurs relatif à l'illégalité de la décision compte tenu du caractère rétroactif donné par l'ART au décret du 20 août 2019 est un moyen nouveau et donc irrecevable . Il appartient à la cour d'apprécier si le requérant caractérise les conséquences irréparables ou manifestement excessives qu'il invoque.
En ce qui concerne les conséquences irréparables, SNCF Voyageurs expose que l'exécution de la décision créerait une situation irréversible, mais aucun élément n'est fourni à l'appui de cette affirmation, de plus SNCF Voyageurs a proposé dans ses écritures un nouveau calendrier de transmission d'une partie des données. Ce moyen sera rejeté.
En ce qui concerne les conséquences manifestement excessives, SNCF Voyageurs
soutient qu'elle ne peut transmettre des données qu'elle n'a pas, alors que l'instruction de l'ART démontre le contraire, et SNCF Voyageurs ne démontre pas en quoi leur communication emporterait des conséquences manifestement excessives.
En conclusion, le ministère public demande à la cour de rejetter la demande de sursis à exécution de la décision entreprise, étant observé que la notion de protection de l'ordre public économique et une préoccupation qui ne peut commander la décision de la cour.
SUR CE
Il résulte de l'article L1263-1 du code des transports que les décisions prises par l'Autorité de régulation des transports sont susceptibles de recours en annulation ou réformation qui relèvent de la cour d'appel de Paris et ne sont pas suspensifs. Toutefois le sursis à exécution de la décision peu-être ordonné par le juge, si celle-ci et susceptible d'entrainer des conséquences irréparables ou manifestement excessives ou s'il et survenu, postérieurement à sa notification, des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité.
SNCF Voyageurs a formé un recours contre la décision de l'autorité de régulation des transports no 2020-44 du 30 juillet 2020 et a saisi le premier président de la Cour d'appel de Paris d'une demande de sursis à excéution de ladite décision en invoquant des conséquences irréparables ou manifestement excessives en cas d'exécution de la décision, et subsidiairement une demande de sursis à exécution partielle.
Sur la recevabilité de l'assignation:
La Région Hauts-de-France soulève in limine litis, dans ses conclusions et à l'audience, l'irrecevabilité de l'assignation.
Il résulte de l'assignation de SNCF Voyageurs, qui a été signifiée le 2 septembre 2020 à la Région Hauts- de- France, qu'elle comporte toutes les mentions légales imposées par l'article R 1263-7 du code des transports, que si la date du recours contre la décision dont le sursis à exécution est demandé a été apposée de manière manuscrite, cela n'emporte pas l' irrégularité de l'assignation.
L'assignation signifiée le 2 septembre 2020 à la Région Hauts-de France sera déclarée régulière et recevable.
Sur la demande de Sursis à exécution à titre principal :
Sur l'existence de conséquences irréparables pour SNCF Voyageurs.
SNCF Voyageurs argue du caractère irréparable de la transmission des informations du fait que selon la requérante elles échappent au champ d'application des dispositions de l'article L. 2121-19 du code des transports et du décret no 2019-851 du 20 août 2019, ou des informations dont le périmètre sollicité excède celui établi par les textes, en effet l'article L. 2121-19 du code des transports et le décret no 2019-851 du 20 août 2019 ne prévoient qu'un socle minimal d'informations à transmettre par les opérateurs aux autorités organisatrices de transport, ainsi la décision de l'Autorité est entachée d'irrégularité et donc susceptible d'être annulée ou réformée, ce qui suffit à justifier le sursis à exécution, et la transmission des informations que SNCF Voyageurs estime étrangères au champ d'application de l'article L. 2121-19 du code des transports emporterait pour cette dernière des conséquences irréparables, même en cas d'infirmation de la décision de l'Autorité.
-SNCF Voyageur soulève un nouveau moyen d'irrégularité dans ses conclusions responsives tiré de l'illégalité de la décision de l'Autorité et du décret No 2019 -851 du fait du principe de non rétroactivité de la loi civile, la méconnaissance de ce principe renforce le caractère irréparable des conséquences de l'exécution de la décision.
Il convient de rappeler qu'il est constant qu'il n'appartient pas au juge saisi d'une demande de sursis à exécution de contrôler la légalité de la décision objet du recours, que les irrégularités qui selon SNCF Voyageurs entachent la décision de l'ART relèvent de l'appréciation du juge de fond, qu'en l'espèce il n'appartient pas au juge statuant sur le sursis à exécution d'apprécier l'application qu'à fait l'Autorité de la régulation des transports du périmètre du champ d'application des dispositions de l'article L. 2121-19 du code des transports et du décret no 2019-851 du 20 août 2019, ni d'apprécier l'illégalité soulevée de la décision de l'autorité du fait de la méconnissance supposée du principe de non rétroactivité de la loi civile, lesquelles incombent au juge du fond.
De plus , la transmission des informations conformément à la décision de l'ART du 30 juillet 2020 ne revêt aucun caractère irréparable, dans la mesure où cette comunication ne prive pas SNCF Voyageurs de toujours disposer de ces informations et ne lui porte aucun préjudice dans la continuité de son fonctionnement et de son activité, dès lors que la communication des informations liées au service relève d'obligationslégales, réglementaires et contractuelles.
Ces moyens seront rejetés.
Sur l'existence de conséquences manifestement excessives pour SNCF Voyageurs
SNCF Voyageurs argue du caractère manifestement excessif de la transmission des informations du fait que selon la requérante, les éléments selon lesquels son impossibilité à transmettre plusieurs catégories d'informations est bien fondée, concernent les domaines suivants : l'offre théorique de transports, la vente de titres de transports, les comptes de résultat prévisionnel par nature et pas destination, les prestations sûreté, le taux de remplissage des trains par numéro de train commercial,les réclamations clients, données anti fraude, offre routière de substitution, circulation des trains (historique de 2016 à 2018), les ETP, les types de matériels roulants, l'indisponibilité de l'ensemble des informations à la maille des lots).
Il convient de relever que dans sa décision, suite à une instruction longue de plusieurs mois marquée par des échanges de plusieurs conclusions, l'Autorité de régulation des transports a apprécié de façon très détaillée ( 78 pages) chacune des informations devant faire l'objet d'une transmission, que sur chaque catégorie d'information l'Autorité répond de façon motivée aux objections formulées par SNCF Voyageurs, qu'il convient de relever que, alors que SNCF Voyageurs prétend ne pas détenir certaines informations ou ne pas être en capacité de les transmettre, elle a tout de même transmis une grande partie des informations dans le cadre des conventions avec la Région, qu'elle a communiqué à la Cour un listing de fichiers qu'elle dit avoir transmis peu avant l'audience du 21 octobre 2020, qu'elle propose de transmettre certaines données selon un calendier progressif avec des échéances le 7 octobre et le 7 novembre 2020, que cela démontre qu'elle est en capacité de communiquer les informations indiquées par la décisionde l'ART.
Si la requérante SNCF Voyageurs a pu rencontrer des difficultés à transmettre les informations selon les délais imposés par l'Autorité , qui sont d'ailleurs dorénavant largement dépassés, cela ne démontre aucunement qu'elle est dans l'incapacité complète de les transmettre et en tout état de cause, celle-ci ne démontre l‘existence d'aucune conséquence manifestement excessive pour elle de transmettre ces informations, que ce soit en terme de mobilisation de moyens humains et techniques ou en coût de personnel.
SNCF Voyageurs évoque le risque d'une situation de manquements à laquelle elle serait exposée si elle n'obtenait pas le sursis à exécution de la décision, alors que la décision de l'ART ne prévoit auune sanction financière en cas de non respect de sa décision.
Ainsi, SNCF Voyageurs ne démontre l ‘existence d'aucune conséquence manifestement
excessive.
Ce moyen sera rejeté.
Ainsi, la demande de sursis à exécution à titre principal de la décision en date du 30 juillet 2020 de l'Autorité de régulation des transports sera rejetée.
Sur la demande de Sursis à exécution partiel à titre subsidiaire :
Selon l'article L 1263-1 du code des transports, il n'appartient pas au juge d'ordonner un sursis à exécution partiel de la décision de l'ART, l'article évoquant "un sursis à exécution de la décision", de plus en l'espèce, eu égard aux demandes formulées dans ce cadre (calendrier progressif detransmission des données, sursis d'une partie de l'injonctionet des délais ) si elles étaient accordées , aboutiraient à dénaturer la décision de l'Autorité de régulation des transports.
Ainsi la demande de sursis à exécution partiel à titre subsidiaire sera rejetée.
Qu'il convient de faire droit partiellement la demande de la Région Hauts-De-France sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
-Déclarons régulière et recevable l'assignation signifiée la 2 septembre 2020 à la Région Hauts-De-France.
-Rejetons la demande de sursis à exécution à titre principal présentée par SNCF Voyageurs à l'encontre de la décision No2020-44 en date du 30 juillet 2020 de l'Autorité de régulation des transports.
-Rejetons la demande de sursis à exécution partiel à titre subsidiaire présentée par SNCF Voyageurs à l'encontre de la décision No2020-44 en date du 30 juillet 2020 de l'Autorité de régulation des transports.
- Accordons à la Région Hauts-De-France la somme de 3000 (trois mille) euros au titre de l'article 700 Code de procédure civile.
-Disons que les dépens seront à la charge de SNCF Voyageurs.
LE GREFFIER
Véronique COUVET LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT
O... IENNE-BERTHELOT