No 35 / 2008
ARRÊT DU 12 FÉVRIER 2008
X...X... Y...
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre de l'Instruction
Arrêt prononcé en audience publique le 12 FÉVRIER 2008 par Monsieur le Président TREILLES, conformément à l'article 199 alinéa 4 du Code de Procédure Pénale.
PARTIES EN CAUSE :
- LE MINISTÈRE PUBLIC
D'UNE PART
-X...X... Y...alias Conchita, née le 16 Octobre 1966 à BORDEAUX (33000), de nationalité française, domiciliée Chez Madame Z..., Chemin Lasbort à URT (64240)
COMPARANTE
D'AUTRE PART
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats en audience publique le 29 JANVIER 2008 et du délibéré :
Monsieur TREILLES, Président
Madame PONS, Conseiller
Monsieur BILLAUD, Conseiller
* tous trois désignés en application des dispositions de l'article 191 du Code de Procédure Pénale.
Madame GAILHANOU, Greffière lors des débats et du prononcé de l'arrêt,
Monsieur FAISANDIER, Substitut Général lors des débats et du prononcé de l'arrêt.
* * * *
RAPPEL DE LA PROCÉDURE :
Vu le mandat d'arrêt européen émis le 26 Octobre 1995 par les autorités judiciaires espagnoles,
Vu les articles 695-29 à 695-36 du Code de Procédure Pénale,
Vu les réquisitions écrites et signées le 29 Novembre 2007 par Monsieur FAISANDIER, Substitut Général,
Vu l'arrêt de la Chambre de l'instruction en date du 11 Décembre 2007 ordonnant le renvoi de l'examen de l'affaire à une prochaine audience dont la date a été laissée à la diligence du Parquet Général afin de permettre l'intervention d'une personne habilitée par l'Etat espagnol d'émission,
Vu l'avis donné le 12 Décembre 2007 à Conception X...X... et à son conseil de ce que l'affaire serait appelée à l'audience publique de la Chambre de l'Instruction de la Cour d'Appel de PAU du 29 Janvier 2008,
Vu le mémoire complémentaire produit par le conseil de Conception X...X..., déposé le 28 Janvier 2008 à 15 heures 20, au greffe de la Chambre de l'Instruction, visé par le greffier,
* * * *
A l'audience publique du 29 Janvier 2008 ont été entendus :
Monsieur le Président TREILLES en son rapport.
Conception X...X... en ses déclarations.
Monsieur Miguel C...CARBALLO CUERVO, Procureur à l'audience nationale à MADRID, en ses explications- (Madame D..., interprête en langue espagnole inscrite sur la liste des experts de E...d'Appel de PAU étant présente pour l'assister en tant que de besoin).
Monsieur FAISANDIER, Substitut Général, en ses réquisitions.
Maître F..., Avocat à BAYONNE, en sa plaidoirie pour Conception X...X....
Conception X...X... a eu la parole en dernier.
* * * *
AU FOND
La procédure :
Par un arrêt avant dire droit sur le fond du 11 décembre 2007- auquel il convient de se référer en ce qui concerne les faits et la procédure-la Cour d'Appel de céans a autorisé l'Etat d'émission du mandat d'arrêt européen à intervenir à l'audience par l'intermédiaire d'une personne habilitée par ledit Etat.
Suivant un mémoire complémentaire déposé le 28 janvier 2008, soutenu à l'audience, Conception X...X... a sollicité le rejet de la demande de remise formée par les autorités judiciaires espagnoles en exécution du mandat d'arrêt européen.
A l'audience Monsieur Miguel C...CARBALLO CUERVO, Procureur à l'audience nationale d'Espagne mandaté par les autorités judiciaires de cet Etat, a exposé les motifs de la demande de remise de Conception X...X....
Monsieur le Procureur Général, dans la ligne de ses précédentes écritures, a conclu au rejet de la demande présentée par les autorités judiciaires espagnoles.
Les motifs :
Attendu que la maxime " NON BIS IN IDEM ", principe fondamental du droit pénal interdisant à la justice répressive de poursuivre et de condamner deux fois une même personne pour un seul et même fait, trouve son application dans l'article 695-22 2ème du code de procédure pénale qui dispose que le mandat d'arrêt européen doit être refusé si la personne recherchée a fait l'objet, de la part des autorités judiciaires françaises, d'une décision définitive pour les mêmes faits que ceux faisant l'objet dudit mandat, à la condition, en cas de condamnation, que la peine ait été exécutée ou soit en cours d'exécution ;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que par un arrêt définitif du 16 février 2001 la Cour d'Appel de PARIS a condamné Conception X...X... à une peine de 5 ans d'emprisonnement pour des faits qualifiés de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de 10 ans ; que l'intéressée a exécuté la totalité de cette peine ;
Attendu que les faits tels qu'ils sont énoncés par le jugement du Tribunal Correctionnel du 20 juin 2000 puis repris par la Cour d'Appel dans l'arrêt de condamnation susvisé recouvrent précisément et entièrement ceux visés par le mandat d'arrêt européen dont l'exécution est aujourd'hui sollicitée ; qu'au delà de la qualification discutable choisie et retenue par les juridictions françaises ils caractérisent en réalité des actes de complicité de tentative d'assassinat sur la personne du Roi d'Espagne ;
Qu'en effet Conception X...X... a été condamnée par la Cour d'Appel de PARIS et sa remise est aujourd'hui demandée pour avoir, en connaissance de cause, servi d'agent de liaison avec un commando de l'ETA chargé de l'assassinat du Roi d'Espagne et également pour s'être déplacée à PALMA DE G...le 27 juillet 1995 afin de remettre de la part de l'ETA à l'un des membres du commando la somme de 2 millions de pesetas pour financer la réparation d'une avarie affectant le bateau utilisé par les terroristes dans le cadre de leur projet criminel ;
Attendu que les faits pour lesquels Conception X...X... a été condamnée et ceux servant de fondement au mandat d'arrêt européen sont rigoureusement identiques ; que la circonstance qu'ils aient fait l'objet d'une qualification critiquable par la justice française est indifférente puisque seule la matérialité des agissements répréhensibles doit être prise en considération ;
Attendu que les dispositions de la convention de SCHENGEN du 19 janvier 1990 ont un caractère général qui lui confèrent une autorité qui doit céder le pas aux dispositions spéciales régissant le mandat d'arrêt européen ;
Que de manière surabondante il convient de relever que l'article 54 de cette convention dispose qu'une personne qui a déjà été jugée par une partie contractante ne peut, pour les mêmes faits, être poursuivie par une autre partie contractante ;
Qu'il n'y a donc aucune antinomie ou contradiction entre ces deux textes ;
Attendu en conséquence que la demande des autorités judiciaires espagnoles visant à la remise de Conception X...X... en vertu du mandat d'arrêt européen délivré par le juge du Tribunal Central d'Instruction no5 de l'audience nationale à MADRID le 26 octobre 1995 doit être rejetée.
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE DE L'INSTRUCTION DE LA COUR D'APPEL DE PAU,
Vu les articles 695-11 et suivants du code de procédure pénale,
En la forme :
Déclare la procédure régulière et recevable.
Au fond :
Constate que Conception X...X... a été définitivement condamnée en France pour les faits visés par le mandat d'arrêt européen et qu'elle a exécuté sa peine en totalité.
En conséquence :
Rejette la demande de remise fondée par les autorités judiciaires espagnoles en exécution du mandat d'arrêt européen délivré par Monsieur Baltazar H...I..., magistrat juge au Tribunal Central d'Instruction de l'audience nationale à MADRID (Espagne), pour l'exercice de poursuites pénales relatives à des faits présumés d'appartenance à une bande armée et terrorisme commis à PALMA DE G...(Espagne) le 24 juillet 1995.
Ordonne que le présent arrêt soit exécuté à la diligence de Monsieur le Procureur Général.
LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT
M-C. GAILHANOU M. TREILLES