Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 3
ARRET DU 16 JUIN 2022
(no 222 , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/17850 - No Portalis 35L7-V-B7D-CAVXL
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Avril 2019 -Tribunal d'Instance de Lagny sur Marne - RG no 1118002367
APPELANTE
Intimée à titre incident
Madame [T] [V]
Chez M. [O] [J],
[Adresse 4]
[Localité 5]
née le [Date naissance 3]1976 à [Localité 7] (Roumanie)
Représentée par Me Isabelle MOREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C2238
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/034608 du 21/08/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMEE
Appelante à titre incident
SCI LEIRIA Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée et assistée par Me Isabelle NICOLAÏ du Cabinet ARTOIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0170, substituée à l'audience par Me Anne RENAUX, même cabinet, même toque
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. François LEPLAT, Président de chambre
Mme Anne-Laure MEANO, Présidente assesseur
Mme Bérengère DOLBEAU, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur [F] [R] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par François LEPLAT, Président de chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 17 octobre 2015, la société civile immobilière Leiria, représentée par son mandataire, la société à responsabilité limitée GTS (Gestion Transaction Syndic) a donné à bail à Mme [T] [V], épouse [X] un local d'habitation situé [Adresse 1], moyennant versement d'un loyer mensuel révisable de 490 euros, outre une provision sur charges mensuelle de 80 euros.
Se prévalant d'un courrier de congé de la locataire, la SCI Leiria a repris l'appartement et changé les serrures en janvier 2018.
Par acte d'huissier de justice du 16 novembre 2018, Mme [T] [V] a fait assigner la SCI Leiria devant le tribunal d'instance de Lagny sur Marne aux fins d'obtenir sa réintégration dans les lieux et des dommages et intérêts.
Par jugement contradictoire entrepris du 15 avril 2019 le tribunal d'instance de Lagny sur Marne a ainsi statué :
Dit que la SCI Leiria est redevable envers Mme [T] [V] des sommes de :
- 2.000 euros en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de réintégration,
- 300 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de ses effets personnels,
Dit que Mme [T] [V] est redevable envers la SCI Leiria d'une somme de 7.709,97 euros au titre des loyers et charges échus impayés d'octobre 2016 à janvier 2018 proratisé, dépôt de garantie déduit, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2018 ;
Prononce la compensation entre ces obligations ;
Condamne en conséquence Mme [T] [V] à payer à la SCI Leiria une somme de 5.409,97 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2018 ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [T] [V] aux dépens ;
Ordonne l'exécution provisoire.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l'appel interjeté le 16 septembre 2019 par Mme [T] [V] ;
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 20 août 2020 par lesquelles Mme [T] [V], appelante, demande à la cour de :
Vu l'article 1240 du code civil,
Vu les articles 1347 et suivants du code civil,
Recevoir Mme [T] [V] en ses écritures, fins et conclusions, et, en conséquence :
Infirmer le jugement rendu le 15 avril 2019 par le tribunal d'instance de Lagny-sur-Marne en
ce qu'il a :
- Dit que la SCI Leiria est redevable envers Mme [T] [V] des sommes de :
- 2.000 euros en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de réintégration,
- 300 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de ses effets personnels,
- Dit que Mme [T] [V] est redevable entre la SCI Leiria de la somme de 7.709,97 euros au titre des loyers et charges échus impayés d'octobre 2016 à janvier 2018 proratisé, dépôt de garantie déduit, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2018,
- Prononcé la compensation entre ces obligations et condamné, en conséquence, Mme [T] [V] à payer à la SCI Leiria une somme de 5.409,97 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2018,
- Condamné Mme [T] [V] aux dépens ;
Et, statuant à nouveau :
Condamner la SCI Leiria à verser à Mme [T] [V] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à l'impossibilité de réintégrer son logement ;
Condamner la SCI Leiria à verser à Mme [T] [V] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice subi par la perte de tous ses effets personnels ;
Limiter la dette locative due par Mme [T] [V] à la SCI Leiria à la somme de 3.725,58 euros ;
Ordonner la compensation entre les sommes réciproquement dues par la SCI Leiria et Mme [T] [V] ;
Condamner la SCI Leiria à régler à Mme [T] [V] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 37 de la loi no91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique, ainsi qu'aux dépens.
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 12 mars 2020 au terme desquelles la SCI Leiria, intimée, demande à la cour de :
Vu l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989,
Recevoir la SCI Leiria en ses conclusions et de l'y déclarer bien fondée ;
Y faisant droit,
Débouter Mme [T] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
En conséquence,
A titre principal,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a analysé la reprise des lieux comme une expulsion non conforme et condamné la SCI Leiria à payer à Mme [T] [V] la somme totale de 2.000 euros au titre du préjudice de non-réintégration et 300 euros au titre de la perte de ses objets personnels ;
Et statuant à nouveau,
Débouter Mme [T] [V] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires ;
A titre subsidiaire,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il fixé à 2.000 euros l'indemnité due à Mme [T] [V] au titre du préjudice de non-réintégration et à 300 euros l'indemnité due à Mme [T] [V] au titre de la perte de ses objets personnels ;
Débouter Mme [T] [V] de ses demandes indemnitaires nouvelles au titre d'un préjudice moral, ces demandes étant irrecevables comme présentées pour la première fois en cause d'appel, et en toute hypothèse, non démontrées ;
En tout état de cause,
Confirmer le jugement en ses autres dispositions ;
Pour le surplus,
Condamner Mme [T] [V] à payer à la SCI Leiria une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions qu'elles ont remises au greffe et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la reprise des locaux par la bailleresse :
La SCI Leiria poursuit, à titre incident, l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a analysé la reprise des lieux en une expulsion non conforme et l'a condamné à payer à Mme [T] [V] la somme totale de 2.000 euros en réparation du préjudice de non-réintégration et celle de 300 euros de celui de la perte de ses objets personnels.
Elle fait valoir que son mandataire, la société GTS, a reçu, courant décembre 2017, une lettre simple manuscrite de Mme [T] [V], épouse [X], expédiée de Roumanie, mise aux débats, datée du 4 décembre 2017, avec pour objet : résiliation du bail avec accusé de réception et libellée comme suit : Je vous fais part de la résiliation de mon contrat de location de l'appartement situé au [Adresse 1] comme prévu au téléphone compte tenu que je suis bloquée en Roumanie. Je vous ai fait déposé les clés de mon studio dans votre boîte l'appartement est vide. Je reviendrai vers vous consernant la dette de loyers. Je m'excuse pour tous les problèmes que je vous ai causé ;
Qu'à cette époque, sa dette locative était de 7.818,97 euros ; qu'un voisin, M. [D] [C], atteste avoir frappé à la porte de Mme [X] à plusieurs reprises at pas de réponse pendant plusieurs mois. Mme [X] était repartie en Roumanie ; que la société GTS a reçu un dernier SMS de sa part le 6 septembre 2017 dans lequel elle indique qu'elle a demain la Grand sentence à justice et qu'elle retourne en France mardi prochaine ; que la société GTS aurait effectivement trouvé les clés dans la boîte aux lettres ;
Que la société GTS n'ayant aucune raison de douter de la sincérité du congé qui lui était notifié, et qui paraissait cohérent, elle a repris l'appartement et l'a redonné en location dès le mois de janvier 2018 ;
Que, doutant légitimement de la recouvrabilité de la dette locative d'une locataire repartie en Roumanie sans laisser d'adresse, autre que dans ce pays, elle n'a pas initié de procédure judiciaire à son encontre.
Mais, Mme [T] [V] ayant contesté avoir posté ce courrier de congé, c'est par des motifs exacts et pertinents, qui ne sont pas utilement contredits par l'intimée, laquelle ne produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le premier juge, et que la cour adopte, qu'il a retenu que l'article 12 de la loi no89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs dispose que le locataire peut résilier le contrat de location à tout moment, dans les conditions de forme et de délai prévues à l'article 15 (délai de préavis de trois mois ou d'un mois dans les zones dites tendues)
Le congé doit être notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, signifié par acte d'huissier ou remis en main propre contre récépissé ou émargement. Ce délai court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée, de la signification de l'acte d'huissier ou de la remise en main propre ;
La cour ajoutant à cet égard que le bail lui-même en son article 2.10 des conditions générales, stipule que la résiliation par le locataire en cours de bail doit être notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, signifié par acte d'huissier ou remis en main propre contre récépissé ou émargement ;
Que s'agissant du courrier litigieux :
- l'en-tête mentionne le prénom [L] et non [T]
- I'écriture n'est pas similaire à celle du "lu et approuvé" figurant au contrat de bail
- la signature apparaît être une tentative de reproduction de celle de Mme [T] [V], d'un trait peu assuré,
- le nom apposé sur l'enveloppe, en partie détériorée, à côté de la mention "expeditor" n'est pas [X] ou [V], bien que le nom de [X] apparaisse y avoir été ajouté.
Que ces incohérences auraient dû conduire la société GTS, professionnelle mandataire de la SCI Leiria à s'interroger sur la sincérité de ce courrier, sans qu'elle puisse se prévaloir d'une absence de la locataire au moment de la délivrance au demeurant irrégulière, de ce congé, d'une libération des lieux de tous effets personnels et d'une remise des clés non démontrées (les faits relatés dans I'attestation du voisin n'étant nullement datés alors qu'au contraire, il est établi que le dernier contact de l'agence avec la locataire avant la réception du courrier litigieux est un SMS en date du 6 septembre 2017 dans lequel celle-ci indique espérer pouvoir regagner la France le mardi suivant, les termes du courrier laissent apparaître une décision imprévue de résilier le bail, les serrures ont été changées), ni du paiement de la taxe sur les logements vacants pour 2017, survenu en 2018 seulement, soit postérieurement à la reprise des lieux ;
Que, des lors, et bien que le courrier provienne de Roumanie, pays d'origine de la locataire, la SCI Leiria ne pouvait valablement arguer avoir été légitimement trompée ;
Que la reprise des locaux loués s'analyse ainsi en une expulsion non conforme aux dispositions de l'article L.411-1 du code des procédures civiles d'exécution qui donne lieu à réparation du préjudice en découlant, ce que la cour confirme.
Sur le montant des indemnités allouées par le premier juge, Mme [T] [V] entend voir le jugement réformé et celles-ci portées à 10.000 euros chacune.
A cet égard, en cause d'appel, Mme [T] [V] produit essentiellement une déclaration d'accident du travail, survenu le 27 juillet 2017, une attestation Pôle Emploi du 14 mai 2018 mentionnant son licenciement pour inaptitude physique d'origine professionnelle de son emploi d'assistante ménagère et des photographies de son appartement prises par sa soeur, non datées et autrement justifiées.
La cour confirmera le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SCI Leiria à payer à Mme [T] [V] une indemnité de 2.000 euros en réparation de son impossible réintégration dans les lieux et celle de 300 euros en réparation de la perte de ses effets personnels, les nouvelles pièces produites ne permettant pas de justifier d'un préjudice qui n'aurait pas été justement réparé par le premier juge.
Sur la dette locative :
Mme [T] [V] conteste le montant de la dette locative arrêtée par la SCI Leiria à la somme de 7.818,97 euros à raison de la non prise en compte de virements de la Caisse d'allocations familiales opérés directement à la société GTS et des versements en espèces dont elle affirme avoir obtenu des récépissés qui lui ont été "volés" par la SCI Leiria lors de la reprise des lieux, demandant à ce qu'elle soit limitée à la somme de 3.725,58 euros.
Si, pour les paiements censés être intervenus en espèces entre mars et juillet 2017, aucun élément autre que les dires de Mme [T] [V] ne permet de les établir, en revanche, il ressort d'une attestation de paiement de la Caisse d'allocations familiales de Seine et Marne du 8 janvier 2019, que la somme de 109 euros a été versée directement à la société GTS pour le mois de décembre 2017, ce qui ramène la dette locative à la somme de 7.709,97, que le premier juge a exactement retenue, ce que la cour confirme.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris,
Et y ajoutant,
Condamne Mme [T] [V] aux dépens d'appel,
Rejette toutes autres demandes.
La greffière, Le Président,