REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 7
ARRET DU 31 MAI 2023
(n° 13/2023, 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/04127 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFK3M
Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 Février 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J.EXPRO, JCP de Paris RG n° 20/1185
APPELANT
Monsieur [U] [H] [Y]
[Adresse 5]
[Localité 3]
né le 5 Février 1976 à PORTO VECCHIO (20137)
Représenté et assisté par Maître Randy YALOZ de la SELARL Randy YALOZ, avocat au barreau de PARIS, toque : E766, avocat postulant et plaidant
INTIMEES
Madame [W] [K]
[Adresse 2]
[Localité 4]
née le 24 Janvier 1983 à NICE
Représentée et assistée par Maître Eric BARBOLOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1206, avocat postulant et plaidant
Association MANI PULITI
[Adresse 1]
[Localité 4]
N° SIRET : W2A 400 101 0
Représentée et assistée par Maître Eric BARBOLOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1206, avocat postulant et plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 avril 2023, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Jean-Michel AUBAC, Président
Mme Anne RIVIERE, Assesseur
un rapport a été présenté à l'audience par Mme RIVIERE dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Jean-Michel AUBAC, président
Mme Anne RIVIERE, assesseur
Mme Anne CHAPLY, assesseur
Greffier, lors des débats : Mme Margaux MORA
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Jean-Michel AUBAC, président, et par Margaux MORA, greffier, présente lors de la mise à disposition.
Vu l'assignation délivrée par acte d'huissier du 13'novembre 2020 à l'association MANI PULITI et [W] [K], en sa qualité de directrice de publication de l'association MANI PULITI, à la requête de [U] [H] [Y], qui excipant d'une atteinte portée à sa vie privée à raison de propos contenus dans un message publié le 19'janvier 2018 sur la page Facebook de l'association, demande au tribunal, sur le fondement des articles'9 du code civil, 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 7 de la Charte européenne des droits fondamentaux':
- de condamner in solidum l'association MANI PULITI et [W] [K] à lui verser la somme de 50'000'euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,
- d'ordonner la suppression immédiate de la publication litigieuse et des commentaires afférents,
- d'interdire toute republication de l'article sous peine d'astreinte à hauteur de 1'000'euros par nouvelle publication et par jour.
- d'ordonner sous astreinte la publication en guise de photo de couverture de la page Facebook de l'association MANI PULITI d'un communiqué judiciaire reprenant le dispositif de la décision à intervenir, dans les conditions précisées au dispositif de son assignation,
- d'ordonner sous astreinte la publication sur la page Facebook de l'association MANI PULITI de la décision à intervenir qui sera épinglée pour une durée de 6 mois, sous astreinte de 1'000'euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai de 8 jours à compter du prononcé de la décision à intervenir,
- de condamner l'association MANI PULITI et [W] [K] à faire publier, à leurs frais, le jugement à intervenir dans un journal local de son choix, dans les conditions précisées au dispositif de son assignation,
- de condamner in solidum l'association MANI PULITI et [W] [K] à lui payer la somme de 3'500'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens incluant tous les frais des constats d'huissier.
Vu l'appel interjeté par [U] [H] [Y] le 17'février 2022 du jugement de la 17e chambre civile du tribunal judiciaire de Paris en date du 2'février 2022 en ce qu'il a':
- Débouté [U] [H] [Y] de ses demandes,
- Condamné Monsieur [H] à verser à l'association MANI PULITI et à [W] [K], chacune, la somme de 1'000'euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné Monsieur [H] aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions signifiées par voie électronique le 18'janvier 2023 par [U] [H] [Y] qui demande à la cour':
Vu les articles'8, 9 et'10 de la CEDH,
Vu l'article 7 de la Charte européenne des droits fondamentaux,
Vu l'article 9 du code civil, vu la jurisprudence citée,
demandant à la cour de':
- INFIRMER la décision rendue par le tribunal judiciaire de Paris le 2'février 2022 en ce qu'il a débouté Monsieur [H] de ses demandes, en ce qu'il l'a condamné à verser à l'association MANI PULITI et Madame [W] [K] la somme de 1'000'euros, chacune, au visa de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il a condamné Monsieur [H] aux entiers dépens.
Statuant de nouveau':
- DÉCLARER l'action de Monsieur [U] [H] [Y] pour atteinte à sa vie privée recevable et bien fondée';
- CONDAMNER, à titre principal, in solidum l'association MANI PULITI et Madame [W] [K] à verser à Monsieur [H] la somme de 10'000'euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l'atteinte à sa vie privée par la divulgation publique de sa foi';
- CONDAMNER, à titre subsidiaire, in solidum l'association MANI PULITI et Madame [W] [K] à verser à Monsieur [H] la somme de 1'500'euros à titre symbolique pour le préjudice subi du fait de l'atteinte à sa vie privée par la divulgation publique de sa foi';
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE
- ORDONNER la suppression immédiate de la publication en date du 19'janvier 2018 intitulée 'Le gourou local de la secte #Söka Gakkai à l'assaut du #PADDUC et présent dans la commission de tous les #conflits. (plu pourri de [Localité 4]).', ainsi que tous les commentaires y afférents, sous peine d'astreinte à hauteur de 150'euros par jour à compter de huit jours suivant le prononcé de la décision à intervenir';
- INTERDIRE toute republication de l'article litigieux sous peine d'astreinte à hauteur de 150'euros par nouvelle publication et par jour à compter de huit jours suivant le prononcé de la décision à intervenir';
- ORDONNER la publication, en guise de photo de couverture de la page Facebook de l'association MANI PULITI, et de façon visible, d'un communiqué judiciaire reprenant le dispositif de l'arrêt à intervenir et précédé du texte suivant':
'PAR ARRÊT DE LA COUR D'APPEL DE PARIS EN DATE DU [insérer la date du prononcé de la décision], L'ASSOCIATION MANI PULITI ET SON DIRECTEUR DE PUBLICATION ONT ETE CONDAMNES POUR ATTEINTE A LA VIE PRIVEE DE MONSIEUR [U] [H] [Y]',
de manière visible en photo de couverture de la page Facebook de l'association Mani Puliti, en police de couleur rouge sur fond blanc, en police Time New Roman, taille 16, et ce aux seuls frais des Intimées, pendant une durée de 6 mois, sous astreinte de 150'€ par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 8 jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir (Pièce n°'39)';
- ORDONNER la publication, sur la page Facebook de l'association Mani Puliti, de la décision à intervenir, qui sera épinglée pendant une durée de 6 mois, sous astreinte de 150'euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 8 jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir';
- CONDAMNER solidairement l'association Mani Puliti et Madame [W] [K] à faire publier, à leurs frais, l'arrêt à intervenir dans un journal local au choix de Monsieur [U] [H], étant précisé que le coût global d'une telle publication ne pourra excéder 3'000'euros H.T. Pour cela, les intimées disposeront d'un délai de cinq (5) jours pour verser à Monsieur [U] [H] [Y] le prix T.T.C la publication, sur simple présentation par ce dernier du devis pour ladite publication';
- CONDAMNER in solidum l'association MANI PULITI et Madame [W] [K] à verser à Monsieur [H] la somme de 5'500'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles en première instance et en appel';
- DÉBOUTER les intimées de toutes leurs demandes de nullité et de fin de non-recevoir et de leurs autres demandes et moyens de défense au fond';
- CONDAMNER in solidum l'association Mani Puliti et Madame [W] [K] aux entiers dépens (incluant tous les frais des constats d'huissier).
Vu les dernières conclusions par RPVA le 1er'août 2022, les intimés demandent à la cour de':
Vu les dispositions de l'article 9 du code civil, de la combinaison des articles'8 et'10 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme,
Vu la jurisprudence,
À titre principal,
CONSTATER la nullité de l'action devant le tribunal judiciaire de PARIS.
À titre subsidiaire,
CONFIRMER le jugement du tribunal judiciaire de PARIS en date du 2'février 2022 en ce qu'il a':
- DÉBOUTE Monsieur [H] [Y] de l'ensemble de ses demandes comme étant infondées.
- CONSTATE qu'aucune atteinte à la vie privée de Monsieur [H] [Y] n'a été commise.
RECONVENTIONNELLEMENT,
CONDAMNER Monsieur [H] [Y] à payer une somme de 25'000'euros au titre de dommages et intérêts pour procédure dilatoire.
CONDAMNER Monsieur [H] [Y] à payer une somme de 5'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens des différentes instances.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 29'mars 2023,
Vu l'article 455 du code de procédure civile,
Sur les propos litigieux et le contexte de leur publication
1. L'association MANI PULITI, association à but non lucratif régie par la loi de 1901, se présente sur sa page Facebook comme 'constituée par un mouvement citoyen a-politique et pour la défense des libertés des Porto-vecchiais'. Les valeurs revendiquées par l'association sont la lutte':
'Contre la corruption par le clientélisme, le favoritisme et l'argent.
Pour élever le débat politique aux réelles préoccupations des porto-vecchiais.
Pour l'éthique en politique et pour le respect des libertés individuelles. Pour le changement des mentalités.'
2. Le constat d'huissier dressé à la demande de [U] [H] [Y] le 26'janvier 2018 établit que le 19'janvier 2018 a été publié sur la page Facebook de l'association MANI PULITI, librement accessible au public, un message intitulé 'Le gourou local de la secte #Söka Gakkai à l'assaut du # PADDUC [i.e. Plan d'Aménagement et de Développement Durable de la Corse] et présent dans la commission de tous les #conflits. (Plu pourri de [Localité 4])', comportant le texte suivant':
'Il faudrait peut-être convoquer aussi le responsable des témoins de #geova et puis, puisque les #sectes sont de la fête, les religions aussi, le curé et l'imam... Incroyable !
La réalité du Padduc':
Les diverses cartes ne font que recenser la réalité des terres et le bâti actuel qu'elles représentent par des tâches grises et floues ne donnant aucun droit à construction si cette tâche n'est pas le centre urbain d'une commune. Un PADDUC, comme un # PLU, comme un permis de construire, ne peut aller à l'encontre de la loi en définissant, par exemple, des zones constructibles en dehors de l'extension des centres urbains. Elle laisse donc la Corse sous la contrainte de l'article 146-4.1.
Article qui n'est en aucun cas un frein au développement économique puisqu'il ne limite pas les constructions, il définit juste leurs localisations contrairement à ce que peut raconter cet affabulateur. Il est par contre le garant de l'égalité et de l'anti passe droit lorsqu'il est appliqué. On peut construire tant que nécessaire, mais uniquement en extension du centre urbain de chaque commune.
C'est parfait ainsi l'île de beauté, notre #littoral, nos #paysages et l'#égalité sont protégés quand la loi est respectée par ses garants, le maire et le #préfet.
Le #gourou, cousin du dépité camiyou de crocca serra est aussi un #promoteur et un immense propriétaire terrien qui s'attaque au Padduc au tribunal administratif de Bastia.
Le code de l'urbanisme et notamment l'article 146-4.1 ne font pas la part belle à ses terrains. Comme par hasard, ce profiteur a toujours réussi à obtenir passe droit pour implanter entre autres un lotissement derrière la plage de [Adresse 5], pas du tout en extension d'un centre urbain comme tous les permis qu'il a pu obtenir. Ce petit comte, grand héritier, est #insatiable, habitué depuis toujours à vivre de ses larcins urbanistiques, il veut pouvoir continuer le massacre en toute impunité et développer ainsi sa rente. C'est que sa secte apparaît comme un véritable aspirateur, elle affiche sans aucune transparence un empire financier et immobilier colossal et a pour sale habitude de s'immiscer dans les strates du pouvoir politique, un mélange des genres intolérable.
À écouter muni d'un sac à vomi,
(vous risquez d'avoir des hauts le c'ur)'.
3. Juste après le texte sont insérés des liens hypertextes renvoyant pour l'un à une interview du demandeur à l'émission 'l'invité de la rédaction' du mardi 24'mai 2016 sur le site francebleu.fr et pour les deux autres, sous le texte 'C'est quoi la secte Sôka #Gakkaï', à une vidéo publiée sur le site Youtube et à un article intitulé 'Religion pouvoir argent la difficile alchimie du..' sur le site eglasie.mepasie.org.
4. Sous le texte se trouve un photomontage montrant une statue de Bouddha portant des liasses de billets de 500'euros, devant des silhouettes se tenant côte à côte, main dans la main, et, au-dessus, une main tenant les ficelles de l'une de ses silhouettes, à la manière d'un pantin, avec les termes 'UN SAIGNEUR A L'ASSAUT DU PADDUC'. Sous ces images se trouvent les mots': 'Intérêt général particulier' (le mot général est barré) suivi d'un triangle de signalisation montrant un visage brisé et comportant le terme 'sectes'.
5. Ce texte était toujours en ligne sur la page Facebook de l'association le 1er novembre 2020.
6. À la suite de cette publication, plusieurs procédures pénales ont été intentées par [U] [H] [Y] à raison du caractère diffamatoire de l'article':
- le 29'janvier 2018, il a déposé plainte à la gendarmerie de [Localité 4] pour diffamation publique envers un particulier, au visa des articles'29 alinéa 1er et 32 alinéa 1er de loi du 29'juillet 1881, laquelle a donné lieu à ouverture d'une enquête préliminaire';
- le 9'avril 2018, il a fait délivrer une citation directe à l'association MANI PULITI devant le tribunal correctionnel d'Ajaccio pour y être jugée du chef de diffamation envers un particulier à raison de l'intégralité du message, citation déclarée nulle part le tribunal par jugement du 13'juillet 2018 pour n'avoir pas été délivrée au représentant légal de l'association'; ce jugement a été annulé par la cour d'appel de Bastia par arrêt du 12'décembre 2018 qui a renvoyé l'association MANI PULITI des fins de la poursuite aux motifs que les personnes morales ne pouvaient voir leur responsabilité pénale engagée à raison des faits poursuivis';
- le 20'juillet 2018, [U] [H] [Y] a déposé une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance d'Ajaccio contre [W] [K] pour diffamation publique envers un particulier à raison du même message'; [W] [K], en sa qualité de directrice de publication, a été mise en examen et renvoyée devant le tribunal correctionnel d'Ajaccio de ce chef par ordonnance du juge d'instruction du 23'mai 2019'; par jugement du 13'octobre 2019, le tribunal correctionnel a constaté l'extinction de l'action publique du fait de l'acquisition de la prescription, renvoyé [W] [K] des fins de la poursuite et déclaré irrecevables les demandes formées par [U] [H] [Y] au titre de l'action civile'; par des motifs substitués à ceux retenus par le tribunal, la cour d'appel de Bastia a confirmé le jugement'; un pourvoi en cassation a été formé contre les dispositions civiles de cet arrêt que la chambre criminelle de la Cour a rejeté.
Sur le moyen fondé sur le principe ne bis in idem
7. Le conseil des intimées soulève, in limine litis, une exception de procédure fondée sur le principe ne bis in idem, exposant qu'elles se voient attraites pour la énième fois devant une juridiction pour les mêmes faits, que les mêmes faits ne peuvent recevoir deux qualifications juridiques différentes et que l'assignation doit être déclarée nulle, subsidiairement, il fait valoir l'autorité de la chose jugée en application de l'article 1355 du code civil.
8. [U] [H] [Y] fait valoir qu'il a engagé d'abord une action pénale avant d'engager une action civile, qu'en conséquence, l'article 5 du code de procédure pénale ne s'applique pas et que les faits à l'origine de la présente action sont poursuivis sur le fondement de l'article 9 du code civil relatif à l'atteinte à la vie privée, alors que les décisions rendues devant la juridiction pénale ont été rendues pour des faits différents, sur le fondement de la diffamation publique envers un particulier au visa des dispositions de la loi du 29'juillet 1881. Il en conclut qu'à défaut d'identité de cause et de parties, l'article 1355 susvisé ne trouve pas à s'appliquer.
Sur ce,
9. C'est à bon droit que le tribunal judiciaire a, en application des articles'12, 122 et'480 du code de procédure civile ainsi que de l'article 1355 du code civil, rejeté la demande des parties civiles.
10. En effet, la présente procédure, opposant [U] [H] [Y] à l'association MANI PULITI et à [W] [K], en sa qualité de directrice de publication, vise à obtenir réparation du préjudice lié à une atteinte à sa vie privée, sur le fondement de l'article 9 du code civil, alors que les procédures, l'une ayant abouti à l'arrêt rendu le 12'décembre 2018 et l'autre ayant abouti à l'arrêt rendu le 2'septembre 2020 par la cour d'appel de Bastia dont le pourvoi a été rejeté par arrêt de la chambre criminelle du 7'septembre 2021, la première uniquement dirigée contre l'association MANI PULITI et la seconde uniquement contre [W] [K], visaient à obtenir réparation du préjudice né de l'atteinte à l'honneur et à la considération de [U] [H] [Y] en raison du caractère diffamatoire des propos contenus dans le message incriminé, sur le fondement de la loi du 29'juillet 1881 sur la liberté de la presse.
11. L'action soumise au tribunal étant ainsi distincte, tant par son objet que par les parties qu'elle vise de ces deux procédures, l'exception tirée de l'autorité de la chose jugée ne trouve pas à s'appliquer et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur l'atteinte à la vie privée
12. Sur le fond, [U] [H] [Y] soutient que la pratique religieuse est une composante protégée de la vie privée et qu'au travers des propos litigieux et des liens hypertextes placés sous le texte, le lecteur connaît la pratique religieuse qui est la sienne et'ce, alors qu'il n'a pas divulgué cette information ni autorisé qu'elle le soit.
13. Il soutient que cette information n'est pas liée à un événement d'actualité ou en rapport avec le sujet traité par le message, le débat relatif au PADDUC dans lequel il avait pris position ayant eu lieu en 2015.
14. Il soutient enfin que l'atteinte présente un caractère disproportionné, considérant que le 'caractère tapageur et provocateur de l'ensemble souligne la recherche de sensationnel et la déformation de l'objectif initial de l'article' et que 'sous prétexte de vouloir informer le public, l'association MANI PULITI s'attache à divulguer les convictions religieuses de Monsieur [H] et les dénigrer pour tenter de décrédibiliser son discours relatif au PADDUC.'
15. L'association MANI PULITI et [W] [K] font valoir qu'il suffit de se rapporter sur Facebook au groupe SOKA pour y voir Monsieur [H] [Y] en qualité de membre sous un pseudonyme, mais avec sa photo et qu'il est une personne publique intervenant à la radio et président un cercle de réflexion connu': CAP NOSTRUM, elles soutiennent que [U] [H] [Y] n'est pas fondé à se prévaloir d'une atteinte à la vie privée liée à la pratique d'une religion dans la mesure où le mouvement Soka Gakkai n'en est pas une et qu'au contraire, il a été reconnu comme étant une secte. Elles constatent au demeurant que [U] [H] [Y] 'conclut à son appartenance à ce mouvement'. Elles ajoutent que le sujet du PADDUC est un sujet d'intérêt général.
Sur ce,
16. Il sera rappelé qu'aux termes des articles'8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil, toute personne, quelle que soit sa notoriété, a le droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut être divulgué par voie de presse. De même, elle dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l'utilisation qui en est faite d'un droit exclusif, qui lui permet de s'opposer à sa diffusion sans son autorisation.
17. Ces droits doivent néanmoins se concilier avec le droit à la liberté d'expression, consacré par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
18. Ils peuvent céder devant la liberté d'informer, par le texte et par la représentation iconographique, sur tout ce qui entre dans le champ de l'intérêt légitime du public, certains événements d'actualité ou sujets d'intérêt général pouvant justifier une publication en raison du droit du public à l'information et du principe de la liberté d'expression, ladite publication étant appréciée dans son ensemble et au regard du contexte dans lequel elle s'inscrit.
19. Le droit au respect de la vie privée, également protégé par l'article 9 du code civil, et le droit à la liberté d'expression ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de mettre ces droits en balance en fonction des intérêts en jeu et de privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime.
20. Cette mise en balance doit être effectuée en prenant en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d'intérêt général, la notoriété de la personne visée, l'objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de ladite publication, ainsi que, le cas échéant, les circonstances de la prise des photographies et, même si le sujet à l'origine de l'article relève de l'intérêt général, il faut encore que le contenu de l'article soit de nature à nourrir le débat public sur le sujet en question.
21. Au préalable, il sera relevé que si le texte en lui-même ne nomme pas [U] [H] [Y], celui-ci est identifiable par les lecteurs en raison du renvoi, par un lien hypertexte inséré au bas de l'article, à une interview de sa personne diffusée le 24'mai 2016 lors de l'émission 'L'invité de la rédaction' diffusée sur France Bleu.
22. Surtout, il ressort des pièces du dossier et précisément de la pièce n°'2 de l'intimée constituée par une capture d'écran du site Facebook intitulé 'groupe soka' que parmi les membres de ce groupe apparaît un certain 'Comte Roch' dont la photographie est jointe et dont il n'est pas contesté qu'elle est la photographie de [U] [H] [Y].
23. Dès lors, en affichant sa photographie sur le compte de ce groupe, même sous un pseudonyme, [U] [H] [Y] a divulgué son appartenance à ce groupe et donc à l'association cultuelle SOKA GAKKAI et il ne peut soutenir que l'association MANI PULITI et Madame [K] ont porté atteinte à l'intimité de sa vie privée en divulguant ses convictions religieuses qu'il avait lui-même portées à la connaissance du public.
24. Quant aux éventuelles fonctions de responsabilité au sein de ce groupe évoquée par le choix du terme 'gourou', généralement donné au chef spirituel d'un groupe, comme l'a rappelé le tribunal, la révélation de cette 'fonction de responsabilité ou de direction', avérée ou supposée, n'est pas en soi une atteinte à la vie privée.
25. Par ailleurs, le sujet abordé est un sujet d'intérêt général relatif au PADDUC (plan d'aménagement et de développement durable de la Corse) sur lequel [U] [V] [Y] s'est exprimé et ce dernier revendique lui-même la qualité de personnage public, bénéficiant d'une notoriété certaine en Corse du fait de sa famille et de ses fonctions au sein d'associations environnementales ou nautiques. En raison du droit du public à l'information et du principe de la liberté d'expression, il paraît légitime que l'article mentionne l'appartenance à cette association cultuelle compte tenu des valeurs qu'elles portent et de la question de leur concordance avec les activités de [U] [V] [Y].
26. Si le reste des propos peuvent contenir des propos déplaisants pour l'appelant, son appartenance à SOKA GAKKAI n'est pas mentionnée à une fin dénigrante ou de nature à le décrédibiliser.
27. Au vu de ces éléments, le prononcé d'une condamnation pour atteinte à la vie privée même civile porterait une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression et serait de nature à emporter un effet dissuasif pour l'exercice de cette liberté.
28. La décision ayant débouté l'appelant de l'intégralité de ses demandes sera confirmée.
Sur la demande reconventionnelle au titre de la procédure abusive
29. C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a rejeté la demande de dommages-intérêts des intimés pour procédure abusive.
Sur les autres demandes
30. En application de l'article 696 du code de procédure civile, [U] [H] [Y], qui succombe à l'instance, sera condamné aux dépens.
31. La décision condamnant [U] [H] [Y] à payer à l'association MANI PULITI et à [W] [K] la somme de 1'000'euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais en première instance sera confirmée.
32. Il serait inéquitable de laisser à l'association MANI PULITI et à [W] [K] la charge des frais irrépétibles qu'elles ont dû exposer pour la défense de leurs intérêts en appel et il y a lieu de condamner [U] [H] [Y] à leur payer, à chacune, la somme de 1'000'euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 2'février 2022 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne [U] [H] [Y] à verser à chacune des intimées, l'association MANI PULITI et [W] [K], la somme de 1'000'euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais d'appel,
Condamne [U] [H] [Y] aux dépens.
LE PRÉSIDENT LE GREFFIER