Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 4
ARRET DU 03 JANVIER 2023
(n ° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07320 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB3MW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Octobre 2019 -Tribunal d'Instance de PARIS - RG n° 1119001128
APPELANTE
Madame [V] [J]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée et assistée par Me Sylvie BELTRAN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1591
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/057410 du 08/01/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIME
Monsieur [F] [J]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté et assisté par Me Alexandre BRAUN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0032
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Michel CHALACHIN, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Michel CHALACHIN, président
Marie MONGIN, conseiller
François BOUYX, conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Gisèle MBOLLO
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Michel CHALACHIN, Président de chambre et par Gisèle MBOLLO, Greffière chambre 4-4 présente lors de la mise à disposition.
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EXPOSE DU LITIGE
Depuis 2003, Mme [V] [J] occupait un logement de trois pièces situé [Adresse 3] appartenant à son père, M. [F] [J].
Celui-ci affirme que ce bien avait été prêté à sa fille et celle-ci affirme qu'elle disposait d'un bail.
Par acte d'huissier du 6 novembre 2015, M. [J] a fait délivrer à sa fille un congé 'd'un local mis à disposition à titre gratuit' à effet du 6 février 2016.
Par acte d'huissier du 14 mars 2016, M. [J] a fait assigner sa fille devant le tribunal d'instance de Paris 2ème afin de voir constater le terme échu du prêt à usage et faire expulser les occupants du logement.
Par requête du 10 janvier 2017, Mme [J] a saisi le juge aux affaires familiales d'une demande de pension alimentaire dirigée contre son père, sous la forme d'une mise à disposition du logement qu'elle occupait.
Par jugement du 7 septembre 2017, le tribunal d'instance a sursis à statuer dans l'attente de la décision du juge aux affaires familiales.
Par jugement du 26 septembre 2018, le juge aux affaires familiales a débouté Mme [J] de sa demande ; ce jugement a été confirmé par arrêt du 21 avril 2022.
Mme [J] a été réassignée par son père devant le tribunal d'instance de Paris le 17 janvier 2019 en vue de la faire expulser du logement.
Par jugement du 3 octobre 2019, le tribunal d'instance de Paris a :
- constaté le terme échu du prêt à usage et ordonné l'expulsion de la défenderesse et de tous occupants de son chef,
- condamné Mme [J] aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 12 juin 2020, Mme [J] a interjeté appel de cette décision.
Elle a été expulsée du logement le 15 juin 2021.
Par dernières conclusions notifiées le 7 novembre 2022, l'appelante demande à la cour de :
- déclarer les demandes nouvelles formées par son père irrecevables,
- en tout état de cause, le débouter de ses demandes d'indemnité d'occupation et de paiement des frais de débarras de l'appartement,
- le condamner au paiement d'une indemnité de 6 000 euros pour préjudice moral.
Par dernières conclusions notifiées le 28 octobre 2022, M. [J] demande à la cour de :
- débouter l'appelante de toutes ses demandes,
- confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné son expulsion,
- condamner l'appelante au paiement, depuis le 15 octobre 2019 et jusqu'au départ des lieux, d'une indemnité d'occupation de 2 000 euros par mois, soit 40 000 euros, arrêtée au 15 juin 2021, date de l'expulsion,
- la condamner au paiement de la somme de 1 782,72 euros au titre des frais de débarras du logement,
- la condamner aux dépens.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022.
MOTIFS
Il ressort de l'article 1709 du code civil que le contrat de bail implique le paiement d'un certain prix par le locataire ; à l'inverse, l'article 1876 du même code prévoit la gratuité du prêt à usage.
A l'appui de son appel, Mme [J] affirme avoir égaré le bail qu'elle aurait conclu avec son père, mais produit quatre quittances de loyer établies par le cabinet Sagima pour les mois de février, avril, juin 2004 et janvier 2005, pour un montant de 350 euros par mois.
Ces seuls documents ne suffisent pas à prouver qu'elle aurait payé un loyer mensuel de 350 euros à son père depuis son entrée dans les lieux, faut d'être étayés par des relevés de compte bancaire qui démontreraient la régularité de tels paiements.
Dans un courriel adressé à son père le 25 mars 2014, elle avait d'ailleurs commencé son propos par cette phrase : 'Je m'adresse à toi en qualité de locataire à titre gratuit de l'appartement du [Adresse 3] dont tu es le propriétaire...', ce qui contredit sa thèse selon laquelle elle lui aurait réglé un loyer.
Dans une attestation du 22 janvier 2017, sa soeur, Mme [E] [J], affirme qu'elle occupait l'appartement de son père à titre gracieux.
De plus, le fait qu'elle ait demandé à la cour, avant son expulsion, de l'autoriser à rester dans les lieux moyennant le paiement des seules charges afférentes à l'appartement de son père tend à démontrer qu'elle ne se reconnaissait pas redevable d'un loyer.
C'est donc à bon droit que le tribunal a considéré que le bien avait été mis à la disposition de l'appelante à titre gratuit.
Aucun terme n'ayant été convenu entre les parties concernant le prêt de ce logement, M. [J] était en droit d'y mettre fin à tout moment en respectant un délai de préavis raisonnable.
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a estimé que le congé délivré le 6 novembre 2015 avait prévu un délai raisonnable de trois mois pour libérer les lieux.
Devant le premier juge, M. [J] n'avait formulé aucune demande en paiement d'une indemnité d'occupation ; sa demande formée pour la première fois devant la cour est donc irrecevable sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, étant observé de surcroît qu'une telle demande est en contradiction avec la mise à disposition du bien à titre gratuit qui était revendiquée par l'intimé.
M. [J] demande également à la cour de lui allouer la somme de 1 782,72 euros au titre des frais de débarras des nombreux objets laissés dans les lieux par sa fille ; cette demande est recevable dans la mesure où elle est née de la survenance d'un fait depuis le jugement entrepris, à savoir l'expulsion de Mme [J] ; toutefois, elle n'est pas fondée dans la mesure où l'appelante a manqué de temps et d'argent pour organiser un déménagement complet de ses meubles et objets dans les jours ayant suivi son expulsion.
Mme [J] demande une indemnité pour compenser le préjudice lié aux conditions de son expulsion ; mais, d'une part, cette expulsion était parfaitement légale puisqu'elle se fondait sur un jugement assorti de l'exécution provisoire, et d'autre part l'appelante avait bénéficié d'un large délai pour se reloger depuis la date de signification dudit jugement ; sa demande indemnitaire doit donc être rejetée.
L'appelante, qui n'avait pas libéré les lieux de manière spontanée, doit être condamnée aux dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
Déboute Mme [V] [J] de toutes ses demandes formées devant la cour,
Déclare la demande de M. [F] [J] en paiement d'une indemnité d'occupation irrecevable,
Déboute M. [F] [J] de sa demande en paiement des frais de débarras du logement,
Condamne Mme [V] [J] aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.
Le Greffier Le Président