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20/05/2008 | FRANCE | N°2186

France | France, Cour d'appel de Pau, Ct0357, 20 mai 2008, 2186


RN / CB
Numéro 2186 / 08

COUR D'APPEL DE PAU 1ère Chambre

ARRET DU 20 / 05 / 08
Dossier : 06 / 01615

Nature affaire :

Demande en annulation, en réduction d'une libéralité ou d'une clause d'une libéralité
Affaire :
Arnaud X..., Roger Y..., Jean Pierre Y..., Christine Z...

C /
Camille Alexis G..., Charles C..., Jean D...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé par Monsieur NEGRE, Président, en vertu de l'article 452 duCode de Procédure Civile,

assisté de Madame LASS

ERRE, Greffier,
à l'audience publique du 20 Mai 2008 date à laquelle le délibéré a été prorogé

* * * * *

APRES DÉBATS
à l'au...

RN / CB
Numéro 2186 / 08

COUR D'APPEL DE PAU 1ère Chambre

ARRET DU 20 / 05 / 08
Dossier : 06 / 01615

Nature affaire :

Demande en annulation, en réduction d'une libéralité ou d'une clause d'une libéralité
Affaire :
Arnaud X..., Roger Y..., Jean Pierre Y..., Christine Z...

C /
Camille Alexis G..., Charles C..., Jean D...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé par Monsieur NEGRE, Président, en vertu de l'article 452 duCode de Procédure Civile,

assisté de Madame LASSERRE, Greffier,
à l'audience publique du 20 Mai 2008 date à laquelle le délibéré a été prorogé

* * * * *

APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 10 Mars 2008, devant :
Monsieur NEGRE, Président Magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 duCode de Procédure Civile
Madame RACHOU, Conseiller
Madame CARTHE MAZERES, Conseiller
assistés de Madame LASSERRE, Greffier, présent à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Monsieur Arnaud X... ...64470 LICHANS SUNHAR

Monsieur Roger Y... ...64130 MONCAYOLLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2006 / 004872 du 29 / 09 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)
Monsieur Jean Pierre Y... ...64130 BARCUS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006 / 004873 du 29 / 09 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)
Madame Christine Z... née le 04 Mai 1964 à BARCUS (64130) de nationalité Française ...

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006 / 004871 du 29 / 09 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)

représentée par la SCP LONGIN, LONGIN-DUPEYRON, MARIOL, avoués à la Cour assistée de Me ETCHEBERRY, avocat au barreau de PAU

INTIMES :
Monsieur Camille Alexis G... ...24100 BERGERAC

Monsieur Charles C... ...24100 BERGERAC

Monsieur Jean D... ... 64130 BARCUS

représenté par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour assisté de Me MOLINA-UGARTE, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision en date du 08 MARS 2006 rendue par le Tribunal de Grande Instance DE PAU

FAITS ET PROCEDURE

Le 30 mars 1997, Monsieur G... informait les Cayolaristes d'ARHANOLATZE de son intention de céder ses parts de tchotch sur ledit Cayolar à Monsieur C... et aux autres Cayolaristes. Le 28 février 1999, il donnait pouvoir à Monsieur X... de faire part de ses projets de cession d'un demi-tchotch à Monsieur C... au prix de 15. 000 francs et de l'autre demi-tchotch à l'ensemble des Cayolaristes au prix de 15. 000 francs. Cette cession n'a pas fait l'unanimité chez les Cayolaristes.
Par ailleurs, certains des Cayolaristes avaient constitué un " groupement pastoral du cayolar d'Arhanolatze " ouvert aux agriculteurs propriétaires d'animaux pouvant justifier par acte notarié d'une part de copropriété sur ledit cayolar ou par bail écrit (bail à ferme ou bail pastoral) de la location d'une part de copropriété sur celui-ci. Lors de l'assemblée générale du 14 avril 2003, Messieurs C... et D... se présentaient en déclarant qu'ils étaient devenus propriétaires d'une part de cayolar par donation de Monsieur G..., lequel n'était pas membre du groupement pastoral.
Madame Christine Z..., Monsieur Roger Y..., Monsieur Jean-Pierre Y... et Monsieur Arnaud X... ont alors adressé à Monsieur G... une lettre dans laquelle ils rappelaient les termes d'un acte sous-seing-privé du 25 octobre 1964 aux termes duquel ils auraient un droit de priorité en cas de bail et un droit de préemption en cas de vente de parts de cayolar, et l'informaient de leur opposition à l'entrée de Monsieur C... et de Monsieur D... dans le cayolar et de leur volonté d'user de leur droit de préemption, quatre copropriétaires acceptant d'acquérir ses droits, soit 1 / 4 de tchotch chacun.
Les consorts Z... et autres demandaient ainsi l'annulation de la donation des parts de tchotch de Monsieur G... à Messieurs C... et D... en date du 7 avril 2003. Ils faisaient valoir que d'une part, Monsieur G... n'était titulaire que de 1 / 14 de 1 / 4 de tchotch et de 33 / 35 de 1 / 2 tchotch et que d'autre part, l'acte de donation était contraire aux dispositions de l'acte de 1964.
C'est ainsi que par acte des 28 mai et 5 juin 2004, Madame Christine Z... et Messieurs Roger Y..., Jean-Pierre Y... et Arnaud X... ont assigné Messieurs Camille G..., Charles C... et Jean D... devant le Tribunal de Grande Instance de PAU aux fins de voir
-constater que Monsieur G... n'était pas propriétaire d'un tchotch entier au cayolar d'Arhanolatze et qu'il ne pouvait donc en faire donation dans la proportion de 1 / 2 tchotch chacun à Monsieur C... et à Monsieur D...,
- prononcer en conséquence la nullité de l'acte de donation passé le 7 avril 2003 en l'étude de Maître H..., notaire à OLORON SAINTE-MARIE,
- ordonner la publication du jugement à intervenir à la Conservation des hypothèques de BAYONNE, 1er bureau, aux frais de Messieurs G..., C... et D...,
- condamner conjointement et solidairement les mêmes à leur payer la somme de 5. 000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par jugement du 8 mars 2006, le Tribunal de Grande Instance de PAU
-a déclaré les demandeurs recevables en leurs demandes,
- a dit que l'acte de donation passé en l'étude de Maître H..., notaire à OLORON SAINTE-MARIE, en date du 7 avril 2003, était valable et que Messieurs Charles C... et Jean D... étaient propriétaires par moitié de plus d'un tchotch du cayolar d'Arhanolatze, à savoir d'un tchotch, d'une portion de 1 / 4 de tchotch provenant de la vente consentie en 1923 par I... et de 4 / 35 de 1 / 2 tchotch provenant de la vente en 1937-38 par J...,
- a condamné Madame Christine Z..., Monsieur Roger Y..., Monsieur Jean-Pierre Y... et Monsieur Arnaud X... in solidum à payer à Monsieur Camille G..., Monsieur Charles C... et Monsieur Jean D..., chacun, la somme de 2. 500 € à titre de dommages et intérêts ainsi que, aux mêmes dans leur ensemble, la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par déclaration du 27 avril 2006, Monsieur Arnaud X..., Madame Christine Z... et Messieurs Roger et Jean-Pierre Y... ont interjeté appel de ce jugement. Suivant conclusions du 16 novembre 2007, ils demandent à la Cour
-de dire et juger que Monsieur Camille G... n'était pas propriétaire d'un tchotch entier du cayolar d'Arhanoltce et qu'il ne pouvait donc en faire donation dans la proportion de 1 / 2 tchotch chacun à Monsieur Charles C... et à Monsieur Jean D...,
- de dire et juger que la donation du 7 avril 2003 consentie par Monsieur Camille G... à Monsieur Charles C... et à Monsieur Jean D... passée en l'étude de Maître H..., notaire à OLORON SAINTE-MARIE, a été consentie et acceptée dans l'unique but de frauder le droit de préemption notamment des appelants et des autres Cayolaristes,
- de dire et juger que ladite donation est contraire notamment aux dispositions de l'article 815-14 du Code Civil et à l'esprit de l'acte du 25 octobre 1964,
- en conséquence, de prononcer la nullité de l'acte de donation passé en l'étude de Maître H... en date du 7 avril 2003,
- d'ordonner la publication de la décision à intervenir au premier bureau de la Conservation des hypothèques de BAYONNE aux frais de Messieurs Camille G..., Charles C... et Jean D...,
- de condamner conjointement et solidairement ces derniers à payer à chacun des co-indivisaires appelants la somme de 3. 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi par eux et celle de 2. 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,
- de condamner conjointement et solidairement les mêmes à leur payer la somme de 4. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Suivant conclusions du 13 mars 2007, Messieurs Camille G..., Charles C... et Jean D... demandent à la Cour
-de dire que Monsieur Arnaud X... ne justifie pas de sa qualité à agir et en conséquence, de déclarer son appel et ses demandes irrecevables,
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- en conséquence, de dire valable la donation passée en l'étude de Maître H..., notaire associé à OLORON SAINTE-MARIE, le 7 avril 2003,- de dire et juger que suite à ladite donation, Monsieur Charles C... et Monsieur Jean D... sont propriétaires par moitié de plus d'un tchotch du caoylar d'Arhnaloatze, à savoir, de 1 tchotch, d'une portion de 1 / 4 de tchotch provenant de la vente consentie par Monsieur I... en 1923 et de 4 / 35èmes de 1 / 2 tchotch provenant de la vente consentie par Monsieur J... en 1937-1938,

- de confirmer toutes les condamnations prononcées par le Tribunal à l'encontre de Madame Z... et de Messieurs Y... et X...,
- de condamner en outre conjointement et solidairement Madame Christine Z... et Messieurs Roger Y..., Jean-Pierre Y... et Arnaud X... à leur payer la somme de 5. 000 € à chacun sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par eux du fait de la procédure d'appel,
- de les condamner conjointement et solidairement à leur payer la somme de 3. 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'instruction de la procédure a été déclarée close par ordonnance du 25 février 2008. Les appelants demandent le rejet des nouvelles conclusions déposées par les intimés le jour de la clôture, demande à laquelle s'opposent ces derniers.
MOTIFS DE L'ARRÊT

Attendu qu'il sera fait droit à la demande de rejet des nouvelles conclusions des intimés, la communication d'une nouvelle pièce adverse le 21 janvier 2008 ne constituant pas pour eux un motif grave de dépôt de nouvelles conclusions plus d'un mois plus tard dans des conditions n'ayant pas permis aux appelants d'y répondre ;

Attendu que le Tribunal a notamment retenu, aux motifs de sa décision,
- qu'il résultait d'un jugement du 11 janvier 2005 que des parts de tchotch se trouvaient dans le patrimoine de Jean X... et avaient été transmises à son fils Arnaud X... et que ce dernier étant copropriétaire de tchotch, quelle que soit la part et proportion de cette propriété, sur le cayolar d'Arhanolatze, sa demande était donc recevable,
- qu'il résultait des actes versés aux débats que les droits de Monsieur Camille G... dans ledit cayolar étaient de 1 tchotch + 1 / 15 de 1 / 4 de tchotch + 1 / 14 de 33 / 35 de 1 / 2 tchotch,
- que Monsieur G..., s'étant soumis aux conditions de cession de ses droits fixées par l'acte de 1964 et n'ayant reçu aucune réponse des Cayolaristes au bout d'un délai de 4 années, avait pu régulièrement considérer qu'aucun cayolariste ne souhaitait préempter et avait librement disposé de ses droits, que la donation litigieuse était donc régulière et qu'elle devait être validée ;
Attendu que les appelants font valoir :
- qu'ils ont qualité à agir, chacun étant propriétaire de tchotchs ou de parts de tchotchs,
- que les actes du 6 août 1923 ainsi que de celui du 30 décembre 1938 sont imprécis, que leur fiabilité est sujette à caution et qu'il peut être considéré que Monsieur G... ne justifie pas régulièrement de la propriété de ses tchotchs ou parts de tchotch,- que le cayolar étant reconnu comme une indivision, Monsieur G... était soumis aux obligations de l'article 815-14 du Code Civil et en outre, à l'acte constituant règlement intérieur signé par les Cayolaristes le 25 octobre 1964,

- qu'en soumettant un projet de vente par l'intermédiaire de Monsieur X... qu'il informait par courrier du 30 mars 1997 et mandatait par pouvoir du 28 février 1999, il reconnaissait non seulement sa volonté de céder à titre onéreux mais en outre l'existence du droit de préemption des autres Cayolaristes en cas de vente,
- que le pouvoir donné à Monsieur X... ne prévoyait aucun délai et que Monsieur G..., que celui-ci a régulièrement informé des diligences accomplies, ne peut justifier d'un quelconque rappel,
- que Monsieur G... a d'abord substitué au projet de cession à Monsieur C... et aux autres Cayolaristes un projet de cession à Monsieur C... et à Monsieur D... mais que sa notification était irrégulière, Monsieur G... n'ayant jamais fait part à Monsieur X... de la révocation de son mandat, et non conforme aux prescriptions de l'article 815-14 du Code Civil prévoyant la forme extra-judiciaire,
- que Monsieur G... a été régulièrement informé du refus des Cayolaristes qui ont manifesté leur intention d'acquérir et ont fait valoir leur droit de préemption par courrier du 22 septembre 2003,
- que c'est dans ce contexte qu'est intervenue la donation litigieuse,
- que la Cour ne pourra que constater la volonté du donateur et des donataires d'éluder le droit de préemption des autres co-indivisaires du cayolar et de frauder le droit coutumier souletin,
- que la donation est nulle en vertu des dispositions de l'article 815-16 du Code Civil ;

Attendu que les intimés font valoir, quant à eux :

- que Monsieur Arnaud X... ne justifie pas de sa qualité à agir, qu'il ne justifie d'aucun titre de propriété sur le cayolar d'Arhanolatze, que les attestations de Maître K..., notaire à MAULEON, du 19 mai 1989 et du 5 avril 2000, présentées par Monsieur X..., sont contradictoires, que l'acte rectificatif du 13 mai 2005 établi par le même notaire est irrégulier et a été établi pour les besoins de la cause et qu'il ne constitue pas un titre de propriété,
- que Monsieur Camille G... était bien propriétaire de plus d'un tchotch au cayolar d'Arhanolatze, qu'en concluant que les auteurs de Monsieur G... n'étant pas propriétaires d'un tchotch entier, ce dernier ne pouvait faire donation à Monsieur C... et à Monsieur D..., les appelants font une lecture erronée et incomplète de l'acte de partage reçu par Maître M..., notaire à MAULEON, le 28 août 1963, qu'en définitive, Monsieur Camille G... était propriétaire de 1 / 4 de tchotch appartenant en propre à Monsieur N..., de 1 / 15ème de 1 / 4 de tchotch acheté à Monsieur I... en 1923 et de 4 / 35ème de 1 / 2 tchotch achetés à Monsieur J... en 1937, qu'il pouvait donc faire donation à Monsieur C... et à Monsieur D... de 1 / 2 tchotch chacun,
- que la donation est valable car conforme au droit, à l'esprit du cayolar et à l'acte sous seing privé du 25 octobre 1964,
- que le comportement de Madame Z... et de Messieurs Y... et X... est contraire à l'esprit cayolariste et que l'entrée de Messieurs C... et D... ne met pas en péril le bon fonctionnement du cayolar,

- que depuis 1963, la famille C... est locataire du tchotch et plus appartenant à Monsieur G... et que Monsieur Charles C... lui-même est locataire depuis l'année 1974, que Monsieur G... ne pouvait envisager de céder ses droits dans le cayolar sans respecter les droits de son fermier,

- que la famille D... louait les droits de cayolar depuis 1947 d'abord à Monsieur O... puis, à partir de 1977, à Monsieur J...,
- que la donation n'est pas contraire à l'acte sous seing privé du 25 octobre 1964 puisque cet acte accorde un droit de préemption aux autres propriétaires uniquement en cas de vente,
- que l'entrée de Messieurs C... et D... comme propriétaires est conforme au but poursuivi par cet acte puisque, tous deux étant éleveurs et souletins, la destination strictement pastorale et locale est garantie,
- qu'aucune disposition de la coutume de Soule n'exclut la transmission à titre gratuit de tchotchs hors les membres d'une même famille de sang ou par alliance,
- que l'acte attaqué est une donation et qu'en conséquence, l'article 815-14 du Code Civil, qui vise les actes à titre onéreux, ne s'applique pas, ce texte ne s'appliquant d'ailleurs pas au cayolar qui est une indivision forcée,
- qu'il ne peut être reproché à Monsieur G... d'avoir procédé à la donation de ses droits alors que pendant plusieurs années, il a essayé en vain d'obtenir l'agrément des Cayolaristes pour la vente de ceux-ci et qu'il a même donné mandat à Monsieur X..., que loin de donner suite à ses propositions de vente, celui-ci a volontairement associé cette vente aux contestations des droits de Monsieur P... et refusé de donner suite au projet de cession de Monsieur G... qui a été complètement paralysé entre le mois d'octobre 1999 et le mois de mai 2002, qu'aucune suite n'ayant été donnée à la proposition de vente lors des tentatives devant le Conciliateur en 2002, Monsieur G..., qui a vendu en septembre 2002 la propriété qu'il possédait à TARDETS, a souhaité se débarrasser de ses droits de cayolar et a décidé d'en faire donation pour moitié à son fermier Monsieur C... et pour moitié à Monsieur D..., ami de la famille, tous deux bergers et utilisateurs effectifs et réguliers du cayolar et de ses pâturages,
- que les appelants leur ont causé un préjudice matériel et moral dont ils sont fondés à demander réparation en application de l'article 1382 du Code Civil ;
Sur la qualité à agir de Monsieur X... :
Attendu qu'il ressort de l'attestation de Maître K... du 19 mai 1989 que Monsieur X... est propriétaire en propre de parts et portions de berger, soit un demi tchotch, sur le cayolar d'Arhanolatze, tant pour les avoir recueillies dans la succession de son père Jean X... que par suite de l'attribution de la propriété Altabégoïty à laquelle elles sont rattachées aux termes d'un acte de donation partage reçu le 8 octobre 1964 ; que cette attestation est confirmée par une attestation du même notaire du 5 avril 2000 et que s'il est exact que l'acte de donation-partage du 8 octobre 1964 fait au bénéfice de Monsieur X... ne mentionne pas dans les propres de son père les parts de cayolar, cet acte a été, à la requête des frères Arnaud et Gratien X..., complété, suivant acte de Maître K... du 13 mai 2005, par la désignation de droits, parts et portions de bergers consistant en 1 / 2 tchotch portant sur les cayolars d'Arhanolatze et Icemburia, 1 / 14 indivis de 1 / 4 de tchotch sur le cayolar d'Arhanolatze et la quote-part indivise de 1 / 2 tchotch au cayolar d'Arhanolatze ;

Attendu que d'une part, l'acte rectificatif du 13 mai 2005 a été établi à la suite des attestations de Maître K... des 19 mai 1999 et 5 avril 2000 ; que d'autre part, il ressort de l'acte de vente du 30 avril 1923 que Monsieur Jean X... avait acquis 1 / 15 de 1 / 4 de tchotch et de celui du 10 mai 1937 qu'il avait acquis 33 / 35 de 1 / 2 tchotch ; que ces actes corroborent les dires des frères X... et qu'il n'est pas prétendu ni justifié de ce que les parts concernées aient été cédées avant l'acte de donation-partage ou avant l'ouverture de la succession ; qu'au vu des éléments fournis, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a admis que Monsieur Arnaud X... avait qualité pour agir ;

Sur la qualité de propriétaire de plus d'un tchotch de Monsieur G... :
Attendu qu'il ressort de l'acte du 30 avril 1923 que Monsieur N..., grand-père de Monsieur G..., a reçu par vente de Monsieur I... 1 / 15 de 1 / 4 de tchotch sur le cayolar d'Arhanolatze ; qu'il ressort de l'acte du 10 mai 1937 que Monsieur N... a par ailleurs acheté 1 / 14 des 33 / 35 de 1 / 2 tchotch à Monsieur J..., étant précisé dans le même acte qu'il est déjà propriétaire de 1 tchotch ; qu'enfin, il ressort de l'acte de partage du 28 août 1963 qu'ont été reçus par Madame Anna N... épouse G..., mère de Monsieur G..., en ce qui concerne les immeubles de la communauté d'acquêts des époux N...- A..., les droits de cayolar acquis de Jean I... en 1923 et de Jean-Pierre J... en 1937 et 1938, tandis qu'en ce qui concerne les immeubles provenant de la succession propre d'Alexis N..., renvoi est fait à l'article 3 de l'acte désignant une propriété rurale sise commune de TARDETS avec " la part de pasteur sur LARRAU " ;
Attendu que peut ainsi être valablement déduite des actes la reconnaissance de la propriété d'une part entière de tchotch à Monsieur N..., en pleine propriété et en propre ;
Attendu qu'il apparaît ensuite que par acte d'échange du 22 août 1985, Monsieur Camille G... a reçu de sa soeur, Madame S..., qui les avait elle-même reçus lors de la donation-partage effectuée par Louis G... et son épouse Anna N..., les droits précédemment acquis sur le cayolar d'Arhanolatze ;
Attendu que dans la mesure où les appelants se bornent à affirmer que la validité des actes est sujette à caution, sans toutefois prouver ni démontrer l'irrégularité de ceux-ci, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que les droits de Monsieur Camille G... sur le cayolar d'Arhnaolatze étaient de plus d'un tchotch, soit 1 tchotch + 1 / 15 de 1 / 4 de tchotch + 1 / 14 de 33 / 35 de 1 / 2 tchotch ;
Sur la donation intervenue entre Monsieur G... et Messieurs C... et D... :
Attendu que la donation du 7 avril 2003 est contestée par les appelants en ce qu'elle serait contraire à l'acte sous-seing-privé du 25 octobre 1964, à l'article 815-14 du Code Civil et à la coutume du pays de Soule ;
Attendu que l'article 815-14 du Code Civil dispose, en ses deux premiers alinéas, que l'indivisaire qui entend céder, à titre onéreux, à une personne étrangère à l'indivision, tout ou partie de ses droits dans les biens indivis ou dans un ou plusieurs de ces biens est tenu de notifier par acte extrajudiciaire aux autres indivisaires le prix et les conditions de la cession projetée ainsi que les nom, domicile et profession de la personne qui se propose d'acquérir et que tout indivisaire peut, dans le délai d'un mois qui suit cette notification, faire connaître au cédant, par acte extrajudiciaire, qu'il exerce un droit de préemption aux prix et conditions qui lui ont été notifiés ;
Attendu que ces dispositions s'appliquent donc aux cessions à titre onéreux et non aux donations, caractérisées par une intention libérale ; que par ailleurs, l'application de ce texte est écartée dans les cas de cession d'indivision forcée ou perpétuelle et que compte tenu de sa nature et de sa destination, le cayolar peut être qualifié d'indivision forcée ou perpétuelle, ainsi qu'il est soutenu ; que c'est donc à double titre que les dispositions du texte précité ne peuvent trouver application en l'espèce ;
Attendu que les appelants invoquent la coutume souletine en se bornant à affirmer que la transmission à titre gratuit de tchotchs hors les membres d'une même famille par le sang ou par alliance n'y est pas envisageable ;
Attendu que le droit coutumier doit, en cas de contestation, être établi dans son existence et sa teneur par celui qui s'en prévaut, la preuve de la coutume pouvant être apportée par tout moyen, notamment grâce à la consultation de recueils, avis d'experts ou attestations écrites (parères) ; qu'en l'espèce, les appelants, qui ne produisent pas une telle pièce, n'apportent pas cette preuve ;
Attendu que suivant acte sous-seing-privé du 25 octobre 1964, " les copropriétaires du cayolar d'Arhanolatze ont décidé d'un commun accord... de prendre la décision suivante. Tout copropriétaire n'exploitant pas personnellement la part qui lui revient dans le parcours du cayolar ci-dessus désigné s'engage :
1o / à ne pas louer sa part sans donner la priorité aux propriétaires exploitants à ce moment-là le parcours d'Arhnnolatze suivant le cours de location en vigueur à ce moment-là (le prix moyen d'un bon agneau de quinze kilos,
2o / à accorder le droit de préemption aux autres propriétaires du dit cayolar en cas de vente " ;
Attendu qu'ainsi que l'a retenu le premier juge, cet acte, qui reprendrait d'ailleurs la coutume de Soule selon la lettre de contestation des appelants du 22 septembre 2003, ne vise en aucun cas les donations ; qu'il doit cependant être recherché si la cession à titre gratuit contestée ne tendait pas, en réalité, à contourner les droits des autres Cayolaristes, auquel cas elle serait entachée de fraude ;
Or attendu que le mandat donné par Monsieur G... à Monsieur X... avait précisément pour finalité l'exercice par les autres Cayolaristes de leur droit de préemption et qu'en raison du délai de quatre années écoulé, incluant une nouvelle proposition de vente, Monsieur G... pouvait s'estimer en droit de céder gratuitement ses parts à des tiers, au demeurant connus des Cayolaristes en qualité de fermiers utilisateurs du cayolar ; que l'intention frauduleuse de Monsieur G... n'est nullement caractérisée et que le grief sera donc écarté ;
Attendu que les pièces versées aux débats, notamment une lettre de Monsieur X... à Maître T... du 3 août 2000 et une attestation de Madame Madeleine U... du 8 mai 2007, font ressortir que la propriété de Monsieur G... pour au moins un tchotch entier n'était pas initialement contestée mais que les projets de cession successifs n'ont pas abouti pour avoir été délibérément liés à un conflit ayant opposé les appelants à un autre cayolariste en la personne de Monsieur P... ; que la présente procédure ne constitue que le prolongement de cette attitude dolosive, caractérisée par des manoeuvres ayant eu pour effet de paralyser l'exercice des droits légitimes du cédant comme des cessionnaires, laquelle a causé aux intimés un préjudice moral justifiant l'allocation de dommages et intérêts, la Cour se référant en outre sur ce point aux motifs énoncés par le premier juge ;
Attendu que le montant des dommages et intérêts alloués correspondant, même au stade de l'appel, à une juste réparation du préjudice subi, il y a lieu de confirmer purement et simplement le jugement entrepris ;

Attendu que Monsieur Arnaud X..., Madame Christine Z... ainsi que Messieurs Roger et Jean-Pierre Y... seront condamnés aux dépens d'appel, étant précisé que les trois derniers nommés bénéficient de l'aide juridictionnelle ; que par ailleurs, il est équitable d'allouer aux intimés, qui ont été amenés à exposer de nouveaux frais non taxables, la somme complémentaire de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS,
La COUR,
Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Rejette les conclusions des intimés du 25 février 2008,
Dit Monsieur Arnaud X..., Madame Christine Z... et Messieurs Roger et Jean-Pierre Y... recevables mais mal fondés en leur appel,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Déboute les intimés du surplus de leur demande de dommages et intérêts,
Condamne in solidum Monsieur Arnaud X..., Madame Christine Z... et Messieurs Roger et Jean-Pierre Y... à payer à Messieurs Camille G..., Charles C... et Jean D... la somme complémentaire de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Les condamne aux dépens d'appel,
Accorde à la SCP de GINESTET-DUALE-LIGNEY, avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du même Code.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
Michèle LASSERRERoger NEGRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Ct0357
Numéro d'arrêt : 2186
Date de la décision : 20/05/2008

Analyses

INDIVISION - Cession de droits indivis -

Dès lors que l'article 815-14 du code civil ne s'applique qu'aux cessions à titre onéreux et non aux donations et que l'application de ce texte est écartée dans les cas de cession d'indivision forcée ou perpétuelle, ce texte ne peut trouver application au cayolar qui compte tenue de sa nature et de sa destination peut être qualifié d'indivision forcée et perpétuelle. Dès lors que le droit coutumier doit en cas de contestation, être établi dans son existence et sa teneur par celui qui s'en prévaut; que les appelants qui se bornent à invoquer une coutume souletine sans en justifier la teneur, n'apportent pas la preuve de l'existence de cette coutume


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Pau, 08 mars 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.pau;arret;2008-05-20;2186 ?
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