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12/02/2008 | FRANCE | N°05/02226

France | France, Cour d'appel de Pau, 12 février 2008, 05/02226


RN/PP



Numéro 668/08





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 12/02/08







Dossier : 05/02226





Nature affaire :



Demande en réparation des dommages causés à une

personne par un immeuble

























Affaire :



Suzanne X...


épouse Y...,

Mathieu Y...,

Charlotte Y...




C/



COMMUNE DE

BIARRITZ, GROUPAMA

SOCIETE SAINT PAUL INTERNATIONAL INSURANCE COMPANY LTD

































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS















A R R E T



prononcé par Monsieur NEGRE, Président,

en vertu de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile,



assisté de Madame...

RN/PP

Numéro 668/08

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 12/02/08

Dossier : 05/02226

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés à une

personne par un immeuble

Affaire :

Suzanne X...

épouse Y...,

Mathieu Y...,

Charlotte Y...

C/

COMMUNE DE BIARRITZ, GROUPAMA

SOCIETE SAINT PAUL INTERNATIONAL INSURANCE COMPANY LTD

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé par Monsieur NEGRE, Président,

en vertu de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile,

assisté de Madame PEYRON, Greffier,

à l'audience publique du 12 Février 2008

date à laquelle le délibéré a été prorogé.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 20 Novembre 2007, devant :

Monsieur NEGRE, Président, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile

Monsieur PETRIAT, Conseiller

Madame CARTHE MAZERES, Conseiller

assistés de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Madame Suzanne Monique X... épouse Y...

...

64510 ASSAT

Monsieur Mathieu Roger André Y...

...

64510 ASSAT

Madame Charlotte Marie Odette Y...

...

64510 ASSAT

représentés par la SCP PIAULT / LACRAMPE-CARRAZE, avoués à la Cour

assistés de Me CIVILISE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMEES :

COMMUNE DE BIARRITZ représentée par son Maire domiciliée en cette qualité en l'Hôtel de Ville

Hôtel de Ville

64200 BIARRITZ

représentée par la SCP RODON, avoués à la Cour

assistée de Me B..., avocat au barreau de BAYONNE

GROUPAMA Protection juridique, venant aux droits de la SOCIETE FRANCAISE DE PROTECTION JURIDIQUE

...

75008 PARIS

représentée par la SCP LONGIN, avoués à la Cour

assistée de Me C..., avocat au barreau de BORDEAUX

SOCIETE SAINT PAUL INTERNATIONAL INSURANCE COMPANY LTD

...

75008 PARIS

représentée par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour

assistée de la SCP CASCIO/ORTAL-CASCIO, avocats au barreau de MONTPELLIER

sur appel de la décision

en date du 18 AVRIL 2005

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE

FAITS ET PROCEDURE

Selon acte passé le 30 juin 1983, Monsieur et Madame Y... se sont portés acquéreurs du lot no 8 de l'ensemble immobilier dit "L'Ermitage" ou encore "villa Momber" sis à BIARRITZ, rue des Falaises Beaurivage, cadastré section BR no 110 pour une contenance de 30 ares, moyennant le prix de 100.000 F, soit 15.244,90 €. Ce bien immobilier se trouve à l'extrémité de la colline de Beaurivage, au sommet de la Côte des Basques, séparé de l'océan par la falaise, domaine privé de la COMMUNE DE BIARRITZ.

La COMMUNE DE BIARRITZ a initié une procédure d'expropriation en raison de l'effondrement de la falaise de la Côte des Basques. Par arrêté préfectoral du 21 mars 1996, une enquête publique a été prescrite sur les travaux de sauvegarde et d'aménagement de la Côte des Basques. Par ordonnance du 15 décembre 1999, le Juge de l'expropriation des Pyrénées Atlantiques a déclaré exproprier immédiatement l'immeuble litigieux au profit de la commune, pour cause d'utilité publique, et le 29 novembre 1999, est intervenu l'arrêté de cessibilité concernant le bien acquis par Monsieur et Madame Y.... Par jugement du 13 juin 2000, le Tribunal de Grande Instance de PAU a fixé à la somme de 17.799 F, soit 2.713,44 €, l'indemnité due à ces derniers par la COMMUNE DE BIARRITZ.

Monsieur Y... est décédé le 30 mars 2002, laissant pour lui succéder son épouse ainsi que ses deux enfants, Mathieu et Charlotte Y....

Par acte du 23 septembre 2002, les consorts Y... ont assigné la COMMUNE DE BIARRITZ devant le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE afin de la voir condamner à réparer leur préjudice sur le fondement de l'article 1384, 1er alinéa, du Code Civil.

Ils exposaient :

- qu'ils avaient réalisé leur investissement compte tenu des engagements réitérés de la commune de conforter son domaine privé le long de la Côte des Basques, "du Sunset jusqu'à Marbella",

- qu'en dépit de ces engagements, celle-ci avait laissé la falaise dans un total abandon, aucun travaux de consolidation n'ayant été réalisé dans la zone avant la procédure d'expropriation,

- qu'en 1983 la maison était située très en retrait de la falaise et que si le terrain a connu quelques légers éboulements entre les années 1983 et 1990, ce n'est que postérieurement et parallèlement à la procédure d'expropriation que la situation s'était aggravée, le commissaire du gouvernement ayant noté dans ses conclusions du 23 mars 2000 devant le Juge de l'expropriation que compte tenu de la disparition progressive de la falaise bordant la propriété, il semblait possible d'affirmer que l'immeuble était condamné à un effondrement inéluctable à court ou moyen terme.

Ils faisaient ainsi valoir que l'indemnité d'expropriation avait seulement compensé en 2001 la valeur du bien en l'état où il se trouvait alors, à savoir un appartement dans une résidence fragilisée sur un terrain effondré, et que cette indemnité n'avait donc pas réparé les conséquences dommageables pour eux de l'écroulement de la falaise ni la faute dont s'était rendue coupable la commune en n'entretenant pas son domaine privé.

Par jugement du 18 avril 2005, le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la COMMUNE DE BIARRITZ,

- déclaré recevable l'action exercée par les consorts Y...,

- débouté ces derniers de l'intégralité de leurs demandes,

- mis hors de cause la société GROUPAMA (venant aux droits de la Société Française de Protection juridique) et la société SAINT-PAUL INTERNATIONAL INSURANCE, respectivement assureur "protection juridique" et assureur "responsabilité civile" appelés en garantie par la COMMUNE DE BIARRITZ,

- débouté la COMMUNE DE BIARRITZ de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné solidairement les consorts Y... à verser à la COMMUNE DE BIARRITZ la somme de 1.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens de l'action principale,

- condamné la COMMUNE DE BIARRITZ à verser à la société GROUPAMA et à la société SAINT-PAUL INTERNATIONAL INSURANCE la somme de 500 € chacune en application des mêmes dispositions, outre les dépens de l'action en garantie.

Par déclaration du 22 juin 2005, les consorts Y... ont interjeté appel de ce jugement à l'encontre de la COMMUNE DE BIARRITZ, laquelle, par déclaration du 13 juillet 2005, en a également interjeté appel à l'encontre des appelées en garantie. Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 24 janvier 2006.

Suivant conclusions du 23 mars 2007, les consorts Y... demandent à la Cour :

- de condamner la COMMUNE DE BIARRITZ, sur le fondement de l'article 1384, 1er alinéa, du Code Civil et en tant que de besoin de l'article 1382 du même code, à réparer l'entier préjudice subi par eux du fait de la dépréciation de leur immeuble et de leur préjudice de jouissance,

- en tous les cas, de condamner la COMMUNE DE BIARRITZ à leur payer :

* la somme de 119.245,77 € à titre de dommages et intérêts pour dépréciation de l'immeuble et à titre subsidiaire, celle de 67.412,96 € au titre de la perte du terrain,

* la somme de 30.489,80 € pour préjudice de jouissance,

* la somme de 7.622,45 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- de dire que ces sommes seront assorties des intérêts de droit à compter de l'assignation,

- de statuer ce que de droit sur les mises en cause régularisées par la COMMUNE DE BIARRITZ,

- de débouter la COMMUNE DE BIARRITZ de l'intégralité de ses demandes,

- de la condamner en tous les dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 4.573,47 € toutes taxes comprises au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Suivant conclusions du 14 mai 2007, la COMMUNE DE BIARRITZ demande à la Cour de se déclarer incompétent au profit du Tribunal Administratif de PAU.

A titre subsidiaire, elle lui demande :

- de confirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les demandeurs de toutes leurs prétentions et les a condamnés solidairement aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 1.000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- de le réformer partiellement en ce qu'il n'a pas retenu la protection juridique due par GROUPAMA et l'a condamnée à payer aux assureurs une indemnité au même titre ainsi qu'aux dépens de l'action en garantie,

- de condamner la société GROUPAMA à lui rembourser tous frais et honoraires à sa charge ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'action en garantie engagée par elle, en ce compris les frais et droits de son avoué,

- de condamner solidairement les appelants, sur l'action principale, aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Plus subsidiairement encore, elle demande à la Cour :

- de déclarer recevable et bien fondée l'assignation en intervention forcée délivrée à l'encontre de la société SAINT-PAUL INTERNATIONAL INSURANCE et dans le cas où il serait fait droit à l'action des consorts Y...,

- de condamner sous astreinte ladite société à faire cesser les poursuites contre elle et en tout cas, à la garantir et relever indemne de toutes condamnations,

- de condamner la société GROUPAMA à lui rembourser les frais et honoraires à sa charge,

- de condamner la société GROUPAMA et la société SAINT-PAUL INTERNATIONAL INSURANCE aux dépens ainsi qu'à lui payer une indemnité de 5.000 € chacune sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Suivant conclusions du 24 janvier 2006, la société SAINT-PAUL INTERNATIONAL INSURANCE COMPAGNY LTD demande à la Cour :

A titre principal,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a mise hors de cause et de condamner la COMMUNE DE BIARRITZ à lui verser la somme de 500 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les dépens de l'action en garantie,

- en conséquence, de dire et juger que la COMMUNE DE BIARRITZ connaissait depuis au moins le 6 mai 1989 le caractère inéluctable de l'effondrement de la falaise, que l'événement dommageable était connu de la commune avant la souscription du contrat d'assurance et que la garantie contractuelle ne peut donc s'appliquer.

A titre subsidiaire, elle demande à la Cour :

- de dire et juger que l'indemnité d'expropriation a été fixée à partir d'une évaluation dont la date de référence est celle du 9 avril 1995, soit une date antérieure aux premiers éboulements de la falaise survenus en 1996,

- de dire et juger, en conséquence, que les consorts Y... ne sont pas fondés à se plaindre d'un préjudice de dépréciation résultant de l'effondrement de la falaise et que la dépréciation de leur bien entre la date de leur acquisition et la date d'expropriation résulte de circonstances totalement étrangères à la COMMUNE DE BIARRITZ,

- de débouter la COMMUNE DE BIARRITZ de toutes ses demandes à son encontre, de confirmer purement et simplement le jugement entrepris et de condamner la COMMUNE DE BIARRITZ aux entiers dépens.

Suivant conclusions du 15 février 2006, la société GROUPAMA Protection Juridique demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a mise hors de cause et de condamner la COMMUNE DE BIARRITZ aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 5.000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'instruction de la procédure a été déclarée close par ordonnance du 21 août 2007.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur l'exception d'incompétence :

Attendu que les appelants reprochent à la COMMUNE DE BIARRITZ de ne pas avoir rempli la mission qui lui incombait, de sauvegarde de la falaise appartenant à son domaine privé ; que la cause adéquate invoquée ne concerne pas le chemin communal lui-même affecté par les éboulements et que c'est à la commune de démontrer la domanialité publique de la falaise instrument prétendu du dommage, ce qu'elle ne fait pas, la délibération du conseil municipal du 15 octobre 1969 rappelée dans le jugement entrepris affirmant au contraire son appartenance au domaine privé de la commune ; que c'est donc à juste titre que le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE a retenu sa compétence pour statuer sur l'action en responsabilité intentée ;

Sur la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée :

Attendu que l'arrêt cité du 31 janvier 1991 ayant statué sur la demande d'indemnisation des appelants à l'encontre du vendeur, du notaire et du géomètre pour privation momentanée d'accès régulier à la voie publique, la demande avait une autre cause et concernait des parties différentes, en sorte que la décision invoquée n'a pas autorité de la chose jugée au regard des dispositions de l'article 1351 du Code Civil ;

Qu'il en va de même en ce qui concerne l'arrêt du 2 mars 2000 ayant confirmé une ordonnance de référé qui avait rejeté la demande du syndicat des copropriétaires, la décision rendue en matière de référé n'ayant au demeurant pas, par nature, autorité de la chose jugée au principal ;

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription :

Attendu que la prescription prévue à l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 s'applique aux créances sur l'Etat, les départements et les communes qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ; qu'il est de principe que le point de départ de ce délai est l'année au cours de laquelle la victime était en mesure de découvrir et d'apprécier l'importance du préjudice financier ;

Attendu que le droit à indemnisation des appelants dépendant effectivement de l'issue de l'action engagée sur le fondement de l'article 1384, 1er alinéa, du Code Civil, le premier juge en a exactement déduit que les dispositions susvisées ne sont pas applicables en l'espèce,

Sur le fond du litige :

Attendu, selon les appelants, qu'il appartenait à la COMMUNE DE BIARRITZ, en sa qualité de gardienne de son domaine privé, de procéder à tous les travaux nécessaires pour éviter l'écroulement de la falaise et les conséquences qu'il devait entraîner, que la carence de la commune leur a causé un dommage dont elle doit réparation en vertu des dispositions de l'article 1384, 1er alinéa du Code Civil, et que l'indemnité d'expropriation a seulement compensé, en 2001, la valeur du bien en l'état où il se trouvait à cette date, à savoir un appartement dans une résidence fragilisée du fait de la falaise effondrée ; qu'ils s'estiment ainsi fondés à obtenir des dommages et intérêts du fait de la dépréciation de leur propriété et du préjudice de jouissance subi ;

Qu'ils font valoir, pour critiquer le jugement entrepris, que l'indemnité d'expropriation, fixée en considération de l'état d'effondrement de la falaise ainsi qu'au regard de l'état de l'immeuble, a été réduite du fait de ces deux éléments et que si l'état de l'immeuble a contribué à en réduire la valeur, l'effondrement de la falaise a rendu cette valeur insignifiante ;

Qu'ils sollicitent donc l'indemnisation de la différence entre la valeur de l'immeuble dans l'état où il se trouvait sur une falaise solide et sa valeur au regard du même état mais situé sur une falaise qui s'effondrait, de même que du préjudice résultant de l'expropriation rendue nécessaire du seul fait de l'effondrement de la falaise dont la commune était gardienne, l'expropriation ayant été la conséquence de l'état du terrain et non de l'immeuble ;

Qu'ils s'estiment, en outre, victimes d'un traitement discriminatoire infligé par la commune, celle-ci ayant acquis des époux D... la parcelle 135 résultant de la division du lot no 3 au prix de 193 € le m² ;

Attendu que la COMMUNE DE BIARRITZ fait valoir, quant à elle, que les appelants n'apportent pas la preuve d'un engagement à leur égard concernant des travaux de consolidation de la falaise permettant de sauvegarder la propriété de l'Ermitage, que dès le début des années 1980, les études auxquelles il est fait référence dans les bulletins de la ville montraient que des villas en sommet de falaise seraient expropriées pour destruction, que les problèmes de confortement ont été hiérarchisés en urgence d'intervention et que la preuve d'une faute n'est pas rapportée ;

Que s'agissant de la présomption de responsabilité fondée sur l'article 1384, 1er alinéa, du Code Civil, elle fait valoir que les demandeurs ont la charge de la preuve du lien de causalité entre le fait de la chose et le dommage invoqué et qu'ils n'apportent pas cette preuve ;

Que sur la dépréciation du bien, elle observe que l'ordonnance d'expropriation immédiate datant du 15 décembre 1999, on ne peut retenir le fait de la chose que de 1996 à 1999 et que le bien des appelants ayant été évalué à la date de référence du 9 avril 1995, soit antérieurement aux éboulements survenus, le préjudice de dépréciation n'existe donc pas ;

Qu'elle conclut, enfin, à l'inexistence d'un préjudice de jouissance, les appelants ayant perdu la jouissance paisible de leur lot bien avant la procédure d'expropriation à cause des turpitudes du promoteur immobilier LADAGNOUS qui a été condamné à ce titre ;

Attendu qu'il ressort de l'étude réalisée en septembre 1985 par le Bureau de recherches géologiques et minières :

- que le site de la falaise de la côte des Basques à BIARRITZ était depuis plusieurs décennies le siège de dégradations importantes mettant en péril les propriétés riveraines en raison d'une érosion considérable qui avait atteint 0,40 à 0,80 mètre par an entre 1974 et 1982, la régression du pied de la falaise s'accompagnant d'un recul de toute la hauteur de celle-ci,

- que les différents projets de réaménagement élaborés jusqu'alors n'avaient pu aboutir en raison de leur coût élevé et des souhaits exprimés par la population qui voulait que l'aspect naturel du site soit conservé,

- que la proposition d'intervention proposée en cet état progressait par zones successives commençant par la zone A,

- que le secteur chemin des Falaises Beaurivage - Mombert figurait dans une zone D classée en 5ème urgence, pour laquelle les risques de glissement en masse existaient mais sans péril imminent pour la villa Mombert elle-même ;

- qu'en ce qui concerne cette zone, le traitement minimal de confortement réalisé consistait dans le retalutage des alluvions en tête de falaise avec soutènement au niveau de la copropriété Mombert ;

Attendu qu'en octobre 1995, le dossier de mise à l'enquête publique concernant le projet général de confortement des falaises de la côte des Basques établi par la société d'ingénierie et de conseil du groupe BRGM indiquait : "Pour la Villa Mombert, plus éloignée à l'heure actuelle du bord de la falaise..., ce sont les mêmes motifs qui ont guidé le choix : afin de recréer sur la falaise des Basques un espace végétalisé agréable, il faut éviter au maximum l'édification de murs disgracieux. La destruction de certaines villas permet de reculer la tête de falaise lors du terrassement, d'adoucir le nouveau profil et donc de le végétaliser. Le projet aura, par ailleurs, un impact positif sur la protection foncière en tête de falaise, en particulier sur la propriété Toki-Edera à l'intérêt architectural reconnu. Plus généralement, la rue des Falaises Beaurivage et toutes les propriétés qui la longent, qui pourraient, à terme, être menacées si on laissait reculer la falaise, seront définitivement mises en sécurité ;"

Attendu que la juridiction de l'expropriation a fixé l'indemnité allouée à Monsieur et Madame Y... au regard des caractéristiques suivantes :

- proximité de la falaise inférieure à 5 mètres,

- inscription en zone ND du POS (secteur exposé aux risques de mouvement de sol),

- inconstructibilité du terrain,

- point de vue exceptionnel,

- état aggravé de délabrement du bâti et des lots,

- menace à court et moyen terme d'effondrement du terrain, assiette du bâti ;

Qu'il est précisé dans le jugement du 13 juin 2000 que l'accès au bâti qui se réalisait autrefois par la rue des Falaises Beaurivage n'existe quasiment plus du fait de l'érosion, que seule une voie piétonne non carrossable d'environ 5 mètres de large subsiste en bordure de la falaise (propriété de la commune pour 2,5 mètres et propriété des consorts D... pour les autres 2,5 mètres), sur laquelle il n'a été institué ni par acte authentique, ni par voie judiciaire de servitude de passage et que le bâti doit être juridiquement qualifié d'enclavé ;

Que les dispositions de la zone ND précisaient, en effet, l'inconstructibilité de tout terrain enclavé sauf servitude de passage instituée par acte authentique ou par voie judiciaire, en sorte qu'au vu des prescriptions du POS, la parcelle sur laquelle était édifiée la villa a été évaluée comme partie intégrée du bâti ;

Attendu qu'en application de l'article L 13-15 du Code de l'Expropriation, le bien exproprié a été évalué dans sa consistance un an avant l'ouverture de l'enquête publique, soit en l'espèce le 9 avril 1995 ; que les éboulements qui se sont produits en 1996, puis de manière plus importante en 1999 et encore en 2000 sont donc sans incidence sur le droit à indemnisation des appelants ;

Attendu que l'exposition aux risques de mouvement de sol préexistait à l'acquisition du bien et qu'il n'est justifié d'aucun engagement de la COMMUNE DE BIARRITZ vis-à-vis des acquéreurs ou de leurs prédécesseurs de nature à consolider l'assiette de la parcelle supportant leur lot, les différents projets qui ont pu être présentés avec un tel objectif n'en ayant pas la valeur juridique ;

Attendu, par ailleurs, que les appelants n'apportent pas la preuve de ce qu'antérieurement à la date de référence du 9 avril 1995, le domaine privé de la COMMUNE DE BIARRITZ ait joué un rôle causal dans la dépréciation de leur bien et dans la privation de jouissance de celui-ci, la quasi-disparition de la rue des Falaises Beaurivage n'ayant été constatée que lors du transport sur les lieux du Juge de l'expropriation le 24 mars 2000, alors que des éboulements importants s'étaient produits entre temps ;

Attendu qu'il apparaît qu'en fait, la décision d'expropriation résulte non pas de la carence de la commune dans l'entretien de son domaine privé mais du choix d'un projet de confortement de la falaise de la côte des Basques impliquant la destruction, qui n'était pas inéluctable en l'espèce puisqu'un soutènement au niveau de la copropriété Mombert était envisageable, de certains biens dont celui des appelants, d'où l'expropriation des parcelles nécessaires à la réalisation de l'opération déclarée d'utilité publique par arrêté du 12 juillet 1996 ;

Que, dès lors, l'indemnisation des appelants ne pouvait s'inscrire que dans le cadre de la procédure d'expropriation, les conditions de mise en oeuvre de la présomption de responsabilité prévue par l'article 1384, 1er alinéa, du Code Civil n'étant pas réunies en l'espèce, pas plus que n'est caractérisée l'existence d'une faute de la COMMUNE DE BIARRITZ dans la gestion de son domaine privé ; qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de BAYONNE qui a débouté les appelants de leurs demandes ;

Sur l'appel provoqué de la COMMUNE DE BIARRITZ :

Attendu que la COMMUNE DE BIARRITZ fait valoir que si le premier juge a logiquement écarté la garantie de son assureur en responsabilité civile, la société SAINT-PAUL, il ne pouvait lui refuser celle de la société GROUPAMA, son assureur en protection juridique, dont l'obligation contractuelle consiste en la prise en charge des frais de défense de son assuré ;

Attendu que la société GROUPAMA soutient, au visa des articles L 127-1 du Code des Assurances et 1964 du Code Civil, que la garantie réclamée n'est pas due car, en l'espèce, l'assuré avait connaissance d'une situation litigieuse avant la souscription du contrat ;

Attendu que le contrat de protection juridique liant les parties a été souscrit en date du 30 décembre 1999, à effet du 1er janvier 2000 ; que la déclaration de sinistre du maire de BIARRITZ est du 16 octobre 2002 mais que la société GROUPAMA fait valoir, à juste titre, que les faits à l'origine du litige principal étaient connus de la commune avant la souscription des garanties de protection juridique ; qu'en effet, les éléments de la situation litigieuse se sont révélés dès l'année 1996, en sorte que l'aléa nécessairement constitutif du contrat d'assurance n'existait pas lors de la souscription du contrat ; que le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il a mis hors de cause non seulement la société SAINT-PAUL INTERNATIONAL INSURANCE mais aussi, la société GROUPAMA ;

Sur les dépens et sur les frais non taxables :

Attendu qu'il convient de condamner in solidum les consorts Y... aux dépens de l'appel principal ainsi qu'à payer à la COMMUNE DE BIARRITZ la somme complémentaire de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Qu'il convient, par ailleurs, de condamner la COMMUNE DE BIARRITZ aux dépens de son appel provoqué ainsi qu'à payer à la société GROUPAMA la somme complémentaire de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Reçoit en la forme l'appel principal des consorts Y... et l'appel provoqué de la COMMUNE DE BIARRITZ ;

Les dit mal fondés et confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Condamne in solidum les consorts Y... aux dépens de l'appel principal ainsi qu'à payer à la COMMUNE DE BIARRITZ la somme complémentaire de mille euros (1.000 €) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Condamne la COMMUNE DE BIARRITZ aux dépens de son appel provoqué ainsi qu'à payer à la société GROUPAMA Protection Juridique la somme complémentaire de cinq cents euros (500 €) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Accorde à la SCP RODON, à la SCP LONGIN et à la SCP DE GINESTET - DUALE - LIGNEY, avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Mireille PEYRONRoger NEGRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Numéro d'arrêt : 05/02226
Date de la décision : 12/02/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bayonne


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-02-12;05.02226 ?
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