No09 / 791
COUR D'APPEL DE PAU
R. G. No : 09 / 00646
O R D O N N A N C E
Le dix sept Février deux mille neuf
Nous, Michel TREILLES, Président de Chambre à la Cour d'Appel de PAU, désigné par Ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 30 janvier 2009,
Assisté de Paule MANAUTE, Greffier,
Vu les articles L 551-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
Vu le décret 2004-1215 du 17 novembre 2004,
Vu les articles 640 à 642 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Vu l'avis de la présente date d'audience donné à Monsieur le Procureur Général, au représentant du Préfet, à l'intéressé et à son conseil,
Vu le procès-verbal d'audition de :
- M. Ageu X...
né le 22 Janvier 1962 à PARIQUERA (BRESIL)
de nationalité Brésilienne
...
SAMORA CORREIA (PORTUGAL)
Après avoir entendu les observations du ministère public en la personne de Monsieur DELPECH, substitut général et de Maître Valérie LEGRAND, avocat qui a eu la parole le dernier ;
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AVONS RENDU L'ORDONNANCE SUIVANTE, après débats en audience publique,
Vu l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le Préfet des Pyrénées Atlantiques en date du 14 février 2009 ;
Attendu que par ordonnance du 16 FEVRIER 2009, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de BAYONNE a rejeté la requête de Monsieur le préfet visant à la prolongation du maintien en rétention de M. Ageu X... ;
Attendu que le parquet de BAYONNE a relevé appel de cette décision ; Attendu que l'appel de Monsieur le Procureur de la République est régulier et recevable ;
Attendu que le Juge des Libertés et des Détentions saisi par l'autorité préfectorale d'une demande de maintien en rétention administrative d'un étranger frappé d'une mesure d'éloignement dispose d'un pouvoir de contrôle de toute la procédure antérieure à sa saisine en particulier celle mettant en oeuvre un pouvoir de contrainte sur l'étranger ; qu'il appartient notamment au juge de se prononcer sur les irrégularités portant atteinte à la liberté notamment celles invoquées par l'étranger lors d'une mesure de garde à vue lorsque celle-ci précède immédiatement la mise ou le maintien en rétention administrative ;
Attendu qu'il n'est pas discuté que l'interrogatoire de garde à vue de M. Ageu X... n'a fait l'objet d'aucun enregistrement audio-visuel ;
Attendu qu'en droit il résulte des dispositions des articles 64-1, alinéa 1 et 67 du Code de Procédure Pénale que :
" Les interrogatoire des personnes en garde à vue pour crime, réalisés dans les locaux d'un service ou d'une unité de police ou de gendarmerie exerçant une mission de police judiciaire font l'objet d'un enregistrement audio-visuel "
" Les dispositions des articles 64 à 66 (et donc en l'état des textes l'article 64-1 alinéa 1) sont applicables au cas de délit flagrant dans tous les cas où la loi prévoit une peine d'emprisonnement "
Qu'en application des dispositions de l'alinéa 1 de l'article L621-1 du CESEDA ;
" L'étranger qui a pénétré ou séjourné en FRANCE sans se conformer aux dispositions des articles L211-1 et 311-1 ou s'est maintenu en FRANCE au delà de la durée autorisée par son visa sera puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3. 750 euros "
Qu'il résulte des dispositions combinées des textes précités qu'en cas de " délit flagrant d'entrée ou de séjour irrégulier " susceptible d'entraîner une " peine d'emprisonnement " les " interrogatoires d'un étranger durant la garde à vue " doivent faire l'objet d'un " enregistrement ".
Attendu qu'il n'appartient pas au juge d'interpréter des textes légaux dépourvus d'ambiguïté sauf à encourir le risque d'arbitraire en recherchant l'intention du législateur ou l'esprit du texte notions toujours discutables n'offrant aucune sécurité judiciaire aux justiciables ;
Que les débats parlementaires ne sont qu'une source de droit seconde qui ne peut contredire une loi claire dans sa formulation ;
Qu'au surplus, en application des dispositions de l'article 111-4 du code pénal les lois pénales sont d'interprétation stricte et ne sauraient, en aucun cas, être interprétées dans un sens portant atteinte aux intérêts et aux droits de la personne poursuivie ;
Attendu que l'absence d'enregistrement audio-visuel de l'interrogatoire de la personne gardée à vue fait grief aux intérêts de celle-ci qui ne pourra pas utilement critiquer les conditions dans lesquelles cet interrogatoire s'est déroulé ; que le juge saisi d'une difficulté ne sera pas en mesure de contrôler la régularité de cet acte d'enquête ;
Attendu que si une mesure de garde à vue a pour objet de s'assurer le maintien à disposition de la personne ; qu'elle doit aussi permettre à celle-ci, soumise à un régime portant atteinte à sa liberté, de présenter ses moyens de défense ;
Qu'en l'absence d'interrogatoire régulièrement effectué les actes subséquents, en particulier, le maintien en garde à vue et les actes postérieurs sont entachés d'irrégularité ; que la personne devant donc être remise en liberté avant son placement en rétention ;
Que le délai écoulé entre l'interpellation de l'intéressé, le 14 février 2009à 01h25 et la notification de l'arrêté de reconduite à la frontière, le 14 février 2009 à 17h45 est manifestement déraisonnable et porte une atteinte injustifiée à la liberté de M. Ageu X....
Attendu que le grief de nullité de défaut d'enregistrement audiovisuel de l'interrogatoire de garde à vue étant encouru il convient de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
Attendu de manière surabondante qu'il apparaît que la seule finalité de la procédure judiciaire diligentée n'était pas l'engagement de poursuites pénales mais seulement la mise en oeuvre de mesures d'éloignement relevant de la police administrative, qu'une telle pratique porte atteinte aux libertés individuelles dont le juge est garant (Conseil d'Etat 07 février 2007).
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement,
En la forme,
Déclarons l'appel régulier et recevable ;
Au fond,
Confirmons l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.
Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l'étranger, à son conseil, à la préfecture des Pyrénées Atlantiques et communiquée au Ministère Public ;
Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d'un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l'intermédiaire d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.
Fait au Palais de Justice de PAU, le dix sept Février deux mille neuf à 15h45.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Paule MANAUTEMichel TREILLES
Reçu notification de la présente par remise d'une copie
ce jour 17 Février 2009
Monsieur Ageu X...
Maître Valérie LEGRAND
Monsieur le Préfet par fax
Monsieur DELPECH, substitut général