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13/01/2021 | FRANCE | N°19/11722

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 13 janvier 2021, 19/11722


Grosses délivrées aux parties le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS









COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 15



ORDONNANCE DU 13 JANVIER 2021



(n° 3, 31 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 19/11722 (appel) N° Portalis 35L7-V-B7D-CAC7H auquel sont joints les RG 19/11729(appel), 19/11739(appel), 19/11741(appel),19/11761(recours),19/11763(recours),19/11765(recours), 19/11767(recours)



Décisions déférées : Ordonnan

ce rendue le 17 Juin 2019 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS



Procès-verbal de visite et saisies en date du 20 juin 2019 pris ...

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 15

ORDONNANCE DU 13 JANVIER 2021

(n° 3, 31 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 19/11722 (appel) N° Portalis 35L7-V-B7D-CAC7H auquel sont joints les RG 19/11729(appel), 19/11739(appel), 19/11741(appel),19/11761(recours),19/11763(recours),19/11765(recours), 19/11767(recours)

Décisions déférées : Ordonnance rendue le 17 Juin 2019 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS

Procès-verbal de visite et saisies en date du 20 juin 2019 pris en exécution de l'Ordonnance rendue le 17 Juin 2019 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillère à la cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de Véronique COUVET, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;

Après avoir appelé à l'audience publique du 04 novembre 2020 :

Société CGPA EUROPE société de droit luxembourgeois

Élisant domicile au cabinet de la SCP MERMILLON-RAULT

[Adresse 5]

[Localité 8]

SA CGPA RE société de droit luxembourgeois

Élisant domicile au cabinet de la SCP MERMILLON-RAULT

[Adresse 5]

[Localité 8]

SAS SAPA agissant en la personne de son représentant légal

Élisant domicile au cabinet de la SCP MERMILLON-RAULT

[Adresse 5]

[Localité 8]

Société CGPA agissant en la personne de son représentant légal

Élisant domicile au cabinet de la SCP MERMILLON-RAULT

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentées par Me Bernard MERMILLON de la SCP MERMILLON RAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0316

assistées de Me Isabelle RAULT et de Me Thierry BOIZET, de la SCP MERMILLON RAULT, avocats au barreau de PARIS, toque : P0316

APPELANTES ET REQUERANTES

et

DIRECTION NATIONALE D'ENQUETES FISCALES

[Adresse 7]

[Localité 9]

Représentée par Me Jean DI FRANCESCO de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

assistée de Me [TL] D'AZEMAR DE FABREGUES substituant Me Jean DI FRANCESCO de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

INTIMÉE ET DEFENDERESSE AUX RECOURS

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 04 novembre 2020, l'avocat des requérantes, et l'avocat de l'intimée ;

Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 13 Janvier 2021 pour mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Avons rendu l'ordonnance ci-après :

Le 17 juin 2019, le Vice-président, juge des libertés et de la détention (ci après JLD) de PARIS a rendu une ordonnance en application des articles L.16B et R.16B-1 du livre des procédures fiscales (ci-après LPF) à l'encontre de :

-La société de droit luxembourgeois CGPA RE SA, représentée par [V] [X], [M] [T], [W] [TK], [CS] [R], SAS SAPA, [O] [C], [YL] [Y] et [Z] [G] dont le siège social est sis [Adresse 3], et qui a pour objet une activité de réassurance,

-La société de droit luxembourgeois CGPA EUROPE représentée par [V] [X], [M] [T], [W] [TK], [CS] [R], SAS SAPA, [O] [C], [YL] [Y], [Z] [G], [B] [E] et [IK] [I] dont le siège social est sis [Adresse 3], et qui a pour objet une activité d'assurance et de co- assurance.

Dans son ordonnance, le JLD indiquait que les société de droit luxembourgeois CGPA RE SA et CGPA EUROPE sont présumées exercer en France une activité de réassurance pour l'une et d'assurance et co- assurance pour l'autre, sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes et ainsi omettrait de passer les écritures comptables correspondants, et ainsi serait présumée s'être soustraite et/ou se soustraire à l'établissement et au paiement des impôts sur les bénéfices et des taxes sur le chiffre d'affaires (TVA), en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts ( art 54 et 209-I pour l'IS et 286 pour la TVA).

La requête de la Direction Générale des Finances Publiques (ci- après DGFP) était accompagnée de 55 pièces en annexe qui présentaient une origine apparemment licite et pouvaient être utilisées pour la motivation de l'ordonnance.

Il ressortait des informations transmises par les services fiscaux que le groupe CGPA est constitué en France de la société CGPA, société d'assurance mutuelle spécialisée dans la responsabilité civile professionnelle et la garantie financière des intermédiaires d'assurances. Elle détient en totalité la société SAS SAPA, courtier en assurance et en réassurance et au Luxembourg la société CGPA Ré et la société CGPA Europe.

Le sociétariat est composé des intermédiaires d'assurance (agents généraux et courtiers), des conseillers en gestion du patrimoine indépendants, des intermédiaires en opérations de banque et services de paiement ainsi que des mandataires de ces professions. Sur son site internet, CGPA se présente comme une société financièrement solide , leader sur le marché de la RC professionnelle des intermédiaires (plus de 13.000 adhérents, 2500 dossiers de sisnistre en cours, 504 millions d'euros en total bilan, 130 millions d'euros de fonds propres après consolidation).

Sur l'exercice 2017, le Chiffre d'affaires consolidé du Groupe s'est élevé à 35 543 894 euros et son résultat net consolidé à 12 474 374 euros, ce CA repose sur les activités d'assurance de CGPA sur le marché français et de CGPA Europe sur le marché européen, ainsi que sur les acceptations hors groupe réalisées par CGPA Ré sur le marché de la réassurance.

Ainsi le groupe CGPA spécialisé dans la réassurance d'assurance s'articule autour de CGPA, sa maison mère française, et de 3 filiales SAPA(FRANCE), CGPA Ré (LUXEMBOURG) et CGPA EUROPE ( LUXEMBOURG) .

La société de droit luxembourgeois CGPA Ré SA, immatriculée auprès du registre du commerce et des sociétés du Luxembourg est détenue par les sociétés françaises CGPA et SAS SAPA.

Les administrateurs de CGPA Ré SA, [V] [X], [M] [T], [Z] [G], la SAS SAPA représentée [CS] [R], [O] [C], [YL] [Y], sont domicilés professionnellement en France, et [W] [TK] est domicilié professionnellement au Luxembourg. La gestion journalière de la société est déléguée à AON INSURANCE MANAGERS, société de droit luxembourgeois spécialisée dans le management des sociétés captives et de sociétés d'assurance.

L'activité de CGPA Ré SA agréée par le ministre du trésor luxembourgeois consiste en la réassurance des opérations d'assurance portées par la société mère CGPA et d'une partie des opérations prises en risques par sa filiale CGPA EUROPE.

La société de droit luxembourgeois CGPA Ré SA a déposé régulièrement auprès du registre du commerce des sociétés du Luxembourg des comptes annuels de 2012 à 2017. La législation luxembourgeoise impose aux sociétés de réassurance de constituer une provision pour fluctuation de sinistralité (PFS) ou provision pour égalisation. En l'espèce les résultats techniques et financiers annuels de CGPA Ré ont été neutralisés au moyen d'une provision pour fluctuation de sinistralité propre à la législation luxembourgeoise.

La société de droit luxembourgeois CGPA EUROPE, régulièrement immatriculée auprès du registre du commerce et des sociétés du Luxembourg est une filiale de CGPA Ré SA et est indirectement détenue à 100% par les sociétés françaises CGPA et SAS SAPA.

Le conseil d' administration de CGPA EUROPE est composé de : [V] [X], [M] [T], [Z] [G], la SAS SAPA représentée [Z] [G] [CS] [R], [O] [C], [YL] [Y], [W] [TK], [B] [E]et [IK] [I].

[B] [E]et [IK] [I], courtiers en assurance, sont domiciliés au Royaume Uni et en Irlande.

[W] [TK] est domicilié professionnellement au Luxembourg.

les autres membres du conseil d'administration, dont le président [V] [X], sont domiciliés professionnellement en France.

La société CGPA EUROPE est habilitée à pratiquer des opérations d'assurance en matière de responsabilité civile générale, caution, pertes pécuniaires diverses au Luxembourg, Italie, Irlande et au RU. Cette société dépose régulièrement auprès du registre du commerce des sociétés du Luxembourg des comptes annuels (2015- 2017).

[V] [X], [M] [T], [Z] [G], [CS] [R], [O] [C] et [YL] [Y], administrateurs communs aux sociétés CGPA Ré SA et CGPA EUROPE sont tous résidents fiscaux français et tirent l'essentiel de leurs revenus de leur activité professionnelle localisée en France.

En ce qui concerne [W] [TK], [B] [E]et [IK] [I], ceux-ci assurent des fonctions très étendues (administrateurs ou directeurs) dans plusieurs sociétés étrangères spécialisées dans les services en matière de finance et d'assurance, il peut être présumé qu'ils ne participent pas de manière active et régulière à la prise de décision stratégique au sein des sociétés CGPA EUROPE et CGPA Ré SA

Ainsi le centre décisionnel des sociétés de droit luxembourgeois CGPA Ré SA et CGPA Europe est présumé se situer en France. Ces sociétés semblent disposer en propre et localement de moyens humains très limités notamment au regard de la complexité de leur activité d'assurance ou de réassurance.

La CGPA Ré SA est présumée externaliser une grande partie de son activité auprès de AON INSURANCE MANAGERS qui fournit un large échantillon de prestations recouvrant l'ensemble des activités de réassurance et d'assurance.

Jusqu'au 30 septembre 2014, les sociétés CGPA Ré SA et CGPA EUROPE étaient domiciliées dans les locaux de la société AON CAPTIVE SERVICES GROUP, devenue AON INSURANCE MANAGERS, dirigeant agréé de CGPA Ré SA spécialisé en gestion de captives et de sociétés d'assurance , et sont ainsi présumées ne pas détenir leurs propres locaux au Luxembourg pour la réalisation de leur activité de réassurance et d'assurance.

Les sociétés CGPA Ré SA et CGPA EUROPE ne semblent pas disposer d'effectifs en nombre suffisant et compétent à l'adresse de leur siège social au Luxembourg afin de prendre des décisions stratégique nécessaires au développement de leur activité de réassurance et d'assurance.

Ces sociétés qui sont présumées ne pas avoir suffisamment de substance à l'adresse de leur siège social au Luxembourg ont une majorité d'administrateurs et une direction effective portée par des personnes domiciliées en France ayant des fonctions de responsabilité au sein des sociétés CGPA et SAS SAPA.

Les décisions stratégiques s'appliquant aux filiales CGPA Ré SA et CGPA EUROPE sont prises au niveau du groupe CGPA par [CS] [R] et [Z] [G]. Le systèmede gouvernance de ces sociétés inclut des comités stratégiques, d'investissements, de direction et de souscription et des risques , dans lesquels siègent principalement les deux dirigeants effectifs du groupe CGPA, [CS] [R] et [Z] [G], domiciliés en France.

Selon le rapport de solvabilité financière de 2016 de CGPA EUROPE, la direction effective de la société est portée par le président du Conseil d'administration ( [V] [X]), le dirigeant agréé ([D] [J]) et le directeur général délégué en charge du développement et de la souscription ( [V] [H]), tous domiciliés et ayant le centre de leurs intérêts économiques en France.

Les fonctions clé de l'activité des sociétés de droit luxembourgeois CGPA Ré SA et CGPA EUROPE sont confiées à des personnes résidentes fiscales en France occupant des postes à responsabilités au sein de la société mère du groupe CGPA en France, avec l'appui d'intervenants extérieurs au groupe et sont présumées ne par être réalisées depuis l 'adresse de leur siège social au Luxembourg.

Au jour de la requête, elles ne sont pas répertoriées auprès du service de remboursement de la TVA de la direction des impôts des non résidents, elles ne sont pas répertoriées au fichier informatisé Compte fiscal des professionnels de la base nationale de la DGFP.

Compte tenu de ces éléments, il peut être présumé que les sociétés de droit luxembourgeois CGPA Ré SA et CGPA EUROPE exercent en France une activité de réassurance et d'assurance sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes et ainsi omettrait de passer les écritures comptables y afférentes.

La société CGPA , créée le 2 novembre 1980 sous la forme d'une société d'assurance mutuelle à cotisations variables a son siège social sis [Adresse 4], elle est dirigée par [Z] [G] son directeur général, elle détient un établissement secondaire sis [Adresse 2]. L'objet de la société est de pratiquer des opérations d'assurances de toute nature à l'exception de celles visées aux §1 et 2 de l'article L310-1 du code des assurances.

Son administration est confiée à un conseil d'administration composé de : [V] [X] (président d'honneur) , [CS] [R] (président), [YL] [Y] (Vice-Président), [Z] [G] ( Directeur général), et de neuf administrateurs dont [TL] [V] [U], [RH] [P], [L] [N], [M] [T].

La société d'assurance mutuelle CGPA détient 99,99% du capital de CGPA Ré SA et indirectement 99,99% des parts de CGPA EUROPE. CGPA se réassure auprès de sa filiale CGPA Ré SA dans le cadre d'un programme quote- part sur les affaires souscrites en responsabilité civile professionnelle et souscrites en garantie financière.

Compte tenu des liens capitalistiques, de l'intervention de nombreux de ses administrateurs au sein des sociétés CGPA Ré SA et CGPA EUROPE et des liens commerciaux qu'elle entretient avec les sociétés luxembourgeoises du groupe, la société d'assurance mutuelle CGPA est susceptible de détenir dans les locaux qu'elle occupe sis [Adresse 4] et /ou [Adresse 2] des documents et / ou supports d'informations relatifs à la fraude présumée.

La SAS SAPA ( société service d'assistance des professionnels de l'assurance) est une société par actions simplifiées immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris depuis le 29/12/1983, elle a son siège social sis [Adresse 2], son objet est le courtage d'assurance dans le cadre du placement d'une seconde ligne de garantie de responsabilité civile professionnelle destinée aux adhérents de CGPA et le courtage de réassurance pour le programme de couverture des risques de CGPA et la formation aux bonnes pratiques professionnelles et la prévention des risques de mise en cause de la responsabilité civile des intermédiaires en assurance et en finance.

Son capital est entièrement détenu par laa société d'assurance mutuelle CGPA et elle détient elle même 0,01% du capital de CGPA Ré SA et indirectement 0,01% du capital de CGPA EUROPE.

Son président est [CS] [R] et son Directeur général est [Z] [G], tous deux administrateurs de CGPA, CGPA Ré SA et CGPA EUROPE.

La SAS SAPA est un membre du Conseil d'administration des sociétés CGPA Ré SA et CGPA EUROPE.

Compte tenu des liens capitalistiques et de l'intervention de ses dirigeants dans la direction effective des sociétés CGPA Ré SA et CGPA EUROPE, la SAS SAPA est

susceptible de détenir dans les locaux qu'elle occupe sis [Adresse 2] des documents et / ou supports d'informations relatifs à la fraude présumée.

Sur la base des ses éléments, le JLD du TGI de Paris a délivré une ordonnance le 17 juin 2019 autorisant les agents de la DGFP à procéder, conformément aux dispositions de l'article L16B du LPF, aux visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve des agissements présumés dans les lieux désignés ci après où des documents et des supports d'informations illustrant la fraude

présumée sont susceptibles de se trouver :

-dans les locaux et dépendances sis [Adresse 4], susceptibles d'être occupés par les sociétés de droit luxembourgeois CGPA Europe et/ ou CGPA Ré et / ou société d'assurance mutuelle CGPA,

-dans les locaux et dépendances sis [Adresse 2] susceptibles d'être occupés par les sociétés de droit luxembourgeois CGPA Europe et/ ou CGPA Ré et / ou société d'assurance mutuelle CGPA et / ou la SAS SAPA.

Les opérations de visite et saisie se sont déroulés le 20 juin 2019 dans les locaux sis [Adresse 2] de 7H35 à 18H45 en présence de [TL] [F] et de [DB] [DU], représentants de l'occupant des lieux désignés et de [OD] [JD] et le 21 juin 2019 dans les locaux sis [Adresse 4] donnant lieu à un procès-verbal de carence.

Les sociétés CGPA Europe, SA CGPA Ré, CGPA et SAS SAPA ont interjeté appel le 2 juillet 2019 contre l'ordonnance du JLD de PARIS du 17 juin 2019 (RG 19/11722, RG 19/11729, RG 19/11741 et RG 19/11739)

Les sociétés CGPA Europe, SA CGPA Ré, CGPA et SAS SAPA ont chacune formé un recours le 2 juillet 2019 contre le déroulement des opérations de visite et de saisie qui ont été réalisées le 20 juin 2019 au [Adresse 2] ( RG 19/11761, RG 19/11763, RG 19/11767 et RG 19/11765).

L'affaire a été audiencée pour être plaidée le 25 mars 2020, le dossier a été renvoyé à l'audience du 4 novembre 2020 du fait de l'état d'urgence sanitaire.

A cette audience la jonction des dossiers RG 19/11722, RG 19/11729, RG 19/11741 et RG 19/11739 (appel) et des dossiers RG 19/11761, RG 19/11763, RG 19/11767 et RG 19/11765 ( recours) a été évoquée.

L'affaire est mise en délibéré pour être rendue le 13 janvier 2021.

-SUR l'APPEL

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d'appel de PARIS le 29 octobre 2019, et par conclusions ampliatives et récapitulatives déposée le 26 octobre 2020 , les sociétés appelantes font valoir :

I FAITS et PROCEDURE :

Le JLD de Paris a rendu une ordonnance le 17 juin 2019 autorisant des visites domiciliaires à deux adresses différentes suite à une requête de l'administration fiscale du 4 juin 2019, les sociétés ont fait appel de cette décision qui doit être annulée.

II DISCUSSION :

2.1 In limine litis sur la demande de jonction.

Les actes d'appel concernent une seule ordonnance rendue par le JLD de Paris, il y a un lien de connexité entre les instances, la jonction des recours est sollicitée .

2.2 sur la régularité de l'ordonnance du 17 juin 2019.

La preuve de l'existence d'une présomption de fraude fiscale, qui est la condition de la délivrance de l'ordonnance de visite domiciliaire du JLD, n 'est pas apportée en l'espèce, en effet les éléments présentés dans l'ordonnance ne permettent pas à eux seuls d'établir une présomption de fraude fiscale.

-Certains des éléments avancés par la DNEF sont inexacts, ce qui n'a pu que fausser l'appréciation du JLD quant à l'existence d'une fraude présumée.

Au titre des inexactitude il est indiqué notamment : rôle de [CS] [R] au conseil d'administration de la CGPA Ré et au siège de comité de souscription des risques, activité de CGPA Ré SA en tant qu réassureur des opérations de la société mère CGPA, fonction de [V] [X] au conseil d'administration de la CGPA, et auprès du Cabinet [X], rôle de [Z] [G] au sein de CGPA, perception des rémunérations de [M] [T], [O] [C] et [V] [X], erreur de traduction concernant la fonction de [B] [E], rôle de M [I] et de M [E] au sein des sociétés CGPA Europe et CGPA ré, prestations des sociétés AON INSURANCE MANAGERS et AR Brassington LTD, revenus attribués aux administrateurs, rôles de M [R] et M [G] au sein de CGPA Ré et CGPA Europe, déclarations fiscales de [D] [J].

Contrairement à ce que prétend l'administration dans ses conclusions ,ces erreurs ne sont pas prétendues mais sont réelles,et s'appuient sur les pièces comuniquées par les appelantes. Les appelantes contestent la décision de la cour de cassation évoquée qui concerne une absence de communication de pièces et non pas des éléments erronés. En l'espèce les parties appelantes reprochent à l'administration fiscale d'avoir des éléments erronés ou inexacts au JLD qui ont pu fausser son appréciation. En appel c'est un débat au fond complet qui s'instaure et le premier président doit examiner les pièces à décharge.Il est répondu aux conclusions de l'administration , en ce qu'elles allèguent des éléments incomplets ou inexacts ( location d'un studio meublé au Luxembourg pour [V] [H] et fonction de [V] [H] au sein de la société AM RESOLVEpar exemple).

Il est évoqué l'article 8§1 de la convention européenne des droits de l'homme et la jurisprudence de la Cour Européenne qui considère que la procédure de visite et saisie prévue par l'article L16B constitue une ingérence dans le respect de la vie privée et du domicile.

Les affirmations de l'administration fiscale concernant les résultats techniques et financiers annuels de CGPA ou le domicile professionnel de [D] [J] sont fausses et sont des éléments qui ont joué un rôle majeur dans la décision du JLD. Le dirigeant agréé de CGPA RE SA est implanté au Luxembourg et dirige sa société depuis Luxembourg.

Selon les appelantes CGPA Europe et CG PA RE SA sont dirigées effectivement et quotidiennement du Luxembourg.

La société AON Insurance Managers effectue en parallèle un bénéfice de CGPA Ré SA une grande partie de l'activité réalisée de façon journalière par une entreprise de réassurance classique.

La prétendue insuffisance de substance des sociétés CGPA EUROPE et CGPA Ré SA évoquée par l'administration dans sa requête fait également défaut.

-Sur le caractère non pertinent des éléments retenus par le JLD pour caractériser l'existence d'une présomption de fraude .

Selon les parties appelantes, les différentes pièces soumises à l'appréciation du juge ne permettent pas de caractériser l'existence d'une présomption selon laquelle les deux sociétés de droit luxembourgeois disposent en France d'un siège de direction prenant la forme d'un établissement stable ou de leur siège de direction effective.

Or l'existence d'un siège de direction en France ne peut être caractérisé qu'à la condition qu'il soit démontré que se situe en France 'le lieu où sont prises les décisions stratégiques en matière de gestion et de politique industrielle ou commerciale nécessaires à la conduite des affaires de l'entreprise ' ou, dans le même sens, le ' lieu ou les personnes exerçant les fonctions les plus élevées prennent les décisions stratégiques qui déterminent la conduite des affaires de cette entreprise dans son ensemble' ( CE 16 avril 2012, N° 323592).

Une présomption ne peut reposer que sur des éléments avérés.

Les appelantes produisent un tableau joint en pièce 26 dans lequel les éléments de fait ou de droit mis en avant dans l'ordonnance et/ ou par l'administration pour étayer l'existence d'une présomption ont été passés au filtre de 6 critères ( éléments faux ou inexistants, éléments incomplets, éléments frais sans lien de causalité avec une fraude présumée, éléments justifiant la non existence d'une fraude fiscale, éléments insufisants, éléments non présents dans l'ordonnance mais évoqués dans les conclusions de la DNEF). Sur les 32 éléments relevés dans l'ordonnance du JLD aucun n'est pertinent pour établir le présomption de fraude.

Or en l'espèce, les éléments mentionnés dans l'ordonnance (documents publics dont l'administration avait connaissance au préalable) ne permettent pas de présumer l'existence d'un tel lieu en France. La présomption invoquée par le JLD ne repose que sur les faits suivants , qui peuvent être démentis :

- Sur la résidence, la nature des revenus et l'activité professionnelle des administrateurs et dirigeants des sociétés luxembourgeoises. Selon l'ordonnance 'le centre décisionnel des sociétés de droit Luxembourgeois CGPA Ré SA et CGPA Europe est présumé se situer en France' du fait que les administrateurs communs sont résidents fiscaux français et tirent l'essentiel de leurs revenus de leur activité professionnelle localisée en France et que les autres administrateurs résident à l'étranger ne participent pas de manière active et régulière à la prise de décision stratégiques au sein des sociétés. Selon les sociétés appelantes ce raisonnement est empreinte de mauvaise foi. En effet les administrateurs résidant en France ou à l'étranger font preuve d'une réelle implication dans la gestion des deux sociétés, messieurs [I] et [E] participent à la totalité des conseils d'administration et comités stratégiques qui ne se tiennent pas en France. Les administrateurs résidant en France exercent aussi une activité professionnelle à temps plein en plus de leurs fonction d'administrateur, or le raisonnement appliqué aux administrateurs résidant à l'étranger n'est pas appliqué aux administrateurs résidant en France. L'ordonnance ne fait état d'aucun élément de preuve démontrant que des décisions relatives aux sociétés de droit luxembourgeois auraient été prises en France, il n'est fait mention d'aune réunion du conseil d'administration qui se serait tenue en France. Ainsi la résidence et la situation professionnelle des administrateurs des sociétés CGPA EUROPE et CGPA Ré ne peuvent ainsi en aucune manière servir de fondement à une quelconque présomption de fraude fiscale.

Un tableau de synthèse est joint, les appelantes rappellent que l'administration en réponse se limite à rappeler des données sans en tirer une quelconque conclusion et sans démontrer en quoi le fait que les sociétés CGPA , CGPA Europe et CGPA Ré SA aient des administrateurs communs qui ne résident pas tous en France, établiraient que ces 2 dernières sociétés exerceraient leur activité en France;

- Sur la substance des deux sociétés luxembourgeoises . Le JLD fait valoir que les sociétés de droit luxembourgeois ne semblent pas disposer d'effectifs en nombre suffisant à l'adresse du siège social au Luxembourg, il en conclut qu'elles sont présumées ne pas avoir de substance à cette adresse, pour cela le JLD se fonde sur un certain nombre d'éléments factuels, or ces éléments démontrent au contraire que les sociétés ont une réelle substance au Luxembourg.

Les parties appelantes exposent des éléments (effectifs des sociétés CGPA Ré SA et CGPA EUROPE, externalisation de la gestion de CGPA Ré à la société AON INSURANCE, appels téléphoniques) qui démontrent au contraire que les sociétés ne sont pas dépourvues de toute substance au Luxembourg.

- Sur le mode de gouvernance des deux sociétés luxembourgeoises. Selon le JLD, 'les fonctions clés de l'activité des sociétés CGPA Ré SA et CGPA EUROPE sont confiées à des personnes résidentes fiscales en France [...] et sont présumées ne pas être réalisées depuis l'adresse de leur siège social au Luxembourg '. Les parties appelantes rappellent les éléments sur lesquels cette affirmation est fondée en les contestant. ( gouvernance du groupe assurée par l'OAGC composé de [CS] [R] et [Z] [G], système de gouvernance des sociétés CGPA Ré SA et CGPA Europe qui inclut divers comités dans lesquels siègent les dirigeants M [R] et M [G] domiciliés en France, fonction de président du conseil d'administration , de dirigeant et de direcetur délégué de CGPA Europe attribués à des personnes domiciliées en France, fonctions clés de l'activité de CGPA Ré SA et CGPA Europe confiées à des personnes résidentes fiscales en France et occupant des postes importants au sein de la société mère du groupe CGPA en France).

Selon les appelantes, aucun de ces éléments ne permet d'émettre une quelconque présomption de fraude fiscale. En effet le JLD selon les parties assimile à tort la notion de 'gouvernance du groupe' avec celle de 'direction des filiales'. Le mode de gouvernance du groupe CGPA, classique et surtout obligatoire dans le monde de l'assurance et plus largement, dans les groupes internationaux , ne peut servir de fondement à l'établissement d'une présomption de fraude. Le JLD ne dispose d'aucun élément susceptible de démontrer que M [R] et M [G] siègent 'principalement ' aux différents comités de CGPA EUROPE et CGPA Ré SA. Cette affirmation étaye de manière artificielle la thèse d'une présomption de fraude fiscale. De même le lieu de résidence de M [J] et la situation professionnelle de M [X] ne peuvent fonder la présomption de fraude. Selon les appelantes, aucun des éléments mentionnés par le JLD ne permet de conclure à l'existence d'une quelconque présomption de fraude fiscale, l'ordonnance doit être annulée.

- sur le caractère insuffisant des éléments retenus par le JLD pour caractériser l'existence d'une fraude fiscale . Les éléments retenus par le JLD sont ainsi dépourvus de toute pertinence s'agissant de la caractérisation d'une présomption de fraude fiscale liée à l'exercice d ' une activité en France. Il est rappelé une jurisprudence de la CA de Paris selon laquelle le JLD doit s'assurer que 'les services qui le saisissent disposent des éléments qui laissent présumer la fraude, ces présomptions doivent être suffisantes' pour que' l'atteinte aux droits fondamentaux que constitue une visite domiciliaire soit proportionnée à l'ampleur ou la complexité du processus frauduleux'.

Les sociétés appelantes citent des décisions dans lesquelles certains éléments listés apportés par l'administration ont été considérés comme insuffisants pour établir la présomption de fraude.

En l'espèce il n'est pas établi que les CGPA Ré SA et CGPA EUROPE disposaient de salariés en France, faisaient appel à des prestataires localisés en France, se prévalaient à un quelconque endroit ou auprès d'une quelconque personne de l'existence de locaux en France. En l'espèce l'administration ne dispose d'aucun élément concret démontrant que le pouvoir de direction des sociétés se situe en France, les faits indiqués dans l'ordonnance ne sont pas suffisants pour caractériser une présomption au sens de l'article L16B du LPF.

En conclusion, les sociétés appelantes demandent de :

In limine litis

- prononcer la jonction des appels interjetés le 2 juillet 2019

A titre principal

- annuler l'ordonnance du JLD du TGI de PARIS en date du 17 juin 2019,

- en conséquence, annuler les opérations de visite et saisie effectuées dans les locaux sis [Adresse 4] et [Adresse 2].

Par conclusions reçues le 26 février 2020, l'administration fait valoir :

1 Rappel de la procédure en cours.

Le JLD de Paris a autorisé les agents de la DNEF à procéder à des opérations de visite domiciliaire à l'encontre des société de droit luxembourgeois CGPA Ré SA et CGPA EUROPE.

Appel a été interjeté contre l'ordonnance.

2 Discussion

a) les élements analysés par le juge justifiaient la mise en oeuvre d'une procédure d'une visite domiciliaire.

La DNEF rappelle les éléments retenus dans l'ordonnance du JLD.

b)aux termes de l'article L 16B du LPF, l'autorité judiciaire peut autoriser l'administration à effectuer une visite domiciliaire lorsqu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement de l'impôt sur le revenu ou les bénéfices ou de la TVA, pour rechercher la preuve de ces agissements.

La DNEF rappelle la jurisprudence de la cour de Cassation et de la Cour d'appel de Paris en la matière.

c) l'argumentation développée par les appelantes ne remet pas en cause le bien fondé des présomptions retenues par le premier juge.

A ' Sur les prétendues erreurs contenues dans l'ordonnance

Il est rappelé que la Cour de cassation subordonne la sanction d'une absence de communication d'éléments dont l'administration avait connaissance à la condition que ces pièces aient été de nature à remettre en cause l'appréciation des éléments de fraude par le juge.

De même, la présence d'un élément erroné n'est pas systématiquement susceptible d'entraîner l'annulation de l'ordonnance.

Au cas présent, les éléments produits par l'administration permettent de présumer que les sociétés de droit luxembourgeois CGPA RE SA et CGPA EUROPE exercent en FRANCE une activité de réassurance pour l'une et d'assurance et de coassurance pour l'autre sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes.

B ' Sur les présomptions

Il est d'abord fait valoir que la Haute juridiction a, à des multiples reprises, rappelé que l'article L. 16 B du LPF n'exige que de simples présomptions.

Sur la gouvernance du groupe CGPA.

Les appelantes relèvent que le juge aurait assimilé à tort la notion de gouvernance avec celle de direction de filiales.

Ce moyen ne saurait être retenu. Il est d'abord rappelé que l'ordonnance n° 2015-378 du 2 avril 2015 a transposé dans le code monétaire et financier, le code des assurances, le code de la sécurité sociale et le code de la mutualité les dispositions de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (Solvabilité II).

Ainsi, en application des dispositions de l'article L. 354-1 du code des assurances, « Les entreprises d'assurance et de réassurance mettent en place un système de gouvernance garantissant une gestion saine et prudente de leur activité et faisant l'objet d'un réexamen interne régulier ('). Ce système de gouvernance comprend les fonctions clé suivantes : la fonction de gestion des risques, la fonction de vérification de la conformité, la fonction d'audit interne et la fonction actuarielle ».

Aux termes de l'article L. 322-3-2 du code des assurances, « La direction effective des entreprises mentionnées à l'article L. 310-3-1 est assurée par au moins deux personnes qui doivent satisfaire aux conditions prévues à l'article L. 322-2. (...) ».

En l'espèce, il ressort du rapport 2017 sur la solvabilité de la situation financière du groupe CGPA que MM. [CS] [R] et [Z] [G], respectivement Président et Directeur Général de la société CGPA, sont dirigeants effectifs groupe et membres de l'Organe d'Administration, de Gestion et de Contrôle (ci-après OAGC) groupe et sont également membres de l'OAGC de chacune des filiales, fonctions leur permettant de contrôler que ces dernières appliquent les décisions prises à leur intention.

Ainsi au sein de CGPA RE, MM. [CS] [R] et [Z] [G] siègent tous deux au Comité stratégique, M. [R] au Comité d'investissement et M. [G] est responsable de la fonction clé actuarielle ; au sein de la CGPA EUROPE, MM. [CS] [R] et [Z] [G] siègent tous deux au Comité stratégique, au Comité de direction, M. [G] siège au Comité de souscription et est responsable de la fonction clé actuarielle.

Il apparaît également que M. [Z] [G] exerce les fonctions suivantes : Directeur Général de la société CGPA, Dirigeant effectif du groupe déclaré es-qualité auprès de l'APCR, Membre de l'OAGC groupe, Responsable de la Gestion des risques groupe (fonction clé), Responsable de l'Actuariat groupe (fonction clé), Administrateur de la société CGPA Ré, Membre de l'OAGC de la société CGPA Ré, Membre du Comité stratégique de la société CGPA Ré, Responsable de l'Actuariat de la société CGPA Ré, Administrateur de la société CGPA EUROPE, Membre de l'OAGC de la société CGPA EUROPE, Membre du Comité stratégique de la société CGPA EUROPE, Membre du Comité de direction de la société CGPA EUROPE, Membre du Comité de souscription de la société CGPA EUROPE, Responsable de l'Actuariat de la société CGPA EUROPE.

En outre, M. [R] exerce les fonctions suivantes : Président de la société CGPA, Dirigeant effectif groupe déclaré es-qualité auprès de l'APCR, Membre de l'OAGC groupe, Administrateur de la société CGPA Ré, Membre du Comité stratégique de la société CGPA Ré, Membre du Comité stratégique de la société CGPA Ré, Membre du Comité d'investissement de la société CGPA Ré, Responsable de l'Actuariat de la société CGPA Ré, Administrateur de la société CGPA EUROPE, Membre de l'OAGC de la société CGPA EUROPE, Membre du Comité stratégique de la société CGPA EUROPE, Membre du Comité de direction de la société CGPA EUROPE.

Il est rappelé que la société CGPA Ré participe aux traits de réassurance de sa société mère CGPA sur ses activités de Responsabilité civile générale ainsi que de caution et participe également aux traités de réassurance de sa filiale CGPA EUROPE sur ses activités de Responsabilité civile générale, et que la société CGPA EUROPE délivre ses garanties, le plus souvent dans le cadre des obligations d'assurance des intermédiaires d'assurance (agents et courtiers d'assurance), et qu'elle souscrit ses affaires en « assurance directe » et en coassurance pour certains groupes d'agents et de courtiers en ITALIE.

Ainsi, les activités des sociétés CGPA Ré et CGPA EUROPE se trouvent contraintes sur le plan juridique, économique et financier par les orientations et les décisions prises au niveau de la société mère et du groupe.

Dans ces conditions, il apparaît donc que, au-delà de leurs fonctions et de leurs responsabilités au plus haut niveau au sein de la société-mère et du groupe CGPA, MM. [CS] [R] et [Z] [G] remplissent également des fonctions déterminantes au sein des sociétés CGPA Ré et CGPA EUROPE.

Par conséquent, il peut légitimement être présumé que ceux-ci exercent un véritable rôle décisionnel chez ces dernières.

-Sur la résidence des administrateurs :

Il est fait valoir que les sociétés CGPA RE et CGPA EUROPE ont sept administrateurs communs domiciliés professionnellement en FRANCE (MM. [V] [X], [Z] [G], [CS] [R], [YL] [Y], [M] [T], [O] [C], la SAS SAPA), dont cinq siègent également au conseil d'administration de la société-mère CGPA (MM. [V] [X], [Z] [G], [CS] [R], [YL] [Y], [M] [T]).

-sur les moyens des sociétés luxembourgeoises :

Il est fait observer que les documents très partiels (3 PV de conseil d'administration), présentés par l'appelante, d'une part, ne permettent aucunement d'apprécier l'implication de MM. [E] et [I], d'autre part, montrent que les conseils d'administration de CGPA EUROPE ne se tiennent pas tous au LUXEMBOURG, à savoir à LONDRES le 27/04/2018, de même que les conseils d'administration de la société mère CGPA ne se tiennent pas tous en FRANCE, à savoir à STUTTGART, en ALLEMAGNE, le 12/10/2018.

Il est cité une jurisprudence du Conseil d'Etat en date du 7 mars 2016, selon laquelle « si le lieu où se tiennent les conseils d'administration d'une société peut constituer un indice pour l'identification d'un siège de direction, ce seul élément ne saurait, confronté aux autres éléments du dossier, suffire à le déterminer ».

Par ailleurs, il est rappelé que la société luxembourgeoise AON INSURANCE MANAGERS - à laquelle la CGPA RE externalise une grande partie de son activité - fournit des services de conseil spécialisés et des services externalisés aux sociétés d'assurance et de réassurance, parmi lesquels figurent notamment la prise en charge de la fonction finance dans toutes les activités financières et comptables, la prestation d'actuariat et d'analytique, une assistance à la conformité et à la gouvernance d'entreprise, surveillance de la stratégie et des directives de placement du conseil, placement et suivi des investissements, expertise en matière de la directive Solvabilité II, c'est-à-dire des fonctions qui sont soit assumées directement par M. [G] (fonction d'actuariat), soit contrôlées par MM. [G] et [R].

Il est indiqué que la législation luxembourgeoise impose aux sociétés de réassurance de constituer une provision pour fluctuation de sinistralité (PFS) ou provision pour égalisation. La dotation annuelle à cette provision est égale aux résultats techniques et financiers de l'entreprise jusqu'à ce que la provision atteigne 30% de son plafond. Une fois le seuil correspondant à 30% de son plafond atteint, la dotation annuelle à cette provision est réduite à la somme du résultat technique et d'une partie des produits financiers de la société.

Ainsi, les résultats techniques et financiers de la CGPA RE sont neutralisés par des dispositions propres à la législation luxembourgeoise.

Il est précisé qu'au 31/12/2017, la provision pour égalisation s'élève à 35 582 701 € et que sur ce même exercice, les comptes de CGPA font apparaître un chiffre d'affaires de 30 543 894 € et un bénéfice net comptable de 7 177 673 €, tandis que le chiffre d'affaires consolidé du groupe ressort à 35 683 430 € pour un résultat net comptable de 12 474 374 €.

Cela signifie que la provision pour fluctuation de sinistralité est quasi équivalente au chiffre d'affaires consolidé du groupe et représente près de 3 fois son résultat net consolidé.

Il est soutenu qu'un tel impact sur les comptes du groupe suppose un pilotage de direction de ce dernier et donc des dirigeants de la société-mère.

Il est fait valoir que les dispositions du 3 de l'article 4 du modèle de convention fiscale OCDE concernant le revenu et la fortune ' qui sont d'ailleurs reprises à l'identique dans le 3 de l'article 4 de la convention signée le 20 mars 2018 entre la FRANCE et le GRAND DUCHE DE LUXEMBOURG ' prévoient que « lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne autre qu'une personne physique est un résident des deux États contractants, elle est considérée comme un résident seulement de l'État où son siège de direction effective est situé ».

Ainsi, s'il n'existe pas de définition légale du siège de direction effective et que sa caractérisation est une question de fait, il est admis que celui-ci s'entend du lieu où sont prises les décisions stratégiques en matière de gestion et de politique industrielle et commerciale nécessaires à la conduite des affaires de l'entreprise.

Au cas présent, eu égard à l'ensemble des éléments susvisés, il pouvait être légitimement présumé que ce lieu se situait en FRANCE, où résidaient et exerçaient les principaux dirigeants de la société-mère CGPA, du groupe CGPA et des sociétés CGPA Ré et CGPA EUROPE.

En conclusion, il est demandé de :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 17 juin 2019 par le JLD du TGI de PARIS ;

- rejeter toutes autres demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société appelante au paiement de la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et tous les dépens.

-SUR LE RECOURS

Par conclusions en date du 29 octobre 2019 et par conclusions en réplique et récapitulatives en date du 16 mars 2020 les sociétés requérantes font valoir :

I FAITS et PROCEDURE :

Le JLD de Paris a rendu une ordonnance le 17 juin 2019 autorisant des visites domiciliaires à deux adresses différentes suite à une requête de l'administration fiscale du 4 juin 2019, le JLD a autorisé les agents de la DNEF à procéder à une visite et saisie dans les locaux et dépendances du [Adresse 4] et [Adresse 2].

Les opérations de visite et saisie se sont déroulés le 20 juin 2019 dans les locaux précités du [Adresse 2] et ont donné lieu à un procès-verbal de 12 pages, auxquelles s'ajoutent 18 pages correspondant à des pièces saisies sur support 'papier'.

Les sociétés ont formé un recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie, elles estiment en effet que toutes les saisies ou certaines d'entre elles, pratiquées à cette occasion doivent être annulées.

Il est précisé que le 21 février 2020, l'administration fiscale via son conseil a transmis à l'avocat des requérantes ses conclusions dans lesquelles elle accepte l'annulation des saisies dénommées : production 7 à 18, production 20 à 26 bis, production 28.

Les requérantes persistent dans la totalité de leurs conclusions, et sollicitent l'annulation de la totalité des saisies pratiquées le 20 juin 2019 dans les locaux du [Adresse 2], de tenir compte du rapport confidentiel du 25 février 2020 du Cabinet Grant Thornton, ou bien d'ordonner une mesure d'instruction.

II DISCUSSION :

2.1 In limine litis sur la demande de jonction.

En l'espèce les opérations de visite et de saisie effectuées le 20 juin 2019 ont été autorisées par la seule ordonnance rendue par le JLD de Paris du 17 juin 2019, les sociétés ont formé un recours à l'encontre des opérations dont elles contestent la régularité, il y a un lien de connexité entre les instances, la jonction des recours est sollicitée .

2.2 A titre principal : sur la nullité, dans leur ensemble, des opérations de visite et saisie opérées le 20 juin 2019 dans les locaux situés au [Adresse 2].

Il est rappelé que l'ordonnance du juge autorisait les agents de la DGFP à procéder, conformément aux dispositions de l'article L16B, aux visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve des agissements présumés dans les lieux désignés ci après où des documents et des supports d'informations illustrant la fraude présumée sont susceptibles de se trouver :

-dans les locaux et dépendances sis [Adresse 2] susceptibles d'être occupés par les sociétés de droit luxembourgeois CGPA Europe et/ ou CGPA Ré et / ou société d'assurance mutuelle CGPA et / ou la SAS SAPA.

Ainsi les agissements présumés ne sont pas ceux de la société CGPA mais ceux impliquant les seules sociétés CGPA Ré et CGPA EUROPE, les renseignements et justifications susceptibles d'être recueillis doivent être liés et limités à la fraude présumée décrite dans l'ordonnance du JLD.

Il est rappelé les termes de l'article 8§1 de la Convention européenne des droits de l'Homme et le paragraphe 2 du même article. La CEDH a jugé que la procédure de visite et saisie de l'article L16B constitue une ingérence dans le respect de la vie privée et du domicile, ce n'est qu'au regard des garanties prévues par l'article L16B et à condition que ces garanties soient respectées qu'elle a considéré cette ingérence proportionnée aux buts légitimes poursuivis et compatible avec l'article 8§1 de la Convention européenne ( CEDH 8-1-2002 Keslassy C/ France). L'article L16B qui prévoit le recours devant le premier président de la CA assure la conciliation du principe de la liberté individuelle et du droit d'obtenir un contrôle juridictionnel avec les nécessités de la lutte contre la fraude fiscale.

Il résulte de la jurisprudence européenne et nationale que l'ingérence opérée ne doit pas être disproportionnée . En l'espèce la saisie des pièces par les agents de la DNEF a été massive et insuffisamment différenciée et a porté atteinte au secret professionnel des avocats.

Les OPJ ont failli à leurs obligations en matière de garanties accordées au contribuable.

Les opérations de visite et saisie sont irrégulières et doivent être annulées.

-Les OPJ n'ont pas joué le rôle qui leur est dévolu par la Loi.

En l'espèce les OPJ étaient présents, mais il résulte du PV de visite qu'ils ne sont par intervenus pour faire respecter le secret professionnel et les droits de la défense, alors qu'il y avait matière.

-sur la violation du secret professionnel.

Les OPJ auraient du s'assurer que parmi les pièces siasies ne figuraient pas de documents en provenance ou destinés à des avocats, , or en l'espèce parmis les pièces saisies, plusieurs documents étaient couverts par le secret professionnel d'avocats et certains sont sans lien avec la fraude présulée des sociétés de droit luxembourgeois. Ainsi, en laissant saisir de nombreuses pièces sans vérifier leur nature, les OPJ n'ont pas respecté l'alinéa du III de l'article L 16B du LPF ni de l'article 56 du CPP. En cas de doute ils auraient pu placer certaines pièces sous scellé. Il s'agit d'un vice substantiel dans le déroulé des opérations qui justifie leur annulation.

- sur l'absence de toute vérification par les OPJ de la conformité des saisies pratiquées avec le périmètre autorisé par l'ordonnance du 17 juin 2019 du JLD du TGI de Paris.

L'ordonnance autorisait seulement à saisir des documents et supports d'informations illustrant la fraude présumée des sociétés CGPA Ré SA et de CGPA Europe, , le PV ne renferme pas lui même la preuve que ce périmètre a bien été respecté.Les OPJ n'ont pas procédé à ce contrôle.Les agents de la DNEF n'indiquent pas avoir procédé à une analyse des données accessibles pour s'assurer de leur caractère saisissable, aucun détail n'est fourni concernant la qualité ou la nature des documents, les agents n'expliquent pas l'achitecture de leur travail et les OPJ ne leur ont rien demandé.

Les parties requérantes citent les ordinateurs et serveurs pour lesquels les agents de la DNEF ont stocké les copies de l'intégralité des documents qu'ils ont eux même considéré comme entrant dans le champ de l'autorisation de visite du JLD, sans faire de tri. En réponse à la DNEF qui évoque la jurisprudence en la matière, les requérantes arguent que la jurisprudence s'applique aux agents de la DNEF et non aux OPJ. Les OPJ n'ont pas joué leur rôle de veiller au respect du secret professionnel et des droits de la défense. Les requérantes demandent au premier président de juger que les OPJ avaient l'obligation de demander aux agents de la DNEF de révéler les modalités techniques d'appréhension sélective, les mots de passe, les mots clés et autres moteurs de recherche utilisés pour paramétrer leur 'aspirateur' de fichiers de données numériques.

Les requérantes évoquent le rapport d'expertise du Cabinet Grant Thornton du 25 février 2020 selon lequel les critères de sélection retenus doivent être communiqués pour examiner les 170 764 pièces numériques saisies, selon les requérantes qui s'appuient sur ce rapport, 62 842 pièces numériques saisies sont situées en dehors du périmètre de l'autorisation accordé par le JLD.

- la pénalisation croissante du droit fiscal oblige encore plus que par le passé les OPJ à faire respecter à la lettre les garanties offertes par les articles L16B du LPF et 56 al 3 du CPP.

La mission des OPJ est essentielle dans une procédure qui a été jugée par la CEDH comme constituant une ingérence dans le respect de la vie privée et du domicile, sou réserve du respect d'une proportion, or il ne peut ye avoir de proportion si les OPJ ne font rien pour s'assurer que les garanties des personnes visitées sont respectées. A aucun moment les OPJ ne se sont renseignés sur les mots de passe et mots clés utilisés par l'administration pour s'assurer du respect du secret professionnele et du périmètre d'autorisation ou ne se sont opposés à la saisie des pièces, or plus de trente pièces concernant des correspondances d'avocats ont été saisies , ce qui montre le caractère insufisamment différencié de la saisie des pièces. Les OPJ auraient du demander à [OD] [JD] et [TL] [F] le nom des cabinets d'avocat se trouvant dans les pièces ou messages électroniques contenus dans les ordinateurs.

Le non respect de ces garanties est d'autant plus grave et préoccupant qu'on assiste à une pénalisation croissante du droit fiscal ( Loi n° 2018 du 23 octobre 2018).

Les requérantes demandent l'annulation de la totalité des saisies opérées . En réponse à la jurisprudence fournie par l'administration sur le rôle des OPJ et aux conclusions de l'administration, elles rappelent qu'il n'appartient pas à l'occupant des lieux de rappeler aux OPJ leur travail à accomplir, que les OPJ sont des arbitres impartiaux et garants de la régularité, que par ailleurs les personnes visitées n'éprouvent pas le besoin de faire appel à un conseil, que d'ailleurs si ce conseil n'a pas les connaisances nécessaires sa présence n'a pas d'intérêt pratique .Selon les parties requérantes l'absence d'observations sur la PV n'est pas un blanc-seing et ne fait pas obstacle au recours devant le premier président.

- A titre principal : sur le caractère massif et indifférencié des saisies pratiquées.

Les parties requérantes rappelle que les saisies massives et indifférenciées sont prohibées par la jurisprudence rendue pour l'application de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme (jurisprudence citée), les parties produisent un certain nombre de pièces ou de groupe de pièces, avec leur mémoire en réplique, pourdémontrer que leur appréhension a conféré à la saisie pratiquée un caractère massif et indifférencié.

Les requérantes arguent que les saisies pratiquées dans les locaux de CGPA présentent un caractère massif et indifférencié : elles doivent par conséquent être annulées dans leur ensemble.

Les parties requérantes rappellent le périmètre des saisies autorisées par le juge, or de très nombreuses pièces saisies sont sans lien ave les agissements présumés des sociétés CGPA Ré SA et CGPA EUROPE.

-sur la quantité des pièces saisies. Les parties rappellent l'importance de l'ienventaire des pièces saisies en précisant le nombre de fichiers. Selon elles le courriels saisis ont été ciblés à partir des thèmes et des noms CGPA Ré SA et CGPA EUROPE. En revanche le cibalge des fichiers bureautiques a été plus lâche. Un tableau annexé aux conclusions du 25 octobre 2019 dont les données ne sont pas définitives établit que la DNEF a saisi 108 717 fichiers. L'architecture informatique de CGPA est déclinée en 17 'directories', qui sont précisés, selon les rquérantes 421 210 fichiers étaient accessibles sous les 17 répertoires et 26% ont été copiés par la DNEF. Il en résulte que si la saisie n'avait pas un caractère exhaustif, elle quand même présenté un caractère massif. Les requérantes dénient la possibilité pour les agents de la DNEF de pricédé à uen analyse directe appronfondie des données puis opéré une extraction sélective des ficheirs pour les copier, s'agissant de plusieurs dizaines de milliers de fichiers dans le temps limité de la visite.

Il est constaté une différence concernant la saisie des pièces sur support papier qui est plus sélective et plus proportionnée.Ces pièces ont été restituées par la DNEF le 26 septembre 2019.Cette saisie a globalement respecté le périmètre de l'ordonnance du JLD.

La saisi des pièces numériques étant insuffisamment ciblée et sélective, elle est donc disproportionnée au sens de la jurisprudence concernant l'article 8 de la Convention européenne des droits d l'Homme, la saisie toute entière doit être annulée. Les requérantes contestent les principes jurisprudentiels derrière lesquels s'abrite la DNEF dans ses conclusions. En effet, les requérants démontrent dans leurs conclusions, notamment en produisant le rapport du Cabinet Grant Thornton(production 29). La DNEF argue que les représentants des occupants des lieux n'ont porté aucune réserve sur le PV, alors que les occupants n'ont pas été informés par l'administration de la nature des pièces saisies ni sur les modalités techniques.

Les requérantes se réfèrent au rapport d'expertise du 25 février 2020 du Cabinet Grant Thornton, missionné par les requérantes . Il en résulte que dans les ordinateurs visités 170 754 pièces numériques ont été saisies, selon le rapport 63% sont conformes au périmètre d'autorisation du juge, 37% soit un peu plus de 62.000 pièces numériques sont en dehors du périmètre, il est matériellement impossible de présenter au premier président ces pièces aux fins d'examen. La m éthode de travail du Cabinet Grant Thornton est décrite. Il en résulte qu'après examen d'un échantillon, 62 pièces (jointes aux conclusions) sont situées en dehors du périmère d'autorisation du JLD (production 30 à 91).Les requérantes sollicitent que 62 842 pièces saisies qui selon le rapport de Cabinet Grant Thornton sont en dehors du périmètre d'autorisation soient déclarées illégalement saisies le 20 juin 2019 ou bien qu'une mesure d'instruction soit ordonnée.

Ainsi la saisie apparaît comme massive et indifférenciée aisni que l'indique le rapport du Cabinet Grant Thornton ( pages 6 et 16) et il est demandé que soit prononcé l'annulation de la totalité des saisies effectuées le 20 juin 2019 dans les locaux sis [Adresse 2].

-sur la nature des pièces saisies.

Les pièces couvertes par le secret professionnel de l'avocat.

Les requérantes produisent une liste de pièces qui selon elles sont couvertes par le secret professionnel d'avocat (production 7 à 28).Parmi ses pièces figurent une proportion significative de pièces ayant pour origine ou destinataire la SCP d'avocats Mermillon-Raul, structure dont l'activité est dédiée au droit fiscal.Les requérantes prétendent que l'administration a sciemment saisi ces pièces qu'elle sait pourtant insaisissables.Les requérantes rappellent la jurisprudence en matière de protection de secret professionnel de l'avocat. Dans ses conclusions, la DNEF admet que sur les 25 pièces, 23 ont été saisies à tort.La saisie des pièces doit être annulée (sauf en ce qui concerne les pièces 19 et 27 dont la DNEF indique qu'elles sont saisissables).

-De nombreuses pièces saisies sont étrangères aux sociétés CGPA Ré SA et CGPA EUROPE et sont sans lien aucun avec celles-ci.

Les requérantes rappellent que lorsque la saisie représente un volume de pièces gigantesque, il est impossible d'établir pièce par pièce , que certaines sont couvertses par le secret professionnel ou situées hosr du champ de l'autorisation. Ainsi, pour permettre le droit au recours effectif, le juge doit en tenir compte et admettre qu'un contribuable puisse établir le caractère massif et indifférencié d'une saisie à partir d'éléments en nombre sufisant (faisceau d'indices). Il est impossible de lister, imprimer chacune des pièces illégalement saisie.

Les requérantes se réfèrent au rapport du Cabinet Grant Thornton et à la technique de l'échantillonage pour établir qu'un tiers des pièces saisies sont situées en dehors du périmètre d'autorisation.

-A titre subsidiaire : sur la nullité des saisies de pièces couvertes par le secret professionnel et de celles excédant le périmètre de l'autorisation donnée par le JLD.

Si la saisie ne devait pas être annulée en totalité malgré son caractère massif et insufisamment différencié, les requérantes demandent d'annuler les pièces couvertes par le secret professionnel , en ce compris les messages électroniques, ainsi que celles excédant le périmètre de l'autorisation accordée par le JLD du TGI de Paris dans on ordonnance du 17 juin 2019, en se référant aux éléments examinés dans la sous partie ' sur la nature des pièces saisies'.Il est demandé l'annulation des pièces recensées.

-Sur le droit à un procès équitable et le droit à un recours effectif.

Il est rappelé que ces droits sont prévus par les articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (article cités).

Si en droit l'article L 16 B du LPF respecte ces articles, il n'en est pas de même en fait.

En effet, il est rappelé que la Cour de cassation exige que les requérants précisent les pièces dont l'appréhension aurait conféré à la saisie un caractère massf et indifférencié prohibé par ce texte, mais s'agissant de saisie portant sur un très grand nombre de données saisies, comme en l'espèce, le requérant n'est pas en mesure de démontrer pièce par pièce que nombre d'entre elles sont couvertes par les secrets professionnels ou bien sont situées en dehors du champ de l'autorisation du JLD. Ces exigences doivent être réservées aux 'petites' saisies. En l'espèce la saisie représente un volume très important de pièces (soit 108 717 fichiers contenant plusieurs documents), le rapport du cabinet d'expert indépendant Grant Thornton permet d'apporter la preuve que 37% des pièces numériques saisies l'ont été à tort, le juge doit tenir compte de la caractéristique de chaque dossier et admettre qu'un contribuable puisse établir le caractère massif et indifférencié des saisies à partir d'éléments fournis en nombre suffisant, pour prononcer l'annulation, à défaut cela revient à priver les intéressés de leur droit à un recours juridictionnel effectif. En effet si les requérants ne pouvaient fournir simplement des indices graves et concordants ainsi que des illustrations importantes et significatives mais pas exhaustives, alors la plus part des personnes 'visitées' n'auraient bien souvent pas d'autres recours que de na pas faire de recours. L'examen pièce par pièce des documents saisis serait une tâche dont l'ampleur demesurée priverait en raison des moyens financiers nécessaires, l'immense majorité des requérants.

Un juste équilibre serait d'exiger des requérants qu'ils établissent que de nombreuses pièces sans rapport avec les faits présumés ont été appréhendés par l'administration, sans examen ou tri au préalable. L'adminsitration devrait de son côté indiquer au premier président les modalités technique d'appréhension sélective, les mots de passe ou mots clés utilsés pour identifier les fichiers pouvant légalement être saisis sur la base de l'ordonnance, pour p ermettre au premier président de s'assurer de la légalité de la saisie. C'est le seul moyen de faire respecter le droit à un procès équitable et le droit au recours effectif, et de concilier les droits que l'administration tire de l'article L 16 B du LPF avec ceux que les requérants tiennent de celles des article 6, 8 et 13 de la CSDHLF. Il est rappelé que le procès équitable a pour corollaire le principe d'égalité des armes, qui a pour but d'assurer l'équilibre entre les parties à la procédure.Ce principe garantit l'égalité des droits et des obligations des parties en ce qui concerne les règle régissant l'administration des preuves et le débat contradictoire devant le juge.

En conclusion, i1 est demandé de :

In limine Litis ,

- prononcer la jonction des recours formés le 1er juillet 2019 par les parties requérantes

A titre principal,

-déclarer les recours recevables et bien fondés

- déclarer irrégulières les opérations de visite et saisie effectuées le 20 juin 2019 dans les locaux des sociétés CGPA et SAPA situés [Adresse 2] .

-En conséquence les annuler

-dans l'hypothèse où l'administration devait mettre en doute ou contester les résultats de l'expertise indépendante produite par la requérante et / ou si le premier président de la Cour d'appel l'estimait insufisamment éclairante, ordonner , en application des articles 232 et suivants du CPC une mes mesures d'instruction exécutées par un technicien (constatations, consultation ou expertise) ou toute autre mesure d'instruction prévue par le sous titre II du titre VII du livre 1er du CPC que le premier président jugerait utile à la solution du litige.

Cette mesure d'instruction aura pour objet de confirmer ou d'infirmer les conclusions de l'expertise indépendante effectuée par le cabinet Grant Thornton selon lesquelles la saisie pratiquée le 20 juin 2019 :

-ne respecte pas le périmètre décrit par l'ordonnance du JLD du TGI de Paris ayant autorisé la mesure de visite et de saisie.

-présente un caractère massif et indifférencié.

A titre subsidiaire,

- déclarer les recours recevables et bien fondés

- déclarer irrégulières les saisies de l'ensemble des pièces couvertes par le secret professionnel de l'avocat et de celles situées en dehors du périmètre de l'autorisation fixé par l'ordonnance du 17 juin 2019 du JLD du TGI de Paris, telles qu'énumérées dans les motifs des présentes conclusions et en conséquence les annuler.

En tout état de cause,

- condamner le Directeur général des finances publiques agissant par la DNEF à payer à chaque société demanderesse la somme de 7500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions reçues le 26 février 2020 l'administration fait valoir :

1 Rappel de la procédure en cours.

Le JLD de Paris a autorisé les agents de la DNEF à procéder à des opérations de visite domiciliaire à l'encontre des société de droit luxembourgeois CGPA Ré SA et CGPA EUROPE.

Cette ordonnance a autorisé la visite des locaux suivants :

Un appel de cette ordonnance a été interjeté et des recours ont été formés contre le déroulement des opérations de visite et de saisie.

2 Discussion

a ) Rappel du déroulement des opérations de visite et de saisie.

La DNEF rappelle que les opérations au [Adresse 2] se sont déroulées à partir de 7H35, en présence de [TL] [F] qui a été désigné comme représentant de l'occupant des lieux par [OD] [JD], ainsi qu'en présence de [DB] [DU], lui aussi désigné par [OD] [JD], et en présence de [OD] [JD].

La DNEF rappelle le déroulement d la visite domiciliiare et les saisies effectuées selon le procès-verbal du 20 juin 2019.

b)sur l'argumentation développée par les requérants.

Sur le rôle passif de l'Officier de Police Judiciaire (ci-après OPJ)

Il découle de l'article L. 16 B du LPF que les opérations de visite et saisie s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées, lequel, à cette fin, donne toutes instructions aux agents et désigne un OPJ chargé d'assister aux opérations et de le tenir informé ; ce dernier veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense conformément aux dispositions des articles 56, alinéa 3 et 58 du code de procédure pénale.

En l'espèce, les occupants des lieux, invités à faire connaître leurs observations, ont déclaré ne pas avoir de remarque à formuler, n'ont signalé aucun agissement irrégulier de l'OPJ et ont signé le procès-verbal qui relatait les opérations.

Il ressort également du procès-verbal que la faculté de faire appel à un conseil de leur choix a été régulièrement portée à leur connaissance.

Conformément à la jurisprudence, les mentions d'un procès-verbal établi et signé par les agents habilités sont authentifiées par l'OPJ par l'apposition de sa signature.

Il est rappelé qu'il n'entre pas dans les pouvoirs de l'OPJ de procéder, pendant les opérations, à la mise sous scellés de pièces et documents.

Enfin, l'administration n'a aucune obligation d'indiquer un protocole d'intervention.

Selon une jurisprudence établie, elle n'est pas tenue de communiquer les critères de sélection des données qu'elle saisit, ni de révéler à la personne visitée les modalités techniques de saisies, les moteurs de recherche et les mots-clés utilisés.

Sur la saisie de pièces couvertes par le secret professionnel des avocats ou hors champ de l'autorisation du JLD

A titre préliminaire, il est fait observer que les requérants admettent eux-mêmes que « en elle-même et à elle seule, la quantité de pièces saisies n'est pas de nature à établir le caractère massif et indifférencié de la saisie ».

Il est fait valoir que l'ordonnance autorise la saisie de tous documents se rapportant aux agissements présumés d'exercice d'une activité en FRANCE sans respect des obligations fiscales et comptables, pour la période non prescrite et conformément à la jurisprudence, permet de procéder à la saisie des éléments comptables de personnes, physiques ou morales, pouvant être en relations d'affaires avec la société suspectée de fraude, des pièces pour partie utile à la preuve des agissements présumés ou en rapport, même partiel, avec les agissements prohibés et des documents même personnels d'un dirigeant et associé qui ne sont pas sans rapport avec la présomption de fraude relevée.

Il est argué que les requérants ne peuvent pas reprocher à l'administration d'avoir effectué une saisie indifférenciée.

En effet, seuls ont fait l'objet d'investigations les ordinateurs des personnes suivantes, en raison de leur responsabilité : [OD] [JD], responsable légal des sociétés ; [DB] [DU], responsable conformité ; [TL] [F], responsable comptabilité finances ; [K] [I], responsable comptabilité ; [V] [H], Directeur général délégué de la société CGPA EUROPE ; [CS] [R], Président de la société CGPA, administrateur des sociétés CGP A EUROPE et CGPA RE.

Par ailleurs, aucune saisie n'a été effectuée sur la messagerie de Mme [I] « [Courriel 10] » ni sur les postes des autres salariés.

Il est souligné qu'aucune réserve n'a été portée par les occupants sur le procès-verbal.

Il est soutenu que l'administration n'a pas à établir une liste des courriels contenue dans la messagerie dès lors que celle-ci a été affectée, lors de sa saisie, d'une empreinte numérique permettant d'assurer son intégrité et d'identifier et éditer les courriels qu'elle contient.

Contrairement à ce qu'énoncent les requérants, il n'appartient pas à l'administration de démontrer, message saisi par message saisi, qu'aucun n'est couvert par le secret professionnel ou qu'il rentre dans le champ de l'autorisation.

Il est fait valoir que la Cour de cassation a toujours jugé que les pièces contestées devaient être versées aux débats, en en expliquant les raisons pour chacune, l'absence de production rendant impossible de les identifier [notamment] comme bénéficiant du secret professionnel de l'avocat, et que cette nécessité de verser les documents contestés est également rappelée par ma CEDH dans son arrêt VINCI du 2 avril 2015.

Plus particulièrement sur le secret professionnel

L'administration rappelle que le privilège légal n'est pas absolu et que seules sont couvertes les correspondances échangées entre le client et son avocat ou entre l'avocat et ses confrères.

En matière de visite domiciliaire, la Haute juridiction a énoncé que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que le Premier président a estimé que les notes d'honoraires et factures émanant d'avocats ainsi que les documents contractuels ou leurs projets entre une société et ses clients, soumis à son appréciation, ne relevaient pas du secret professionnel de l'avocat.

Ainsi, le seul fait qu'un courrier émane d'un avocat n'a pas pour effet d'en interdire la saisie.

Concernant les messageries électroniques, dont les fonctions Cc (copie conforme) et Cci (copie conforme invisible) permettent d'envoyer le même message à plusieurs personnes, dans la mesure où il y a autant des correspondances que de destinataires, le courriel adressé aux tiers peut être saisi dès lors qu'il n'est pas protégé par le secret professionnel.

Il est cité une décision de la Cour d'appel de PARIS du 4 octobre 2017 affirmant que les correspondances pour lesquelles l'avocat n'est qu'en copie ne sont pas couvertes par le secret professionnel et qu'il ne suffit pas que le message contienne le mot « avocat » ou le nom d'un avocat pour qu'il soit couvert par le secret professionnel.

En tout état de cause, selon une jurisprudence constante, le fait qu'un document couvert par le secret professionnel ou sans rapport avec les présomptions de fraude figure au sein des saisies effectuées, n'a pas pour effet d'entraîner l'annulation de l'ensemble des opérations, seule la saisie d'une pièce qui serait irrégulière devant être éventuellement annulée.

L'administration constate que malgré la sélection qui a été opérée, certaines pièces sans lien avec l'autorisation donnée, ont été saisies et demande à qu'il lui soit donné acte de son accord pour l'annulation de certaines saisies informatiques.

Au cas présent, l'administration ne s'oppose pas à l'annulation des saisies correspondant à des documents couverts par le secret professionnel et identifiées par les requérants sous les références suivantes: productions 7 à 18 ; productions 20 à 26 bis ; production 28.

Il est argué que la saisie de la production n° 27 ne peut pas être annulée dès lors qu'il s'agit d'un courriel émanant d'un expert comptable et que la production n° 19, qui concerne un courriel échangé entre [OD] [JD] et [TL] [F] auquel était jointe une note à l'entête de CGPA, rédigée par [OD] [JD], ne constitue pas une correspondance couverte par le secret professionnel.

Sur le droit à un recours effectif

Il est fait valoir que dans son arrêt du 21 février 2008 (aff. [XT] et autres/FRANCE), la CEDH avait jugé que les personnes concernées par les visites domiciliaires devaient bénéficier d'un contrôle juridictionnel effectif de la régularité de la décision prescrivant la visite et de la régularité des mesures prises sur son fondement.

Aucune autre exigence nouvelle ne ressortait de l'arrêt du 21 février 2008.

Au contraire, la Cour avait précisé sa jurisprudence par son arrêt du 16 octobre 2008 (aff. MASCHINO c/FRANCE), aux termes duquel elle avait jugé que la violation de l'article 6§1 comme dans l'affaire [XT] ' qu'elle a sanctionnée ' ne mettait pas en cause la pertinence des garanties énoncées à l'article L. 16 B du LPF.

Il est soutenu que la modification apportée par l'article 164 de la loi 2008-776 du 4 août 2008 a ajouté un contrôle juridictionnel effectif.

Par ailleurs, la conformité du texte en cause à la CESDH a été jugée tant par la CEDH que par les juridictions nationales.

Enfin, s'agissant de l'obligation de produire les pièces dont l'annulation de la saisie est demandée, la CEDH a rappelé qu'un contrôle concret des pièces litigieuses saisies doit être effectué par le Premier président sous condition que les pièces litigieuses soit identifiées par le requérant ' CEDH Vinci construction du 02/04/2015).

En conclusion il est demandé de :

- donner acte à l'administration de ce qu'elle accepte l'annulation des saisies dénommées :

- Productions 7 à 18

-Productions 20 à 26 bis

-Productions 28

-rejeter toute autre demande, fins et conclusions,

-condamner chaque société requérante au paiement de la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et en tous les dépens,

-Condamner les requérantes en tous les dépens.

SUR CE

-SUR LA JONCTION

Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient en application de l'article 367 du Code de procédure civile et eu égard aux liens de connexité entre les affaires , de joindre les instances enregistrées sous les numéros de RG 19/11722, RG 19/11729, RG 19/11741 et RG 19/11739 (appel) et sous les numéros de RG 19/11761, RG 19/11763, RG 19/11767 et RG 19/11765 (recours), qui seront regroupées.

- SUR l'APPEL

-Sur certains des éléments avancés par la DNEF inexacts qui ont pu fausser l'appréciation du JLD quant à l'existence d'une fraude présumée.

Il convient de rappeler que l'article L 16 B du LPF n'exige que de simples présomptions, le juge de l'autorisation n'étant pas le juge de l 'impôt et n'ayant pas à rechercher si les infractions sont caractérisées mais seulement à examnier s'il existe des présomptions de fraude justifiant les opérations de visite et de saisie.

Par ailleurs, la Cour de cassation subordonne la sanction d'une absence de communication d'éléments dont l'administration avait connaissance à la condition que ces pièces aient été de nature à remettre en cause l'appréciation des éléments de fraude par le juge. Ainsi la présence d'un élément erroné n'est pas systématiquement susceptible d'entraîner l'annulation de l'ordonnance.

En effet, conformément à une jurisprudence établie, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel,il appartient au Premier président de rechercher si la requête ne contient pas d'autres éléments laissant présumer des agissements frauduleux. L'arrêt de la Cour de cassation du 18 décembre 2012 cité a rappelé l'obligation du premier président de 'rechercher si en dépit d'inexactitudes et d'incohérences supposées relevées dans la requête, cette dernière ne contenait pas d'autres éléments laissant présumer la fraude dont était suspectée la société' .

En l'espèce il convient de rappeler que le JLD dans son ordonnance a relevé après un examen in concreto des pièces qui lui étaient soumises selon la méthode dit 'du faisceau d'indices' qu'il existait des indices laissant apparaître des présomptions simples de manquements à certaines obligations fiscales justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d'une visite domiciliaire.

En l'espèce, la requête de l'administration était accompagnée de 55 pièces.

Les inexactitudes alléguées par les parties appelantes relèvent plus d'une appréciation différente de la portée des pièces ou de leur interprétation, d'imprécisions (emploi du terme de 'rémunération' pour certans administrateurs de CGPA alors qu'il s'agit d'indemnités, notion d'intermédiaire en assurannce au lieu de de profession d'assurance concernant AR Brassington), d' erreurs de traduction de certains termes (tradiction de GB Director concernant [B] [E]), d'éléments non actualisés (M [G] n'est plus directeur général de la société CGPA mais a assuré cette fonction jusqu'au 31 décembre 2018,) et d'informations publiées par les sociétés elles-mêmes (fonctions de monsieur [X]), que d'erreurs manifestent. Ainsi parmi les 55 pièces communiquées par l'administration, la plupart ont pu établir suffisamment d'élements susceptibles de démontrer l'existence d'une fraude présumée.

Ainsi, le moyen selon lequel l'existence d'une fraude présumée reposent sur des éléments inexacts fournies au magistrat sera rejeté, les éléments relevés par le Juge des libertés et de la détention dans son ordonnance sont suffisants pour établir la présomption de fraude ;

-Sur le caractère non pertinent des éléments retenus par le JLD pour caractériser l'existence d'une présomption de fraude .

- Sur la résidence, la nature des revenus et l'activité professionnelle des administrateurs et dirigeants des sociétés luxembourgeoises.

Il résulte des pièces communiquées par l'administration fiscale au JLD que le groupe CGPA, spécialisé dans l'assurance de responsabilité professionnelle des intermediaires

d'assurance, est articulé autour de la société francaise CGPA et de trois filiales (SAPA, CGPA Re et CGPA EUROPE).

La société CGPA Ré a pour objet social toutes opérations de réassurance. Son capital est détenu par les sociétés francaises CGPA et SAPA.

Elle participe notamment aux traités de réassurance de la société mère CGPA et de sa filiale CGP EUROPE. Les administrateurs de la societe CGPA Re ([V] [X], [Z] [G], [CS] [R], [YL] [Y], [M] [T], [O] [C], la société SAPA representée par M. [G] puis par M. [JD], et [W] [TK]) sont, à l'exception dc M. [W] [TK], tous domiciliés en France.

[W] [TK], seul administrateur domicilié au Luxembourg, est administrateur d'une vingtaine d'autres sociétés. I1 est également directeur général de la société AON INSURANCE MANAGER.

M. [R] exerce sous forme de profession libérale une activité d'agent et de courtier d'assurancesà [Localité 12], outre une activité de location de logements à [Localité 16] et a [Localité 17]. Il est également associé gérant de la société Cabinet [R], agent général d'assurance en France et est président de la société SAPA qui a son siège social à [Localité 8].

M. [V] [X], président du conseil d'administration et administrateur délégué, est domicilié à [Localité 13]. Il a été le représentant légal du cabinet [X], courtier en assurance à [Localité 19] et [Localité 8], jusqu'au 31 decembre 2015. ( I1 sera relevé sur ce point que si les appelants reprochent a l'administration d'avoir indiqué que M. [X] était toujours le représentant du cabinet, cette information résultait de la consultation du site intemet du cabinet [X] le 20 mars 2019). M [X] exerce en outre une activité de location de logement a [Localité 13] pour laquelle il dépose régulierement des declarations fiscales complémentaires. Il a par ailleurs perçu des remunérations de la société française SAPA en qualité de conseiller du president en 2015.

M. [G] a été directeur général de la societe de droit francais CGPA jusqu'au 31 decembre 2018. I1 est résident fiscal a [Localité 11].

M. [T] exerce sous forme de profession libérale une activité d'agent et courtier d'assurances au sein de l'agence Allianz à [Localité 14].

M. [C] est représentant légal de la société CONSELLUM implantée à [Localité 21] et de la société civile MOELAN sise à [Localité 19].

M. [YL] [Y] est président de la société SAS ASSURANCES [Y] FERMON dont le siège social se situe a [Localité 15] et exerce sous forme de profession libérale une activité d'agent et de courtier d'assurances à [Localité 15].

La société CGPA EUROPE a pour objet social toutes opérations d'assurance et de coassurance contre tous les risques dont la législation luxembourgeoise autorise la garantie.

Elle est détenue indirectement a 100 % par les sociétés francaises CGPA ct SAPA.

Le conseil d'administration est composé de [V] [X], [Z] [G], [CS] [R], [YL] [Y], [M] [T], [O] [C], la SAS SAPA, [W] [TK], [B] [E] et [IK] [I].

M. [V] [H] est directeur général délégué en charge du développement et de la souscription de la société CGPA Europe, à ce titre il participe à la stratégie de la société et en assure son exécution operationnelle, il est également responsable de la fonction audit interne. Or M. [H] réside à [Localité 20] et est président de la SASU AMRESOLVE, ayant son siège social également à [Localité 20]. Le fait qu'un studio meublé soit loué à son bénéfice au Luxembourg et qu'il y dispose d'un véhicule immatriculé ne peut suffire à démontrer qu'il s'y rend de façon régulière pour assurer depuis le Luxembourg ses missions pour CGPA Europe, alors même qu'il occupe des responsabilités importantes au sein d'une société française.

La société CGPA Europe a pour président du conseil d'administration, [V] [X], et pour dirigeant agréé, [D] [J]. M. [J] déclare résider en France [Adresse 18].

[B] [E] et [IK] [I] sont domiciliés au Royaume Uni et en Irlande.

M. [E] est directeur au sein des sociétés STUBBEN EDGE GROUP LIMITED et CATHEDRAL UNDERWRINTING LIMITED qui réalisent des prestations de services dans le domaine de la finance et de l'assurance au Royaume Uni.

Les appelants contestent cette fonction de directeur mais n'apportent pas d'élément de contradiction pertinent. En effet ils soutiennent que l'administration a commis une erreur en traduisant le terme "non executive director" par "directeur" au lieu d"'administrateur non exécutif ' mais ils se contentent de produire une page de dictionnaire anglo français alors qu'il résu1te de la consultation par les services fiscaux du site d'acces public suite.endole.c0.uk que M. [E] est mentionné comme "director" des sociétés visées.

M. [I] est président de la commission UE du BIPAR, directeur général de la société ARB UNDERWRITING LTD/ AR BRASSINGTON & CO et directeur des sociétés AXA TRAVEL INSURANCE et AIBIS en Irlande.

Ainsi il en résulte que la résidence, la nature des revenus et l'activité professionnelle des administrateurs et dirigeants des sociétés luxembourgeoises ainsi exposées ne permettent pas d'identifier des dirigeants réellement opérationnels ayant leur domicile au Luxembourg, ni de déterminer de qu'elle façon l'activité des sociétés s'établir sur ce territoire.

- Sur la substance des deux sociétés luxembourgeoises.

Les appelantes arguent que la société de droit luxembourgeois AON INSURANCE MANAGERS (anciennement AON CAPTIVESERVICES GROUP), dirigeant agréé ou délégué à la gestion journaliére de la société CGPA Ré,fournit des services de conseil et des services externalisés aux sociétés d'assurance et de réassurance. Il convient de relever qu'à compter du 21 mars 2011 la société CGPA Ré et la société AON INSURANCE MANAGERS ont eu leur siège à la même adresse , [Adresse 6]. Selon la base de données Bel First, 217 sociétés sont répertoriées à cette adresse. Depuis le 1er octobre 2014 le siège social de la société CGPA Ré est situé [Adresse 3], à cette adresse 46 sociétés sont répertoriées selon la base Bel First.

Si la société CGPA Ré justifie avoir recours à a la société AON INSURANCE MANGERS pour une partie de ses activités, elle ne démontre pas de quelle façon et par quels moyens propres est assuré le reste de ses activités au Luxembourg.

De plus il convient de relever que le contrat de sous location de bureau conclu entre la société AON et la société CGPA Ré, produit par les appelantes, concerne un local de 10 m2 avec la possibilité,uniquement selon disponibilité, d'utiliser la salle de réunion d'une autre société.

La société CGPA Ré déclare employer une personne à temps partiel entre 2012 et 2015 et deux salariés dont un à temps partiel en 2016 et 2017, étant précisé que s'agissant de M. [D] [J], son contrat de travail mentionne une durée réduite de travail (8 heures par semaine).

Ainsi la société CGPA Ré semble disposer de moyens humains et matériels peu compatibles avec l'importance de son activité déclarée .

La société CGPA Europe déclare employer 7 personnes en 2015 et 6 en 2016 et 2017.

La société CGPA Europe a elle aussi été domiciliée jusqu'au 30 septembre 2014

dans les locaux de la societe AON INSURANCE MANAGERS.I1 ressort des pièces transmises par l'administration fiscale que le numéro de téléphone de CGPA EUROPE ([XXXXXXXX01]) n'était pas actif le 5 mars 2019 et le 1er avril 2019, en effet les appels téléphoniques passés à ces dates dirigeaient vers un répondeur (numéro non attribué). Les parties appelantes évoquent des dysfonctionnements sur les lignes téléphoniques en octobre 2018 avec un changement de numéro de téléphone en mai 2019, mais cela n'explique pas comment CGPA Europe a été en capacité de répondre aux appels d'octobre 2018 à mai 2019 pour assurer son activité.

Il en résulte que le juge de libertés et de la détention a pu legitimement considérer que le nombre très faible de salariés et les dysfonctionnement téléphoniques sur plusieurs mois étaient peu compatibles avec le volume d'activité déclaré de la société CGPA EUROPE.

Ainsi, c'est à bon droit, que le JLD a pu présumer que les sociétés de droit luxembourgeois ne disposaient pas de moyens matériels et humains leurs permettant, à partir des locaux sis au Luxembourg d'assurer leur activité commerciale autonome et régulière d' assurance et réassurance et ne s'acquittaient pas en FRANCE de leurs obligations déclaratives fiscales, et qu'il existait une présomption dc fraude, consistant notamment à localiser au Luxembourg une activité en réalité exercée sur le territoire national.

- Sur le mode de gouvernance des deux sociétés luxembourgeoises.

S'agissant de la gouvernance du groupe CGPA, il convient de relever que l'ordonnance N° 2015 -378 du 2 avril 2015 avait transposé dans le code monétaire et financier, le code des assurances, le code de la sécurité sociale et le code de a mutualité les dispositions de la directevie 2009/138/CE du Parlement européen et du conseil du 25/11/2009 sur l'accès aux actvités de l'assurance et de la réassurance de leur exercice, qu'en application de l'article L354-1 du code des assurances, les entreprises d'assurance et de réassurance devaient ainsi mettre en place un système de gouvernance garantissant une gestion saien et prudente comprenant les fonctions clés suivantes : gestion des risques, vérification de la coformité, audit interne et actuarielle, que du rapport 2017 sur la solvabilité de la situation financière du groupe CGPA il résultait que la société mère contrôlait de manière exclusive ses trois filiales SAPA, CGPA Ré et CGPA EUROPE de sorte que CGPA assurait , outre sa propre gouvernance, celle de l'ensemble du groupe, que l'organe d'administration, de gestion et de contrôle (OAGC) de CGPA était donc également celui du groupe lors de la tenue des réunions dédiées à celui-ci, qu'en conséquence [CS] [R] ( président du CGPA) et [Z] [G] ( directeur général de CGPA) étaient les dirigeants effectifs du groupe et membres de l'OAGC, tant du groupe que de chacune des filiales, fonctions leur permettant de contrôler que ces dernières appliquaient les décisons prises à leur intention, que les activités des sociétés CGPA Ré et CGPA EUROPE se trouvaient contraintes sur le plan juridique, économique et financier par les orientations et les décisions prises au niveau de la société mère et du groupe, que dans ces conditions, au-delà de leurs fonctions et de leurs responsabilités au plus haut niveau au sein de la société-mère et du groupe CGPA il pouvait être légitimement présumé que, MM. [CS] [R] et [Z] [G] remplissaient également des fonctions déterminantes au sein des sociétés CGPA Ré et CGPA EUROPE et y exerçaient un véritable rôle décisionnel.

Que s'agissant des sociétés SA CGPA Ré et CGPA Europe, elles avaient 7 administrateurs communs, professionnellement domiciliés en France et dont 5 siégeaient au conseil d'administration de la société mère CGPA , que compte tenu de l'étendue de leurs fonctions respectives dans plusieurs sociétés étrangères spécialisées en matière de finance et d'assurance (administrateurs ou directeurs, il pouvait être présumé que [W] [TK], [IK] [I] et [B] [E] ne participaient pas de manière active et régulière à la prise de décisions stratégiques au sein des société CGPA EUROPE et CGPA Ré.

Il résulte de ces éléments, qui s'appuient sur les pièces produites par l'administration fiscale, qu'il existe une présomption selon laquelle le centre décisionnel des sociétés de droit luxembourgeois CGPA Ré et CGPA EUROPE peut se situer en France.

Le moyen, selon lequel les éléments retenus par le JLD pour caractériser l'existence d'une présomption de fraude ne sont pas pertinents, sera rejeté.

- sur le caractère insuffisant des éléments retenus par le JLD pour caractériser l'existence d'une fraude fiscale

Il convient de rappeler que le champ d'action de l'administration fiscale doit être relativement étendu au stade de l'enquête préparatoire, étant précisé qu'à ce stade, aucune accusation n'est portée à l'encontre des sociétés visées dans l'ordonnance.

En conséquence, il n'y avait pas lieu de rechercher si les éléments constitutifs du délit de fraude fiscale étaient réunis. Au cas présent, le JLD, dans le cadre de ses attributions civiles, devait rechercher s'il existait des présomptions simples d'agissements prohibés.

De même, à ce stade de l'enquête, il n'y a pas à rechercher l'élément intentionnel de l'agissement frauduleux présumé.

En l'espèce, eu égard aux éléments rappelés supra, était seulement exposé, et retenu par l'ordonnance, à partir des pièces communiquées par l'administration, que les sociétés en cause CGPA Ré et CGPA EUROPE pouvaient être présumée exercer en FRANCE une activité de réassurance et d'assurance, à partir des moyens dont elles disposaient sur le territoire national, sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes e ainsi omettraient de passer les écritures comptebales y afférentes.

Ce moyen sera rejeté.

En conséquence, l'ordonnance du JLD du Tribunal de grande instance de PARIS rendue le 17 juin 2019 sera confirmée en toutes ses dispositions .

-SUR LE RECOURS

-Sur le rôle des OPJ

Les requérantes arguent que les OPJ n'ont pas joué le rôle qui leur est dévolu par la Loi.

Il convient de rappeler qu'il résulte de la lecture du procès-verbal de visite du 20 juin 2019 que deux OPJ ( messieurs [S] et [AK]) ont été présents durant toute la durée des opérations de visite, que deux équipes ont été constituées avec la présence d'un OPJ par équipe, qu'à partir de 10H45d'autres agents de l'administration des finances sont arrivés accompagnés de deux OPJ supplémentaires ( messieurs [A] et [JW]), qu'une troisème équipe a été constituée, qu'il résulte de la description du déroulement des opérations que le formatage des disques durs et la saisie des données informatiques ainsi que des supports papiers ont été effectués en présence des OPJ et en présence des représentants des occupants des lieux,qu'aucune réserve, observation ou remarque n'a été formulée par les représentants des occupants des lieux concernant l'inventaire des fichiers copiés,qu'il convient de rappeler que l'article L16B IV du LPF prévoit que 'si l'inventaire sur place présente des difficultés, les pièces et documents saisis sont placés sous scellés. L'occupant des lieux ou son représentant est avisé qu'il peut assister à l'ouverture des scellés en présence de l'OPJ, l'inventaire est alors établi', que cette faculté offerte aux représentants des occupants des lieux n'a pas été utilisée , que l'inventaire n'a donc pas présenté de difficulté contrairement à ce qu'allègue les parties requérantes, que le procès-verbal a été signé par tous les intervenants y compris les OPJ , qu'il résulte du procès-verbal que les OPJ ont rempli leur mission conformément à l'article L 16 B du LPF, en effet l'article n'impose aucunement à l'OPJ de demander aux agents de la DNEF de révéler les modailtés techniques d'appréhesion sélective, les mots clé et autre moteurs de recherche utilisés par l'administration, que le moyen selon lequel les OPJ n'ont pas rempli leur rôle ne repose sur aucun élément.

Ce moyen sera rejeté.

-Sur le caractère massif et indifférencié des saisies pratiquées

Il convient de rappeler que la seule quantité de pièces saisies n 'est pas de nature à établir le caractère massif et indifférencié de la saisie, qu'il ressort du procès- verbal de saisie du 20 juin 2019 que la saisie des documents a été limitée et sélective, que le grand nombre de fichiers saisis tels qu'évoqué par les parties requérantes est justifié du fait de l'activité et de l'envergure des sociétés concernées par les opérations de saisie.

Il convient de rappeler la jurisprudence de la Cour de Cassation selon laquelle :

' qu'après avoir relevé, s'agissant des données informatiques saisies, que le procès verbal des opérations de visite et de saisies relate que les agents de l'administration des impôts ont procédé à la vérification du contenu des quatre ordinateurs découverts dans les locaux visités et que la saisie n'a portéque sur le contenu de deux d'entre eux, l'ordonnance retient que les agents de l'administration se sont ainsi assurés, avant de procéder à cette saisie, de la présence de documents entrant dans le champ de l'ordonnance d'autorisation ;

qu'ayant ainsi repondu aux conclusions dont il était saisi, le premier president, qui n'avait pas à procéder à la recherche invoquée à la deuxième branche qui ne lui etait pas demandée, a pu retenir que la saisie opérée n'etait ni massive, ni indifférenciée ' (16/10/2019 n°18 12109).

En l'espèce, il convient de préciser qu'il ressort de la lecture du procès -verbal et du plan joint que la visite domicilaire s'est exécutée dans des locaux très vastes (4 niveaux) comportant de nombreux bureaux, que les investigations informatiques ont été réalisées sur certains ordinateurs ciblés par les agents de l'administration, que les ordinateurs visités sont ceux utilisés par messieurs [JD], [DU], [F], [R], [H] et madame [I] ( responsable comptabilité), que ce choix a été fait selon le degré de responsabilité des personnes citées dont le rôle au sein des sociétés est largement explicité supra, que les ordinateurs de certains salariés n'ont pas été investigués, que les saisies des documents sur supports papier ont été réalisées uniquement dans les bureaux de messieurs [JD], [DU], [F], [R] et [H] , que contrairement à ce qu'affirment les sociétés requérantes, les opérations de saisies ont été réalisées avec professionnalisme et minutie par 6 agents de l'administration fiscale assistés de 4 OPJ et que ces opérations ne peuvent être considérées comme avoir été 'pratiquée avec une certaine désinvolture', que d'ailleurs les opérations réalisées n'ont donné lieu à aucune réserve, observation ou remarque par les représentants des occupants des lieux présents pendant tout le déroulement des saisies, qu'il en résulte que les saisies pratiquées n'ont été ni massives ni indifférenciées.

Ce moyen sera rejeté.

-De nombreuses pièces saisies sont étrangères aux sociétés CGPA Ré SA et CGPA EUROPE ou bien excédent le périmètre de l'autorisation donnée par le JLD.

Les sociétés requérantes produisent un rapport 'd'expertise indépendante' du Cabinet GRANT THORNTON daté du 25 février 2020. Selon ce rapport d'expertise , à partir de l'analyse du disque dur remis à la société CGPA contenant la copie des données saisies, il en résulte que 37% des documents saisis n'étaient pas conforme au périmètre décrit dans l'ordonnance du JLD.

Or il convient de rappeler qu'il résulte du PV du 20 juin 2019 (page 8) que pour chaque saisie de donnée informatique, les agents de l'administration ont précisé dans le procès-verbal 'avons constaté la présence de documents entrant dans le champ de l'autorisation de visite et de saisie du JLD', en présence des représentants des occupants des lieux, que l'administration fiscale utilise un logiciel de recherches de preuves (ENCASE) qui, a l'aide de mots clés choisis dans l'ordonnance permet de discriminer les documents n'entrant pas dans le champ de l'ordonnance du JLD, que le PV précise ' nous avons procédé à l'authentification numérique de chaque fichier et en avons élaboré l'inventaire informatique', que les mots clés utilisés par l'administration fiscale demeurent confidentiels,qu'il résulte d'une jurisprudence constante que le champ d'application des saisies est déterminé par l'administration , que l'administration n'a pas l'obligation de communiquer les critères de sélection des données qu'elle souhaite saisir, qu'elle n'a pas non plus l'obligation de révéler à la partie qui subit la visite les modalités techniques de saisies, les mots clés utilisés ou les moteurs de recherche, que l'utilisation de mots clés différents tels que ceux usités par l'expertise produite peuvent aboutir à des résultats différents.

En ce qui concerne la saisie des documents sur support papier, il résulte de l'intitulé des documents saisis que ceux ci ont un lien avec les société CGPA Ré et CGPA Europe, ou bien n'excèdent pas le périmètre de l'autorisation du JLD. Par ailleurs les représentants des occupants des lieux n'ont formulé aucune emarque no observation écrite concernant le recueil des documents ou données saisis .

Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que si des documents ou fichiers ont échappé au filtre du logiciel de l'administration, la société requérante doit les présenter afin qu'il en soit débattu lors du débat contradictoire à l'audience de la Cour d'appel, un pourcentage de pièces présentées comme n'entrant pas dans le champ de l'ordonannce ne peut justifier l'annulation des saisies.

Ainsi, l'argument des requérantes selon lequel les données informatiques saisies et les documents saisis sont étrangers aux sociétés luxembourgeoises ou excédent le périmètre de l'autorisation donnée par le JLD est inopérant.

-Sur la nullité des saisies de pièces couvertes par le secret professionnel du fait de la saisie indifférenciée.

Les requérantes reprochent à l'administration d'avoir effectué une saisie indifférenciée et d'avoir procédé à la saisie de documents protégés par le secret professionnel d'avocat.

Il convient de rappeler ainsi que cela a été exposé supra que l'administration a procédé à un choix quant au ordinateurs investigués, en raison des responsabilités de leurs utilisateurs ([OD] [JD], responsable légal des sociétés ; [DB] [DU], responsable conformité ; [TL] [F], responsable comptabilité finances ; [K] [I], responsable comptabilité ; [V] [H], Directeur général délégué de la société CGPA EUROPE ; [CS] [R], Président de la société CGPA, administrateur des sociétés CGP A EUROPE et CGPA RE).

Par ailleurs, il résulte du PV qu' aucune saisie n'a été effectuée sur la messagerie de Mme [I] « [Courriel 10] » ni sur les postes des autres salariés, ainsi les agents de l'administration fiscale ont procédé à une saisie des documents de façon ciblée.

En ce qui concerne les pièces couvertes par le secret professionnel, l'occupant des lieux a la possibilité de donner éventuellement une liste des cabinet d'avocat, au cours des opérations, pour éviter la saisie de courriels concernés par le secret professionnel d'avocat, il n'appartient pas à l'administration d' établir une liste des courriels contenue dans la messagerie dès lors que celle-ci a été affectée, lors de sa saisie, d'une empreinte numérique permettant d'assurer son intégrité et d'identifier et éditer les courriels qu'elle contient, ni de démontrer, message saisi par message saisi, qu'aucun n'est couvert par le secret professionnel.

En l'espèce, les représentants des occupants des lieux pouvaient faire appel à un conseil ainsi que cela leur a été notifié par les agents de l'administration , qu'ils n'ont pas jugé utile de le faire alors qu'ils auraient pu être conseillés utilement sur ce point , de plus les représentants des occupants des lieux ont signé le procès-verbal de saisie sans avoir aucune observation ou remarque à formuler.

En l'espèce, il convient de rappeler que le privilège légal n'est pas absolu et que seules sont couvertes les correspondances échangées entre le client et son avocat ou entre l'avocat et ses confrères.

La Cour d'appel de PARIS dans sa décision du 4 octobre 2017 a affirmé que les correspondances pour lesquelles l'avocat n'est qu'en copie ne sont pas couvertes par le secret professionnel et qu'il ne suffit pas que le message contienne le mot « avocat » ou le nom d'un avocat pour qu'il soit couvert par le secret professionnel.

Aisni, la proposition, selon les conclusions des requérantes (page 43), d'utliser le terme 'avocat' pour identifier les documents couverts par le secret professionnel d'avocat ne semble pas pertinente.

Il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation que les pièces contestées devaient être versées aux débats, en en expliquant les raisons pour chacune, l'absence de production rendant impossible de les identifier [notamment] comme bénéficiant du secret professionnel de l'avocat, et que cette nécessité de verser les documents contestés est également rappelée par la jurisprudence de la CEDH ( CEDH 2 avril 2015 Vinci Construction et GTM génie civil).

De plus, selon une jurisprudence constante, le fait qu'un document couvert par le secret professionnel ou sans rapport avec les présomptions de fraude figure au sein des saisies effectuées, n'a pas pour effet d'entraîner l'annulation de l'ensemble des opérations, seule la saisie d'une pièce qui serait irrégulière devant être éventuellement annulée. Ainsi , la proposition des requérantes d'annuler l'ensemble des saisies au motif que le rapport du Cabinet d'expertise Grant Thornton aurait établi que 37% des documents saisis seraient hors du champ d'autorisation de l'ordonnance du JLD, n'est pas recevable.

L'administration fiscale constate que malgré la sélection qui a été opérée, certaines pièces couvertes par le secret professionnel de l'avocat ont été saisies et propose qu'il lui soit donné acte de son accord pour l'annulation de certaines pièces listées par les requérantes : productions 7 à 18 ; productions 20 à 26 bis ; production 28, étant observé que la saisie de la production n° 27 ne peut pas être annulée dès lors qu'il s'agit d'un courriel émanant d'un expert comptable et que la production n° 19, qui concerne un courriel échangé entre [OD] [JD] et [TL] [F] auquel était jointe une note à l'entête de CGPA, rédigée par [OD] [JD], ne constitue pas une correspondance couverte par le secret professionnel.

Ce moyen sera rejeté.

-Sur le droit à un procès équitable et le droit à un recours effectif.

Il convient de rappeler que dans son arrêt du 21 février 2008 (aff. [XT] et autres/FRANCE), la CEDH avait jugé que les personnes concernées par les visites domiciliaires devaient bénéficier d'un contrôle juridictionnel effectif de la régularité de la décision prescrivant la visite et de la régularité des mesures prises sur son fondement.

Aucune autre exigence nouvelle ne ressortait de l'arrêt du 21 février 2008.

La modification apportée par l'article 164 de la loi 2008-776 du 4 août 2008 a ajouté un contrôle juridictionnel effectif.

De plus, la conformité du texte en cause à la CESDH a été jugée tant par la CEDH que par les juridictions nationales.

Enfin, s'agissant de l'obligation de produire les pièces dont l'annulation de la saisie est demandée, la CEDH a rappelé qu'un contrôle concret des pièces litigieuses saisies doit être effectué par le Premier président sous condition que les pièces litigieuses soit identifiées par le requérant.

Ce moyen sera rejeté.

-Sur la demande d'ordonner une mesure d'instruction (constatation, consultation ou expertise).

Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention » et qu'aux termes de l'article 146, alinéa 2 du même code, « en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve ».

Ainsi les requérantes sollicitent une mesure d'instruction concernant des pièces saisies qu'elles estiment litigieuses et qui sont en sa possession, or une mesure d'instruction n'a pas pour objet de suppléer la carence des requérantes, d'autant que d'après une jurisprudence constante de la Cour de cassation, s'agissant du caractère saisissable des pièces saisies, il appartient aux requérants de les produire, en indiquant pour quelle raison ces dernières ne pourraient pas être saisies.

Ainsi les requérantes ne sont pas fondées à demander une mesure d'instruction afin de confirmer ou d'infirmer les conclusions de l'expertise indépendante effectuée par le cabinet Grant Thornton.

Cette demande sera rejetée.

Enfin les circonstances de l'instance commandent de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'administration fiscale.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en dernier ressort:

-Ordonnons la jonction des instances enregistrées sous les numéros de RG 19/11722, RG 19/11729, RG 19/11741 et RG 19/11739 ( appel) et sous les numéros de RG 19/11761, RG 19/11763, RG 19/11767 et RG 19/11765 (recours), qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien ;

- Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de PARIS en date du 17 juin 2019;

-Rejetons la demande de mesure d'instruction (constatation, consultation ou expertise) selon les articles 232 et suivants du Code de procédure civile afin de confirmer ou d'infirmer les conclusions de l'expertise indépendante effectuée par le cabinet Grant Thornton ;

-Déclarons régulières les opérations de visite et saisies effectuées en date du 20 juin 2019 :

-dans les locaux et dépendances sis [Adresse 2] susceptibles d'être occupés par les sociétés de droit luxembourgeois CGPA Europe et/ ou CGPA Ré et / ou société d'assurance mutuelle CGPA et / ou la SAS SAPA.

-Donnons acte à l'administration qu'elle ne s'oppose pas à l'annulation des pièces suivantes :

productions 7 à 18 ; productions 20 à 26 bis ; production 28 ;

-Rejetons toute autre demande

- Disons qu'il convient d'accorder la somme de 2000 euros (deux milles euros) à la DNEF au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Disons que la charge des dépens sera supportée par les sociétés appelantes.

LE GREFFIER

Véronique COUVET

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

Elisabeth IENNE-BERTHELOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 15
Numéro d'arrêt : 19/11722
Date de la décision : 13/01/2021

Références :

Cour d'appel de Paris J3, arrêt n°19/11722 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-13;19.11722 ?
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