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24/07/2024 | FRANCE | N°23/18183

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 24 juillet 2024, 23/18183


Grosses délivrées aux parties le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS









COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 15



ORDONNANCE DU 24 JUILLET 2024



(n°52, 21 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 23/18183 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIQHD



Décision déférée : Ordonnance rendue le 06 novembre 2023 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS



Nature de la décision : Contradic

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Nous, Olivier TELL, Président de chambre à la Cour d'appel de PARIS, délégué par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livr...

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 15

ORDONNANCE DU 24 JUILLET 2024

(n°52, 21 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 23/18183 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIQHD

Décision déférée : Ordonnance rendue le 06 novembre 2023 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de PARIS

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, Olivier TELL, Président de chambre à la Cour d'appel de PARIS, délégué par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

Assisté de Mme Véronique COUVET, greffier présent lors des débats et de la mise à disposition ;

Après avoir appelé à l'audience publique du 29 mai 2024 :

Société KELEOPS AG, société de droit suisse

Prise en la personne du Président de son Conseil d'administration

Elisant domicile au cabinet ADVEN

[Adresse 8]

[Adresse 8]

S.A.S. KELEOPS FRANCE

Prise en la personne de son Président

Elisant domicile au cabinet ADVEN

[Adresse 8]

[Adresse 8]

Madame [B] [S]

Née le [Date naissance 1] 1990 à [Localité 14]

Elisant domicile au cabinet ADVEN

[Adresse 8]

[Adresse 8]

Représentées par Me Ambroise FERRETTI, du cabinet ADVEN AVOCATS, avocat au barreau de STRASBOURG

Assistées de Me Mamadou BARRY substituant Me Ambroise FERRETTI, du cabinet ADVEN AVOCATS, avocat au barreau de STRASBOURG

APPELANTES

et

LA DIRECTION NATIONALE D'ENQUETES FISCALES

[Adresse 10]

[Adresse 10]

Représentée par Me Jean DI FRANCESCO, de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

Assistée de Me Pierre PALMER, de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

INTIMÉE

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 29 mai 2024, l'avocat des appelantes et l'avocat de l'intimée ;

Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 10 juillet 2024 puis prorogé au 24 juillet suivant, pour mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Avons rendu l'ordonnance ci-après :

Le 06 novembre 2023, le juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de PARIS (ci-après ' JLD ') a rendu, en application de l'article L.16 B du livre des procédures fiscales (ci-après LPF), une ordonnance d'autorisation d'opérations de visite et de saisie à l'encontre de la société de droit suisse KELEOPS AG, ayant son siège social c/o CLEOS TREUHAND GmbH, [Adresse 11], Suisse, représentée par son président du conseil d'administration [D] [F], présumée exercer ou avoir exercé une activité de prestations de services dans le secteur de l'informatique en tout ou partie sur le territoire national sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omettrait de passer les écritures comptables correspondantes.

Et ainsi, est présumée s'être soustraite et/ou se soustraire à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les bénéfices, ou des Taxes sur le Chiffre d'Affaires en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code Général des Impôts (articles 54 et 209-1 pour l'IS et 286 pour la TVA).

L'ordonnance du juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de PARIS a autorisé la visite des locaux et dépendances sis :

- [Adresse 6], susceptibles d'être occupés par la SAS KELEOPS FRANCE et/ou la société de droit suisse KELEOPS AG ;

- [Adresse 7], susceptibles d'être occupés par [D] [F] et/ou [B] [S] et/ou l'entreprise individuelle [S] [B] et/ou la SAS KELEOPS FRANCE et/ou la société de droit suisse KELEOPS AG ;

- [Adresse 5], susceptibles d'être occupés par [O] [F] et/ou [UJ] [J], nom d'usage [F], et/ou la société de droit suisse KELEOPS AG.

La requête de l'administration était accompagnée de 78 pièces numérotées de 1-1 à 73.

Par déclaration adressée au greffe de la cour d'appel le 20 novembre 2023, la société de droit suisse KELEOPS AG, la société KELOPS FRANCE et Madame [S] [B] ont interjeté appel de l'ordonnance précitée (RG n° 23/18183).

Il ressortait de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de PARIS précitée, que :

La société de droit suisse KELEOPS AG, créée le 19/06/2014 en Suisse sous le numéro fédéral CHE-367.S91.694 et immatriculée au registre du commerce du canton de Zoug sous le numéro CH-170.3.038.892-9, avec pour adresse de siège social- c/o CLEOS TREUHAND, [Adresse 11] (Pièce 1-1), est dirigée par un conseil d'administration composé de [D] [F], son Président, et de [O] [F], administrateur (Pièces 1-1). [O] [F], né le 28/05/1955 à [Localité 12] est le père de [D] [F], né le 09/03/1988 à [Localité 20] (Pièce 2).

En 2022, la SAS JUST DIGITAL GROUP MEDIA, acquise en 2021 par la société KELEOPS AG a acquis pour 3 700 € les sites internet https://www.01net.com et https://www.telecharger.com auprès de la société NEXT INTERACTIVE. (Pièces 6). Cette acquisition, réalisée sans " appel à la dette ou à des investisseurs externes ", fait porter à 400 millions de personnes le nombre de visiteurs annuels des sites détenus par la société KELEOPS et lui permet de devenir le " leader sur l'information high-tech en France " (Pièces 7 et 8).

Le 19 mai 2023, la SAS JUST DIGITAL GROUP MEDIA a changé sa dénomination sociale en SAS KELEOPS FRANCE (Pièces 9 et 10-1). La SAS KELEOPS FRANCE a pour actionnaires et bénéficiaires effectifs indirects [D] [F] et [O] [F] à hauteur respectivement de 63,64 % et 27,27 % (Pièce 10-2). Sur son site internet https://www.keleops.com/ KELEOPS se définit comme le leader francophone des médiastech grâce à son portefeuille composé de 4 marques emblématiques : presse-citron, Olnet,journal du geek et Iphon (Pièce 11).

Ainsi, la société de droit suisse KELEOPS AG :

- est dirigée par [D] [F] et [O] [F], est présumée être détenue par [D] [F] et [O] [F].

- possède une filiale de droit français, la SAS KELEOPS FRANCE, qui détient les 4 sites internet exploités par le groupe.

Le groupe KELEOPS tire ses revenus de la mise en valeur des sites internet que KELEOPS FRANCE SAS détient (Pièces 7, 11, 12, 13, 14, 15)

La société de droit suisse KELEOPS AG a pour adresse de siège social c/o CLEOS TREUHAND, [Adresse 11] (Pièce 1-1). Le site Internet d'accès public https://orbis.bvdinfo.com indique que 138 sociétés sont [Adresse 11] (Pièce 1-3). La référence " c/o " est une abréviation de l'expression anglaise " care of ", signifiant " aux bons soins de ", utilisée dans le libellé d'une adresse lorsque le destinataire des courriers est distinct de la personne qui les reçoit effectivement (Pièce 16). La société CL EOS TREUHANG AG a pour activité l'exécution d'opérations dans le domaine fiduciaire, en particulier gestion de fortune, de commerce et de biens immobiliers, tenue de la comptabilité et activité de révision ainsi que conseils en tout genre (Pièces 17-1 et 17-2).

La société KELEOPS AG a pour numéro de téléphone 417481060 (Pièce 1-2). La société CLEOS TREUHAND AG a pour numéro de téléphone 417481060 (Pièce 18).

Ainsi, la société de droit suisse KELEOPS AG a son siège social à une adresse regroupant un grand nombre de sociétés dont CLEOS TREUHAND AG, qui reçoit son courrier, qui a une activité dans le domaine comptable notamment et qui dispose du même numéro de téléphone.

Dès lors, il peut être présumé que la société de droit suisse KELEOPS AG a pour siège social une adresse de domiciliation.

Depuis 2014, année de sa création, la société KELEOPS AG dispose d'un salarié selon le site internet d'accès public https://orbis.bdvinfo.com (Pièce 1-1). Des recherches d'offres d'emplois réalisées sur plusieurs sites spécialisés suisses n'ont abouti à aucun résultat (Pièce 19).

Dès lors, il peut être présumé que la société de droit suisse KELEOPS AG dispose de moyens humains et matériels limités à l'adresse de son siège social pour y réaliser l'activité déclarée par le groupe KELEOPS.

[D] [F], Président du conseil d'administration de la société KELEOPS AG indique résider [Adresse 13] en Suisse (Pièces 20 et 21).

La société KELEOPS FRANCE, filiale du groupe KELEOPS AG, occuperait des locaux [Adresse 7] (Pièce 25) depuis 2021. (Pièce 73). [D] [F] détient plusieurs comptes bancaires en France (Pièce 21).

Ainsi, la société KELEOPS FRANCE est présumée mettre à disposition de son dirigeant [D] [F] des locaux d'habitation sis [Adresse 7], laissant présumer une présence sur le territoire national.

Dès lors, il peut être présumé que [D] [F] exerce son rôle de Président du conseil d'administration de la société KELEOPS AG en totalité ou en partie depuis la France, où il dispose à [Localité 16] d'intérêts économiques et familiaux (Pièces 22-1 et 22-2, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30).

[O] [F], administrateur de KELEOPS AG est né le 28/08/1955 à [Localité 12] et indique résider [Adresse 9] en Suisse, avec son épouse [UJ] [J], nom d'usage [F], née le 10/03/1958 à [Localité 20] (Pièces 1-1 et 32). [O] [F] indique sur son profil Linkedln être directeur de KELEOPS AG à [Localité 23] et " travailler avec le PDG et les dirigeants des sociétés affiliées au groupe Keleops afin de mettre en place un modèle opérationnel de premier ordre pour soutenir la croissance rentable de Keleops. " (Pièces 33-1 et 33-2).

[O] [F] est propriétaire d'une maison située [Adresse 4] (Pièce 32). La Poste a indiqué, dans sa réponse du 28/09/2023 à une demande de l'administration, que " [O] " [F] et [UJ] [F] " résident bien au [Adresse 4] et ont une boîte à leurs 2 noms mais ont très peu de courriers " (Pièce 34).

La SCI FAMOUS FIVE (SIREN 509 340 055), sise [Adresse 4], a pour associés [O] [F], son gérant, [UJ] [J], nom d'usage [F], et leurs 3 enfants [G] [F], nom d'usage [A], [D] [F] et [N] [F] (Pièces 2, 20, 35).

[O] [F] est connu de l'IRCEM, Institution de Prévoyance et de Retraite Collective des Employés de Maison, en qualité d'employeur. Il a déposé des déclarations en tant qu'employeur particulier entre le 01/05/2014 et le 30/06/2023 et dispose selon cet organisme d'une adresse [Adresse 4] (Pièce 36).

Groupama GRAND EST assure deux véhicules avec des immatriculations françaises dont le souscripteur est [O] [F], l'adresse connue dans leur base est [Adresse 4] (Pièce 37).

La SCI FAMOUS FIVE possède un appartement au [Adresse 5] (Pièce 20).

Un droit de communication exercé auprès du gestionnaire ENEDIS révèle que [O] [F] est titulaire d'un abonnement EDF au [Adresse 5] depuis le 06/02/2009, le numéro de téléphone renseigné est le [XXXXXXXX02] (Pièce 39).

La ligne téléphonique Orange [XXXXXXXX02] est détenue par [UJ] [F], l'adresse de correspondance est le [Adresse 5] (Pièce 40).

L'interphone présent à l'adresse ci-dessus permet de contacter l'interlocuteur " [F] " (Pièce 41),

Ainsi, [O] [F] dispose d'adresses en France à [Localité 16] et [Localité 19] laissant présumer une présence régulière sur le territoire national.

Dès lors, il peut être présumé que [O] [F] exerce son rôle d'administrateur de la société KELEOPS AG en totalité ou en partie depuis la France.

Selon le site internet https://www.cpa-france.org/ dans sa version datée du 04/12/2021 présente sur le site internet https://web.archive.org, soit 18 mois avant le changement de dénomination de la filiale française JUST DIGITAL GROUP MEDIA en KELEOPS FRANCE en mai 2023 KELEOPS indiquait pouvoir être contactée au [Adresse 6] (Pièces 9 et 42). Selon le site internet https://www.welcometothejungle.com, dans une version datée du 04/04/2023, KELEOPS indique être située " [Adresse 6] " (Pièce 43). Selon les sites internet https://web.archive.org/, qui présente une version antérieure du site internet https://welcometothejungle.com datée du 08/12/2022, KELEOPS indique être située à [Localité 16] (Pièce 44). Selon une constatation visuelle réalisée le 17 janvier 2023 à l'adresse [Adresse 6], soit plusieurs mois avant le changement de dénomination de la société JUST DIGITAL GROUP MEDIA en KELEOPS FRANCE, un panneau a été apposé sur la porte du local occupé par la société JDGM, domiciliée à cette adresse sur lequel apparaît le nom " KELEOPS " ainsi que l'acronyme " JDG MEDIA " (Pièce 41).

KELEOPS FRANCE SAS a son siège social au [Adresse 6] (Pièce 10-1).

Ainsi, il peut être présumé que la société KELEOPS AG dispose de locaux sis [Adresse 6], au lieu du siège social de sa filiale.

Sur le réseau social Linkedln, KELEOPS AG indique le 29/06/2023 avoir 19 salariés, dont 13 situés en France (Pièces 33-1, 45, 46, 47).

Ainsi, la grande majorité des personnes travaillant pour la société de droit suisse KELEOPS AG sont domiciliées en France.

Dans une interview du 26/04/2022 publiée sut le site https://www.keleops.com, il est indiqué qu'[E] [W], Directrice du développement chez KELEOPS, "supervise les opérations spéciales et la gestion des programmes d'affiliation ", notamment TIMEONE GROUP. (Pièce 11). Il ressort d'un droit de communication exercé auprès de TIMEONE PERFORMANCE que cette dernière a versé à la société KELEOPS AG : 502 157 € en 2018, 92 627 € en 2019, 258 005 € en 2020, 516 187 € en 2021, 445 428 € en 2022 (Pièce 48 et Pièce 11).

Ainsi, il apparaît qu'[E] [W], résidente de France, gère des partenariats avec des annonceurs, source de revenus principale de la société KELEOPS AG.

Le 04/04/2023, sur le site internet https://www.welcometothejungle.com, KELEOPS fait mention de 25 collaborateurs, offre divers emplois à [Localité 16] et indique une adresse [Adresse 6], France. II apparaît sur ce site des vidéos sur des personnes qui occupent des fonctions importantes au sein de KELEOPS sur le site parisien dont [X]: chef de rubrique high-tech, [KE] : COO, [E] : directrice commerciale, [P] : rédacteur en chef et responsable marque (Pièce 43).

Ainsi il ressort des éléments précédents que les salariés de KELEOPS FRANCE (anciennement les sociétés JUST DIGITAL GROUP MEDIA et BLOOBOX.NET) semblent également travailler pour le groupe KELEOPS, qui inclut donc la société mère en Suisse, ces salariés exercent leur fonction majoritairement depuis la France et donc qu'une confusion semble régner entre le groupe KELEOPS, la holding KELEOPS AG et la filiale KELEOPS FRANCE (pièce 43, 49 et 50).

La SAS JUST DIGITAL GROUP MEDIA, acquise en 2021 par la société KELEOPS AG a déclaré un chiffre d'affaires de 1 115 713 € pour un déficit de 5 584 € au titre de son exercice clos le 31/12/2021 et de 1 164 910 € pour un déficit' de 508 779 € au titre de son exercice clos le 31/12/2022, des salaires et traitements de 335 037 € pour son exercice clos le 31/12/2021, et de 790 849 € pour son exercice clos le 31/12/2022, des immobilisations corporelles de 6127 € en 2021 et de 231 774 € en 2022 (Pièce 51).

Ainsi, le chiffre d'affaires de la SAS JUST DIGITAL GROUP MEDIA est resté stable entre 2021, année de son acquisition par KELEOPS AG, et 2022, alors même que ses moyens matériels et sa masse salariale ont considérablement augmentés.

Dès lors, il peut être présumé que la société de droit suisse KELEOPS AG dispose en France des moyens humains et matériels de sa filiale, la SAS KELEOPS FRANCE (anciennement SAS JUST DIGITAL GROUP MEDIA) pour y réaliser tout ou partie de son activité.

Le site internet https://www.stuffi.fr, propriété de KELEOPS AG a été créé en 2013 par [D] [F] et [KE] [K], ce dernier étant le responsable de la publication, le webmaster et le créateur du site internet. Rédigé en français, le site traite des objets connectés; les articles font mention de la diffusion des produits en France et indique des prix en euros (Pièce 52).

[KE] [K], né le 05/06/1986 à [Localité 22], déclare résider à [Localité 18]. (Pièce 53). [KE] [K] indique sur son profil Linkedln être " COO chez KELEOPS " (Pièce 45). 15 personnes font ou ont fait partie de l'équipe du site internet et parmi elles, certaines ont pu être identifiées sur le réseau social Linkedln et indiquent sur leur profil comme travaillant en France (Pièces 45 et 52).

Le site internet https://marianne2.fr, détenu par la société KELEOPS AC, a été créé en 2015, rédigé en français. Il s'agit d'une " plateforme d'information relative au monde de la finance et particulièrement de la banque en ligne " qui fait mention du marché de la banque en ligne " en pleine expansion en France ", des " 3,5 millions de clients dans les 6 banques en ligne françaises, du fichage " auprès de la Banque de France ", du fait que Boursorama Banque est la première Banque en ligne en France " (Pièce 54).

Les articles figurant dans les " actualités ", soit 116 pages référencées, ont été rédigés en totalité ou en grande partie par " [I] ", dont la première actualité, datée du 07/02/2016, et la dernière actualité, datée du 13/05/2021. (Pièce 55) Parmi les membres de l'équipe de Stuffi.fr figure [I] [M] (Pièce-52) qui est domicilié à [Localité 21] (Pièce 56).

Le site internet https://efinancier.fr, détenu par la société KELEOPS AG a été créé en 2017 : il s'agit d'une "plateforme d'information relative au monde de la finance et particulièrement de la banque en ligne ". Rédigé en français, il fait mention de " l'épargne solidaire de plus en plus appréciée des français ", du livet A en France, du lancement d'un robot conseiller en France " (Pièce 57).

Les fondateurs sont [D] [F] et [L] [H], né le 16/02/1988 et décédé le 29/07/2019 (Pièces 57, 58, 59, 60). Deux contributeurs sont mentionnés sur le site internet efinancier.fr : [U] [C] et [Y] [T], qui indique être stagiaire à la " fac d'économie de [Localité 17] " (Pièce 57).

Le site internet https://www.macplus.net a pour éditeur la société KELEOPS AG et pour responsable de la publication [KE] [K] et webmaster est [N] [V], qui déclare résider à [Localité 15]. Ce dernier indique sur son profil Linkedln être " Chief Technology Officer at Keleops " à [Localité 15] (Pièces 46, 61, 62). Les articles sont rédigés en français par " iphon.fr ". Le site internet https://www.iphon.fr a pour éditeur la société KELEOPS AG, pour responsable de la publication [KE] [K] (Pièces 61 et 63).

Dès lors, il ressort des éléments précédents que la société de droit suisse KELEOPS AG détient en propre plusieurs sites internet destinés au marché français, dont les principaux contributeurs et/ou fondateurs sur qui reposent chacun de ces sites sont ou étaient des personnes résidant en France.

Selon son profil Linkedln, [KE] [K], COO chez KELEOPS (Ol.net, Journal du Geek, Presse-citron) à [Localité 18], France, fondateur de Stuffi, site pour lequel il a travaillé de janvier 2014 à juin 2018, occupe la fonction de COO : chez KELEOPS AG depuis juillet 2018 ; chez Presse-citron, dans la région de [Localité 15], depuis juillet 2018 ; chez Journal du Geek depuis avril 2021 ; chez 01.net depuis juin 2022. (Pièce 45)

[KE] [K] né le 05/06/1986 à [Localité 22] déclare résider fiscalement [Adresse 3] et percevoir des salaires en provenance de la SASU DO MORE (SIREN : 822 098 067) (Pièce 53).

La SASU DO MORE a pour dirigeant et unique actionnaire [KE] [K]. ElIe a déclaré dans sa liasse relative à l'exercice clos le 30/09/2022 avoir réalisé un chiffre d'affaires de 1 768 871 € dont 1 606 504 € au titre des exportations et livraisons intracommunautaires et avoir un seul salarié.

Dans un article du 16/09/2018, le site internet https://www.lyon-entreprises.com évoque l'acquisition de Presse-Citron par KELEOPS AG. L'article précise que le " groupe s'appuiera sur son partenaire historique DO MORE SAS dirigée par [KE] [K] pour atteindre ses objectifs " (Pièce 4).

Une demande d'extrait de comptes bancaires exercée auprès de la Caisse d'Epargne Loire Drôme Ardèche révèle des flux financiers réguliers entre la SASU DO MORE et KELEOPS AG au titre des années 2021 (3 mois) et 2022 (3 mois). Les relevés révèlent que la SASU DO MORE a perçu de la société KELEOPS AG a minima 1 076 290 € en 2021 et a minima 647 392 € en 2022 (Pièce 67).

Ainsi, la société de droit suisse KELEOPS AG s'appuie sur les compétences de [KE] [K], résident de France, directement et/ou à travers la SASU DO MORE, pour assurer la direction opérationnelle des sites internet à partir desquels la société KELEOPS tire ses revenus (Pièces 4, 53, 64, 65, 66, 67) .

Le site internet https://www.keteops.com a été créé par STUDIO BINGO, studio de création basé à [Localité 16] (Pièce 68) et le développement web est assuré par BLANC TOURNANT (Pièce 11). [R] [Z] est UX writer rédaction de textes pour l'interface utilisateur (UI) de produits numériques afin de créer une meilleure expérience utilisateur ") à [Localité 16]. (Pièces 31 et 72).

Dès lors, la société KELEOPS AG travaille avec des partenaires qui résident en France (Pièces 31, 70, 71 et 72).

Il résulte des éléments précités supra que la société de droit suisse KELEOPS AG :

- qui est située en Suisse à une adresse de domiciliation ;

- dispose en Suisse de moyens humains et matériels limités ;

- est dirigée par un conseil d'administration dont les deux membres, [D] [F] et [O] [F] qui disposent en France d'adresses et/ou d'intérêts économiques substantiels et/ou d'intérêts familiaux ;

- dispose de moyens humains et matériels en France notamment à l'adresse de sa filiale la SAS KELEOPS FRANCE,

est présumée exercer son activité de prestation de services dans le domaine informatique tout ou partie à partir du territoire national.

La société de droit suisse KELEOPS AG n'est pas répertoriée au Compte fiscal des Professionnels, base nationale de la Direction Générale des Finances Publiques des données déclaratives et des paiements des redevables professionnels, sous réserve des données souscrites par voie électronique ou courrier qui ne seraient pas encore prises en compte au 05/10/2023 (Pièce 38).

En conséquence, il peut être présumé que la société de droit suisse KELEOPS AG exerce tout ou partie à partir du territoire national une activité de prestation de services dans le domaine informatique sans souscrire les obligations fiscales y afférentes et ainsi omettrait de passer les écritures comptables correspondantes.

SUR L'APPEL

- Dans leurs conclusions du 15 mai 2024, les appelants demandent à cette juridiction de:

- Dire l'appel de la société KELEOPS AG et KELEOPS FRANCE et de Mme [B] [S] recevable et bien fondé,

En conséquence, infirmer l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Paris le 6 novembre 2023,

et statuant à nouveau,

- Débouter la Direction Nationale des Enquêtes Fiscales de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions et la condamner aux entiers frais et dépens de l'instance, ainsi qu'au paiement d'une somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Le Directeur général des finances publiques demande au Premier Président de :

- Confirmer l'ordonnance du JLD de PARIS du 06 novembre 2023,

- Rejeter toutes demandes, fins et conclusions,

- Condamner l'appelante au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

MOTIVATION

SUR L'APPEL (RG n° 23/18183)

Sur la violation alléguée du RGPD :

- Dans leurs conclusions précitées, auxquelles il sera renvoyé pour de plus amples détails sur l'argumentation soutenue (pages 8 à 13), les appelants soutiennent que le juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Paris a violé l'article 14 du Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données ou " RGPD "). Il est soutenu que ' les juges du fond doivent, dans le cadre de la procédure de l'article L. 16 B du LPF, examiner la question liée à l'obligation de fournir les informations prévues par le RGPD ' selon la jurisprudence de la Cour de cassation ( Cass. com., 1er juin 2023, n° 21-18.558).

Ils font valoir qu'en l'espèce, l'administration fiscale s'est livrée à une importante collecte d'informations et de données issues de recherches sur des bases de données ou de sources d'accès public, tels que des moteurs de recherche et de réseaux professionnels sur les sociétés appelantes. Ils soutiennent que le juge des libertés et de la détention de Paris, destinataire de la requête aurait dû vérifier le respect de la réglementation applicable en matière de RGPD et se prononcer sur les points de savoir si cette collecte d'information relevait de la réglementation RGPD et si des exceptions à cette réglementation pouvaient trouver à s'appliquer. Ils font valoir également en réplique à l'administration fiscale, s'agissant tant de la clause d'exonération de l'article 14§5 que de celle figurant à l'article 23 du RGPD, qu'elles doivent selon la jurisprudence européenne, recevoir une interprétation stricte.

- L'administration fiscale, dans ses écritures (pages 13 à 17), auxquelles il sera renvoyé pour de plus amples détails sur l'argumentation soutenue, rappelle que le RGPD ne couvre pas le traitement des données à caractère personnel qui concernent les personnes morales, ainsi que le précise son considérant n° 14 et réplique qu'elle n'a pas l'obligation de fournir à la personne concernée les informations prévues à l'article 14 de ce règlement si sont réunies les conditions de l'exception prévue au paragraphe 5 de ce texte ou des limitations prévues à l'article 23.

L'Administration fiscale soutient qu'elle est exonérée de son obligation d'information en vertu du b) du paragraphe 5 de l'article 14 du RGPD selon lequel : " b) la fourniture de telles informations se révèle impossible ou exigerait des efforts disproportionnés, en particulier pour le traitement à des fins archivistiques dans l'intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques sous réserve des conditions et garanties visées à l'article 89, paragraphe 1, ou dans la mesure où l'obligation visée au paragraphe 1 du présent article est susceptible de rendre impossible ou de compromettre gravement la réalisation des objectifs dudit traitement ". Elle argue qu'il est évident que lorsque l'Administration fiscale prépare une requête aux fins de solliciter une autorisation pour mener une visite domiciliaire (et collecte ainsi, à cette fin, des données personnelles), il n'est pas question d'avertir les personnes citées dans la requête de la préparation d'une telle opération, au risque d'en compromettre gravement la réalisation.

L'Administration fiscale soutient encore qu'elle est exonérée de son obligation d'information en vertu de l'article 23 du RGPD, dès lors que " le traitement est mis en 'uvre par les administrations publiques qui ont pour mission soit de contrôler ou de recouvrer des impositions soit d'effectuer des contrôles de l'activité de personnes physiques ou morales pouvant donner lieu à la constatation d'une infraction ou d'un manquement, à des amendes administratives ou à des pénalités ", ce qui serait le cas en l'espèce.

Sur ce, le magistrat délégué :

Selon le paragraphe 5 de l'article 14 du Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données ; 'RGPD') relatif aux informations à fournir lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été collectées auprès de la personne concernée, 'les paragraphes 1 à 4 du même article ne s'appliquent pas lorsque et dans la mesure où : b) la fourniture de telles informations se révèle impossible ou exigerait des efforts disproportionnés, (...) ou dans la mesure où l'obligation visée au paragraphe 1 du présent article est susceptible de rendre impossible ou de compromettre gravement la réalisation des objectifs dudit traitement.'

L'article L 16 B du livre des procédures fiscales a pour objectif de rechercher la preuve des agissements selon lesquels un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts.

La réalisation des objectifs poursuivis est atteinte par une décision prise par l'autorité judiciaire, à la demande de l'administration fiscale, qui autorise les agents de l'administration des impôts à effectuer des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support.

Ces visites sont autorisées par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter, rendue non contradictoirement. L'ordonnance est exécutoire au seul vu de la minute et est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite, à l'occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal prévu au IV du même article. L'ordonnance peut faire l'objet d'un appel devant le Premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le juge a autorisé la mesure.

L'objectif poursuivi par l'article L 16 B du livre des procédures fiscles est partant de lutter efficacement contre la fraude fiscale. Cet objectif est confirmé dans l'exposé des motifs du projet de loi de finances rectificative pour 2016 qui énonce que 'la lutte contre la fraude fiscale constitue un objectif majeur pour les pouvoirs publics et la condition de l'efficacité de cette politique réside notamment dans la mise en 'uvre de la procédure de visite et de saisie par l'administration fiscale, codifiée à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales (LPF). La mesure proposée a pour objet d'y apporter des aménagements, aux fins d'en simplifier la réalisation, tout en préservant l'ensemble des droits de la personne visitée. (...)'

('Trois modifications sont ainsi proposées : le recours à une ordonnance unique y compris lorsque les lieux à visiter ressortissent à la compétence de plusieurs juridictions, la simplification de la désignation de l'officier de police judiciaire et la possibilité, en cas d'urgence, d'obtenir une autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention par tout moyen lors de la découverte d'un nouveau lieu à visiter. Ces mesures, inspirées notamment des visites domiciliaires mises en 'uvre par d'autres entités administratives, telles l'Autorité de la concurrence et l'Autorité des marchés financiers, allégeront les travaux préparatoires à la mise en 'uvre de la procédure de visite et de saisie et limiteront le risque de dépérissement des preuves.'.)

Il est également mentionné audit projet de loi, s'agissant de cet objectif de la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales, que pour lutter efficacement contre la fraude, l'administration fiscale a besoin d'accéder rapidement à l'information et que le droit de visite et de saisie, central dans les procédures de contrôle fiscal, sera donc simplifié s'agissant des formalités pour obtenir l'autorisation du juge.

Selon l'article 14, paragraphe 1 du RGPD, lorsque les données à caractère personnel n'ont pas été collectées auprès de la personne concernée, en l'espèce les sociétés appelantes, c'est à ces dernières que le responsable du traitement fournirait toutes les informations visées audit article s'il était applicable.

Dans le moyen développé dans les conclusions des appelants, il est argué que le juge des libertés et de la détention n'a pas vérifié si les dispositions de l'article 14 du RGPD étaient applicables aux pièces présentées de manière licite par l'administration qu'il a présumées être d'origine licite.

Pour les besoins de l'application de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales, la licéité des pièces communiquées au juge des libertés et de la détention doit s'apprécier à la date laquelle ce juge rend son ordonnance.

Ainsi, la clause d'exclusion prévue à l'article 14, paragraphe 5, du RGPD s'applique en l'espèce, dès lors que la communication de l'information prévue au paragraphe 1 du même article à celles-ci avant le déroulement des opérations de visite et saisies induirait un risque de dépérissement, voire de disparition des preuves et, par suite remettrait en cause leur efficacité, pour ne pas dire leur intérêt, qui repose sur l'absence d'information préalable des personnes physiques et morales visées par lesdites visites domiciliaires et, partant, cette communication compromettrait gravement la réalisation de l'objectif poursuivi par l'article L 16 B du livre des procédures fiscales rappelées ci-dessus de lutter efficacement contre la fraude fiscale.

Il n'est par suite pas nécessaire d'examiner les arguments des parties afférents à l'applicabilité à la matière des dispositions des paragraphes 1 et 2 de l'article 23 du RGPD, dès lors que l'application en l'espèce de la clause d'exception prévue au paragraphe 5, de l'article 14 du même règlement suffit à écarter le grief reposant sur le fait que l'ordonnance d'autorisation devrait être annulée faute d'avoir vérifié l'applicabilité du RGPD aux pièces présentées par l'administration fiscale issues de la consultation de bases de données.

Le moyen sera rejeté.

Sur le moyen tiré d'une absence de fraude présumée en l'absence d'activité occulte exercée par la société KELEOPS AG sur le territoire francais

- Les appelants, dans leurs écritures auxquelles il sera renvoyé pour de plus amples détails sur l'argumentation soutenue (conclusions pages 13 à 15), contestent le recours aux dispositions visées à l'article L 16 B du LPF dès lors qu'aucune présomption d'exercice d'une activité occulte par la société KELEOPS AG sur le territoire français ne peut être établie. Les appelants font valoir que la société KELEOPS AG a respecté ses obligations fiscales en Suisse pour son activité et que sa situation ne relèverait pas de la notion d'activité occulte.

- L'administration fiscale rétorque qu'elle n'a nullement contesté que la société KELEOPS AG satisfaisait à ses obligations fiscales en Suisse. Elle rappelle que ce qui était en cause en l'espèce, c'est la présomption d'une activité exercée à partir de la France, où il pouvait être présumé que la société disposait de moyens humains et logistiques alors qu'elle ne paraissait pas disposer de moyens matériels et humains suffisants à l'adresse de son siège. Elle fait valoir que le juge des libertés et de la détention a bien indiqué les éléments lui permettant de présumer que la société ne respectait pas ses obligations comptables en France, dès lors qu'il a relevé l'absence de toute déclaration fiscale relative à son activité. Elle rappelle que la Cour de Cassation a rappelé que pouvaient être relevées des présomptions relevant des articles 1741 ou 1743 du code général des impôts (Cour de Cassation 10/02/98, pourvoi n° 95-30221) et que la discussion de l'existence d'un établissement stable en France relève du contentieux de l'impôt.

Sur ce, le magistrat délégué :

Il convient de rappeler que l'article L.16 B du livre des procédures fiscales n'exige que de simples présomptions de la commission de fraude, en particulier de ce qu'une société étrangère exploiterait un établissement stable en FRANCE en raison de l'activité duquel elle serait soumise aux obligations fiscales et comptables prévues par le code général des impôts en matière d'impôt sur les bénéfices et/ou de taxes sur le chiffre d'affaires (Cass. Com., 15 février 2023, n°20-20.599).

Il convient en outre de rappeler qu'à ce stade de l'enquête fiscale, en application des dispositions de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales, il n'y a pas lieu pour le juge des libertés et de la détention de déterminer si tous les éléments constitutifs des manquements recherchés étaient réunis, notamment l'élément intentionnel, mais, en l'espèce ce juge dans le cadre de ses attributions, ne devait rechercher que s'il existait des présomptions simples des agissements prohibés et recherchés. L'élément intentionnel de la fraude n'a donc pas à être rapporté à ce stade de la procédure (Cass. Com. 7 décembre 2010, n°10-10.923 ; Cass. Com. 15 février 2023, n°21-13.288).

Il est de jurisprudence établie que la discussion sur l'existence d'un établissement stable en France relève du contentieux de l'impôt (Com., 29 juin 2010, pourvoi n° 09-15.706).

Il convient en outre de souligner que, sauf pour les appelants à apporter la preuve de l'illicéité des pièces fournies par l'administration, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, qu'il est de jurisprudence constante qu'en se référant et en analysant les seuls éléments d'information fournis par l'administration, le juge apprécie souverainement l'existence des présomptions de fraude justifiant la mesure autorisée.

Le moyen sera écarté.

Sur le moyen tiré du recours à une procédure exhorbitante du droit commun aux enjeux limités

- Les appelants, dans leurs écritures auxquelles il sera renvoyé pour de plus amples détails sur l'argumentation soutenue (conclusions pages 15 à 16) contestent le recours par l'administration à la procédure exorbitante de droit commun de la visite domiciliaire, eu égard à la prétendue fragilité des éléments qui fondent la présomption de fraude alléguée. Ils soutiennent qu'il est d'usage que l'administration n'engage la procédure exceptionnelle de l'article L 16 B du LPF que pour des affaires portant sur des présomptions de fraudes importantes en volume et d'une gravité significative. Il est argué qu'en matière de TVA, quand bien même le raisonnement de l'administration serait suivi, ce qui est contesté, il ressort clairement des modalités de déclaration de la TVA, que l'État français n'aurait subi dans cette affaire aucun préjudice financier.

- L'administration fiscale rétorque que pour permettre la mise en 'uvre d'une procédure de visite domiciliaire, l'article L 16 B exige seulement l'existence de présomptions de fraude à l'impôt sur le revenu, sur les bénéfices ou à la TVA, par l'un des agissements qu'il prévoit, dont fait partie la présomption de défaut de souscription de déclarations fiscales. L'administration fiscale réplique en outre que la Cour de cassation a également régulièrement jugé que ce texte n'exigeait pas des infractions d'une particulière gravité (Cass. crim., 30 octobre 2002, n° 01-84.960 ; 22 janvier 2003, n° 01-88.657 ; 10 septembre 2003, n° 02-82.999) ; et que le juge n'avait pas à caractériser la mauvaise foi du contribuable (Cass. crim., 8 octobre 2003, n° 02-86.977), que le juge de l'autorisation n'était pas le juge de l'impôt et n'avait pas à rechercher si les infractions étaient caractérisées, mais seulement s'il existait des présomptions de fraude justifiant l'opération sollicitée. Il est également rappelé que la mise en 'uvre des dispositions de l'article L 16 B du LPF constitue un moyen d'investigation destiné à contrôler le respect de la règlementation fiscale française en matière d'assiette et de paiement et que, par suite, n'entre donc pas en ligne de compte à ce stade la circonstance qu'un impôt éventuellement équivalent à celui qui aurait été acquitté en France ait été payé dans un autre pays. Il est souligné que la caractérisation de l'exercice d'une activité en France par la société KELEOPS AG implique le respect des mêmes obligations fiscales en matière de TVA que celles auxquelles sont tenues les sociétés françaises.

Sur ce, le magistrat délégué :

Il convient de rappeler que l'article L.16 B du du livre des procédures fiscales n'exige que de simples présomptions de la commission de fraude, en particulier de ce qu'une société étrangère exploiterait un établissement stable en FRANCE en raison de l'activité duquel elle serait soumise aux obligations fiscales et comptables prévues par le code général des impôts en matière d'impôt sur les bénéfices et/ou de taxes sur le chiffre d'affaires (Cass. Com., 15 février 2023, n°20-20.599).

Il convient en outre de rappeler, comme indiqué précédemment, qu'à ce stade de l'enquête fiscale, en application des dispositions de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales, il n'y a pas lieu pour le juge des libertés et de la détention de déterminer si tous les éléments constitutifs des manquements recherchés étaient réunis, notamment l'élément intentionnel, mais, en l'espèce ce juge dans le cadre de ses attributions, ne devait rechercher que s'il existait des présomptions simples des agissements prohibés et recherchés.

Il convient de rappeler que les dispositions de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales qui énoncent que les agents de l'administration disposent d'un droit de visite et de saisie visent à conforter les présomptions selon lesquelles un contribuable s'est soustrait frauduleusement à l'établissement ou au paiement de l'impôt. Cette mesure, prévue par cette même disposition, est encadrée par des règles de fond et procédurales et, notamment, ces visites sont autorisées par une ordonnance du juge des libertés et de la détention, qui même si rendue non contradictoirement, peut faire l'objet d'un appel devant le Premier président de la cour d'appel, de même que le déroulement des opérations de visite et de saisie. La décision du Premier président de la cour d'appel pouvant faire l'objet d'un pourvoi.

En outre, il est de jurisprudence établie qu'aucun texte n'impose au juge de vérifier si l'administration pouvait recourir à d'autres procédures moins intrusives (Cass. com., 26 octobre 2010, n° 09-70.509). En outre, l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales n'exige pas que les agissements présumés revêtent un caractère de gravité particulière (Cass. crim., 10 septembre 2003, n° 02-82.999).

Il convient de rappeler qu'en exerçant son contrôle in concreto sur le dossier présenté par l'administration fiscale, le juge des libertés et de la détention exerce de fait un contrôle de proportionnalité. En cas de refus, il peut inviter l'administration fiscale à avoir recours à d'autres moyens d'enquête moins intrusifs (droit de communication, vérification de comptabilité...). En autorisant les opérations de visite et de saisie, le juge des libertés et de la détention a entendu accorder à l'administration ces modes d'investigations plus intrusifs en fonction du dossier présenté.

En l'espèce, conformément à la jurisprudence constante, le juge des libertés et de la détention s'est référé, en les analysant, aux éléments d'information fournis par l'administration fiscale et a souverainement apprécié l'existence des présomptions d'agissements frauduleux, visés à l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, justifiant la mesure autorisée.

Le moyen sera rejeté.

Sur la notion d'établissement stable et la question de la convention fiscale franco-suisse

- Les appelants, dans leurs écritures, auxquelles il sera renvoyé pour de plus amples détails sur l'argumentation soutenue (conclusions pages 18 à 24), au visa d'un intitulé 'Concernant l'interprétation de la notion de présomption visée à l'article L 16 B du LPF', en réplique aux arguments de l'administration, sans qu'il soit clairement décelable s'il s'agit de commentaires ou d'un moyen en soi, développent des considérations relatives à l'application de la convention fiscale et à l'existence d'un établissement stable en France qui relèverait de la compétence du juge de l'impôt. Ces sujets seront donc abordés. Il est ainsi souligné que l'arrêt de la Cour de cassation rendu le 30 mai 2012 (n° 11-14.601) cité par l'administration précise que la discussion sur l'application de la convention fiscale franco-suisse ne relève pas du magistrat appelé à se prononcer sur l'autorisation de visite, mais du juge de l'impôt et d'autre part, il ne peut notamment lui être fait grief de s'être référé à la notion interne d'établissement stable pour apprécier la situation d'une société suisse. Toutefois, les appelants considèrent que cet arrêt n'écarte pas la possibilité d'une discussion sur la notion d'établissement stable définie en droit interne. Il est encore soutenu que cette présomption doit s'analyser à minima au regard de la définition de l'établissement stable telle qu'elle ressort des textes nationaux ; l'article 209-1 du CGI définit un établissement stable comme une installation possédant un caractère de permanence. Il est encore argué que c'est bien au travers de cette définition nationale que les appelants contestent l'ordonnance rendue par le juge des libertés du tribunal judiciaire de Paris le 6 novembre 2023, en soulignant l'absence observée de moyens se trouvant en France pour la réalisation de l'activité de la Société et démontrant, par contre, l'existence de moyens matériels et humains présents au Suisse. Il est exposé que leur argumentation repose notamment sur l'absence d'éléments permettant de présumer l'existence en France d'un établissement stable à partir duquel la Société aurait exercé une partie de son activité sur le territoire national, au regard des seuls éléments dont disposait l'administration à l'appui de sa requête. Les appelants indiquent qu'à aucun moment elles n'ont soulevé un quelconque argument conduisant à analyser sur le fond la mise en 'uvre de la convention fiscale franco-suisse, ceci afin d'éviter une double imposition éventuelle.

- L'administration fiscale considère que le moyen des appelantes selon lequel, s'agissant d'une société fiscalement domiciliée en Suisse, il aurait été nécessaire de réunir les éléments constitutifs d'un établissement stable en France, n'est pas fondé. L'administration fiscale rappelle que ni la discussion de l'application d'une convention fiscale ne relève de la compétence du juge de l'impôt, ce que n'est pas le magistrat saisi d'une demande d'autorisation de visite domiciliaire ou le Premier président statuant en appel (30/05/2012 pourvoi 11-14601 ; 26/06/2012 pourvoi 11-21047 publié), ni la discussion de l'existence d'un établissement stable en France qui relève du contentieux de l'impôt. L'administration fiscale considère que l'argument des appelantes selon lequel il appartient au juge de définir les éléments constitutifs d'un établissement stable - sans pour autant le qualifier - et se réfère aux définitions du modèle de convention fiscale de l'OCDE et de l'article 2 de la convention fiscale franco-suisse est sans pertinence ; une société étrangère qui exerce une activité en France pouvant se trouver imposée en France en vertu du principe de territorialité posé par l'article 209-I du CGI.

L'administration fiscale soutient que le juge a bien caractérisé les éléments selon lesquels il pouvait être présumé que la société KELEOPS AG exerçait sur le territoire français une activité taxable sans y respecter ses obligations fiscales.

L'administration fiscale soutient qu'au regard des pièces présentées dans sa requête, le juge qui a pu relever qu'il pouvait être présumé que la société KELEOPS AG qui ne dispose pas en Suisse de moyens matériels et humains suffisants pour exercer son activité économique depuis ce territoire, qui dispose de moyens nécessaires à son activité en France notamment à l'adresse de sa filiale la SAS KELEOPS France et qui est dirigée par un conseil d'administration dont les deux membres disposent en France d'adresses et/ou d'intérêts économiques substantiels et/ou d'intérêts familiaux, a exactement conclu de cet examen qu'il pouvait être présumé que la société KELEOPS AG exerçait sur le territoire français une activité taxable sans y respecter ses obligations fiscales.

Sur ce, le magistrat délégué :

Il convient de rappeler à nouveau que l'article L.16 B du livre des procédures fiscales n'exige que de simples présomptions de la commission de fraude, en particulier de ce qu'une société étrangère exploiterait un établissement stable en FRANCE en raison de l'activité duquel elle serait soumise aux obligations fiscales et comptables prévues par le code général des impôts en matière d'impôt sur les bénéfices et/ou de taxes sur le chiffre d'affaires (Cass. Com., 15 février 2023, n° 20-20.599).

Il convient de rappeler à nouveau qu'il est de jurisprudence établie que la discussion sur l'application d'une convention fiscale entre la France et un autre pays ne relève pas du magistrat appelé à se prononcer sur l'autorisation de visite, mais du juge de l'impôt (Com., 26 juin 2012, pourvoi n° 11-21.047, Bull. 2012, IV, n° 136). De même, la discussion de l'existence d'un établissement stable en France relève du contentieux de l'impôt (Com., 29 juin 2010, pourvoi n° 09-15.706).

Il convient en outre de rappeler, comme indiqué précédemment, qu'à ce stade de l'enquête fiscale, en application des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, il n'y a pas lieu pour le juge des libertés et de la détention de déterminer si tous les éléments constitutifs des manquements recherchés étaient réunis, qu'il s'agisse des éléments matériels ou de l'élément intentionnel, mais, en l'espèce ce juge dans le cadre de ses attributions, ne devait rechercher que s'il existait des présomptions simples des agissements prohibés et recherchés.

Or, l'argumentaire des appelants, à le suivre, aurait conduit le juge des libertés et de la détention, ce qui n'est pas son rôle, ou cette juridiction, ce qui n'entre pas dans ses attributions car elle n'apprécie pas si les éléments constitutifs des infractions, à ce stade encore une fois seulement recherchées, à porter des appréciations de fond sur ces éléments alors que ni le juge des libertés et de la détention, ni le magistrat délégué par le Premier président ne sont les juges de l'impôt.

Le moyen, pris en toutes ces branches, sera écarté.

Sur le bien-fondé des présomptions retenues par le juge des libertés et de la détention:

- Les appelants, dans leurs écritures, auxquelles il sera renvoyé pour de plus amples détails sur l'argumentation soutenue (conclusions pages 24 à 49), contestent la pertinence des différents éléments présentés dans la requête et, partant, l'existence des présomptions retenues par l'ordonnance d'autorisation. Ils soutiennent ainsi :

- qu'il est erroné d'avoir indiqué que la société KELEOPS AG tirait ses revenus de l'exploitation des sites Internet visés à l'ordonnance ; ces revenus sont marginauxcontrairement à l'affirmation de l'administration et, en outre, les sites internet https://www.presse-citron.netthttps://www.iphon.fr, https://www.01 net.com et www.journaldugeek.com sont la propriété de la société KELEOPS AG et non de KELEOPS France (pièces 6 à 8) ;

- que la société KELEOPS AG réalise une partie de son chiffre d'affaires avec des clients établis hors de France (France 25,39 % entre le 01.12.2022 et le 30.11.2023 selon un tableau en page 25) ;

- que la société KELEOPS AG dispose de moyens humains suffisants parce qu'elle a recours à des prestataires situés dans d'autres pays dont 51 % hors de France ; ainsi l'activité principale d'affiliation de la société KELEOPS AG a été développée au cours de 6 premières années (2014 à 2019), par des moyens humains basés en Suisse et notamment par l'intermédiaire de [D] [F] ;

- que la présomption selon laquelle M. [D] [F] et [O] [F] exerceraient en totalité ou pour partie en France, leur fonction, respectivement de Président du Conseil d'administration et d'administrateur de la société KELEOPS AG, est inexacte, [D] et [O] [F] étant résidents suisses et, à cet égard les appelants communiquent divers éléments afin d'en justifier ;

- que la présomption selon laquelle la société KELEOPS AG disposerait de locaux au siège de sa filiale [Adresse 6] est erronée ; l'administration procédant à une confusion volontaire entre les sociétés KELEOS AG et KELEOS France ;

- que la présomption selon laquelle la majorité des personnes travaillant pour la société KELEOPS AG seraient domiciliées en France est inexacte, dès lors que l'administration entretient une confusion volontaire entre les activités des sociétés KELEOPS AG et KELEOPS France ; alors que les deux sociétés ont des activités bien distinctes avec des moyens humains également totalement distincts ; soit que la société KELEOPS AG a pour activité le développement web, l'affiliation et l'acquisition et la société KELEOPS France a pour activité la rédaction web, le display, le brand content ;

- que la présomption relative à la détention de sites Internet destinés au marché français et alimentés par des personnes y contribuant depuis la France, le recours aux services de la SASU DO MORE pour assurer la direction opérationnelle des sites Internet, le recours à des prestataires en France, est également inexacte.

- L'administration fiscale réplique ce qui suit :

- S'agissant de l'affirmation selon laquelle la filiale KELEOPS France détenait les quatre sites internet exploités par le groupe, alors que ces sites seraient détenus par la société suisse KELEOPS AG, il est soutenu que la Cour de cassation subordonne la sanction d'une erreur commise par l'administration à la condition que celle-ci ait été de nature à remettre en cause l'appréciation des éléments de fraude par le Juge (notamment Cass. com. 29/03/2011 pourvoi 10.30002 ; l'administration soutient que tel n'est pas le cas dès lors qu'au contraire, le fait que les sites soient directement détenus par la société KELEOPS AG renforce les présomptions retenues à l'égard de cette société et notamment celle d'une insuffisance de moyens en Suisse au regard de l'activité déployée. Elle soutient encore que ce moyen manque en fait dès lors qu'il a seulement été relevé, au regard des mentions du site internet KELEOPS et d'article de presse que le groupe KELEOPS (et non la société KELEOPS AG) tirait ses revenus des bannières publicitaires, des partenariats avec des marques, du marketing à la performance ;

- S'agissant de l'affirmation selon laquelle la société KELEOPS AG réalise seulement une partie de son chiffre d'affaires avec des clients établis hors de France, l'administration considère que cet argument n'est pas de pertinent dès lors, d'une part, qu'elle n'a soumis au JLD aucune analyse du chiffre d'affaires réalisé en fonction de la nationalité des clients, n'ayant pas cette information et, d'autre part, que la nationalité des clients ne permet aucunement de présumer du lieu d'exercice de l'activité de la société KELEOPS AG ;

- S'agissant du lieu du siège social, l'administration constate que les appelants ne contestent pas les éléments retenus par le JLD, à savoir que la société KELEOPS AG pouvait être présumée domiciliée chez la société CLEOS TREUHANG AG qui lui fournissait des prestations d'expertise comptable : elle argue qu'il est simplement indiqué que la société KELEOPS AG utilisait les locaux privés de Monsieur [D] [F] et [O] [F] ; ce qui n'est pas de nature à remettre en cause la présomption selon laquelle la société KELEOPS AG avait son siège social à une adresse de domiciliation ;

- S'agissant des moyens humains limités en Suisse, l'administration soutient que les éléments retenus par le JLD, à savoir que la société KELEOPS ne dispose que d'un seul salarié, ne sont pas contestés ; les appelants indiquant que l'unique salarié a été M. [O] [F] puis M. [D] [F] ;

L'administration conteste l'argument selon lesquel la société KELEOPS AG disposerait de moyens humains suffisants, dès lors qu'elle fait appel à des prestataires situés dans d'autres pays dont, semble-t-il, 51 % hors de France ; le recours à des prestataires extérieurs situés pour grande partie en France (36 % des dépenses de la société, p.38 conclusions des appelants) dans de telles proportions ferait apparaitre artificielle l'implantation de la société KELEOPS AG en Suisse ;

- S'agissant de la définition de l'activité de la société KELEOPS AG, l'administration observe, contrairement à ce que soutiennent les appelants, que l'activité d'affiliation exercée par la société ne consiste pas uniquement en une activité immatérielle de nature intellectuelle. Elle nécessite de disposer et de développer un réseau d'annonceurs et d'affiliés, de créer des campagnes, de suivre des ventes, des inscriptions, la génération du trafic, d'autant que comme le mentionnent les appelants cette activité est également développée en Allemagne, Italie, Etats-Unis, Royaume-Uni, Espagne et Turquie. L'administration argue que dès lors, il est peu vraisemblable que pour une telle activité, les dirigeants de la société n'aient besoin que de moyens informatiques pour mettre en 'uvre leur savoir-faire.

L'administration souligne qu'ainsi concernant les annonceurs, tels que les banques et les opérateurs du " e-commerce " auxquels s'adresse la société comme le soulignent les appelants, le JLD a retenu dans son ordonnance que la société KELEOPS AG, d'une part, s'appuie sur les compétences de [KE] [K], résident de France, directement et/ou à travers la SASU DO MORE, dont il est le dirigeant et unique actionnaire alors que selon son profil Linkedln, [KE] [K], COO chez KELEOPS, est le fondateur de Stuffi, site pour lequel il a travaillé de janvier-2014 à juin 2018 et site qui compte parmi membre de l'équipe, [I] [M].

L'administration soutient encore que comme relevé par le JLD, [I] [M], aurait rédigé sur le site internet https://marianne2.fr créé en 2015 et détenu par la société KELEOPS AG, le fil des actualités à compter de février 2016. Ce site consistant, d'une part, en une " plateforme d'information relative au monde de la finance et particulièrement de la banque en ligne " qui fait mention du marché de la banque en ligne " en pleine expansion en France ", des " 3,5 millions de clients dans les 6 banques en ligne françaises ", du fichage " auprès de la Banque de France ", du fait que " Boursorama Banque est la première Banque en ligne en France " et, d'autre part, détient le site internet https://efinancier.fr, créé en 2017 et dont un des membres fondateurs, [L] [H], domicilié en France, a travaillé pour la société suisse d'avril 2016 à juin 2018.

L'administration soutient donc que contrairement à ce qu'affirment les appelants, l'activité d'affiliation développée de 2014 à 2019 a bénéficié de moyens matériels et humains présents sur le territoire national, et non uniquement du savoir-faire de son dirigeant [D] [F].

- S'agissant de la présomption retenue par le JLD selon laquelle M. [D] [F] et [O] [F] exerceraient en totalité ou pour partie en France, leurs fonctions et sont résidents suisses, l'administration argue ne n'avoir jamais contesté que Messieurs [F] étaient résidents suisses, ayant d'ailleurs communiqué cette information au JLD ; mais elle indique qu'elle a seulement communiqué des éléments factuels permettant de présumer d'une présence régulière de Messieurs [F] sur le territoire national, présence leur permettant d'exercer leurs fonctions au sein de la société KELEOS AG ;

- s'agissant de la présomption selon laquelle la société KELEOPS AG disposerait de locaux au siège de sa filiale [Adresse 6], l'administration soutient que ce moyen manque en fait. L'administration ajoute que la société française JUST DIGITAL GROUP MEDIA n'a changé de dénomination qu'en mai 2023 pour devenir KELEOPS France ; avant cette date, il pouvait être présumé que la dénomination KELEOPS ne pouvait que renvoyer à la société KELEOPS AG. Elle ajoute que la consultation de plusieurs sites permettait de constater que KELEOPS était indiquée comme étant située [Adresse 6]. Elle soutient qu'aucune confusion n'était opérée entre les deux sociétés dès lors qu'une constatation visuelle réalisée plusieurs mois avant le changement de dénomination de la société JUST DIGITAL GROUP MEDIA mettait en évidence sur un panneau affiché à cette adresse d'une part la mention de KELEOPS et celle de JDG MEDIA.

- S'agissant de la présomption selon laquelle la plupart des personnes travaillant pour la société KELEOPS AG seraient domiciliées en France, l'administration soutient que la distinction opérée par les appelants entre les sociétés, ayant des activités distinctes avec des moyens humains - la société KELEOPS AG aurait pour activité le développement web, l'affiliation et l'acquisition ; la société KELEOPS France aurait pour activité la rédaction web, le display, le brand content - ne ressort nullement des sites internet consultés ni des pièces communiquées. L'administration soutient que le JLD a, au contraire constaté que certaines personnes se déclaraient employées de la société KELEOPS AG alors même qu'elles résidaient en France et a pu, à juste titre considérer qu'il semblait régner une confusion entre le groupe KELEOPS, la holding KELEOPS AG et la filiale KELEOPS FRANCE.

- s'agissant du grief relatif aux éléments retenus par le JLD relatifs à la détention de sites internet destinés au marché français et alimentés par des contributeurs en France, le recours aux services de la SASU DO MORE pour assurer la direction opérationnelle des sites internet, le recours à des prestataires en France, l'administration rappelle que ces éléments ne sont pas contestés dans leur matérialité, il en est seulement contesté la portée ; ces éléments permettant de constater l'existence d'une activité sur le territoire national et de moyens humains et matériels en France.

Sur ce, le magistrat délégué :

Il convient de rappeler que l'article L.16 B du livre des procédures fiscales n'exige que de simples présomptions de la commission de fraude, en particulier de ce qu'une société étrangère exploiterait un établissement stable en FRANCE en raison de l'activité duquel elle serait soumise aux obligations fiscales et comptables prévues par le code général des impôts en matière d'impôt sur les bénéfices et/ou de taxes sur le chiffre d'affaires (Cass. Com., 15 février 2023, n°20-20.599).

Il convient en outre de rappeler qu'à ce stade de l'enquête fiscale, en application des dispositions de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales, il n'y a pas lieu pour le juge des libertés et de la détention de déterminer si tous les éléments constitutifs des manquements recherchés étaient réunis, notamment l'élément intentionnel, mais, en l'espèce ce juge dans le cadre de ses attributions, ne devait rechercher que s'il existait des présomptions simples des agissements prohibés et recherchés. L'élément intentionnel de la fraude n'a donc pas à être rapporté à ce stade de la procédure (Cass. Com. 7 décembre 2010, n°10-10.923 ; Cass. Com. 15 février 2023, n°21-13.288).

Il convient enfin de souligner que, sauf pour les appelants à apporter la preuve de l'illicéité des pièces fournies par l'administration, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, qu'il est de jurisprudence constante qu'en se référant et en analysant les seuls éléments d'information fournis par l'administration, le juge apprécie souverainement l'existence des présomptions de fraude justifiant la mesure autorisée.

En l'espèce, s'agissant des éléments caractérisant l'existence de présomptions d'agissement frauduleux retenus par le juge des libertés et de la détention, la décision d'autorisation querellée mentionne, par une appréciation pertinente des éléments du dossier qui lui a été présenté et que cette juridiction fait sienne que :

La société de droit suisse KELEOPS AG :

- qui est dirigée par [D] [F] et [O] [F], est présumée être détenue par [D] [F] et [O] [F] ;

- qui possède une filiale de droit français, la SAS KELEOPS FRANCE ; qui détient les 4 sites internet exploités par le groupe, dont le développement est réalisé par des moyens situés en France et les activités largement dédiées à ce marché, tel qu'établi par les pièces annexées à la requête dont le contenu est ci-dessus rappelé et auquel il sera référé, nonobstant une erreur sur la propriété de 4 sites Internet qui est sans incidence sur la validité des présomptions résultant de l'ensemble des éléments présentés au juge des libertés et de la détention ;

- qui est situé en Suisse à une adresse de domiciliation et qui dispose en Suisse de moyens humains et matériels limités, tels qu'établis de manière précise par les pièces annexées à la requête, dont le contenu est ci-dessus rappelé et auquel il sera référé ;

- qui est dirigée par un conseil d'administration, dont les deux membres, [D] [F] et [O] [F], disposent en France d'adresses et/ou d'intérêts économiques substantiels et/ou d'intérêts familiaux, tels qu'établis par les pièces annexées à la requête dont le contenu est ci-dessus rappelé et auquel il sera référé, nonobstant les éléments communiqués par les appelants sur leurs attaches matérielles en Suisse ;

- qui dispose ainsi de moyens humains et matériels en France, notamment à l'adresse de sa filiale la SAS KELEOPS FRANCE, tels qu'avérés encore de manière précise selon les pièces annexées à la requête dont le contenu est ci-dessus rappelé et auquel il sera référé, est ainsi présumée exercer son activité de prestation de services dans le domaine informatique tout ou partie à partir du territoire national.

La société de droit suisse KELEOPS AG n'est pas répertoriée au Compte fiscal des Professionnels, base nationale de la Direction Générale des Finances Publiques des données déclaratives et des paiements des redevables professionnels, sous réserve des données souscrites par voie électronique ou courrier qui ne seraient pas encore prises en compte au 05/10/2023 (Pièce 38).

En conséquence, à ce stade préliminaire des investigations de l'administration, tous ces éléments constituent un faisceau d'indices laissant présumer que la société de droit suisse KELEOPS AG exerce tout ou partie à partir du territoire national une activité de prestation de services dans le domaine informatique sans souscrire les obligations fiscales y afférentes et ainsi omettrait de passer les écritures comptables correspondantes.

Et ainsi, est présumée s'être soustraite et/ou se soustraire à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés ou des taxes sur le chiffre d'affaires, en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code Général des Impôts (articles 54 et 209-1 pour l'IS, et 286 pour la TVA).

Les moyens seront rejetés.

Par suite, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Paris du 6 novembre 2023 sera confirmée.

SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE :

Les circonstances de l'espèce justifient qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'administration fiscale, la société de droit suisse KELEOPS AG, la société KELEOPS FRANCE et Mme [B] [S], succombant en leurs demandes. Les appelants seront tenues de payer la somme de 2000 euros à l'administration fiscale au titre de ces dispositions.

L'équité ne commande donc pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice des sociétés appelantes.

SUR LES DÉPENS :

La société de droit suisse KELEOPS AG, la société KELEOPS FRANCE et Mme [B] [S], succombant en leurs prétentions, seront tenues aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 6 novembre 2023 par le juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de PARIS,

Condamnons la société de droit suisse KELEOPS AG, la société KELEOPS FRANCE et Mme [B] [S] à payer à Monsieur le Directeur général des finances publiques la somme de DEUX MILLE EUROS au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejetons le surplus des demandes,

Condamnons la société de droit suisse KELEOPS AG, la société KELEOPS FRANCE et Mme [B] [S] aux dépens.

LE GREFFIER

Véronique COUVET

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

Olivier TELL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 15
Numéro d'arrêt : 23/18183
Date de la décision : 24/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-24;23.18183 ?
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