CS/AM
Numéro 16/3098
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 05/08/2016
Dossier : 15/04483
Nature affaire :
Autres demandes relatives à la copropriété
Affaire :
SAS FONCIA BOUSSARD MCI
C/
SCI TRISTANGS
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 05 août 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 11 mai 2016, devant :
Madame SARTRAND, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame VICENTE, greffier, présente à l'appel des causes,
Madame SARTRAND, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame SARTRAND, Président
Monsieur CASTAGNE, Conseiller
Madame NICOLAS, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
SAS FONCIA BOUSSARD MCI
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par la SCP DUALE - LIGNEY - MADAR - DANGUY, avocats au barreau de PAU
assistée de Maître Erwan DINETY, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMEE :
SCI TRISTANGS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités de droit audit siège
représentée par la SCP DOMERCQ - LHOMY, avocats au barreau de PAU
assistée de Maître Julie HABARES, avocat au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 18 NOVEMBRE 2015
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU
FAITS ET PROCEDURE
La société Foncia Boussard exerce depuis 13 années les fonctions de syndic de la copropriété '[Établissement 1]' sise à Gourette (64) qui compte plus de 720 copropriétaires.
Une assemblée générale a été fixée au 16 octobre 2015 en vue de désigner un syndic, le mandat de la société Foncia Boussard arrivant à expiration le 30 septembre 2015.
La société Foncia Boussard s'est à nouveau portée candidate, mais la société Alter Immo s'est également portée candidate aux fonctions de syndic.
Un conflit aigu est né entre ces deux sociétés candidates, du fait de cette mise en concurrence.
Le 2 octobre 2015, la SCI Tristangs prise en la personne de son représentant légal, craignant que cette deuxième candidate ne puisse avoir accès au siège de la société Foncia Boussard, que le déroulement des opérations de cette assemblée générale devant présider à l'élection du syndic ne soit pas loyal et que des pressions soient exercées sur les copropriétaires, a, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, saisi par requête le président du tribunal de grande instance de Pau pour voir désigner un huissier de justice.
Par une ordonnance du 2 octobre 2015, le président du tribunal de grande instance, faisant droit à cette demande, a désigné Me [Y], huissier de justice à Pau, avec ses assistants, et à l'aide du matériel de reprographie et du matériel informatique disponible sur place, le concours de la force publique en cas de troubles, afin pour mission de se rendre à Pau, au siège de la société Foncia Boussard, syndic de la copropriété, et à [Localité 1] au siège de la société Foncia Oranovsky, gestionnaire de l'immeuble, à l'effet :
- de consulter et prendre copie des pouvoirs reçus par ces sociétés en vue de l'assemblée générale des copropriétaires du 16 octobre 2015, notamment des pouvoirs en blanc, ainsi que de la feuille de présence préparée,
- de procéder lui-même aux opérations d'émargements de la feuille de présence à cette assemblée,
- de comparer les pouvoirs communiqués par les sociétés précitées et ceux remis lors de l'assemblée générale,
- de vérifier le décompte des votes effectués par les scrutateurs,
- et de procéder à toute constatation utile sur le déroulement de l'assemblée générale.
Par une deuxième ordonnance du 8 octobre 2015, ce magistrat a également chargé l'huissier de justice susnommé de consulter et prendre copie des courriers échangés entre les sociétés Foncia, les organes de la copropriété, et notamment le conseil syndical, et les copropriétaires, en vue de cette assemblée.
Par acte du 12 octobre 2015, la société Foncia Boussard a fait assigner devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Pau la SCI Tristangs pour voir rétracter l'ordonnance du 2 octobre 2015, voir désigner un autre huissier de justice pour dresser constat du déroulement de l'assemblée générale avec un assistant, et subsidiairement, voir mettre sous scellés les éléments saisis par l'huissier de justice désigné et voir condamner la société Tristangs à lui payer une indemnité de procédure de 3 000 €.
Elle a sollicité également la rétractation de l'ordonnance du 8 octobre 2015.
Aux termes de ses écritures en date du 1 janvier 2016 développées au soutien de sa demande de rétractation, la société Foncia a fait valoir concernant le contexte, que Mme [C] agissait en 'sous-main' de la société Alter Immo qui comptait deux de ses anciens salariés contre qui elle était en procès pour concurrence déloyale devant le tribunal de commerce de Pau et le conseil de prud'hommes de Pau, et que face à cet huissier instrumentaire désigné, incompétent et non préparé à sa mission, l'assemblée générale n'avait pu aller au bout de l'ordre du jour, avait dû être reportée, mais l'avait néanmoins, désignée à nouveau en qualité de syndic.
En droit, la société Foncia Boussard a soutenu, d'une part, que la seule finalité de l'article 145 du code de procédure civile est l'établissement ou la conservation de preuve de faits en vue d'un futur procès au fond et qu'en l'espèce, les conditions de l'article 145 n'étaient pas réunies car la demanderesse ne justifiait pas d'un motif légitime.
Or, selon elle, la SCI Tristangs a fait valoir au soutien de sa requête que celle-ci avait pour but d'éviter que le syndicat n'ait pas de syndic, de voir l'assemblée générale délibérer calmement et voter sur la candidature de la société Alter Immo et qu'elle envisageait la possibilité d'une présence étrangère, alors qu'aucun de ces risques énoncés n'était fondé puisque la tenue de cette assemblée visait précisément à voir désigner un syndic.
La société Foncia indiquait encore, que durant ces 13 années où elle a exercé cette fonction, aucun incident n'avait été à déplorer et que le recours à une procédure non contradictoire n'était donc nullement justifiée et s'inscrivait dans le cadre de manoeuvres particulièrement déloyales et occultes d'un concurrent.
Et la société Foncia considère que la prévention d'un risque, fut-il démontré, ce qu'elle conteste, ne constitue en aucune façon les critères d'application de l'article 145 du code de procédure civile.
D'autre part, la société Foncia a fait valoir encore, que les demandes de la SCI Tristangs excédaient la notion de mesures légalement admissibles au sens du même texte de sorte que le juge n'aurait pas dû faire droit à ces demandes en confiant à l'huissier la mission de se déplacer chaque jour pendant deux semaines entières, de lui permettre ainsi d'avoir pendant ce délai, un accès illimité au réseau informatique ainsi qu'à tous documents de la société Foncia Boussard MCI, de lui confier la mission d'être juge de la notion de 'trouble', de lui donner un pouvoir de police en lui demandant d'organiser 'les opérations d'émargement de la feuille de présence' et surtout, de le charger d'une étude comparative, le tout excédant de très loin la notion de mesure légalement admissible.
La société Tristangs a soulevé l'irrecevabilité des demandes de la société Foncia Boussard tendant à la désignation d'un huissier de justice pour assister à l'assemblée générale, faute de qualité et d'íntérêt à agir, puisqu'au jour de la présentation de la requête, le contrat de syndic de la société Foncia Boussard était expiré, en sorte que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble était dépourvu de syndic, et que depuis, cette demande était devenue dépourvue d'objet, depuis la tenue de l'assemblée générale.
Pour le surplus, elle a sollicité le débouté de la société Foncia Boussard, la confirmation des deux ordonnances présidentielles, et la condamnation de la société Foncia Boussard en une indemnité de procédure de 3 000 €.
Elle a fait valoir :
- que son mandat venu à expiration, la société Foncia Boussard n'avait plus qualité pour mandater un huissier de justice en la personne de Me [Z] de [Localité 2], pour assister à l'assemblée générale du 16 octobre 2015, sans autorisation présidentielle préalable,
- que le conseil syndical et l'ancien syndic avaient usé de pressions pour faire obstacle à la candidature de la société Alter Immo comme nouveau syndic, ce qui constituait une attitude déloyale,
- que la société Foncia avaient fait obstacle à la mission de Me [Y] en le priant de quitter les locaux, invoquant une prétendue panne informatique, ce qui leur avait permis le cas échéant de détruire des messages compromettants pour elles, alors que curieusement, elle avait concomitamment utilisé ce même matériel informatique pour adresser d'autres messages,
- que lors de l'assemblée générale du 16 octobre 2015, la société Foncia Boussard avait prétendument été reconduite dans ses fonctions, sans vote, ce qui allait être contesté devant les tribunaux,
- que la mission de l'huissier de justice désigné par les ordonnances querellées était bien d'établir ou conserver une preuve en vue d'un futur procès, conformément à la loi,
- que plusieurs centaines de pouvoirs en blanc avaient été distribués par le syndic avant la tenue de l'assemblée générale, à des personnes acquises à sa cause,
- que déjà, lors de l'assemblée précédente du 3 octobre 2014, de graves irrégularités avaient été commises,
- que les ordonnances présidentielles ne conféraient pas à l'huissier de justice un pouvoir général d'investigations mais comportaient un mandat bien circonscrit,
- que la désignation de la société Alter Immo comme nouveau syndic aurait permis au syndicat une économie de frais de gestion de plus de 5 500 € par an.
Par une ordonnance du 18 novembre 2015, le juge des référés a déclaré sans objet la demande de désignation d'un huissier et rejeté le recours en rétractation ainsi formée par la société Foncia qui a été condamnée, outre aux dépens, à payer à la société Tristangs une indemnité de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour rejeter la demande en rétractation, le premier juge, après avoir constaté que la demande reconventionnelle de désignation d'un huissier de justice formulée par la société Foncia était devenue dépourvue d'objet, puisque l'assemblée générale s'était déroulée le 16 octobre 2015, et estimant que les circonstances (pressions envisagées, etc...) justifiaient la requête déposée par la SCI, a considéré que la mission donnée à l'huissier par les deux ordonnances visait bien la recherche de preuves en vue d'un futur procès au fond conformément aux prévisions de l'article 145 du code de procédure civile, qu'eu égard à l'acuité du litige existant entre les deux candidats aux fonctions de syndic, c'était à juste titre que la SCI Tristangs avait sollicité la nomination d'un huissier que la société Foncia avait elle-même de son côté sollicité, s'arrogeant ensuite le droit d'en désigner un, qui n'avait pas l'autorisation de justice pour saisir des documents ; que l'huissier désigné par les ordonnances de justice n'était pas en charge d'analyser les documents ainsi saisis, mais uniquement de se les faire remettre et de faire un tri entre ceux-ci, et que plus généralement, sa mission était précisément définie, qu'il n'était pas en charge de présider l'assemblée, mais seulement de vérifier les pouvoirs, la tenue des émargements et le contrôle du scrutin.
La société Foncia Boussard a interjeté appel de cette décision.
MOYENS DES PARTIES
Réitérant à l'identique les moyens et les demandes faites devant le premier juge, la SAS Foncia Boussard MCI sollicite de la Cour voir :
- constater que la mesure d'instruction ordonnée à la requête de la SCI Tristangs n'a pas pour objet l'établissement ou la conservation de preuve en vue d'un litige,
- constater que la SCI Tristangs ne justifie pas d'un motif légitime au sens des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile,
- constater que les prétentions de la SCI Tristangs excèdent la notion de mesures légalement admissibles au sens des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile,
- constater que les motifs avancés par la SCI Tristangs ne sauraient justifier le caractère non contradictoire de la procédure mise en 'uvre par la requérante,
En conséquence,
- infirmer l'ordonnance de référé de M. le président du tribunal de grande instance de Pau en date du 18 novembre 2015,
Et statuant à nouveau,
- rétracter les ordonnances sur requête de M. le président du tribunal de grande instance de Pau en date des 2 et 8 octobre 2015,
- condamner la SCI Tristangs, outre aux dépens, à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions en réponse, la SCI Tristangs développant à nouveau les mêmes moyens que ceux exposés devant le premier juge, sollicite voir :
- débouter la société Foncia Boussard MCI de I'intégralité de ses prétentions, fins et conclusions contraires,
- confirmer en toutes ses dispositions les dispositions de l'ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Pau en date du 18 novembre 2015,
Y ajoutant :
- condamner la société Foncia Boussard MCI, outre aux dépens, à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE l'ARRÊT
Sur le défaut de pouvoir de la société Foncia
Attendu qu'il est constant que la SAS Foncia Boussard MCI, représentant le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Établissement 2], voyait son mandat de syndic venir à expiration le 30 septembre 2015 ;
Qu'elle n'a pas non plus, dans ces conditions, justifié d'un mandat spécial l'autorisant à agir en justice à l'encontre de la SCI Tristangs ;
Que dès lors, lorsqu'elle a assigné la SCI Tristangs le 12 octobre 2015 devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Pau, la SAS Foncia Boussard MCI dont le mandat de syndic avait expiré le 30 septembre 2015, était dépourvue de pouvoir à agir au nom du syndicat des copropriétaires, et ne possédait aucune qualité autre, pour introduire une telle instance ;
Que s'agissant d'une irrégularité de fond, l'assignation ainsi délivrée sera déclarée nulle.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
INFIRME l'ordonnance prononcée le 18 novembre 2015,
Et STATUANT à nouveau,
VU l'article 117 du code de procédure civile,
PRONONCE la nullité de l'assignation délivrée devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Pau le 12 octobre 2015 par la SAS Foncia Boussard MCI à l'encontre de la SCI Tristangs,
CONDAMNE la SAS Foncia Boussard MCI à payer à la SAS Tristangs prise en la personne de son représentant légal, la somme de 2 000 € (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
La CONDAMNE également aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Mme Sartrand, Président, et par Mme Vicente, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Sandra VICENTE Christine SARTRAND