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31/05/2022 | FRANCE | N°19/17689

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 4, 31 mai 2022, 19/17689


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 4





ARRÊT DU 31 MAI 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/17689 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAVGM



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Septembre 2019 -Tribunal d'Instance de Paris 17ème - RG n° 11-19-002574





APPELANTE



Mutuelle LA FRANCE MUTUALISTE

[Adresse 1]

[

Localité 6]



représentée par Me Yehochoua LEWIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0464





INTIMEES



Madame [W] [J]

3 rue Joseph Granier

[Localité 3]



représentée et ayant pou...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 4

ARRÊT DU 31 MAI 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/17689 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAVGM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Septembre 2019 -Tribunal d'Instance de Paris 17ème - RG n° 11-19-002574

APPELANTE

Mutuelle LA FRANCE MUTUALISTE

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Yehochoua LEWIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0464

INTIMEES

Madame [W] [J]

3 rue Joseph Granier

[Localité 3]

représentée et ayant pour avocat plaidant Me Oriane FIEVET, avocat au barreau de PARIS, toque : P412

SA BPCE ASSURANCES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de Paris, toque : L0034

ayant pour avocat plaidant Me Ambrine BAKHTAOUI, avocat au barreau de Paris, toque: G229

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Michel CHALACHIN, Président de chambre et Mme Marie MONGIN, conseilllère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Michel CHALACHIN, Président de chambre

Mme Marie MONGIN, Conseillère

M. François BOUYX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Cynthia GESTY

ARRÊT : contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M.Michel CHALACHIN, Président de chambre et par Mme Cynthia GESTY, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

******

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 1er mars 1996, la mutuelle la France mutualiste a donné à bail à M. [R] [J] et Mme [W] [M] son épouse un logement situé au [Adresse 2] à [Localité 7], ainsi qu'une cave n°3 et une chambre de service n°10 située au 7ème étage ; par accord à effet du 30 juin 2009, les parties ont convenu d'échanger la chambre du 7ème étage contre une chambre de service située au rez-de-chaussée.

Suite au divorce des époux [J], le logement a été attribué à Mme [J].

Dans la nuit du 13 mai 2017, le ballon d'eau chaude situé dans la salle de bains de Mme [T], locataire au 3ème étage, s'est décroché du mur et a provoqué un important dégât des eaux, notamment dans l'appartement de Mme [J].

Celle-ci a déclaré ce sinistre à la bailleresse et à son assureur habitation, la société BPCE assurances.

L'expertise diligentée par les assureurs a révélé que la chute du ballon était due à une fuite sur le siphon de la baignoire de l'appartement du 4ème étage donné à bail à Mme [Z].

Par acte du 23 octobre 2017, Mme [J] a saisi le juge des référés du tribunal d'instance de [Localité 7] d'une demande d'autorisation à suspendre le paiement des loyers jusqu'à la fin des travaux de réfection de son appartement, sur le fondement de l'exception d'inexécution ; le juge a fait droit à cette demande par ordonnance du 4 mai 2018 rectifiée le 15 mai 2018, à effet du 1er novembre 2017.

Par acte d'huissier du 7 février 2019, la bailleresse a fait assigner Mme [J] et son assureur devant le tribunal d'instance de Paris afin de voir prononcer la résiliation du bail et obtenir le paiement de l'arriéré de loyers.

Par jugement du 5 septembre 2019, le tribunal a :

- dit l'assignation valable,

- débouté la bailleresse de toutes ses demandes,

- débouté les autres parties de leurs demandes reconventionnelles,

- condamné la bailleresse à payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à chacune des défenderesses,

- condamné la bailleresse aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 12 septembre 2019, la France mutualiste a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions notifiées le 23 juin 2021, l'appelante demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et condamnée au paiement de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le confirmer pour le surplus,

- prononcer la résiliation judiciaire du bail aux torts de Mme [J],

- prononcer l'expulsion de Mme [J] et celle de tous occupants de son chef de l'appartement du 1er étage, de la cave n°3 et des chambres de service lots 102.103 et 102.104,

- condamner solidairement Mme [J] et la société BPCE assurances au paiement de la somme de 15 576,31 euros au titre de l'arriéré locatif dû au 11 juin 2019, avec intérêts de droit depuis le 1er janvier 2018,

- condamner Mme [J] au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle de 2 000 euros à compter de la résiliation du bail,

- condamner solidairement Mme [J] et la société BPCE assurances au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles de première instance, celle de 2 000 euros pour frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions notifiées le 11 mars 2022, Mme [J] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la bailleresse,

- rejeter les demandes de résiliation du bail, expulsion et fixation d'une indemnité d'occupation,

- rejeter la demande en paiement de l'arriéré locatif,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle de condamnation de la bailleresse au paiement de la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité pour procédure abusive et la condamner au paiement de cette somme,

- à titre subsidiaire, condamner la société BPCE assurances à la garantir et relever indemne de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre et limiter le montant de l'indemnité d'occupation en cas de résiliation du bail,

- en tout état de cause, rejeter les demandes formulées au titre des frais et dépens de l'instance,

- condamner la bailleresse au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 13 février 2020, la société BPCE assurances demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, débouter l'appelante de toutes ses demandes et la condamner au paiement d'une indemnité complémentaire de 4 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 mars 2022.

MOTIFS

Il ne sera pas répondu aux demandes de constatations ou de «dire et juger» qui ne saisissent pas la cour de prétentions au sens de l'article 954 du code de procédure civile.

Sur les demandes dirigées contre Mme [J]

Pour revendiquer le paiement des loyers qui n'ont pas été réglés par Mme [J] pendant la durée des travaux, la bailleresse se fonde sur les dispositions de l'article 1722 du code civil aux termes desquelles, en cas de destruction partielle par cas fortuit de la chose louée, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation du bail ; dans l'un ou l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement ; elle soutient que, dans la mesure où Mme [J] n'a pas répondu favorablement à sa proposition de résilier le bail, elle est redevable des loyers qui ont continué à courir pendant les travaux de remise en état.

Mais, en saisissant le juge des référés d'une demande de suspension du paiement des loyers et charges durant les travaux de remise en état de son logement, Mme [J] a sollicité une diminution du prix conformément aux dispositions de l'article 1722 ; elle n'était donc pas tenue de demander à la bailleresse la résiliation du bail.

En outre, lorsque le logement donné à bail est totalement inhabitable, le preneur est en droit d'invoquer l'exception d'inexécution en demandant en justice l'autorisation de suspendre le paiement de son loyer pendant les travaux de réfection dudit logement ; c'est ce que Mme [J] a obtenu du juge des référés par ordonnance du 4 mai 2018.

En l'espèce, la bailleresse ne nie pas que le logement de Mme [J] était totalement inhabitable, ni avoir dû y entreprendre des travaux de remise en état qui ont duré jusqu'en décembre 2018, date à laquelle la locataire a repris le paiement du loyer.

L'appelante ne démontre pas que Mme [J] soit responsable de la durée particulièrement longue des travaux.

Elle ne démontre pas non plus que la dette locative excède les loyers ayant couru du 1er novembre 2017 (date du début de la suspension de paiement autorisée par le juge des référés) au mois de décembre 2018, date à laquelle Mme [J] a repris le paiement de son loyer.

Enfin, elle ne peut reprocher à la locataire d'avoir profité de la suspension de paiement tout en percevant des indemnités de son assureur pour perte d'usage de son logement, car ces indemnités d'un montant total de 3 183,56 euros correspondaient aux loyers dus en juin, juillet et août 2017, soit à une période où Mme [J] réglait encore son loyer.

C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté la demande en paiement présentée par la bailleresse, ainsi que la demande de résiliation du bail fondée sur le prétendu manquement de la locataire à son obligation de payer le loyer.

L'appelante affirme par ailleurs que Mme [J] a indûment occupé la chambre de service 102.104 qui avait été mise à sa disposition pour entreposer des affaires durant les travaux, ce qui constituerait un manquement à ses obligations ; mais cette pièce, qui n'entrait pas dans l'assiette du bail, a été prêtée à l'intimée à titre gracieux, pour faciliter l'exécution des travaux dans son appartement ; la France mutualiste ne démontre pas avoir mis en demeure Mme [J] de lui restituer cette pièce après qu'elle a servi à l'usage pour lequel elle la lui avait prêtée, soit après la fin des travaux ; de plus, ce prêt à usage étant indépendant du bail conclu entre les parties, le défaut de restitution de cette pièce ne peut être assimilé à un manquement de la locataire à ses obligations contractuelles, lesquelles ne peuvent découler que du contrat de bail ; enfin, l'intimée justifie, par un constat d'huissier dressé le 13 février 2020, avoir restitué les clés de cette chambre à cette date ; là encore, ce fait ne saurait donc justifier la résiliation du bail aux torts de la locataire.

En outre, la bailleresse reproche à sa locataire d'entreposer des affaires dans les parties communes de l'immeuble ; mais, d'une part, elle ne produit à l'appui de ses allégations que des courriels de la gardienne de l'immeuble décrivant cette situation, sans étayer ces témoignages de sa préposée d'autres éléments de preuve objectifs, tels qu'un constat d'huissier ; d'autre part, elle ne justifie pas avoir mis en demeure Mme [J] de retirer les affaires qui, selon elle, encombreraient les parties communes ; de son côté, l'intimée produit un constat dressé par huissier le 13 février 2020 indiquant que les parties communes étaient totalement libres à cette date ; la bailleresse ne rapporte donc pas la preuve de la réalité de ces manquements et ne peut obtenir la résiliation du bail pour ce seul motif.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté l'appelante de ses demandes dirigées contre Mme [J].

Sur les demandes dirigées contre la société BPCE assurances

L'appelante demande la condamnation solidaire de la société BPCE assurances au paiement de l'arriéré locatif au motif que l'expert désigné par l'assureur avait annoncé la prise en charge par celui-ci de la perte d'usage du logement de son assurée.

Mais, en raison de l'effet relatif des contrats, la bailleresse ne peut prétendre obtenir le paiement d'indemnités auxquelles seule l'assurée pourrait, le cas échéant, avoir droit si les conditions de son contrat le permettent.

En outre, l'assureur démontre, à travers la production du contrat souscrit par Mme [J], que la perte d'usage du logement loué n'était pas couverte par ce contrat, seule une garantie de relogement étant prévue lorsqu'un sinistre rend le logement assuré inhabitable ; la somme de 3 183,56 euros correspondant aux loyers de juin, juillet et août 2017 ne lui a été versée qu'à titre commercial, et non en vertu du contrat d'assurance.

Enfin, la bailleresse ne peut fonder sa demande sur les seuls propos de l'expert mandaté par l'assureur, le rôle de l'expert se limitant à la détermination de la cause du sinistre et au chiffrage des travaux de remise en état, et l'expert n'ayant nullement le pouvoir d'engager l'assureur quant aux conditions d'application du contrat d'assurance.

C'est donc à bon droit que le tribunal a débouté la France mutualiste de ses demandes dirigées contre la société BPCE assurances.

Sur les demandes accessoires

L'appelante, qui succombe en ses demandes, doit être condamnée aux dépens de la procédure d'appel et déboutée de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [J], qui ne démontre pas que la bailleresse ait abusé de son droit d'agir en justice, puis d'exercer une voie de recours, doit être déboutée de sa demande indemnitaire.

L'équité commande d'allouer à chacune des intimées la somme supplémentaire de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Déboute la mutuelle la France mutualiste de toutes ses demandes formées devant la cour,

Condamne la France mutualiste à payer à Mme [W] [J] et à la société BPCE assurances la somme supplémentaire de 2 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la France mutualiste aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 19/17689
Date de la décision : 31/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-31;19.17689 ?
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