PC / CB
Numéro 1903 / 08
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRET DU 24 / 04 / 08
Dossier : 06 / 00714
Nature affaire :
Demande en bornage ou en clôture
Affaire :
Pierre Charlemagne X...
C /
Christophe Y...
Z...,
Jean Z...,
Laurent Z...,
Anne Marie Z...
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé par Monsieur NEGRE, Président,
en vertu de l'article 452 du Code de Procédure Civile,
assisté de Madame LASSERRE, Greffier,
à l'audience publique du 24 Avril 2008
date à laquelle le délibéré a été prorogé
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 18 Décembre 2007, devant :
Monsieur NEGRE, Président,
Madame RACHOU, Conseiller
Monsieur CASTAGNE, Conseiller, Magistrat chargé du rapport
conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile.
assistés de Madame PEYRON, Greffier, présent à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur Pierre Charlemagne X...
...
03320 A...LEVIS
représenté par la SCP LONGIN, LONGIN-DUPEYRON, MARIOL, avoués à la Cour
assisté de Me B..., avocat au barreau de DAX
INTIMES :
Monsieur Christophe Georges Z...
40630 LUGLON
Monsieur Jean Z...
...
64270 SALIES DE BEARN
Monsieur Laurent Z...
...
64110 ST FAUST
Madame Anne Marie Z...
...
40440 ONDRES
représentés par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour
assistés de Me C..., avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 24 JANVIER 2006
rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE DAX
Selon acte authentique du 9 février 2001, Monsieur Pierre X...a acquis de D...Françoise MARTIN E...Veuve F...un étang dénommé Etang de Maubeig à ONDRES, cadastré Section AK no 30 pour une superficie de 07h 05a 82ca.
Par acte d'Huissier de Justice du 9 avril 2003, Monsieur X...a fait assigner en bornage Monsieur Christophe Z..., Monsieur Jean Z..., Monsieur Laurent Z...et Madame Anne Marie Z...(ci-après les Consorts Z...), propriétaires indivis d'une parcelle cadastrée AL no 18, jouxtant l'étang de Maubeig.
Par jugement du 12 août 2003, le Tribunal d'Instance de DAX a ordonné une expertise judiciaire confiée à Madame Dominique G..., laquelle a déposé le 6 mai 2004 un rapport au terme duquel elle conclut :
- que l'étang et la propriété Z...ont été acquis sur la base cadastrale en l'absence d'aucun autre plan de bornage existant,
- qu'on ne peut sérieusement baser la notion d'étendue de la propriété de l'étang en fonction de la surface recouverte par l'eau, à moins de procéder à des mesures de niveau d'étiage sur une année au moins et de définir la cote moyenne entre les plus hautes et les plus basses eaux,
- que l'expert a alors décidé de prendre la base cadastrale comme élément de mesure permettant de vérifier le périmètre de parcelle puisqu'elle se révèle être la base d'acquisition foncière des deux fonds,
- qu'à cet effet, l'expert a vérifié la contenance cadastrale de la parcelle AL 18 pour rester dans la même logique et ce, à défaut de pouvoir vérifier le périmètre total de l'étang incluant de nombreux riverains non appelés en la cause,
- que cette vérification est graphiquement reportée sur un plan constituant la pièce no 7 du rapport sur lequel figurent également les limites résultant du cadastre actuel et de l'ancien cadastre dont la comparaison au droit de la rive de l'étang révèle une limite différente mais s'équilibrant,
- qu'à l'appui de ce plan on peut constater que la majorité des arbres existants appartiennent au fonds Z...(à l'exception d'un, en limite), que le chalet est bien implanté sur les fonds Z..., en limite du talus existant de la berge et que les Consorts Z...procèdent régulièrement et correctement à l'entretien des berges qui varient en dimension suivant la hauteur d'étiage,
- que s'agissant du droit de pompage, les Consorts Z...semblent avoir le droit de pomper d'autant que cela sert à l'arrosage et que cette eau, par infiltration, rejoint gravitairement l'étang qui lui-même profite lors des abats d'eau liés aux intempéries, des apports d'eau tombant sur le fonds Z..., en pente vers l'étang,
- que sur les photos annexées en pièce 6 on peut constater l'envahissement par la jussie de l'ensemble des berges riveraines de l'étang à l'exception de celle confrontant le fonds Z...,
- qu'il peut être procédé au bornage selon un tracé divisoire reliant les points A à H tels que déterminés sur un plan constituant la pièce no 8 du rapport.
Par jugement du 24 janvier 2006, le Tribunal d'Instance de DAX a :
- débouté les Consorts Z...de leur demande fondée sur la prescription de l'action en bornage,
- homologué le rapport de l'expert judiciaire en ce qu'il fixe la limite théorique entre les deux propriétés,
- dit cependant qu'en application des dispositions des articles 2229 et 2262 du Code Civil, les Consorts Z...ont acquis la propriété de la portion de terre allant de la limite fixée par l'expert à la limite de l'eau, quelle que soit cette limite,
- débouté Monsieur X...de sa demande en bornage,
- condamné Monsieur X...à payer aux Consorts Z...la somme de 700 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamné Monsieur X...aux dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
Monsieur X...a interjeté appel de cette décision selon déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 23 février 2006.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du Magistrat de la Mise en Etat du 16 octobre 2007.
Dans le dernier état de ses conclusions déposées le 21 août 2007, Monsieur X...demande à la Cour, réformant le jugement déféré :
- d'ordonner le bornage des parcelles litigieuses conformément à la proposition figurant en annexe 8 du rapport d'expertise judiciaire,
- de dire que les Consorts Z...n'ont aucun droit de pompage de l'eau dans l'étang, propriété de l'appelant,
- de condamner solidairement les Consorts Z...à lui payer la somme de 1 500 € à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice résultant de l'abattage d'arbres situés sur son fonds,
- de condamner solidairement les Consorts Z...à lui payer la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens, avec autorisation pour la S. C. P. LONGIN, Avoués à la Cour, de procéder au recouvrement des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile
Au soutien de ses prétentions, Monsieur X...expose en substance :
- que la solution retenue par le premier juge n'est satisfaisante pour aucune des parties en ce qu'elle fixe une ligne divisoire nécessairement fluctuante et incertaine,
- que les Consorts Z...dont le titre d'acquisition ne précise pas que leur parcelle est limitrophe de l'étang ne rapportent pas la preuve de l'acquisition par prescription de la bande de terre séparant la ligne divisoire fixée par l'expert et la rive de l'étang,
- que les Consorts Z...n'ont en effet jusqu'alors bénéficié que de simples tolérances non créatrices de droit, les actes de possession qu'ils invoquent ayant par ailleurs été contestés par les propriétaires successifs de l'étang,
- que les Consorts Z...ne rapportent pas la preuve de l'existence d'un droit d'usage ou de servitude leur conférant accès à la rive de l'étang,
- qu'il n'y a pas lieu d'appeler en la cause l'ensemble des propriétaires riverains de l'étang.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 26 juin 2007, les Consorts Z..., formant appel incident, demandent à la Cour :
- à titre principal, de dire que l'action intentée par Monsieur X...est prescrite,
- à titre subsidiaire, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner Monsieur X...à leur payer les sommes de 2000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 1500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens avec autorisation pour la S. C. P. de GINESTET-DUALE-LIGNEY, Avoués à la Cour, de procéder au recouvrement des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile
Ils exposent pour l'essentiel :
- qu'il résulte des pièces versées aux débats qu'ils se sont comportés depuis plus de trente ans comme les propriétaires de la portion de terre allant de la limite fixée par l'expert à la limite de l'eau, quelle qu'elle soit, par des faits de possession conforme aux critères retenus par l'article 2229 du Code Civil,
- qu'ils ont également acquis par prescription acquisitive un droit d'usage et de servitude sur l'étang (accès direct à l'eau, pompage, activités nautiques etc...),
- que Monsieur X...ne rapporte pas la preuve que les arbres dont il sollicite réparation pour l'abattage étaient implantés sur son fonds,
- que dans l'hypothèse où la Cour ne retiendrait pas l'existence d'une prescription acquisitive au bénéfice des intimés, la proposition de bornage formulée par l'expert ne saurait être homologuée compte-tenu de l'erreur de méthode commise par l'expert qui n'a procédé qu'à la vérification de la superficie de la parcelle des intimés et non à celle de la parcelle de l'appelant, le bornage devant concerner l'ensemble de la périphérie de l'étang et l'ensemble des propriétaires riverains,
- qu'en toute hypothèse, aux termes mêmes de son titre d'acquisition Monsieur X...a acquis la propriété d'un étang et non des berges de celui-ci, que la proposition de bornage présentée par l'expert est contraire aux dispositions de l'article 558 du Code Civil.
MOTIFS
I-Sur la délimitation de la ligne divisoire des propriétés des parties :
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a exactement considéré que l'action en bornage est imprescriptible et rejeté la fin de non-recevoir soulevée de ce chef par les Consorts Z....
Le jugement déféré doit être également confirmé en ce qu'il a homologué le plan de bornage proposé par l'expert judiciaire, selon une ligne séparative " théorique " (pour reprendre le terme utilisé par le premier juge) reliant les points A à H, tels que fixés sur le plan constituant l'annexe 8 du rapport d'expertise.
Les critiques formulées par les Consorts Z...à l'encontre des conclusions expertales apparaissent en effet infondées dès lors, comme l'a justement relevé le premier juge :
- que l'expert ne s'est pas limité à borner la propriété des Consorts Z...mais qu'il a déterminé la limite de propriété entre les fonds des parties en prenant pour base les superficies cadastrales des parcelles litigieuses (seul élément de comparaison commun disponible),
- que la détermination de la superficie de l'étang ne peut dépendre de la surface recouverte par l'eau laquelle est nécessairement fluctuante compte-tenu des variations du niveau d'étiage de cette étendue d'eau, alimentée exclusivement par les eaux pluviales et dépourvue d'exutoire ou déversoir,
- que la méthode retenue par l'expert est, à défaut de mise en cause par l'une quelconque des parties de l'ensemble des autres propriétaires riverains de l'étang, la seule méthode permettant de procéder à la détermination de la ligne séparative des propriétés litigieuses.
Le jugement déféré doit également être confirmé en ce qu'il a reconnu l'acquisition par les Consorts Z...de la propriété de la bande de terrain allant de la limite terrestre " théorique " proposée par l'expert jusqu'à la rive de l'étang, quel que soit le niveau d'étiage de cette pièce d'eau qui provient d'une ancienne carrière comblée et noyée, qui ne possède pas d'exutoire ou de déversoir propre et dont les variations de niveau sont liées à la pluviométrie et aux variations climatiques.
Il convient en effet de considérer :
- que les conditions d'une prescription acquisitive par les Consorts Z..., telles que requises par l'article 2229 du Code Civil, sont en l'espèce réunies au vu des attestations précises et concordantes de Monsieur Pierre H..., de Monsieur Louis I...et des époux J..., corroborées par une photographie de 1971, desquelles il résulte que les Consorts Z...ont depuis plus de trente ans à la date de l'assignation introductive d'instance accompli des actes matériels de possession sur la bande de terrain litigieuse notamment en l'occupant pour diverses activités de loisirs et en procédant à son entretien régulier,
- que le caractère public de cette possession s'évince des attestations mêmes établies par des tiers à la cause, que son caractère paisible se déduit de l'absence de preuve d'une opposition du propriétaire de la bande de terrain litigieuse (l'attestation de Madame F..., précédente propriétaire de la parcelle AK no 30 ne visant que des litiges afférents à l'étendue d'eau et non à la bande de terrain litigieuse).
II-Sur la demande reconventionnelle tendant à voir reconnaître l'existence d'un droit d'usage et de servitude sur l'étang :
Les Consorts Z...revendiquent de ce chef, au profit de leur fonds, l'existence de servitudes de vue, de passage, de puisage, de pacage et autres grevant la parcelle AK no 30 appartenant à l'appelant.
La constatation de l'acquisition par les Consorts Z...de la bande de terrain comprise entre la ligne divisoire fixée par l'expert et la rive de l'étang prive de tout objet et intérêt la demande de constatation de l'acquisition par prescription d'une servitude de vue au bénéfice du fonds Z...dont il est constant que les ouvertures existantes sont implantées au-delà des distances minimales imposées par les articles 678 et 679 du Code Civil.
Les autres servitudes dont les Consorts Z...revendiquent le bénéfice au profit de leur fonds constituent toutes, y compris celle de pompage de l'eau de l'étang (qui ne peut s'exercer qu'avec une intervention renouvelée de l'homme et reste telle, quand bien même elle serait rendue artificiellement permanente au moyen d'un outillage approprié dès lors que celui-ci ne fonctionne que sous le contrôle de l'homme) des servitudes discontinues qui ne peuvent s'établir que par titres et non par la possession, même immémoriale.
En conséquence, la Cour, ajoutant au jugement déféré, déboutera les Consorts Z...de l'ensemble de leurs demandes afférentes aux servitudes dont les Consorts Z...revendiquent le bénéfice au profit de leur fonds.
III-Sur la demande en dommages-intérêts pour abattage d'arbres :
Il convient, ajoutant au jugement déféré qui n'a pas expressément statué de ce chef, de débouter Monsieur X...de sa demande en dommages-intérêts pour abattage d'arbres prétendument implantés sur sa propriété dès lors qu'il résulte de ce qui précède que les arbres abattus par les Consorts Z...se trouvaient sur la propriété des intimés.
IV-Sur les demandes accessoires :
La Cour considère que la preuve du caractère abusif de la procédure de bornage engagée par Monsieur X...n'est pas rapportée et ne saurait s'évincer de la seule succombance de l'appelant ou de l'existence d'un conflit de voisinage sans lien direct avec la présente procédure.
Les Consorts Z...seront donc déboutés de leur demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive.
L'équité commande d'allouer aux Consorts Z...la somme globale de 1200 € au titre des frais irrépétibles par eux exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.
Monsieur X...sera condamné aux entiers dépens d'appel et de première instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, avec autorisation pour la S. C. P. de GINESTET-DUALE-LIGNEY, Avoués à la Cour, de procéder au recouvrement des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Vu le jugement du Tribunal d'Instance de DAX en date du 24 janvier 2006,
En la forme, déclare recevables l'appel principal de Monsieur X...et l'appel incident des Consorts Z...,
Au fond,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- débouté les Consorts Z...de leur demande fondée sur la prescription de l'action en bornage,
- homologué le rapport de l'expert judiciaire en ce qu'il fixe la limite théorique entre les deux propriétés,
- dit cependant qu'en application des dispositions des articles 2229 et 2262 du Code Civil, les Consorts Z...ont acquis la propriété de la portion de terre allant de la limite fixée par l'expert à la limite de l'eau, quelle que soit cette limite,
- débouté Monsieur X...de sa demande en bornage,
Ajoutant au jugement déféré :
- Déboute les Consorts Z...de leurs demandes tendant à voir reconnaître l'existence de diverses servitudes grevant le fonds X...au profit de leur propre fonds,
- Déboute Monsieur X...de sa demande en dommages-intérêts pour abattage d'arbres prétendument implantés sur son fonds,
- Déboute les Consorts Z...de leur demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive,
- Condamne Monsieur X..., en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, à payer aux Consorts Z...la somme globale de 1 200 € au titre des frais irrépétibles par eux exposés tant en cause d'appel qu'en première instance,
- Condamne Monsieur X...aux entiers dépens d'appel et de première instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, avec autorisation pour la S. C. P. de GINESTET-DUALE-LIGNEY, Avoués à la Cour, de procéder au recouvrement des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile
LE GREFFIERLE PRESIDENT
Michèle LASSERRERoger NEGRE