BP/LL
Numéro 07/
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 2
ARRET DU 26 décembre 2007
Dossier : 06/00194
Nature affaire :
Demande en divorce pour faute
Affaire :
Maye Andrée X... épouse Y...
C/
Jacques Y...
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé par Monsieur PIERRE, Président,
en vertu de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile,
assisté de Madame MANAUTE, Greffier,
à l'audience publique du 26 décembre 2007
date à laquelle le délibéré a été prorogé
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience en chambre du conseil tenue le 03 Septembre 2007, devant :
Monsieur PIERRE, Président chargé du rapport
Madame MOLLET, Conseiller
Monsieur CASTAGNE, Conseiller
assistés de Madame MANAUTE, Greffier, présent à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame Z... Andrée X... épouse Y...
née le 18 Avril 1955 à UHART CIZE (64220)
de nationalité Française
...
40220 TARNOS
représentée par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour
assistée de Me Dominique A..., avocat au barreau de DAX
INTIME :
Monsieur Jacques Albert Y...
né le 02 Mai 1949 à LUCEAU (72500)
de nationalité Française
Résidence Lou Cutyot Appt RC 3
...
40510 SEIGNOSSE
représenté par la SCP LONGIN C. ET P., avoués à la Cour
assisté de Me Marie Caroline B..., avocat au barreau de DAX
sur appel de la décision
en date du 16 NOVEMBRE 2005
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DAX
Exposé du litige
Faits et procédure
M. Jacques Y... et Mme Maye X... se sont mariés le 10 août 1985 à Bayonne sans contrat de mariage préalable. De leur union sont nés deux enfants Sylvain
le 5 juillet 1987 à Bayonne et Christelle le 26 septembre 1990 également à Bayonne.
Suivante ordonnance de non conciliation rendue le 11 mars 2004, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Dax a notamment
- autorisé la résidence séparée des époux
- attribué la jouissance du domicile conjugal à Mme X... mais non au titre du devoir de secours
- dit que M. Y... aura la jouissance du studio de Seignosse à partir
du 1er juillet 2004
- dit que l'autorité parentale sur les enfants sera exercée conjointement avec résidence principale chez la mère et organisation du droit de visite et d'hébergement du père
- condamné ce dernier à verser la somme mensuelle de 200 € pour Sylvain et celle de 160 € pour Christelle au titre de sa part contributive à leur entretien et à leur éducation.
Suivant jugement rendu le 16 novembre 2005 et auquel il est renvoyé pour l'exposé des faits et des prétentions initiales des parties, le juge précité, statuant dans le cadre d'une action engagée par Mme X... à l'encontre de M. Y... sur le fondement de l'article 242 du Code civil en prononcé du divorce aux torts exclusifs de ce dernier, a notamment
- prononcé le divorce des époux X...
Y... aux torts exclusifs de M. Y...
- dit que les effets de la liquidation remonteront au 1er juillet 2003
- débouté Mme X... de sa demande en paiement de prestation compensatoire ainsi qu'en paiement de dommages et intérêts
- fixé la résidence de Christelle au domicile de la mère
- condamné le père à verser la somme mensuelle indexée de 200 € pour Sylvain et la somme mensuelle indexée de 160 € pour Christelle au titre de sa contribution à leur entretien et à leur éducation
- débouté Mme X... de sa demande sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
- laissé à la charge de chaque partie ses propres dépens.
Suivant déclaration reçue au greffe de cette Cour le 9 janvier 2006, Mme X... a interjeté appel de cette décision.
Suivant ordonnance rendue le 19 juin 2007 et communiquée aux avoués, la clôture de l'instruction de l'affaire a été déclarée.
Avant l'ouverture des débats, conformément à l'accord des parties et par mention au dossier de l'affaire, l'ordonnance ci-dessus a été révoquée et la clôture reportée au jour de l'audience.
Prétentions des parties
Dans le dernier état de ses conclusions en date du 3 mai 2007, Mme X... demande notamment à la Cour
- de déclarer son appel recevable et bien-fondé
- de prononcer le divorce d'entre les époux Y...
X... aux torts exclusifs
de M. Y...
- de dire que l'autorité parentale sur les enfants communs sera exercée conjointement par les deux parents
- de fixer la résidence de Christelle au domicile de la mère, le droit de visite et d'hébergement du père s'exerçant à la discrétion des parties
- de fixer à 200 € par mois pour Sylvain et à 160 € par mois pour Christelle la part contributive que le père devra verser à la mère pour l'entretien et l'éducation des deux enfants
- de dire et juger que la pension alimentaire sera réglée sous forme de virement automatique
- de dire et juger y avoir lieu à l'octroi en faveur de Mme X... d'une prestation compensatoire sous forme d'attribution préférentielle à titre gratuit de l'immeuble de Tarnos représentant une valeur en capital de 53.400 € de façon à ce qu'elle n'ait à acquitter aucune soulte compensatrice lors des opérations de liquidation et de partage de la communauté à venir
-à titre subsidiaire, de dire et juger y avoir lieu en faveur de Mme X... à attribution préférentielle de l'immeuble de Tarnos
- d'attribuer à Mme X... l'usufruit de l'immeuble commun situé à Tarnos dans des conditions telles que celle-ci n'ait pas à acquitter une soulte compensatrice lors de la liquidation de communauté
-à titre subsidiaire sur la prestation compensatoire d'attribuer Mme X... l'usufruit de l'immeuble situé à Tarnos et de condamner M. Y... à lui payer une prestation compensatoire d'un montant de 53.400 €
- de condamner M. Y... à lui payer la somme de 23.000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266 du Code civil
- de débouter M. Y... de l'intégralité de ses demandes, fins, moyens et conclusions
- de condamner M. Y... au paiement d'une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
- de le condamner aux entrer dépens de première instance et d'appel avec distraction pour ces derniers au profit de la SCP DE GINESTET DUALE LIGNEY qui sera autorisée à en poursuivre le recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Dans le dernier état de ses conclusions en date du 18 avril 2007, M. Jacques Y... demande notamment à la Cour
- d'infirmer la décision entreprise
- de prononcer le divorce d'entre les époux aux torts et griefs réciproques
- de supprimer avec effet rétroactif au 1er juillet 2006 la part contributive due pour Sylvain
- de réduire avec effet rétroactif au 15 avril 2007 à la somme de 80 € le montant mensuel de la part contributive due pour Christelle
- de confirmer la décision entreprise sur l'exercice conjoint de l'autorité parentale avec fixation de la résidence principale au domicile Mme X..., sur le débouté du paiement d'une prestation compensatoire, de dommages et intérêts et d'une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
- de dire que dans les rapports entre époux les effets de la liquidation remonteront à la date de la séparation effective soit le 1er juillet 2003
- de désigner tel notaire qu'il plaira afin de liquider les intérêts des époux
- de condamner Mme X... à lui payer la somme de 23.000 € à titre de dommages et intérêts
- de la condamner à lui payer la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
- de la condamner aux entrer dépens.
Discussion
Sur le prononcé du divorce
Mme X... reproche à son mari d'entretenir une liaison adultère depuis 2001, d'avoir abandonné le domicile conjugal et de s'être soustraite à ses obligations en matière de contribution aux charges du mariage. Pour sa part, M. Y... reproche à son épouse de s'être désintéressée de lui et de l'absence de dialogue entre eux.
L'abandon du domicile conjugal en juin 2003 ainsi que l'existence d'une liaison adultère tout le moins concomitante avec cet abandon ne sont pas plus contestés devant la Cour qu'ils ne l'étaient devant le premier juge aux termes des écritures signifiées
par M. Y.... Ces éléments ont été à juste titre retenus par le premier juge comme constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des obligations du mariage à la charge de M. Y....
Le désintérêt allégué n'est pas davantage démontré devant la Cour qu'il ne l'était devant le premier juge en observant qu'il n'était au mieux que le résultat de la distance prise par M. Y... vis-à-vis de sa femme et de ses enfants par exemple lorsqu'il partait en vélo en fin d'après midi pratiquer ses activités gymniques dans une salle de sport de Capbreton alors qu'il travaillait à Bayonne. C'est donc également à juste titre que le premier juge a constaté l'absence de preuve au soutien des fautes reprochées à Mme X....
En conséquence, le prononcé du divorce des époux X...
Y... aux torts exclusifs de M. Y... est parfaitement fondé. La date du 1er juillet 2003, admises par chacune des parties comme point de départ des effets de la liquidation de leur régime matrimonial, sera en conséquence également retenue.
La décision déférée sera dès lors confirmée de ces chefs
Sur les enfants
Les parties s'accordent sur la fixation de la résidence principale de Christelle chez sa mère et l'organisation d'un droit de visite et d'hébergement à la discrétion des parties compte-tenu de l'âge de Christelle dans sa 18e année.
S'agissant de la contribution paternelle à l'entretien de Christelle et de Sylvain, âgés respectivement de 17 et 20 ans, il convient d'observer que la première est toujours scolarisée et que le second, après des contrats à durée déterminée depuis le 1er juillet 2006 l'autorisant à percevoir 1.200 € par exemple en novembre et décembre 2006, est demandeur d'emploi indemnisé depuis le 19 février 2007 (22,08 € par jour pendant 23 mois).
Mme X..., qui les héberge tous les deux dans l'ancien domicile conjugal pour lequel elle règle l'emprunt immobilier d'environ 106 € par mois, perçoit pour sa part environ
680 € par mois. M. Y... quant à lui perçoit toujours environ 950 € par mois, outre 650 € nets en cas de location mensuelle du studio dont il a la jouissance, et partage les frais de la vie courante avec une tierce personne au domicile de cette dernière, en dépit de ses dénégations contredites par les pièces qu'il produit lui-même (domiciliation compte bancaire, montant de la consommation d'électricité).
En conséquence, d'une part, il y a lieu de supprimer la pension versée pour Sylvain qui ne saurait être considéré encore à charge. Cette suppression prendra cependant effet à compter du prononcé de l'arrêt au regard des frais justifiés que l'entrée dans la vie active de son fils Sylvain n'a pas manqué d'entraîner et auquel son père se doit de participer.
La décision déférée sera infirmée de ce chef.
D'autre part, en l'absence de variations avérées dans la situation des parties, la contribution versée au bénéfice de Christelle sera purement et simplement maintenue.
À cet égard, il y a lieu d'inviter M. Y... à utiliser un moyen de paiement de nature à assurer le versement régulier de la contribution due pour l'entretien et l'éducation de sa fille. Le recours au virement, souhaité par Mme X..., constituerait certainement le moyen le plus approprié pour y parvenir.
La décision déférée sera confirmée de ce chef.
Sur la prestation compensatoire
Le divorce n'étant pas prononcé aux torts exclusifs de Mme X... celle-ci est recevable à solliciter le bénéfice d'une prestation compensatoire dont il convient de rappeler qu'en application des anciens articles 270 et 271 du Code Civil celle-ci est destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respective des époux et qu'elle est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible, le juge prenant notamment en considération l'âge et l'état de santé des époux, la durée du mariage, le temps déjà consacré ou qu'il faudra consacrer à l'éducation des enfants, leur qualification et leur situation professionnelles, leurs droits existants et prévisibles, leur situation respective en matière de pensions de retraite, leur patrimoine, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial.
Le mariage de Mme X..., âgée de 52 ans, et M. Y..., âgé de 58 ans, aura duré environ 22 ans dont 18 de vie commune. Ils ont constitué un patrimoine immobilier constitué de l'immeuble de Tarnos actuellement occupé par la première et du studio de Seignosse dont la jouissance a été attribuée au second, l'un et l'autre ayant perçu la moitié du prix de vente d'un autre studio situé à Capbreton (12.050 € chacun).
La situation financière des parties dont la production parcimonieuse de pièces bancaires ne contribue pas à la rendre limpide s'établit ainsi qu'il suit
Mme X... perçoit environ 680 € par mois au titre de son activité de femme de ménage que sa récente opération de la hanche va probablement rendre plus pénible sans pour autant l'interdire. Ses droits à la retraite seront proportionnels à ses revenus salariaux et par conséquent lui procureront des ressources médiocres Elle occupe l'ancien domicile conjugal dont elle règle l'échéance mensuelle du prêt immobilier contracté pour son achat. Elle a en charge l'enfant Christelle pour laquelle elle perçoit une pension alimentaire mensuelle indexée de 160 €. L'aîné des enfants, Sylvain, vit également chez elle mais n'est plus considéré comme à charge au regard des indemnités dont il bénéficie.
M. Y... perçoit environ 950 € au titre des indemnités ASSEDIC outre 650 € nets en cas de location du studio précité dont la jouissance est cependant limitée à la durée de la procédure de divorce. Il percevra une retraite mensuelle brute de 863 €. Il partage les frais de la vie courante avec sa compagne et verse 160 € par mois au titre de la pension alimentaire due à sa fille Christelle. Il a perçu diverses indemnités en 2004 à la suite de son licenciement outre la moitié du prix de vente du véhicule commun et le solde du compte plan épargne logement de sa fille soit environ 40.000 €.
Il existe ainsi une disparité dans les conditions de vie résultant de la dissolution du mariage qu'il y a lieu de compenser par l'allocation d'une somme en capital de 30.000 €.
La demande d'attribution préférentielle de l'immeuble que ce soit en pleine propriété ou en usufruit, en ce cas augmenté du versement d'un capital, sera en conséquence rejetée pour être disproportionné et déraisonnable avec la réalité de la disparité relevée ainsi qu'avec la valeur réelle de l'immeuble, acquis 122.000 € en 2002.
La décision déférée sera dès lors infirmée de ce chef.
Sur l'application de l'article 266 du Code civil
L'abandon brutal du domicile conjugal par M. Y... pour rejoindre sa compagne actuelle après 18 années de vie commune est constitutif d'un préjudice moral que la somme de 5.000 € suffira à réparer.
La décision déférée sera dès lors infirmée de ce chef.
Sur les dommages et intérêts
M. Y... qui ne rapporte pas la preuve d'un quelconque préjudice résultant de l'exercice par Mme X... de son droit d'agir en justice doit être débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts.
Il sera par conséquent ajouté de ce chef à la décision déférée.
Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile
Il est inéquitable de laisser Mme X... la totalité de ses frais irrépétibles. Il y a lieu de lui allouer de ce chef la somme supplémentaire de 1.500 €.
Sur les dépens
M. Y... succombant principalement supportera les entiers dépens.
Par ces motifs
La cour statuant publiquement après débat en chambre du conseil contradictoirement et en dernier ressort
Déclare recevable l'appel interjeté par Mme Maye X...
Déclare recevable l'appel incident formé par M. Jacques Y...
Infirme partiellement le jugement rendu le 16 novembre 2005 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Dax
Statuant à nouveau
Supprime la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant majeur Sylvain à compter de ce jour
Condamne M. Jacques Y... à payer à Mme Maye X... la somme de 30.000 € en capital à titre de prestation compensatoire
Condamne M. Jacques Y... à payer à Mme Maye X... la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266 du Code civil
Confirme la décision déférée pour le surplus
Y ajoutant
Invite M. Jacques Y... à assurer par tous moyens à sa guise notamment par l'usage du virement bancaire le versement régulier de la contribution mensuelle indexée à l'entretien et à l'éducation de sa fille
Déboute M. Jacques Y... de sa demande en paiement de dommages et intérêts
Condamne M. Jacques Y... à payer à Mme Maye X... la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
Le condamne aux entiers dépens avec distraction pour ceux d'appel au bénéfice de
la SCP DE GINESTET DUALE LIGNEY qui est autorisée à en poursuivre le recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
Paule MANAUTEBernard PIERRE