2ème CH-Section 1
Dossier : 06 / 00870
Nature affaire : Demande d'extension aux dirigeants du redressement ou de la liquidation judiciaire (procédures ouvertes avant le 1er janvier 2006)
Affaire :
Jacques X...
C /
SELARL FRANCOIS Y... ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S. A. OCAI
A R R Ê T
prononcé par Monsieur DARRACQ, Conseiller, en vertu de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile,
assisté de Madame HAUGUEL, Greffier,
à l'audience publique du 1er février 2007 date indiquée à l'issue des débats.
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APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 07 Décembre 2006, devant :
Monsieur DARRACQ, magistrat chargé du rapport,
assisté de HAUGUEL, greffier présent à l'appel des causes,
Monsieur DARRACQ, en application des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame METTAS, Président Monsieur BILLAUD, Conseiller Monsieur DARRACQ, Vice-Président, désigné par ordonnance du 4 septembre 2006
qui en ont délibéré conformément à la loi.
Le Ministère Public a eu connaissance de la procédure le 27 mars 2006. dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur Jacques X... né le 14 Janvier 1961 à PAU (64) de nationalité française... ... 64290 GAN (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2006 / 6588 du 06 / 12 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)
représenté par la S. C. P. F. PIAULT / M. A..., avoués à la Cour assisté de Maître DABADIE, avocat au barreau de PAU
INTIMEE :
SELARL FRANCOIS Y... 16 Rue Tran B. P. 127 64001 PAU Cédex ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S. A. OCAI
représentée par la S. C. P. LONGIN C. ET P., avoués à la Cour
sur appel de la décision en date du 09 JANVIER 2006 rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE PAU
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par jugement en date du 26 juillet 2004, le tribunal de commerce de Pau a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société OCAI, représentée par M. Jacques X..., convertie en liquidation judiciaire par jugement du 23 août 2004.
Relevant à son encontre diverses fautes de gestion, et suivant exploit du 06 septembre 2005, la SELARL François Y..., ès qualités de liquidateur de la société OCAI, a fait assigner M. Jacques X..., " en sa qualité de dirigeant et de mandataire ad hoc de la société OCAI " et Mme Suzanne C..., en qualité de contrôleur à la procédure suivie à l'égard de la société OCAI, aux fins de voir ouvrir à l'encontre du premier, sur le fondement des dispositions de l'article L 624-5 du Code de commerce, une procédure collective.
Par jugement en date du 09 janvier 2006, auquel il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample des faits, de la procédure suivie en première instance, comme des moyens et prétentions initiaux des parties, le tribunal de commerce de Pau, faisant droit à la requête du liquidateur, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire, régie par les dispositions nouvelles de la loi no 2005-845 du 26 juillet 2005, à l'encontre de M. Jacques X... et désigné la SELARL Y... en qualité de liquidateur.
M. Jacques X... a relevé appel de ce jugement, par déclaration reçue au greffe de la Cour le 3 mars 2006, dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas contestées et à l'égard desquelles les seuls éléments portés à la connaissance de la Cour ne font pas ressortir qu'elles seraient contraires à l'ordre public.
Par conclusions déposées le 2 juin 2006, M. Jacques X... a demandé à la Cour d'annuler le jugement entrepris, et de condamner Me Y..., en sa qualité de liquidateur de la société OCAI, à lui payer la somme de 1. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile et aux dépens.
M. Jacques X... soutient que l'article L 624-5 du Code de commerce ayant été abrogé par la loi no 2005-845 du 26 juillet 2005, entrée en vigueur le 1er janvier 2006, le tribunal de commerce ne pouvait statuer en faisant application de ce texte.
Par conclusions déposées le 22 septembre 2006, la SELARL Y..., ès qualités de liquidateur de la société OCAI, a demandé à la Cour de :
- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel formé par M. Jacques X...,
- à tout le moins de débouter M. Jacques X... de ses demandes,
- constater que M. Jacques X... ne conteste pas les fautes de gestion commises par lui et ayant contribué à la cessation des paiements ainsi qu'à l'augmentation du passif,
- infiniment subsidiairement, si la Cour devait réformer le jugement entrepris :
- substituer à la sanction de l'ouverture de la procédure collective sur le fondement de l'article L 624-5 du Code de commerce en sa version antérieure, la sanction de l'imputation à l'encontre de M. Jacques X... de l'obligation aux dettes sociales de la société OCAI par application des dispositions de l'article L 652-1 du Code de commerce issu de la loi du 26 juillet 2005,
- dans cette hypothèse, condamner M. Jacques X... à prendre à sa charge la totalité des dettes de la société OCAI,
- si mieux n'aime la Cour, faire application des dispositions de l'article 1031-1 du Nouveau Code de procédure civile,
- condamner M. Jacques X... au paiement d'une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
- dire que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire, si le jugement dont appel devait être confirmé, et à défaut, condamner M. Jacques X... au paiement de l'ensemble des dépens.
Le liquidateur de la société OCAI fait valoir que :
- si le débiteur en liquidation judiciaire dispose d'un droit propre pour former appel contre le jugement qui a prononcé la liquidation judiciaire, la recevabilité de l'appel est subordonnée à la régularisation de la procédure à l'encontre du liquidateur,
- sur la loi applicable, les débats ayant été clôturés avant le 1er janvier 2006, le tribunal de commerce devait statuer en faisant application des dispositions de l'article L 624-5 ancien du Code de commerce,
- si la Cour devait réformer le jugement entrepris en raison de l'abrogation de ce texte, il conviendrait de substituer à l'action initiale, l'action aux fins de condamnation du dirigeant à supporter tout ou partie des dettes de la société, en application des nouvelles dispositions de l'article L 652-1 du Code de commerce,
- en tout état de cause, certaines fautes de gestion articulées à l'encontre de M. Jacques X... tombent sous le coup tant des dispositions légales anciennes que des dispositions nouvelles :
- poursuite abusive dans un intérêt personnel d'une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale,
- avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles,
- avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale,
- ces fautes ont contribué à la cessation des paiements et à l'augmentation du passif,
- en outre, sous l'empire de l'article L 624-5 du Code de commerce, il est reproché à M. Jacques X... les infractions visées en matière de comptabilité.
L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 14 novembre 2006.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Si la SELARL François Y..., ès qualités de liquidateur de M. Jacques X..., aurait dû être mise en cause dans la présente instance, son absence ne constitue pas un motif d'irrecevabilité de l'appel lui-même ;
Sur l'application de la loi dans le temps, il résulte des dispositions de l'article 2 du Code civil que les lois entrent en vigueur à la date qu'elles fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication ;
Dès lors, la loi nouvelle s'applique en principe aux situations existant lors de son entrée en vigueur, même lorsqu'elles font l'objet d'une instance judiciaire, sous réserve des droits ou situations définitivement acquis sous l'empire de la loi ancienne ;
Par ailleurs, l'article 12 du Nouveau Code de procédure civile impose au juge de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ;
Il s'ensuit que le juge doit soulever d'office l'application nécessaire au litige dont il est saisi de la loi nouvelle entrée en vigueur à la date à laquelle il statue, et rouvrir les débats de ce chef, alors même que les débats auraient été clôturés et l'affaire plaidée sous l'empire de la loi ancienne ;
En l'espèce, il est constant que les nouvelles dispositions relatives aux responsabilités et sanctions des dirigeants sociaux issues de la loi no 2005-845 du 26 juillet 2005, sont entrées en vigueur le 1er janvier 2006 et qu'elles ont implicitement abrogé les dispositions de l'article L 624-5 du Code de commerce sur le fondement desquelles la SELARL François Y..., ès qualités de liquidateur de la société OCAI, avait poursuivi M. Jacques X... ;
En conséquence, à la date de son jugement rendu le 9 janvier 2006, le tribunal de commerce ne pouvait plus faire application des dispositions de l'article L 624-5 du Code de commerce ;
Le moyen d'appel fondé sur l'application erronée d'une règle de droit ne constituant pas une cause de nullité du jugement entrepris mais une cause de réformation, il conviendra d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
S'agissant de la demande de substitution à la sanction abrogée de l'ouverture d'une procédure collective, de celle relative à l'obligation aux dettes sociales prévue par l'article L 652-1 du Code de commerce, il apparaît nécessaire d'ordonner une réouverture des débats quant à l'application de ces nouvelles dispositions, tant en leur principe qu'au regard des conditions de fond qui leurs sont propres, tandis que la SELARL François Y..., ès qualités de liquidateur de la société OCAI, devra alors chiffrer sa demande de condamnation ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
DIT qu'en application des dispositions de l'article 334 du décret du 28 décembre 2005, le greffier de la Cour transmettra dans les 8 jours du prononcé de l'arrêt une copie de celui-ci au greffier du tribunal de commerce de Pau pour l'accomplissement des formalités de publicité prévues à l'article 63,
DIT que l'arrêt sera également notifié aux parties et, par remise contre récépissé, au procureur général,
AVANT DIRE DROIT sur la demande d'application des dispositions de l'article L 652-1 du Code de commerce, ordonne la réouverture des débats et invite en premier lieu la SELARL François Y..., ès qualités de liquidateur de la société OCAI, à conclure au regard des nouvelles conditions juridiques posées par ce texte (analyse des fautes pouvant être retenues et leur lien de causalité avec la cessation des paiements de la personne morale) et à chiffrer sa demande de condamnation pécuniaire,
SURSOIT à statuer sur cette demande,
RENVOIE l'affaire devant le magistrat de la mise en état à la conférence du 20 mars 2007,
RÉSERVE les dépens.