Grosses délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 15
ORDONNANCE DU 03 JUILLET 2024
(n°34, 19 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 22/20419 (appel) - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGZRJ auquel sont joints les RG 22/20423 (recours), 22/20425 (recours), 22/20426 (recours), 22/20427 (recours)
Décisions déférées : Ordonnance rendue le 29 novembre 2022 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS
Procès-verbal de visite en date du 30 novembre 2022 clos à 18H45 dans les locaux sis [Adresse 4] [Localité 11] pris en exécution de l'Ordonnance rendue le 29 novembre 2022 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS
Procès-verbal de visite en date du 30 novembre 2022 clos à 15H dans les locaux sis [Adresse 13] [Localité 12] pris en exécution de l'Ordonnance rendue le 29 novembre 2022 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS
Procès-verbal de visite en date du 30 novembre 2022 clos à 15H50 dans les locaux sis [Adresse 5] [Localité 12] pris en exécution de l'Ordonnance rendue le 29 novembre 2022 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS
Procès-verbal de visite en date du 30 novembre 2022 clos à 20H40 dans les locaux sis [Adresse 6] [Localité 11] pris en exécution de l'Ordonnance rendue le 29 novembre 2022 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS
Nature de la décision : Contradictoire
Nous, Olivier TELL, Président de chambre à la Cour d'appel de PARIS, délégué par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L. 16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi n° 2008-776 du 04 août 2008 ;
Assisté de Mme Véronique COUVET, greffier présent lors des débats et de la mise à disposition ;
Après avoir appelé à l'audience publique du 13 mars 2024 :
S.A.S. [CG] [K] venant aux droits et obligations de la société de droit français SAS HFB précédemment société de droit belge HFB SA
Prise en la personne de son représentant légal
Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 793 787 433
Élisant domicile au cabinet CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS
[Adresse 8]
[Localité 14]
Représentée par Maîtres Olivier KUHN et Pierre DEDIEU de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocats au barreau des HAUTS-DE-SEINE
APPELANTE ET REQUÉRANTE
Monsieur [CG] [K]
Né le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 21]
Elisant domicile au cabinet CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS
[Adresse 8]
[Localité 14]
Représenté par Maîtres Olivier KUHN et Pierre DEDIEU de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocats au barreau des HAUTS-DE-SEINE
REQUÉRANT
et
LA DIRECTION NATIONALE D'ENQUÊTES FISCALES
Représentée par le Directeur général des finances publiques
[Adresse 10]
[Localité 15]
Représentée par Me Jean DI FRANCESCO de la SCP URBINO ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137
Assistée de Me Nicolas NEZONDET substituant Me Jean DI FRANCESCO de la SCP URBINO ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137
INTIMÉE ET DÉFENDERESSE AUX RECOURS
Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 13 mars 2024, les conseils des requérants, et l'avocat de l'intimée ;
Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 03 juillet 2024 pour mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Avons rendu l'ordonnance ci-après :
LA PROCÉDURE
Par ordonnance du 29 novembre 2022, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de PARIS a rendu, en application de l'article L.16 B du livre des procédures fiscales (ci-après LPF), une ordonnance d'autorisation d'opérations de visite et de saisie à l'encontre de la société de droit français SAS [CG] [K], venant aux droits et obligations de la société de droit français SAS HFB, précédemment société de droit belge HFB SA, sise [Adresse 6] [Localité 11], qui exerce une activité dans les domaines de :
- L'octroi de conseils, d'assistance et de direction aux sociétés dans le domaine du management, du marketing, de la production et du développement, du traitement et de l'administration des sociétés ;
- La construction, le développement et la gestion d'un patrimoine immobilier, toutes opérations relatives aux biens immobiliers et aux droits immobiliers tels que l'achat et la vente, la construction, la rénovation, l'aménagement et la décoration, la location ;
- La construction, le développement et la gestion d'un patrimoine mobilier, toutes opérations relatives à des biens mobiliers et des droits mobiliers de quelque nature que ce soit, tels que la vente et l'achat, la location et la prise en location, l'échange, en particulier la gestion et la valorisation de tous biens négociables, actions, obligations, fonds d'État ;
- L'acquisition, la prise ferme des participations, « sous n'importe qu'elle forme administration », dans toutes les sociétés ou compagnies existantes ou à constituer, industrielles commerciales, financiers, agricole ou immobiliers ;
- La société peut acquérir tout intérêt par association ou apport de capitaux, fusion, souscription participation, interventions financières ou autrement dans n'importe quelle société, entreprise ou opération ayant un objet similaire, lié ou contribuant à son propre objet ;
- L'acquisition, la détention et la gestion de placements financiers belges, français ou étrangers directement ou par l'intermédiaire d'un contrat de capitalisation.
L'ordonnance autorisait les opérations de visite et de saisie dans les lieux suivants :
- Locaux et dépendances sis [Adresse 13] [Localité 12] susceptibles d'être occupés par [CG] [K] et/ou [DH] [SW] et/ou la Société civile LES [K] ;
- Locaux et dépendances sis,[Adresse 4] [Localité 11] susceptibles d'être occupés par la société de droit belge HFB SA devenue SAS HFB puis SAS [CG] [K] et/ou la SAS LES DOMAINES DE FONTENILLE et/ou la SAS HEKDO et/ou la SAS LES MAISONS DE MARTINS et/ou la SAS [DH] [SW] et/ou la SAS FONTENILLE OPPEDE et/ou la SAS NEW PETCO et/ou THE IVORY FOUNDATION et/ou toutes autres sociétés entretenant des liens juridiques ou capitalistiques avec la société de droit belge HFB SA devenue SAS HFB puis SAS [CG] [K] ;
- Locaux et dépendances sis, [Adresse 6] [Localité 11] susceptibles d'être occupés par la société de droit belge HFB SA devenue SAS HFB puis SAS [CG] [K] et/ou la SAS BPK HOLDING et/ou la SAS EXPERIENCED CAPITAL MANAGEMENT et/ou la SAS EXPERIENCED CAPITAL PARTNERS et/ou la Société Civile EXPERIENCED CAPITAL MANAGEMENT TEAM et/ou toutes autres sociétés entretenant des liens juridiques ou capitalistiques avec la société de droit belge HFB SA devenue SAS HFB, puis SAS [CG] [K] ;
- Locaux et dépendances sis [Adresse 5] [Localité 12] susceptibles d'être occupés par la SAS HFKB et/ou la société civile ELLIAC et/ou la SAS FINANCIERE MARIO et/ou le FONDS MEYER LOUIS-DREYFUS et/ou la SAS MJLD et/ou MJLD LP et/ou la SAS FLORAC INVESTISSEMENTS et/ou la SASU INTERMEDIA INVESTISSEMENTS et/ou la SAS [F] et/ou la SCI FONCIERE ELLIAC et/ou la SASU BGAJM et/ou la SASU FLORAC et/ou la SCI du [Adresse 5] et/ou la SAS FLORAC INVESTISSEMENTS 2 et/ou la SCI FONCIERE CONSTANTINE et/ou la SA GOBTP GPT POUR FINAN OUVRAG BTP ACTIVI ANNEXES et/ou la SASU ORSAY SANTE et/ou et la SAS FLORAC WORKS et/ou FRENCH CO II et/ou L'IMMOBILIERE BOETIE ET CIE et/ou LES EDITIONS DES ELEPHANTS et/ou POC et/ou SCF [Adresse 9] et/ou toutes autres sociétés entretenant des liens juridiques ou capitalistiques avec la société de droit belge HFB SA devenue HFB SAS puis SAS [CG] [K].
L'autorisation de visite et saisie des lieux susmentionnés était délivrée aux motifs que la société de droit belge HFB SA antérieurement au transfert transfrontalier en France de son siège social le 04/12/2018 puis absorbée par la société de droit français SAS [CG] [K], aurait exercé sur le territoire national, de sa création et jusqu'à son transfert en France une activité de conseil, d'assistance, de direction de sociétés, de construction, de développement et de gestion d'un patrimoine immobilier et mobilier, souscription participation, d'interventions financières, d'acquisition, de prise ferme des participations, dans toutes les sociétés industrielles commerciales, financières, agricoles ou immobilières, de détention et gestion de placements financiers belges, français ou étrangers sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omettrait de passer les écritures comptables y afférentes.
Et ainsi, est présumée s'être soustraite et/ou se soustraire à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les bénéfices ou des Taxes sur le Chiffre d'Affaires, en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code Général des Impôts (articles 54 et 209-1 pour l'IS, et 286 pour la TVA).
L'ordonnance se fondait sur une requête de la Direction nationale des enquêtes fiscales (ci-après DNEF) en date du 22 novembre 2022 et était accompagnée de 59 pièces annexées à la requête, numérotées de 1 à 59.
Au vu de la requête et des pièces, le juge des libertés et de la détention a autorisé la visite domiciliaire dans les locaux susmentionnés. Les opérations de visite et saisie se sont déroulées le 30 novembre 2022.
Le 15 décembre 2023, la société SAS [CG] [K] a interjeté appel de l'ordonnance (RG n°22/20419) et exerçait le même jour avec Monsieur [CG] [K], des recours contre le déroulement des opérations de visite et saisie qui se sont déroulées le 30 novembre 2022.
L'affaire a été audiencée pour le 4 octobre 2023, puis à la demande des parties renvoyée pour être plaidée à l'audience du 13 mars 2024.
SUR L'APPEL
- La société SAS [CG] [K] par conclusions en date du 8 mars 2024, demande au Premier président de la cour d'appel de Paris de :
In limine litis,
- juger qu'il existe des difficultés sérieuses relatives à :
- La légalité (contestée par la concluante) des décisions d'habilitation des agents de l'administration à procéder aux opérations de visite et de saisie n'ayant pas été signées par le directeur de la DNEF ou son adjoint ;
- La légalité (également contestée par la concluante) des arrêtés portant délégation de signature en vertu desquels les décisions d'habilitation susvisées ont été signées ;
- Juger que la solution du présent litige dépend de la légalité des actes précités ;
En conséquence,
- Transmettre au juge administratif compétent une question préjudicielle relative à la légalité (i) des décisions d'habilitation des agents de l'Administration signées par des autorités incompétentes et à celle (ii) des arrêtés portant délégation de signature au profit des signataires des décisions d'habilitation litigieuses ;
- Surseoir a statuer dans l'attente de la réponse à ces questions préjudicielles par la juridiction administrative ;
Sur la nullité de l'Ordonnance au motif des irrégularités de forme l'affectant :
- Juger que l'Ordonnance a expressément autorisé des agents de l'administration fiscale à procéder à des opérations de visite et de saisie sur la base d'habilitations irrégulières signées par des autorités incompétentes ;
- Juger que l'Ordonnance est ainsi affectée d'irrégularités de forme au sens de 1'article 114 du Code de procédure civile faisant nécessairement grief à la concluante ;
En conséquence,
- Annuler l'ordonnance rendue le 29 novembre 2022 par Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal judiciaire de Paris ;
- Annuler les opérations de visites et de saisies domiciliaires subséquentes réalisées le 30 novembre 2022 ;
- Ordonner la restitution de l'ensemble des éléments saisis le 30 novembre 2022 en vertu de l'ordonnance rendue le 29 novembre 2022 par le JLD du Tribunal judiciaire de Paris;
- Ordonner la destruction de toute copie des éléments saisis le 30 novembre 2022 en vertu de l'ordonnance rendue le 29 novembre 2022 par le JLD du Tribunal judiciaire de Paris, à charge pour l'administration de justifier de la destruction effective de ces documents dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir ;
- Juger que passé ce délai, s'appliquera une astreinte de 2 000 euros par jour de retard jusqu'à la justification effective de la destruction de ces documents ;
- Dire et juger que la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales sera rétroactivement réputée ne jamais avoir détenu les pièces saisies ;
-Interdire à la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales d'utiliser d'une quelconque manière les pièces saisies le 30 novembre 2022 de manière directe ou indirecte ;
Au fond, annuler l'ordonnance rendue le 29 novembre 2022 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal judiciaire de Paris ;
En conséquence,
- Annuler les opérations de visites et de saisies domiciliaires subséquentes réalisées le 30 novembre 2022 ;
- Ordonner la destruction de toute copie, sous quelque forme que ce soit, des documents dont la saisie est annulée, à charge pour la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales de [Localité 19] de justifier de la destruction effective de ces documents dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir ;
- Dire et juger que passé ce délai, s'appliquera une astreinte de 2 000 euros par jour de retard jusqu'à la justification effective de la destruction de ces documents ;
-Dire et juger que la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales de [Localité 19] sera rétroactivement réputée ne jamais avoir détenu les pièces saisies ;
- Interdire à la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales de [Localité 19] d'utiliser d'une quelconque manière les pièces saisies le 30 novembre 2022 de manière directe ou indirecte ;
- Condamner la Direction Générale des Finances Publiques à verser à la société SAS [CG] [K], venant aux droits et obligations de la société de droit français SAS HFB, précédemment société de droit belge HFB SA, la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamner aux dépens.
- Par conclusions en date du 11 mars 2024, le Directeur général des finances publiques demande au Premier président de la cour d'appel de Paris de :
- Confirmer l'ordonnance du 29 novembre 2022 du Juge des libertés et de la détention de PARIS ;
- Rejeter toutes demandes, fins et conclusions.;
- Condamner l'appelante au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- Condamner l'appelante en tous les dépens.
SUR LES RECOURS
- S'agissant du recours n° de RG 22/20423, soit la visite domiciliaire dans les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 11], la société SAS [CG] [K] et M. [CG] [K], par conclusions n° 2 en date du 8 mars 2024, demandent au Premier président de la cour d'appel de Paris de :
- Sur la nullité intégrale des opérations de visite et de saisie litigieuses
Annuler l'intégralité des saisies réalisées lors des opérations de visite et de saisie qui se sont déroulées, le 30 novembre 2022, dans les locaux sis [Adresse 4] à [Localité 11], par suite de l'irrégularité de l'habilitation des agents ayant réalisé lesdites opérations ;
- Sur la saisie litigieuse des documents contenus dans les boîtes de messagerie Gmail
À titre principal.
- Constater que les mots de passe des boîtes de messagerie « [Courriel 17] » et « [Courriel 16] » ont été obtenus de façon irrégulière par les agents de l'administration fiscale ;
En conséquence,
- Annuler la saisie des boîtes de messagerie « [Courriel 17] » et « [Courriel 16] » réalisée le 30 novembre 2022 dans les locaux et dépendances sis [Adresse 4] à [Localité 11] ;
À titre subsidiaire
- Annuler la saisie des documents, échanges et courriels ne rentrant pas dans le champ de l'autorisation donnée par le juge des libertés et de la détention le 29 novembre 2022, produits en pièces et réalisée le 30 novembre 2022 dans les locaux et dépendances sis [Adresse 4] à [Localité 11], soit les documents, en ce compris chaque courriel contenu dans chaque chaîne de courriels et les pièces jointes à chacun de ces courriels, listés de pièce numéro 9 à pièce numéro 427 ainsi qu'il est énuméré à ses écritures auxquelles il sera référé ;
Sur la saisie litigieuse des documents papier, annuler la saisie des documents, échanges et courriels ne rentrant pas dans le champ de l'autorisation donnée par le juge des libertés et de la détention le 29 novembre 2022 dans les locaux et dépendances sis [Adresse 4] à [Localité 11], soit une liste de pièces numérotées de 428 à 437 ainsi qu'il est énuméré à ses écritures auxquelles il sera référé.
En outre,
- Ordonner la restitution à la société [CG] [K] SAS et à Monsieur [CG] [K] de l'intégralité des documents dont la saisie est annulée ' en ce compris chaque courriel contenu dans chaque chaîne de courriels et les pièces jointes à chacun de ces courriels ' sans possibilité pour la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales de [Localité 19] d'en conserver la copie et de les utiliser directement ou indirectement, en original ou en copie, pour quelque finalité que ce soit ;
- Ordonner la destruction de toute copie, sous quelque forme que ce soit, des documents dont la saisie est annulée ' en ce compris chaque courriel contenu dans chaque chaîne de courriels et les pièces jointes à chacun de ces courriels ' à charge pour la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales de [Localité 19] de justifier de la destruction effective de ces documents dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l'Ordonnance à intervenir ;
- Condamner la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales de [Localité 19] à verser à la société [CG] [K] SAS et à Monsieur [CG] [K], la somme de 2 000 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance.
- Par conclusions en date du 22 janvier 2024, sur le recours n° de RG 22/20423, le Directeur général des finances publiques demande au Premier président de la cour d'appel de Paris de :
- Donner acte à l'administration de ce qu'elle accepte l'annulation de la saisie des pièces listées en pièce 1, à l'exception des pièces portant la numérotation adverse 16, 18, 25, 28, 29, 31, 37, 86, 87, 355 et 374 pour lesquelles des avocats sont mis en copie des mails adressés ou reçus ;
- Rejeter toutes autres demandes, fins et conclusions et condamner l'appelante au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
- S'agissant du recours n° RG 22/20425, soit la visite domiciliaire dans les locaux situés [Adresse 13] à [Localité 20], la société SAS [CG] [K] et M. [CG] [K], par conclusions n° 2 en date du 8 mars 2024, demandent au Premier président de la cour d'appel de Paris de :
- Constater que le mot de passe de la boîte de messagerie « [Courriel 17] » a été obtenu de façon irrégulière par les agents de l'administration fiscale présents dans les locaux sis [Adresse 13] à [Localité 12] pour le compte des agents de l'administration fiscale présents dans les locaux sis [Adresse 4] à [Localité 11] ;
En conséquence,
- Annuler la saisie de la boîte de messagerie « [Courriel 17] » réalisée le 30 novembre 2022 dans les locaux et dépendances sis [Adresse 4] à [Localité 11] ;
De seconde part,
À titre principal,
sur la nullité intégrale des opérations de visite et de saisie litigieuses,
- Annuler l'intégralité des saisies réalisées lors des opérations de visite et de saisie qui se sont déroulées, le 30 novembre 2022, dans les locaux sis [Adresse 13] à [Localité 12], par suite des habilitations irrégulières des agents ayant réalisé lesdites opérations ;
À titre subsidiaire, sur la nullité de la saisie des documents couverts par le secret professionnel,
- Annuler la saisie des documents, échanges et courriels ne rentrant pas dans le champ de l'autorisation donnée par le Juge des Libertés et de la Détention le 29 novembre 2022, produits en pièces et réalisée le 30 novembre 2022 dans les locaux et dépendances sis [Adresse 13] à [Localité 12], soit les documents, en ce compris chaque courriel contenu dans chaque chaîne de courriels et les pièces jointes à chacun de ces courriels, qui sont énumérés de la pièce 9 à la pièce 45 à la suite dans les écritures des requérants auxquelles il sera référé.
En outre,
- Ordonner la restitution à la société [CG] [K] SAS et à Monsieur [CG] [K] de l'intégralité des documents dont la saisie est annulée ' en ce compris chaque courriel contenu dans chaque chaîne de courriels et les pièces jointes à chacun de ces courriels ' sans possibilité pour la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales de [Localité 19] d'en conserver la copie et de les utiliser directement ou indirectement, en original ou en copie, pour quelque finalité que ce soit ;
- Ordonner la destruction de toute copie, sous quelque forme que ce soit, des documents dont la saisie est annulée ' en ce compris chaque courriel contenu dans chaque chaîne de courriels et les pièces jointes à chacun de ces courriels ' à charge pour la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales de [Localité 19] de justifier de la destruction effective de ces documents dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l'Ordonnance à intervenir ;
- Condamner la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales de [Localité 19] à verser à la société [CG] [K] SAS et à Monsieur [CG] [K], la somme de 2 000 € chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de l'instance.
- Par conclusions en date du 22 janvier 2024, sur le recours n° de RG 22/20425, le Directeur général des finances publiques demande au Premier président de la cour d'appel de Paris de :
- Donner acte à l'administration de ce qu'elle accepte l'annulation de la saisie des pièces listées en pièce 1 (pièces portant la numérotation adverse 9 à 45 ;
- Rejeter toutes autres demandes, fins et conclusions et condamner l'appelante au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
- S'agissant du recours n° RG 22/20427, soit la visite domiciliaire dans les locaux situés [Adresse 6] à [Localité 11], la société SAS [CG] [K] et M. [CG] [K], par conclusions n° 2 en date du 8 mars 2024, demandent au Premier président de la cour d'appel de Paris de :
À titre principal,
- Annuler l'intégralité des saisies réalisées lors des opérations de visite et de saisie qui se sont déroulées, le 30 novembre 2022, dans les locaux sis [Adresse 6] à [Localité 11], par suite de l'unicité d'opération, de procès-verbal et d'inventaire, attentatoire aux droits élémentaires de la défense ;
À titre subsidiaire,
- Annuler la saisie des documents, échanges et courriels ne rentrant pas dans le champ de l'autorisation donnée par le juge des libertés et de la détention le 29 novembre 2022, produits en pièces et réalisée le 30 novembre 2022 dans les locaux et dépendances sis [Adresse 6] (75001), soit les documents, en ce compris, lorsqu'il s'agit de courriels, chaque courriel contenu dans chaque chaîne de courriels et les pièces jointes à chacun de ces courriels, qui sont énumérés de la pièce n° 7 à la pièce 106 à la suite dans les écritures des requérants auxquelles il sera référé.
En outre,
- Ordonner la restitution à la société [CG] [K] SAS et à Monsieur [CG] [K] de l'intégralité des documents dont la saisie est annulée ' en ce compris chaque courriel contenu dans chaque chaîne de courriels et les pièces jointes à chacun de ces courriels ' sans possibilité pour la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales de [Localité 19] d'en conserver la copie et de les utiliser directement ou indirectement, en original ou en copie, pour quelque finalité que ce soit ;
- Ordonner la destruction de toute copie, sous quelque forme que ce soit, des documents dont la saisie est annulée ' en ce compris chaque courriel contenu dans chaque chaîne de courriels et les pièces jointes à chacun de ces courriels, à charge pour la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales de [Localité 19] de justifier de la destruction effective de ces documents dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l'Ordonnance à intervenir ;
- Condamner la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales de [Localité 19] à verser à la société [CG] [K] SAS et à Monsieur [CG] [K], la somme de 2 000 € chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de l'instance.
Par conclusions en date du 22 janvier 2024, sur le recours n° de RG 22/20427, le Directeur général des finances publiques demande au Premier président de la cour d'appel de Paris de :
- Donner acte à l'administration de ce qu'elle accepte l'annulation de la saisie des pièces listées en pièce 1, à l'exception des pièces portant la numérotation adverse 7, 8, 48, 49, 50, 51, 74 à 80 pour lesquelles des avocats sont mis en copie des mails adressés ou reçus ou ne constituent pas des documents concernant des avocats ou mentionnant des cabinets d'avocat ;
- Rejeter toutes autres demandes, fins et conclusions et condamner l'appelante au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
- S'agissant du recours n° RG 22/20426, soit la visite domiciliaire dans les locaux situés [Adresse 5] [Localité 12], la société SAS [CG] [K] et M. [CG] [K], par conclusions aux fins de désistement reçues le 13 mars 2024, demandent au Premier président de la cour d'appel de Paris de leur donner acte de leur désistement d'instance dans la procédure susvisée.
MOTIVATION
SUR LA JONCTION
Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient en application de l'article 367 du code de procédure civile et eu égard au lien de connexité entre les affaires, de joindre les instances enregistrées sous les numéros de RG 22/20419 (appel), RG 22/20423, RG 22/20425, RG 22/20426 et RG 22/20427 (recours) qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien.
SUR L'APPEL (RG n° 22/2019)
Sur l'exception de procédure et l'habilitation des agents ayant procédé aux opérations de visite et de saisie
Dans ses conclusions d'appelante du 8 mars 2024, la société SAS [CG] [K] expose que :
In limine litis, la société SAS [CG] [K] soulève deux exceptions de procédure alléguant d'irrégularités graves dans la mise en 'uvre de la procédure de visite et de saisie par l'Administration fiscale.
Sur le fond, il est prétendu aux fins de l'annulation de l'ordonnance que :
- Aucun des éléments rapportés par l'administration fiscale ne permet de présumer l'existence d'une fraude fiscale,
- L'administration fiscale a fait une présentation incomplète et parfois inexacte des faits, systématiquement à charge, afin de convaincre le juge des libertés et de la détention de faire droit à sa requête en passant sous silence des éléments déterminants à la décharge de la société HFB SA,
- Le juge des libertés et de la détention n'a manifestement pas vérifié concrètement le bien-fondé de la demande d'autorisation qui lui était soumise ;
- L'ordonnance attaquée est insuffisamment motivée ;
- Les mesures de visite et saisie autorisées sont disproportionnées au regard des exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.
In limine litis, sur les exceptions de procédure, la société SAS [CG] [K] demande à cette juridiction de surseoir à statuer dans l'attente d'une réponse du juge administratif aux questions préjudicielles devant lui être transmises. Il est soutenu que la solution du litige dont est saisi le Premier Président dépend d'une décision relevant de la compétence des juridictions administratives dès lors que l'appelante conteste :
- La légalité de certaines décisions d'habilitation des agents de l'administration ayant été autorisés à procéder aux perquisitions en ce qu'elles ont été prises par des autorités incompétentes et ;
- La légalité des arrêtés portant délégation de signature en vertu desquels lesdites décisions d'habilitation ont été prises ;
Il est souligné que si le Premier Président refusait de transmettre les questions préjudicielles soulevées, il sera demandé la nullité immédiate ' c'est-à-dire sans recours au juge administratif ' de l'ordonnance critiquée.
La société appelante rappelle que :
- Selon l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, les agents de l'administration doivent être habilités par le directeur général des finances publiques pour effectuer des visites et saisies domiciliaire ;
- L'article R. 16 B-1 du Livre des procédures fiscales prévoit que l'habilitation susvisée peut être donnée, sur délégation de signature du directeur général des finances publiques, soit par un fonctionnaire de l'administration centrale de la direction générale des finances publiques - (DGFiP), soit par le directeur de la direction nationale d'enquêtes fiscales ou son adjoint.
La société appelante soutient que la régularité d'une décision d'habilitation dépend en effet de la légalité de la délégation de pouvoir en vertu de laquelle elle a été prise. Il est prétendu que la Cour de cassation a ainsi censuré un arrêt de cour d'appel qui n'avait pas répondu au moyen soulevé par le contribuable selon lequel les agents n'étaient pas habilités du fait d'une absence de délégation de signature (Cass. com., 9 juin 2021, n° 19-24.115). Il est ajouté, en se référant à la jurisprudence administrative, que les délégations irrégulières, ainsi que les décisions prises sur le fondement de délégations irrégulières, sont jugées illégales.
La société appelante argue qu'en fait, les irrégularités affectant les décisions d'habilitation des agents de la DNEF et les arrêtés de délégation en vertu desquels elles ont été prises justifieront le transfert de questions préjudicielles ou, à titre subsidiaire, la nullité immédiate de l'ordonnance critiquée.
En l'espèce, la société appelante soutient que l'administration fiscale lui a communiqué les habilitations des agents visés dans l'ordonnance (Pièce n° 22) et que plusieurs d'entre elles sont irrégulières dès lors qu'elles ont été signées par des autorités incompétentes, sur le fondement de délégations de signature illégales, ce qui justifierait le transfert d'une question préjudicielle ou, si le Premier Président refusait de transmettre ladite question, l'annulation immédiate de l'ordonnance contestée.
Il est allégué, à titre d'exemples, que :
- les habilitations données à Messieurs [XW] [V], le 2 septembre 2015, [BK] [J] le 1er septembre 2016, [OT] [ZY] le 1er octobre 2013 ont été signées par Mme [TB] [SR] en sa qualité d'administratrice des finances publiques de la Direction nationale d'enquêtes fiscales ;
- les habilitations données à [AI] [H], [KO] [RV], [VZ] [YX], le 1er septembre 2021, ont été signées par Mme [TB] [SR] en sa qualité de Directrice départementale de la DNEF ;
L'appelante soutient donc que selon l'article R. 16 B-1 du Livre des procédures de la DNEF, seul le directeur ou son adjoint peuvent signer une habilitation au sens de l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales. Elle soutient en outre que le directeur ou son adjoint ne peuvent valablement déléguer leur signature à une autre autorité, dès lors que la loi doit expressément autoriser une telle subdélégation, ce qui n'est pas ici le cas. Elle fait valoir que chacune des habilitations susvisées semble donc avoir été signée par une autorité incompétente, hiérarchiquement inférieure au directeur de la DNEF ou son adjoint. En effet, Mme [TB] [SR] n'est pas directeur de la DNEF, et sa qualité d'adjoint n'est mentionnée sur aucun acte officiel. Dans conditions, les décisions d'habilitation seraient irrégulières.
L'appelante précise que les habilitations susvisées ne sont que des exemples parmi d'autres ; d'autres habilitations du dossier sont irrégulières. En effet, au total, sur 44 habilitations 15 d'entre elles seraient selon l'appelante irrégulières : l'habilitation de Monsieur [XW] [V] du 02.09.2015 ; l'habilitation de Monsieur [AI] [H] du 01.02.2011 ; l'habilitation de Monsieur [BK] [J] du 01.09.2016 ; l'habilitation de Monsieur [OT] [ZY] du 01.10.2013 ; l'habilitation de Monsieur [FJ] [NS] du 02.09.2014 ; l'habilitation de Monsieur [KO] [RV] du 01.09.2011; l'habilitation de Madame [SA] [EN] du 01.09.2011 ; l'habilitation de Monsieur [HL] [YB] du 01.09.2016 ; l'habilitation de Madame [P] [OY] du 01.09.2011 ; l'habilitation de Monsieur [VZ] [YX] du 01.09.2011 ; l'habilitation de Monsieur [MW] [LK] du 01.09.2011 ; l'habilitation de Monsieur [PO] [NX] du 01.09.2011 ; l'habilitation de Madame [DM] [HG] du 14.02.2014 ; l'habilitation de Monsieur [FO] [XR] du 01.09.2011 et l'habilitation de Monsieur [PU] [FE] du 01.09.2016.
Il est ajouté par l'appelante que les arrêtés portant délégation de signature au profit de Mme [SR] ' sur le fondement desquels les habilitations précitées semblent avoir été signées ' qui sont versés aux débats, confirmeraient l'illégalité des décisions d'habilitation en ce qu'ils précisent la qualité des délégataires de signatures, qui ne sont jamais le directeur de la DNEF ou son adjoint :
- l'arrêté du 21 octobre 2009 portant délégation de signature au profit de Mme [TB] [SR] prévoit que « délégation est donnée à M. [T] [JI], chef des services fiscaux, à Mme [TB] [SR], directrice départementale, et à M. [EI] [R], directeur départemental, affectés à la direction nationale d'enquêtes fiscales, à l'effet de signer, au nom du directeur général des finances publiques, les décisions habilitant des agents placés sous leur autorité à effectuer les visites et à procéder aux saisies prévues à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales susvisé. ». (Pièce n° 23)
- l'arrêté du 15 juillet 2013 portant délégation de signature au profit de Mme [TB] [SR] prévoit en son article 2 : « Délégation est donnée à M. [CG] [UT], administrateur général des finances publiques, à M. [EI] [R] et à Mme [TB] [SR], administrateurs des finances publiques, affectés à la direction nationale d'enquêtes fiscales, à l'effet de signer, au nom du directeur général des finances publiques, les décisions habilitant des agents placés sous leur autorité à effectuer les visites et à procéder aux saisies prévues à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales susvisé. » (Pièce n° 24).
- l'arrêté du 7 juillet 2014 portant délégation de signature au profit notamment de Mme [TB] [SR] prévoit en son article 2 : « Délégation est donnée à M. [CG] [UT], administrateur général des finances publiques, à M. [ZC] [B] et Mme [TB] [SR], administrateurs des finances publiques, affectés à la direction nationale d'enquêtes fiscales, à l'effet de signer, au nom du directeur général des finances publiques, les décisions habilitant des agents placés sous leur autorité à effectuer les visites et à procéder aux saisies prévues à l'article L. 16 B du livre des procéduresfiscales susvisé. » (Pièce n° 25).
L'appelante soutient que l'illégalité manifeste tant des décisions d'habilitation que des arrêtés portant délégation de signature imposera le transfert par cette juridiction d'une question préjudicielle au juge administratif, arguant que la difficulté est sérieuse. À défaut de transmission des questions, il est demandé à cette juridiction de prononcer la nullité immédiate de l'ordonnance compte tenu des irrégularités graves affectant la validité de l'acte en application de l'article 114 du Code de procédure civile.
La société appelante considère que l'ordonnance critiquée a expressément autorisé des agents de l'administration fiscale à procéder à des opérations de visite et de saisie sur la base d'habilitations irrégulières signées par des autorités incompétentes. Elle soutient donc que l'ordonnance est ainsi affectée d'irrégularités de forme au sens de l'article 114 du Code de procédure civile lui faisant nécessairement grief, puisque les agents de l'administration ayant effectué les opérations de visite et de saisie ont été habilités à le faire par une autorité qui n'avait pas la compétence pour leur déléguer une telle habilitation.
Dans ses conclusions n° 2 en date déposées le 22 janvier 2024, le Directeur général des finances publiques expose en réplique qu'en l'espèce, sont en cause :
- Une habilitation en date du 1er septembre 2011, signée Madame [SR] en qualité de directrice départementale de la DNEF ;
- Trois habilitations en date des 1er octobre 2013, 2 septembre 2014 et 01 septembre 2016, signées Madame [SR] en qualité d'administratrice des finances publiques de la DNEF et que l'appelante dénonce l'illégalité de ces habilitations qui seraient prises sur le fondement de trois arrêtés eux-mêmes illégaux : l'arrêté du 21 octobre 2009, l'arrêté du 15 juillet 2013, l'arrêté du 07 juillet 2014.
Sur l'argument de l'appelante, s'agissant de la fonction d' « adjoint » de la DNEF mentionnée à l'article R. 16 B-1 du LPF, selon lequel un « directeur départemental » et un « administrateur des finances publiques », signataires des habilitations en cause, seraient des autorités incompétentes, car hiérarchiquement inférieures au directeur de la DNEF ou son adjoint, le Directeur général des finances publiques expose que :
- Ce raisonnement consiste à déduire des seuls grade et corps d'emploi auxquels appartient Mme [SR] son incompétence, non seulement à recevoir délégation de signature en application de l'article R. 16 B-1 du LPF, mais également et surtout à exercer les fonctions d'adjoint au Directeur de la DNEF, service à compétence nationale ;
-Toutefois, s'agissant d'une part, du grade de directeur départemental, il résulte de l'article 5 du décret n° 95866 du 2 août 1995 fixant le statut particulier des personnels de catégorie A des services déconcentrés de la direction générale des impôts, que ce grade permet à son titulaire d'exercer l'une des fonctions suivantes :
1. Il assiste le chef [...] d'un service à compétence nationale dans l'exercice de ses fonctions de responsabilité et de commandement et le représente ou le supplée en tant que de besoin. En cas d'empêchement du chef de service, il peut en assurer l'intérim ;
2. Il peut diriger [...] un service à compétence nationale ;
3. Il peut assumer des responsabilités particulières au sein [...] des services à compétence nationale
[...].
- S'agissant, d'autre part, du corps des administrateurs des finances publiques, il résulte de l'article 2 du décret n° 2009-208 du 20 février 2009 relatif au statut particulier des administrateurs des finances publiques, que ce corps permet à ses membres d' « exercer des fonctions supérieures d'encadrement dans [...] les services à compétence nationale » et « peuvent se voir confier des fonctions de direction auprès des responsables de » ces services.
Il est donc argué que c'est à tort que l'appelante soutient que Mme [SR] a un rang hiérarchique inférieur à celui requis pour exercer les fonctions d'adjoint au directeur de la DNEF. Il est soutenu que les décrets statutaires précités établissent leur appartenance à un corps ou à un grade leur permettant précisément d'exercer une telle fonction auprès du Directeur de la DNEF, direction dans laquelle cette fonctionnaire était affectée.
Le Directeur général des finances publiques soutient qu'il en résulte que les arrêtés en cause par lesquels le directeur général des finances publiques délègue sa signature à un directeur départemental et à une administratrice des finances publiques affectés à la DNEF sont strictement conformes aux dispositions du l'article R. 16 B-1 du LPF autorisant l'octroi d'une délégation de signature à un adjoint du directeur de la DNEF et que, dès lors le moyen, ne saurait donc prospérer.
Sur ce, le magistrat délégué :
L'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa version en vigueur du 01 janvier 2020 au 31 décembre 2023, énonce que :
« I. ' Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des finances publiques, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support.
II. (...) Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite.
L'ordonnance comporte :
a) L'adresse des lieux à visiter ;
b) Le nom et la qualité du fonctionnaire habilité qui a sollicité et obtenu l'autorisation de procéder aux opérations de visite ;
c) (...)
III. ' (..) Les agents de l'administration des impôts mentionnés au I peuvent être assistés d'autres agents des impôts habilités dans les mêmes conditions que les inspecteurs. ».
L'article R. 16 B-1 du Livre des procédures fiscales énonce que : « Pour l'habilitation des agents de la direction générale des finances publiques, mentionnée aux I et III de l'article L. 16 B, le directeur général des finances publiques peut déléguer sa signature à un ou plusieurs fonctionnaires de l'administration centrale de la direction générale des finances publiques ayant au moins le grade d'administrateur civil ou un grade équivalent ou au directeur de la direction nationale d'enquêtes fiscales ou son adjoint. ».
Le texte de l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de PARIS du 29 novembre 2022, se lit comme suit en page 1 : « Vu les articles L 16 B et R 16 B-1 du Livre des Procédures Fiscales,
Vu la requête présentée le 22/11/2022,
Par [LV] [XA], Inspectrice des Finances Publiques, en poste à la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales, [Adresse 10] [Localité 15], en résidence à la Brigade d'Intervention Interrégionale de [Localité 18] [Adresse 1],
Spécialement habilitée par le Directeur général des finances publiques en application des articles L 16 B et R 16 B-l du Livre des Procédures Fiscales, ainsi qu'il résulte de la copie de l'habilitation nominative qui nous a été présentée,
Sollicitant la mise en 'uvre de l'article L 16B du Livre des procédures Fiscales à l'encontre de la société de droit français SAS [CG] [K], venant aux droits et obligations de la société de droit français SAS HFB, précédemment société de droit belge HFB SA, sise [Adresse 6] [Localité 11] (...) ».
En page 13, cette même ordonnance énonce :
« AUTORISONS, conformément aux dispositions de l'article L 16B du Livre des Procédures Fiscales :
- [VZ] [YX], Administrateur des Finances Publiques adjoint, en poste et en résidence à la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales, [Adresse 10] [Localité 15],
- [Z] [T] Inspecteur Principal des Finances Publiques, en poste à la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales, [Adresse 10] [Localité 15], en résidence à la Brigade d'intervention Interrégionale de [Localité 18] [Adresse 1],
- [PO] [NX], Inspecteur Principal des Finances Publiques en poste à la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales, [Adresse 10] [Localité 15], en résidence à la Brigade d'Intervention Interrégionale de [Localité 18] [Adresse 7],
- [CG] [A], [M] [KJ], [JT] [GK], [RP] [O] épouse [HR], Inspecteurs Divisionnaires des Finances Publiques en poste à la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales, [Adresse 10] [Localité 15],
- [WV] [Y], [AI] [H], [FJ] [NS], [KO] [RV], [U] [ED], Inspecteurs des Finances Publiques, tous en poste à la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales, [Adresse 10] [Localité 15], en résidence à la Brigade d'intervention Interrégionale de [Localité 18] [Adresse 1],
- [TS] [F], [HL] [YB], [FO] [XR], [JT] [W], [UN] [VD], Inspecteurs des Finances Publiques, tous en poste à la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales, [Adresse 10] [Localité 15], en résidence à la Brigade d'Intervention Interrégionale de [Localité 18] [Adresse 7],
- [C] [D], [BK] [J], Inspecteurs des Finances Publiques en poste à la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales, en résidence à la Brigade d'Intervention Interrégionale de [Localité 20] Est, [Adresse 10] [Localité 15],
- [BG] [L], [S] [LP], [N] [G], Inspecteurs des Finances Publiques en poste à la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales, en résidence à la Brigade d'Intervention Interrégionale de [Localité 20] Nord, [Adresse 10] [Localité 15],
- [TX] [CU], Inspectrice des Finances Publiques, en poste à la direction nationale d'enquêtes fiscales, [Adresse 10] [Localité 15], en résidence à la Brigade d'Intervention Interrégionale de [Localité 22], [Adresse 2],
- [IS] [I], [UY] [E], [VU] [X], [MR] [KU], [IM] [IH], [WE] [GP], [FO] [ZH], [NM] [UN], Inspecteurs des Finances Publiques, en poste et en résidence à la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales, [Adresse 10] [Localité 15],
Tous agents de la Direction Générale des Finances Publiques et spécialement habilités par le Directeur Général des Finances Publiques en application des dispositions des articles L 16 B et R 16 B-1 du Livre des Procédures Fiscales, et dont les copies des habilitations nominatives nous ont été présentées, (...)
à procéder, conformément aux dispositions de l'article L 16 B, aux visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve des agissements présumés dans les lieux désignés ci-après où des documents et supports d'informations illustrant la fraude présumée sont susceptibles de se trouver, à savoir :
- Locaux et dépendances sis [Adresse 13] [Localité 12] susceptibles d'être occupés par [CG] [K] et/ou [DH] [SW] et/ou la Société civile LES [K]
- Locaux et dépendances sis, [Adresse 4] [Localité 11] (...)
- Locaux et dépendances sis, [Adresse 6] [Localité 11] (...)
- Locaux et dépendances sis [Adresse 5] [Localité 12] (...). ».
L'ordonnance mentionne également à la suite que sont également autorisés à procéder aux visites domiciliaires en assistant les agents susvisés, les contrôleurs principaux ou contrôleurs de finances publiques dont les noms sont énumérés à l'ordonnance.
Les habilitations des agents suivants, inspecteurs ou contrôleurs des finances publiques : Monsieur [XW] [V] du 02.09.2015, Monsieur [AI] [H] du 01.02.2011, Monsieur [BK] [J] du 01.09.2016, Monsieur [OT] [ZY] du 01.10.2013, Monsieur [FJ] [NS] du 02.09.2014, Monsieur [KO] [RV] du 01.09.2011, Madame [SA] [EN] du 01.09.2011, Monsieur [HL] [YB] du 01.09.2016, Madame [P] [OY] du 01.09.2011, Monsieur [VZ] [YX] du 01.09.2011, Monsieur [MW] [LK] du 01.09.2011, Monsieur [PO] [NX] du 01.09.2011, Madame [DM] [HG] du 14.02.2014, Monsieur [FO] [XR] du 01.09.2011 et Monsieur [PU] [FE] du 01.09.2016, versées au dossier, à l'effet de solliciter de l'autorité judiciaire en application de l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales, des mesures de visite et de saisie, découlent d'une décision du Directeur général des finances publiques, au visa des articles L. 16 B et R. 16 B-1 du Livre des procédures fiscales (pièce n° 22 de l'appelante), aux termes de laquelle elles ou ils, Inspecteur des Finances Publiques ou Contrôleurs des Finances Publiques à la Direction nationale d'enquêtes fiscales, sont « habilité(s) à effectuer les visites et à procéder aux saisies prévues à l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales » ; décision signée « Le Directeur général des finances publiques, par délégation, l'Administratrice des finances publiques de la Direction nationale d'enquêtes fiscales, [TB] [SR].» et pour sept habilitations, décision signée « Le Directeur général des finances publiques, par délégation, la Directrice départementale de la Direction nationale d'enquêtes fiscales, [TB] [SR] » (habilitations de MM [RV], [YX], [LK], [NX], [XR] et de Mmes [OY] et [EN]).
L'appelante verse aux débats trois arrêtés portant délégation de signature (direction générale des finances publiques) des 21 octobre 2009, 15 juillet 2013 et 7 juillet 2014, selon lesquels, au visa des articles L. 16 B et R. 16 B-1 du Livre des procédures fiscales, du décret n° 2008-310 du 3 avril 2008 relatif à la direction générale des finances publiques « délégation est donnée à (...) Mme [TB] [SR], directrice départementale ou administrateur des finances publiques (arrêtés de 2013 et 2014), à l'effet de signer, au nom du directeur général des finances publiques, les décisions habilitant des agents placés sous leur autorité à effectuer les visites et à procéder aux saisies prévues à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales susvisé » (pièces n° 23 à 25).
En réplique aux arguments de la société appelante selon lesquels l'article R. 16 B-1 du Livre des procédures fiscales prévoit expressément que seul le directeur général des finances publiques ou son adjoint peuvent signer une habilitation au sens de l'article L. 16 B du même Livre, et que par suite, ce texte ne permettait pas à Madame [TB] [SR], en tant qu'administratrice des finances publiques de la DNEF ou en tant que Directrice départementale de la Direction nationale d'enquêtes fiscales, de donner habilitation à ces agents de l'administration fiscale à l'effet d'effectuer des visites domiciliaires en application du dernier de ces textes, dans ses écritures, le Directeur général des finances publiques se prévaut :
- S'agissant d'une part, du grade de directeur départemental de l'article 5 du décret n° 95866 du 2 août 1995 fixant le statut particulier des personnels de catégorie A des services déconcentrés de la direction générale des impôts, ce grade permettant à son titulaire d'exercer l'une des fonctions suivantes :
1. Il assiste le chef [...] d'un service à compétence nationale dans l'exercice de ses fonctions de responsabilité et de commandement et le représente ou le supplée en tant que de besoin. En cas d'empêchement du chef de service, il peut en assurer l'intérim ;
2. Il peut diriger [...] un service à compétence nationale ;
3. Il peut assumer des responsabilités particulières au sein [...] des services à compétence nationale
[...].
- S'agissant, d'autre part, du corps des administrateurs des finances publiques, de l'article 2 du décret n° 2009-208 du 20 février 2009 relatif au statut particulier des administrateurs des finances publiques, selon lequel ce corps permet à ses membres d' « exercer des fonctions supérieures d'encadrement dans [...] les services à compétence nationale » et « peuvent se voir confier des fonctions de direction auprès des responsables de » ces services.
Le Directeur général des finances publiques soutient donc que les décrets statutaires précités établissent l'appartenance de Mme [SR] à un corps ou à un grade lui permettant d'exercer une fonction d'adjoint auprès du Directeur de la DNEF, direction dans laquelle cette fonctionnaire était affectée.
Toutefois, s'il peut résulter de ces textes que Madame [TB] [SR] appartient à un corps ou à un grade de fonctionnaires lui permettant d'exercer des fonctions d'adjoint du directeur de la Direction nationale d'enquêtes fiscales, il n'est pas contesté qu'elle n'en possède ni le titre, ni n'en exerce les fonctions à titre principal, au regard des documents dont se prévaut l'administration fiscale. Au demeurant, dans d'autres habilitations d'agents des services fiscaux de grade équivalent, à l'effet d'effectuer des visites domiciliaires en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales versées aux débats par la société appelante (pièce n° 22), il apparaît qu'elles ont été signées par délégation du Directeur général des finances publiques, par M. [ON] [JN], « L'administrateur Général des Finances Publiques Chargé de la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales ».
En effet, l'article R. 16 B-1 du livre des procédures fiscales dispose que pour « l'habilitation des agents de la direction générale des finances publiques, mentionnée aux I et III de l'article L. 16 B du même livre, le directeur général des finances publiques peut déléguer sa signature à un ou plusieurs fonctionnaires de l'administration centrale de la direction générale des finances publiques ayant au moins le grade d'administrateur civil ou un grade équivalent ou au directeur de la direction nationale d'enquêtes fiscales ou son adjoint.».
L'article R 16 B-1 du livre des procédures fiscales ne prévoit donc pas que le Directeur général des finances publiques puisse déléguer sa signature, outre au Directeur de la Direction nationale d'enquêtes fiscales, à un fonctionnaire de la direction nationale d'enquêtes fiscales autre que l' « adjoint » du Directeur. Une telle disposition, eu égard aux finalités de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales qu'elle met en 'uvre revêt le caractère d'une formalité substantielle. L'irrégularité ainsi commise dans l'habilitation des agents chargés de diligenter les opérations de visite et de saisie dans les locaux de la société appelante désignés par l'ordonnance d'autorisation fait donc nécessairement grief à cette société, dès lors que les agents ayant procédé auxdites visites domiciliaires ont été habilités par une autorité qui n'avait pas compétence pour ce faire. Ces agents ont donc effectué ces opérations de visite domiciliaire sans habilitation valable.
En effet, selon l'article R 16 B-1 du livre des procédures fiscales ce texte, pris en application de l'article L. 16 B du même livre, qui instaure une procédure judiciaire non contradictoire en première instance visant à autoriser des visites domiciliaires, prévoit ensemble avec l'article législatif, des garanties procédurales essentielles pour le justiciable, dont le strict respect par l'administration contribue à garantir l'équilibre voulu par le législateur entre les nécessités de la lutte contre la fraude fiscale et les droits et libertés affectés par les visites domiciliaires ; dont, au rang de ces garanties, compte tenu de ce caractère exhorbitant et des prérogatives qui leur sont confiées, la procédure d'habilitation des agents chargés des visites domiciliaires par le Directeur général des finances publiques.
Ainsi, selon le Conseil constitutionnel, les dispositions de l'art. L. 16 B assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle garanti par l'art. 66 de la Constitution et des nécessités de la lutte contre la fraude fiscale, et ce, en déterminant de façon satisfaisante le domaine ouvert aux investigations par une définition précise des infractions, en assurant le contrôle effectif par le juge de la nécessité de procéder à chaque visite et en lui donnant les pouvoirs d'en suivre effectivement le cours, de régler les éventuels incidents et, le cas échéant, de mettre fin à la visite à tout moment (Cons. const. 29 déc. 1984, n° 84.184 DC).
Après l'arrêt Ravon c/ France de la Cour européenne des droits de l'Homme, il a été jugé que les dispositions de l'art. L. 16 B, qui organisent le droit de visite des agents de l'administration des impôts et le recours devant le premier président de la cour d'appel, assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle ainsi que du droit d'obtenir un contrôle juridictionnel effectif du déroulement de la visite avec les nécessités de la lutte contre la fraude fiscale, de sorte que l'atteinte au droit au respect de la vie privée et du domicile qui en résulte est proportionnée au but légitime poursuivi ; ainsi, en prévoyant par exemple que la faculté pour le contribuable de faire appel à un conseil de son choix sans l'assortir de la suspension des opérations de visite et de saisie, elles ne contreviennent pas à celles des art. 6, § 1 et 8 CEDH (Com. 8 déc. 2009, Sté Matex ; Com. 9 juin 2015, n° 14-17.039).
Par suite, le moyen selon lequel, les décisions d'habilitation de Monsieur [XW] [V] du 02.09.2015, de Monsieur [AI] [H] du 01.02.2011, de Monsieur [BK] [J] du 01.09.2016, de Monsieur [OT] [ZY] du 01.10.2013, de Monsieur [FJ] [NS] du 02.09.2014, de Monsieur [KO] [RV] du 01.09.2011, de Madame [SA] [EN] du 01.09.2011, de Monsieur [HL] [YB] du 01.09.2016, de Madame [P] [OY] du 01.09.2011, de Monsieur [VZ] [YX] du 01.09.2011, de Monsieur [MW] [LK] du 01.09.2011, de Monsieur [PO] [NX] du 01.09.2011, de Madame [DM] [HG] du 14.02.2014, de Monsieur [FO] [XR] du 01.09.2011 et de Monsieur [PU] [FE] du 01.09.2016, agents de l'administration fiscale autorisés à procéder en l'espèce aux opérations de visite et de saisie diligentées dans les locaux précités n'ayant pas été signées par le directeur de la DNEF ou son adjoint, sont irrégulières, est fondé.
Il a été indiqué que ce non-respect, en l'espèce, des dispositions des articles L. 16 B et R. 16 B-1 en matière d'habilitation des agents de l'administration fiscale autorisés par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris à mettre en 'uvre les opérations de visite et de saisie à l'encontre de la société appelante est de nature à lui faire grief.
L'ordonnance rendue le 29 novembre 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de PARIS autorisant les opérations de visite et de saisie rendue à l'encontre de la société [CG] [K] SAS sera donc annulée.
Par conséquent, comme suite à l'annulation de l'ordonnance d'autorisation, les opérations de visite et de saisie domiciliaires autorisées par cette ordonnance, réalisées le 30 novembre 2022, seront déclarées irrégulières.
Par suite, il n'est pas nécessaire de surseoir à statuer pour poser des questions préjudicielles sur la légalité des actes administratifs au juge administratif.
SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE :
Les circonstances de l'espèce ne justifient pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ni au bénéfice de l'appelante, ni à celui du Directeur général des finances publiques.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Ordonnons la jonction des instances enregistrées sous les numéros de RG 22/20419, 22/20423, 22/20425, 22/20426 et 22/20427 et disons qu'elles se poursuivrons sous le numéro le plus ancien soit le RG 22/20419,
Disons n'y avoir lieu à poser des questions préjudicielles sur la légalité des actes administratifs,
Annulons en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de PARIS en date du 29 novembre 2022, n°de minute 50/2022,
Déclarons irrégulières les opérations de visite et de saisie effectuées dans les locaux sis [Adresse 4] [Localité 11], dans les locaux sis [Adresse 13] [Localité 12] , dans les locaux sis [Adresse 6] [Localité 11], et dans les locaux sis [Adresse 5] [Localité 12] effectuées en exécution de l'Ordonnance rendue le 29 novembre 2022 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS,
Ordonnons la restitution à la société [CG] [K] SAS des éléments saisis lors de ces visites domiciliaires,
Constatons que le désistement du recours formé par M. [CG] [K] et la société [CG] [K] SAS contre les opérations de visite en date du 30 novembre 2022 dans les locaux sis [Adresse 5] [Localité 12] est devenu sans objet,
Rejetons le surplus des demandes,
Condamnons le Directeur général des finances publiques aux dépens.
LE GREFFIER
Véronique COUVET
LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRÉSIDENT
Olivier TELL