PC/CD
Numéro 12/3333
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 21/08/2012
Dossier : 10/05271
Nature affaire :
Demande relative aux murs, haies et fossés mitoyens
Affaire :
[I] [S]
C/
COMMUNE DE [Localité 2]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 août 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 19 mars 2012, devant :
Monsieur CASTAGNE, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame PEYRON, greffier présent à l'appel des causes,
Monsieur CASTAGNE, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame PONS, Président
Monsieur CASTAGNE, Conseiller
Monsieur BILLAUD, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [I] [S]
né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 2]
de nationalité française
[Adresse 5]
[Adresse 5]
représenté par la SCP MARBOT - CREPIN, avocats à la Cour
assisté de Maître PERES, avocat au barreau de TARBES
INTIMÉE :
COMMUNE DE [Localité 2]
agissant poursuites et diligences en la personne de son maire en exercice domicilié en cette qualité à la mairie
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
représentée par la SCP DUALE - LIGNEY, avocats à la Cour, avocats à la Cour
assistée de Maître CLAVERIE de la SCP CLAVERIE BAGET ASSOCIES, avocat au barreau de TARBES
sur appel de la décision
en date du 16 DÉCEMBRE 2010
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES
M. [I] [S] est propriétaire à [Localité 2] d'un immeuble accolé à un autre immeuble dépendant du domaine privé de la commune.
Soutenant que des travaux de démolition de l'immeuble communal entrepris courant 1984 ont causé des dommages à sa propriété, M. [S], après avoir été débouté de ses demandes de réparation formées devant la juridiction administrative sur le fondement de la théorie des dommages de travaux publics, a fait assigner la commune de [Localité 2] devant le tribunal de grande instance de Tarbes sur le fondement de l'article 655 du code civil.
Par ordonnance du 11 septembre 2007 confirmée par arrêt de la présente cour du 28 octobre 2008, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Tarbes a rejeté l'exception d'incompétence et la fin de non-recevoir soulevées par la commune.
Par jugement du 16 décembre 2010, le tribunal de grande instance de Tarbes s'est déclaré incompétent pour connaître du litige, a dit n'y avoir lieu à statuer sur la mitoyenneté du mur et a débouté la mairie de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile, le tribunal considérant en substance, d'une part que seule la juridiction administrative est compétente pour connaître de dommages trouvant leur origine dans l'exécution de travaux publics, quel que soit le lieu de ces dommages et, d'autre part, que le litige avait été tranché par le jugement précité du tribunal administratif de Pau du 22 novembre 2002.
M. [S] a formé contredit à l'encontre de cette décision selon déclaration au greffe du tribunal de grande instance de Tarbes en date du 22 décembre 2010.
Par arrêt du 6 avril 2011, la cour a déclaré irrecevable, en application de l'article 99 du code de procédure civile, le contredit formé par M. [S], s'est déclarée saisie d'un appel et a invité les parties à régulariser la procédure conformément aux dispositions de l'article 91 du code de procédure civile
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 20 février 2012.
Dans ses dernières conclusions déposées le 8 novembre 2011, M. [S] demande à la Cour, réformant le jugement entrepris :
- de déclarer son appel recevable et de se déclarer compétente pour en connaître,
- de juger que le mur séparatif des propriétés des parties est mitoyen,
- de condamner la commune de [Localité 2] à lui payer la somme de 41 030 € à actualiser à dire d'expert et celle de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec bénéfice de distraction au profit de la SCP Marbot-Crépin.
Il soutient en substance :
- sur la compétence, qu'en application de l'article 653 du code civil, le mur pignon séparatif des deux immeubles dans lequel la charpente de l'immeuble communal était encastrée doit être qualifié de mur mitoyen d'autant que le mur litigieux était intégré dans un système de construction dont les composants étaient interdépendants en sorte que les dommages provoqués par les travaux effectués par la commune ne peuvent eux-mêmes être qualifiés de dommages de travaux publics et qu'il y a lieu de faire application des règles civiles (article 655 du code civil),
- sur la prescription, que les dispositions de l'article 2270-1 du code civil sont inapplicables s'agissant d'une action réelle et non personnelle et qu'en toute hypothèse, le délai quinquennal de prescription éventuellement applicable par l'effet de la réforme du 17 juin 2008 n'aurait commencé à courir que le 19 juin 2008,
- sur le fond, qu'en suite de la démolition de l'immeuble de la commune, le mur mitoyen a été mis à nu, qu'il a subi divers dommages et qu'il menace de s'effondrer dans la mesure où il ne reçoit plus l'appui de la construction démolie.
Dans ses dernières conclusions déposées le 8 novembre 2011, la commune de [Localité 2] demande à la Cour :
- de confirmer le jugement déféré par lequel le tribunal de grande instance de Tarbes s'est déclaré incompétent,
- en toute hypothèse, de dire que le mur litigieux n'est pas mitoyen et que la réparation des dommages relève de la seule compétence de la juridiction administrative,
- de déclarer l'action de M. [S] prescrite en application de l'article 2270-1 du code civil et subsidiairement de le débouter de toutes ses demandes,
- de condamner M. [S] à lui payer la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec bénéfice de distraction pour la SCP de Ginestet-Dualé-Ligney.
Elle soutient pour l'essentiel :
- que M. [S] ne rapporte pas la preuve du caractère mitoyen du mur, que la présomption de mitoyenneté ne peut jouer lorsqu'une construction ne fait, comme en l'espèce que prendre appui sur une autre, les marques de non mitoyenneté, corroborées par les observations de l'expert judiciaire et les propres écrits de M. [S] l'emportant en l'espèce sur les présomptions de mitoyenneté invoquées par l'appelant,
- qu'en toute hypothèse, la constatation de la mitoyenneté du mur serait sans incidence dès lors qu'elle n'emporterait pas plus de droits pour la victime et ne permettrait pas de modifier le fondement de son action en réparation de dommages causés par des travaux publics,
- que l'action en responsabilité civile extra-contractuelle intentée par M. [S] est prescrite au regard des dispositions de l'article 2270-1 du code civil,
- que compte tenu de l'état de vétusté avancé de l'immeuble de M. [S], les travaux de démolition ne peuvent être la cause du prétendu dommage,
- que le mur n'est pas mitoyen, que les travaux de démolition sont des travaux publics et que M. [S] est tiers par rapport à cet ouvrage, même s'il existe un lien de cause à effet entre les travaux et les dommages causés au mur de l'appelant, qu'il soit mitoyen ou privatif et relève de la seule compétence de la juridiction administrative.
MOTIFS
L'examen des pièces versées aux débats permet d'établir que la commune de [Localité 2] a fait l'acquisition des parcelles confrontant la propriété de M. [S] en vue de la construction d'un ensemble de logements sociaux, avec aire de stationnement et espace vert au droit même du fonds de l'appelant, dans le cadre d'une opération devant être réalisée par l'OPAC des Hautes-Pyrénées.
Or les OPAC, établissements publics chargés d'une mission de service public, ont la qualité d'établissements publics locaux à caractère industriel et commercial en sorte que les travaux par eux réalisés dans le cadre de leur mission de service public ont, eu égard à leur objet d'intérêt général, le caractère de travaux publics.
En l'espèce, les travaux de démolition (à l'origine du dommage dont M. [S] demande réparation) réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de la commune de [Localité 2] et préparatoires à la construction d'un ensemble résidentiel social par l'OPAC des Hautes-Pyrénées, constituent des travaux publics, en raison de leur objet d'intérêt général.
Le jugement déféré doit dès lors, être confirmé en ce qu'il a constaté l'incompétence des juridictions judiciaires pour connaître de la demande de M. [S] contre la commune de [Localité 2], en considérant exactement que la détermination de la (non)mitoyenneté du mur dont l'appelant sollicite la réfection est dépourvue de tout intérêt pour la solution du litige, dans la mesure où M. [S], tiers aux travaux litigieux, ne peut demander réparation des dommages qu'ils ont pu causer que devant les juridictions administratives.
L'équité commande d'allouer à la commune de [Localité 2] la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles par elle exposés en cause d'appel.
M. [S] sera condamné aux entiers dépens d'appel et de première instance avec autorisation pour les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Tarbes en date du 16 décembre 2010,
Vu l'arrêt du 6 avril 2011,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Ajoutant à celui-ci :
- condamne M. [S] à payer à la commune de [Localité 2], en application de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme de deux mille euros (2 000 €) au titre des frais irrépétibles par elle exposés en cause d'appel,
- condamne M. [S] aux entiers dépens d'appel, avec autorisation pour les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.
Le présent arrêt a été signé par M. Castagné, Conseiller, par suite de l'empêchement de Mme Pons, Président, et par Mme Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,Pour LE PRESIDENT empêché,
Mireille PEYRON Patrick CASTAGNE