MARS/AM
Numéro 19/1184
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 20/03/2019
Dossier N° RG 15/03409
N° Portalis DBVV-V-B67-F66J
Nature affaire :
Demande relative à un droit de passage
Affaire :
[U] [M]
C/
[G] [W]
[N] [W] épouse [Z]
[Q] [T] épouse [W]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 mars 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 14 janvier 2019, devant :
Madame ROSA SCHALL, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame FITTES-PUCHEU, greffier, présente à l'appel des causes,
Madame ROSA SCHALL, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame BRENGARD, Président
Monsieur CASTAGNE, Conseiller
Madame ROSA SHALL, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [U] [M]
[Localité 1]
représenté par Maître Xavier TERQUEM-ADOUE de la SELARL DUCRUC-NIOX -TERQUEM-ADOUE, avocat au barreau de TARBES
assisté de Maître Michel LAGARDE, avocat au bareau de PAU
INTIMES :
Monsieur [G] [W]
né le [Date naissance 1] 1930 à [Localité 1]
de nationalité française
Bourg
[Localité 2]
Madame [N] [W] épouse [Z]
née le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 2]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Madame [Q] [T] épouse [W]
née le [Date naissance 3] 1935 à [Localité 3]
de nationalité française
Bourg
[Localité 2]
représentés et assistés de la SCP CASADEBAIG & ASSOCIES, représentée par Maître Jean-Pierre CASADEBAIG, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 29 JUILLET 2015
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU
Mme [N] [W] épouse [Z], M. [G] [W] et Mme [Q] [T] épouse [W] sont propriétaires indivis de plusieurs parcelles de terres à usage agricole sises à [Localité 1] (64), dont 3 d'entre elles, cadastrées section AN 04 n° [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] ne sont pas accessibles depuis le reste de la propriété. Elles sont exploitées par Mme [Z].
L'accès à ces 3 parcelles s'effectue en empruntant les parcelles n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5] appartenant à M. [U] [M].
Une servitude de passage a été consacrée par une décision du juge de paix de LEMBEYE le 20 août 1953.
Faisant état de difficultés provenant d'une attitude d'obstruction de la part de M. [U] [M], Mme [N] [W] épouse [Z] a, suivant acte d'huissier en date du 18 avril 2011, fait assigner ce dernier en référé devant le tribunal de grande instance de PAU qui, par ordonnance du 11 mai 2011, a ordonné à M. [M] de restituer à Mme [Z] l'utilisation de la servitude de passage dont elle dispose sur la parcelle lui appartenant, cadastrée n° [Cadastre 5]. Il a condamné en tant que de besoin M. [M] à prendre toutes dispositions utiles à cette fin, sous peine d'une astreinte de 75 € par jour de retard à compter du septième jour suivant la signification de la décision.
Invoquant le non-respect de cette décision, Mme [Z] a assigné M. [M] devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de PAU par acte du 3 juillet 2013 aux fins de voir liquider l'astreinte à la somme de 55 875 €.
Par jugement du 7 avril 2014, le juge de l'exécution a condamné M. [M] à payer à Mme [Z] la somme de 8 000 € au titre de l'astreinte, outre 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens de l'instance.
Par déclaration enregistrée le 18 avril 2014, M. [M] a interjeté appel de ce jugement.
Suivant arrêt n°/ 03638, la 2ème chambre de la cour d'appel de PAU a infirmé le jugement du juge de l'exécution en toutes ses dispositions, débouté Mme [Z] de sa demande de liquidation d'astreinte et l'a condamnée à payer à M. [M] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens.
La cour a considéré que les difficultés rencontrées par les consorts [W]-[Z] pour circuler sur le chemin trouvent leur origine, non pas dans un acte positif de leur voisin, qui aurait volontairement obstrué le passage, mais dans un défaut d'entretien du chemin dont l'entretien incombe au propriétaire du fonds dominant.
Par exploit d'huissier en date du 26 mai 2014, M. [U] [M] a fait assigner M. [T] [W], Mme [N] [Z] et Mme [Q] [T] épouse [W] devant le tribunal de grande instance de PAU sur le fondement des articles 682 et suivants du code civil, en contestation de l'état d'enclave des parcelles n° [Cadastre 1], [Cadastre 2], et [Cadastre 3] et donc de l'existence de la servitude de passage sur les parcelles cadastrées [Cadastre 4] et [Cadastre 5] lui appartenant.
Il sollicitait en outre la condamnation de Mme [Z] à lui verser les sommes de 8 000 € en remboursement du paiement indu de l'astreinte prononcée par le juge de l'exécution suivant jugement du 7 avril 2014 et de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive devant le juge des référés outre celle de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Selon jugement rendu le 29 juillet 2015, le tribunal de grande instance de PAU a débouté M. [M] de toutes ses demandes, débouté les consorts [W] de leur demande de dommages-intérêts et condamné M. [M] à leur verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.
Le premier juge a rappelé l'existence de la décision rendue par le juge de paix de LEMBEYE le 20 août 1953 qui invoque l'état d'enclave et une servitude de passage mentionnée dans un acte notarié de vente du 18 mars 1861, cette dernière figurant sur le plan cadastral.
Le tribunal a dès lors considéré qu'il appartenait à M. [M] de rapporter la preuve de l'état de désenclavement des parcelles litigieuses et que M. [M] ne rapportait pas cette preuve d'une part, du fait que la solution qu'il propose de passer par une parcelle n° [Cadastre 6] « en possession » de M. [Z] est impossible, le relevé de propriété démontrant que cette parcelle est au nom de M. [P] [W] et d'autre part, en l'absence de constat d'huissier ou de témoignage permettant de justifier que les parcelles n° [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] ont un accès direct sur la voie publique en passant par la propriété des défendeurs.
S'agissant de la demande en dommages et intérêts formulée par M. [W], Mme [Z] et Mme [T], le premier juge a estimé qu'ils ne justifiaient pas avoir subi un préjudice distinct de celui d'avoir dû ester en justice.
Suivant déclaration d'appel n° 15/02559 en date du 28 septembre 2015, M. [M] a interjeté appel de cette décision.
Le 14 décembre 2016, M. [M], a saisi le magistrat de la mise en état de la 1ère chambre civile de la cour d'appel de Pau afin d'obtenir une expertise judiciaire ayant pour objet de se prononcer sur l'enclavement des parcelles de terres agricoles cadastrées numéros [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] appartenant aux consorts [W].
Suivant ordonnance n° 17/1130 rendue le 16 mars 2017, il a été fait droit à la demande et M. [R] [N] a été désigné pour procéder à la mission consistant à indiquer les conditions actuelles d'accès des parcelles de terres agricoles litigieuses et dire si elles sont toujours enclavées au sens de l'article 682 du code civil.
L'expert a déposé son rapport le 6 octobre 2017 et conclu que les parcelles en cause sont toujours enclavées au sens de l'article 682 du code civil.
Par conclusions du 6 mai 2018, M. [U] [M] demande à la cour, au visa du rapport d'expertise judiciaire et des articles 682 et suivants du code civil, de réformer le jugement entrepris et de juger que les parcelles n° [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] cadastrées AN [Cadastre 7] Section A sur la commune de [Localité 1] ne sont pas enclavées.
Il demande en conséquence, qu'il soit jugé que les consorts [W] ne sont pas fondés à solliciter une servitude de passage sur les parcelles cadastrées [Cadastre 4] et [Cadastre 5], Section A, AN [Cadastre 7] à [Localité 4] sur la commune de [Localité 1] lui appartenant en pleine propriété. Il sollicite également la condamnation de chacun des consorts [W] à lui verser une somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise qu'il a avancés.
Par conclusions en date du 13 janvier 2016, Mme [N] [W] épouse [Z], M. [G] [W] et Mme [Q] [T] épouse [W] concluent à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [M] de l'ensemble de ses demandes. Pour le surplus, ils sollicitent l'infirmation du jugement dont appel en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes tendant à la condamnation de M. [M] motif pris du caractère abusif de la procédure qu'il a engagée. Par conséquent, ils demandent la condamnation de l'appelant à leur verser la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre celle de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 décembre 2018.
SUR CE :
La décision rendue par le juge de paix de LEMBEYE le 20 août 1953 rappelle que la servitude de passage revendiquée par la veuve [U] est mentionnée dans un acte de vente du 29 mars 1861, et que le passage est clairement marqué sur le plan cadastral originaire de la commune de [Localité 1].
En application des dispositions de l'article 685-1 du code civil « en cas de cessation de l'enclave et quelle que soit la manière dont l'assiette et le mode de la servitude ont été déterminés, le propriétaire du fonds servant peut, à tout moment, invoquer l'extinction de la servitude si la desserte du fonds dominant est assurée dans les conditions de l'article 682 du code civil.
À défaut d'accord amiable, cette disparition est constatée par une décision de justice. »
Aux termes de l'article 682 code civil « Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner ».
M. [U] [M] fait valoir que depuis une délibération du conseil municipal de [Localité 1] en date du 10 décembre 2007, la voie dite "Deu Soum Deu Tenant" appartient au domaine public communal de telle sorte que le siège de l'exploitation agricole des consorts [W] n'est pas enclavé et par conséquent les parcelles litigieuses depuis celui-ci non plus.
Il soutient également, que M.[Z] a réalisé un passage sur la parcelle n° [Cadastre 6] pour rejoindre les parcelles [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] et produit 3 photographies, (pièces 5 a et b) et un procès-verbal de constat d'huissier de Me [B] en date du 12 novembre 2015 toutes pièces qui n'établissent pas la réalité d'un passage praticable dans les conditions requises par des engins agricoles d'une largeur moyenne de 4 m 50.
Au demeurant, aucun dire n'a été présenté à l'expert et à son sapiteur, au sujet de ce prétendu passage.
Au surplus, les consorts [W] ont fait établir, le 8 décembre 2015 par Me [K], huissier, un procès-verbal de constat duquel il résulte que la parcelle n° [Cadastre 6], dont il est précisé qu'elle appartient à M. [P] [W] et non à l'indivision [W], est en nature de bois, très en pente, ce qui rend difficile voire impossible l'accès des engins agricoles ou véhicules terrestres à moteur.
Il résulte du rapport de l'expert judiciaire, M. [N] et du sapiteur M. [R] que les parcelles n° [Cadastre 1], n° [Cadastre 2] et n° [Cadastre 3] :
- ne sont pas accessibles depuis la voie communale n° 2 (itinéraires 1 et 2 du rapport) en raison de la largeur insuffisante du pont sur le ruisseau de Sourville (dont le radier en béton fait 4 m de large) et de travaux de terrassement qui seraient également nécessaires sur tout le long du tracé
- ne sont pas accessibles depuis le reste de la propriété des consorts [W] laquelle est desservie par le chemin rural "[Adresse 2]",
L'expert a conclu que les parcelles n° [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] sont toujours enclavées au sens de l'article 682 du code civil, compte tenu de leur accès insuffisant à la voie publique pour l'exploitation agricole dès lors que, s'agissant de parcelles agricoles, elles doivent disposer d'un passage suffisant pour une moissonneuse-batteuse vers une voie publique qui nécessite une largeur minimale de 4 m 50.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [U] [M] de toutes ses demandes, les parcelles n°[Cadastre 1],[Cadastre 2] et [Cadastre 3] demeurant enclavées au sens de l'article 682 du code civil.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
L'exercice d'une action en justice, ou la défense à celle-ci, ne peuvent dégénérer en faute que s'il est démontré un abus de ce droit.
En l'espèce, la cour ne relève aucune circonstance qui aurait fait dégénérer en faute, le droit pour M. [U] [M] d'intenter son action à l'encontre des consorts [W]. Par ailleurs, une expertise a été ordonnée en cause d'appel.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [W] de ce chef de demande.
Sur les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Le jugement déféré sera confirmé de ces chefs.
M. [U] [M] qui succombe en son recours, sera débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné à payer Mme [N] [W] épouse [Z], M. [G] [W] et Mme [Q] [T] épouse [W] la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
M.[U] [M] sera condamné aux dépens de l'instance en appel qui comprendront les frais d'expertise judiciaire.
Par ces motifs
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Vu le rapport d'expertise de M. [R] [N] déposé le 6 octobre 2017,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamne [U] [M] à payer à Mme [N] [W] épouse [Z], M. [G] [W] et Mme [Q] [T] épouse [W], la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Déboute [U] [M] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne [U] [M] aux dépens de l'appel qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire.
Le présent arrêt a été signé par Mme Marie-Florence BRENGARD, Président, et par Mme Julie FITTES-PUCHEU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Julie FITTES-PUCHEU Marie-Florence BRENGARD