Numéro 1923 / 08
COUR D'APPEL DE PAU
1re Chambre
ARRET DU 24 / 04 / 08
Dossier : 06 / 02752
Nature affaire :
Demande relative à l'exécution d'une promesse unilatérale de vente ou d'un pacte de préférence ou d'un compromis de vente
Affaire :
Josselyne X...
C /
SAFER GASCOGNE HAUT LANGUEDOC
A R R E T
prononcé par Monsieur NEGRE, Président,
en vertu de l'article 452 du Code de Procédure Civile,
assisté de Madame LASSERRE, Greffier,
à l'audience publique du 24 Avril 2008
date à laquelle le délibéré a été prorogé
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 18 Février 2008, devant :
Monsieur NEGRE, Président, Magistrat chargé du rapport, conforméméent à l'article 785 du code de Procédure Civile.
Monsieur BILLAUD, Conseiller
Madame CARTHE MAZERES, Conseiller
assistés de Madame PEYRON, Greffier, présent à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Mademoiselle Josselyne X...
65400 ARRAS EN LAVEDAN
représentée par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour
assistée de Me BENOIT, avocat au barreau du MANS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006 / 005118 du 18 / 10 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)
INTIMEE :
SAFER GASCOGNE HAUT LANGUEDOC agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège
La Pradine
Auzeville BP 25
31321 CASTANET-TOLOSAN
représentée par la SCP PIAULT / LACRAMPE-CARRAZE, avoués à la Cour
assistée de Me SENMARTIN, avocat au barreau de TARBES
sur appel de la décision
en date du 01 JUIN 2005
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES
FAITS ET PROCEDURE
Par acte du 25 mai 2004, la SA SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL GASCOGNE HAUT-LANGUEDOC (ci-après, la SAFER) a fait assigner Josselyne X... devant le Tribunal de Grande Instance de TARBES aux fins de voir constater la vente des biens immobiliers détaillés audit acte parfaite entre les parties, dire que le jugement à intervenir tiendra lieu d'acte authentique de vente et condamner la défenderesse à lui verser la somme de 2. 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ainsi qu'une somme de même montant sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Arguant sur le fondement de l'article 1589 du code civil du caractère parfait de la vente intervenue entre Mademoiselle X... et la SCI du VITAYE, à laquelle elle s'était substituée en application de son droit de préemption prévu aux article L 143-1 et suivants du code rural, elle exposait que sommée de comparaître pour la signature de l'acte authentique le 26 novembre 2003, Mademoiselle X... lui avait écrit le 19 novembre 2003 pour annoncer sa renonciation à la vente. Elle ajoutait que le bénéficiaire du droit de retour avait donné son accord à la vente.
Mademoiselle X... invoquait la nullité de la vente faute d'intervention du donateur des biens objets de l'acte au moment de la conclusion de la promesse de vente, faisant valoir que faute de cette intervention, la réitération de l'acte devant notaire n'avait plus lieu d'être et que la SAFER ne pouvait faire valoir son droit de préemption.
Par jugement du 1er juin 2005, le Tribunal de Grande Instance de TARBES a déclaré parfaite la vente des biens immobiliers énoncés au dispositif entre Mademoiselle X... et la SAFER, a dit que ce jugement tiendrait lieu d'acte authentique de vente, a condamné Mademoiselle X... à verser à la SAFER la somme de 600 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et a débouté les parties de leurs autres prétentions.
Par déclaration du 13 octobre 2005, Mademoiselle X... a interjeté appel de ce jugement.
Suivant conclusions du 16 octobre 2007, Mademoiselle X... demande à la Cour
-de constater que le droit de préemption de la SAFER ne pouvait s'exercer,
- de constater que la promesse de vente consentie par elle à Monsieur et Madame Z... (qui ont constitué la SCI du VITRAYE) était une promesse unilatérale de vente,
- de constater que la SAFER n'a pas respecté les dispositions de l'article 1840 A du Code Général des Impôts,
- de constater en conséquence que ladite promesse de vente était nulle et de nul effet et que le droit de préemption exercé par la SAFER reposant sur une promesse nulle est également nul,
- de dire n'y avoir lieu à droit de préemption,
- subsidiairement, de constater qu'il n'y a jamais eu promesse de vente et qu'il ne pouvait y avoir vente,
- d'accueillir sa demande reconventionnelle en condamnant la SAFER à lui payer la somme de 30. 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice souffert,
- de condamner la SAFER à lui payer la somme de 6. 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Suivant conclusions du 5 juin 2007, la Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural Gascogne Haut Languedoc demande à la Cour
-de déclarer mal fondé l'appel interjeté par Mademoiselle X...,
- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et de condamner Mademoiselle X... à lui payer la somme de 2. 000 € à ce titre,
- de confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
- de débouter Mademoiselle X... de l'ensemble de ses demandes,
- de la condamner à lui payer la somme de 3. 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'instruction de la procédure a été déclarée close par ordonnance du 4 décembre 2007.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Attendu que le Tribunal de Grande Instance de TARBES a considéré, aux motifs de sa décision, qu'un accord écrit sur la chose et sur le prix était intervenu entre Mademoiselle X... et la SCI du VITAYE et qu'aucune condition suspensive n'était mentionnée au profit de l'une ou l'autre des parties, que Monsieur Jean-Louis X..., seul bénéficiaire d'un droit de retour et d'une clause d'inaliénabilité stipulée dans l'acte de donation au profit de la défenderesse le 27 juillet 2001 avait signé devant notaire le 26 novembre 2003 son accord à la vente envisagée au profit de la SAFER et sa renonciation à ses droits de donateur, qu'en conséquence, Mademoiselle X... ne justifiait d'aucun empêchement légitime à la signature de l'acte notarié de vente fixé le 26 novembre 2003 et que la vente des parcelles devait donc être déclarée parfaite ;
Attendu que Mademoiselle X... soutient qu'il n'y a jamais eu vente et observe que la promesse n'a jamais été produite ; qu'elle fait notamment valoir que la promesse de vente devait être assortie de conditions particulières, elle-même acceptant un prix relativement modeste mais devant en contrepartie demeurer occupante de la maison à titre gratuit, qu'il n'y a jamais eu d'écrit sur la chose et sur le prix énonçant l'absence de conditions particulières, que le Notaire Maître Y... lui ayant demandé de signer la demande de notification à la SAFER, elle a accepté de signer ce document dont elle était la seule signataire et qui n'était pas une offre de vente mais le préalable à la rédaction d'une promesse de vente, que celle-ci n'a jamais été établie par écrit et que le 14 août 2003, la SAFER notifiait à Maître Y... l'exercice de son droit de préemption alors que l'absence de promesse de vente de sa part impliquait l'absence d'intention d'aliéner le fonds ; que la SAFER a ainsi, selon elle, pris la décision d'exercer un droit de préemption en se basant sur un dossier incomplet, omettant de préciser qu'il reposait sur une hypothétique promesse de vente, en toute hypothèse unilatérale ;
Attendu que lorsqu'un propriétaire se propose, notamment par vente, d'aliéner de gré à gré et à titre onéreux un fonds agricole ou un terrain à vocation agricole situé dans une zone où la SAFER est autorisée à exercer le droit de préemption, le Notaire chargé d'instrumenter est tenu de faire connaître à cette dernière le prix et les conditions demandées ainsi que les modalités de l'aliénation projetée ; que cette communication vaut offre de vente au prix et conditions qui y sont contenus ; que les dispositions de l'article 1589, alinéa 1er du Code Civil sont applicables à l'offre ainsi faite ;
Attendu qu'il ressort des pièces versées aux débats que le 17 juin 2003, Maître Y..., Notaire à LOURDES, a informé la SAFER GASCOGNE HAUT-LANGUEDOC d'un projet de vente concernant les biens immobiliers litigieux moyennant le prix de 106. 714, 31 € payable comptant à la signature de l'acte, qu'aucune condition particulière ni réserve n'était mentionnée sur la formule de notification et que la SAFER GASCOGNE HAUT-LANGUEDOC a notifié notamment au Notaire, par acte d'Huissier du 14 août 2003, l'exercice de son droit de préemption au prix demandé ;
Attendu qu'il ne ressort pas de la notification à la SAFER que les parties à la vente projetée avaient fait de la réalisation d'une condition quelconque un élément constitutif de leur consentement, ni davantage qu'il s'était agi d'une simple promesse laissant une faculté d'option au bénéficiaire, ce dont il découle que le projet notifié ne saurait être qualifiée de promesse unilatérale de vente et que les dispositions de l'article 1840 A du Code Général des Impôts invoquées par l'appelante sont sans application en l'espèce ;
Attendu qu'il n'est, par ailleurs, nullement démontré que la SAFER GASCOGNE HAUT-LANGUEDOC n'ait pu légitimement croire que le Notaire, chargé d'instrumenter et investi d'une mission légale d'information du prix, des charges, des conditions et modalités de la vente projetée, disposait des pouvoirs nécessaires pour engager la venderesse ; que dès lors, l'acceptation par la SAFER des prix et modalités notifiés a rendu la vente parfaite et qu'il y a lieu de confirmer en conséquence le jugement entrepris, tenant lieu d'acte authentique de vente ;
Attendu que la SAFER forme appel incident en ce qu'elle a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive mais ne démontre pas plus que devant le premier juge l'existence d'un préjudice subi par elle du fait de Mademoiselle X... ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu qu'il échet de condamner Mademoiselle X... aux dépens d'appel et qu'il est équitable d'allouer à la SAFER GASCOGNE HAUT-LANGUEDOC, qui a été amenée à exposer de nouveaux frais non compris dans les dépens, la somme complémentaire de 1. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Dit Mademoiselle X... recevable mais mal fondée en son appel,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Condamne Mademoiselle X... aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SAFER GASCOGNE HAUT-LANGUEDOC la somme complémentaire de 1. 000 € (mille euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Accorde à la SCP PIAULT & LACRAMPE-CARRAZE, avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du même Code.