MARS/AM
Numéro 19/2642
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 25/06/2019
Dossier N° RG 17/00173
N° Portalis DBVV-V-B7B-GN2W
Nature affaire :
Demande relative à un droit de passage
Affaire :
[O] [E]
C/
[J] [S]
COMMUNE D'[Localité 1]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 juin 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 11 mars 2019, devant :
Madame ROSA SCHALL, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame FITTES-PUCHEU, greffier, présente à l'appel des causes,
Madame ROSA SCHALL, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame BRENGARD, Président
Monsieur CASTAGNE, Conseiller
Madame ROSA SCHALL, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [O] [E]
né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 2]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 1]
représenté et assisté de Maître Antoine PAULIAN, avocat au barreau de PAU
INTIMES :
Monsieur [J] [S]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté et assisté de Maître Jean-Philippe LABES de la SELARL ABL ASSOCIES, avocat au barreau de PAU
COMMUNE D'[Localité 1]
[Adresse 3]
[Localité 1]
prise en la personne de son maire en exercice, demeurant ès qualités à la mairie d'[Localité 1]
représentée et assistée de Maître Jean-Michel GALLARDO, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 21 DECEMBRE 2016
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU
M. [O] [E] est propriétaire sur la commune d'[Localité 1] de deux parcelles cadastrées AE n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2] d'une superficie totale de 2 696 m².
Il a procédé à la division cadastrale de ses parcelles en plusieurs parcelles cadastrées AE n° [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 3], en vue d'édifier sur 2 d'entre elles (n° [Cadastre 4] et [Cadastre 3]) 2 maisons d'habitation.
Le 15 septembre 2014, M. [O] [E] a demandé à la commune d'[Localité 1] un certificat d'urbanisme qui lui a été refusé en raison de l'absence de solution de raccordement au réseau d'électricité, d'eau potable et d'assainissement.
Une nouvelle demande a été déposée le 7 novembre 2014, qui a été refusée en raison de l'impossibilité du projet de bénéficier d'un accès sur la rue [Localité 3] compte tenu de sa configuration actuelle.
Ces rejets n'ont fait l'objet d'aucune contestation devant la juridiction administrative.
M. [O] [E], souhaitant obtenir un accès à la rue [Localité 3] en utilisant la parcelle AE [Cadastre 6] qui appartient à la commune d'[Localité 1] et sur laquelle M. [J] [S], propriétaire d'une parcelle contiguë a construit un abri de jardin, les a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Pau sur le fondement des articles 682 et 1382 du code civil, à l'effet de voir condamner la commune d'[Localité 1] à libérer l'accès de la voie litigieuse.
Par jugement du 21 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Pau a :
- rejeté l'intégralité des demandes de M. [O] [E],
- débouté les défendeurs de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamné M. [O] [E] à payer à M. [J] [S] la somme de 1 200 €, et à la mairie d'[Localité 1] la somme de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Le tribunal a relevé que M. [O] [E] n'était pas recevable à solliciter la libération de l'accès d'une parcelle dont il n'est pas propriétaire et que l'état d'enclave n'était pas abli.
M. [O] [E] a interjeté appel de ce jugement le 16 janvier 2017.
Par conclusions du 28 mars 2017, M. [O] [E] demande de réformer le jugement entrepris, de déclarer son action recevable et de constater, au visa de l'article 682 et suivant du code civil, l'état d'enclave des parcelles cadastrées section AE [Cadastre 4] et [Cadastre 3] sises commune d'[Localité 1].
Il fait valoir qu'il est fondé à agir sur le fondement des articles 1165 et suivants du code civil par le biais de l'action oblique, pour obtenir la condamnation de M. [J] [S] à libérer la parcelle cadastrée section AE n° [Cadastre 6] permettant l'accès à ses parcelles n° [Cadastre 4] et [Cadastre 3] par la rue [Localité 3], ce préalablement à toute demande de fixation d'une éventuelle servitude légale de passage et nouvelle demande de certificat d'urbanisme.
Il soutient que l'occupation privative de M. [S] de ce domaine privé de la commune, qui constitue en réalité un chemin communal d'accès, lui cause un préjudice en ne lui permettant pas d'obtenir un certificat d'urbanisme positif.
Il sollicite la condamnation de M. [J] [S] à lui payer la somme de 5 000 € en réparation du préjudice subi, et la condamnation solidaire de la mairie d'[Localité 1] prise en la personne de son maire en exercice, et de M. [S] à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions du 3 avril 2017, la commune d'[Localité 1] sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes de M. [E] et, formant à titre incident, demande de le condamner à lui payer la somme de 10 000 € pour procédure abusive outre une indemnité supplémentaire de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle fait valoir que la parcelle AE [Cadastre 6] n'a jamais été intégrée à la voirie communale et ne constitue ni un chemin rural, ni un chemin d'exploitation, qu'elle dépend du domaine privé de la commune de sorte que M. [E] ne peut pas revendiquer de passage sur celle-ci et n'a pas qualité à agir pour demander la libération par M. [S] d'un bien qui ne lui appartient pas.
Par conclusions du 11 mai 2017, M. [J] [S] sollicite la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Réformant le jugement de ce chef, il demande de condamner M. [E] à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts, soulignant qu'il était parfaitement conscient du caractère infondé de son action, similaire à celle intentée par M. [W] il y a 10 ans, ayant fait l'objet d'un jugement qui n'a jamais été contesté.
Il demande sa condamnation à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure et aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Labes sur son affirmation de droit.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 février 2019.
Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion la cour, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, se réfère pour l'exposé plus ample des moyens et des prétentions des parties, à leurs dernières écritures visées ci-dessus.
Sur ce :
Sur la demande de libération de la parcelle section AE n° [Cadastre 6]
En application des dispositions de l'article 31 du code de procédure civile « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit à agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, pour défendre un intérêt déterminé. »
L'article 1166 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du février 2016 afférent à l'action oblique est inapplicable en l'espèce, M. [O] [E] n'étant pas créancier de la commune d'[Localité 1], l'application de l'article 1116 étant subordonnée à l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible.
M. [O] [E] soutient que la parcelle AE [Cadastre 6] est un chemin communal d'accès or, il ne rapporte pas la preuve que cette parcelle ait fait l'objet d'une décision de classement en voie communale, ce qui au demeurant, l'aurait intégré dans le domaine public de la commune.
Au surplus, M. [O] [E] ne conteste pas que la parcelle AE [Cadastre 6] fait partie du domaine privé de la commune d'[Localité 1] de sorte que celle-ci, en sa qualité de propriétaire, a seule qualité pour demander la libération des lieux par un éventuel occupant sans droit ni titre.
En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a relevé que M. [O] [E] n'est pas recevable en sa demande de libération de l'accès de cette parcelle par M. [J] [S].
Sur la demande de constater l'état d'enclave
M. [O] [E] a procédé à la division de ses parcelles cadastrées section AE n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2] d'une superficie totale de 2 696 m², désormais cadastrées section AE n° [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 3].
Il n'est pas contesté, que les parcelles initiales avaient un accès direct sur la voie publique, précisément la rue du [Localité 4], ce qui est toujours le cas des parcelles n° [Cadastre 3] et [Cadastre 5].
Le souhait de M.[O] [E] est d'établir un accès aux parcelles n° [Cadastre 4] et [Cadastre 3] par la rue du [Localité 3].
Cette division, ne résulte ni d'une vente, ni d'un échange ni de tout autre contrat.
En ces hypothèses, en application des dispositions de l'article 684 du code civil, le passage ne pourrait être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes.
Ce n'est que dans les cas où un passage ne pourrait être établi sur les fonds divisés que l'article 682 serait applicable et le passage devrait être alors pris du côté où le trajet est le plus court, du fonds enclavé à la voie publique, tout en étant fixé dans l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé : or il est constant, en l'espèce, qu'une construction a été édifiée sur la parcelle AE n° [Cadastre 6].
Par ailleurs, les seuls documents émanant de la société maison de [Localité 5] ne prouvent pas qu'aucun accès ne puisse être réalisé aux dites parcelles à partir de la rue du [Localité 4] ou de la rue des [Localité 6], dès lors qu'il est uniquement spécifié que le profil du terrain ne permet pas d'accéder à la partie haute de ceux-ci, de sorte que l'état d'enclave n'est pas démontré.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive
Le jugement déféré repose de ce chef sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte.
En l'absence de moyens nouveaux et de nouvelles preuves, le jugement sera confirmé.
Sur les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et depens
Le jugement déféré sera confirmé de ces chefs.
M. [O] [E] succombant en son recours sera débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné à payer à la commune d'[Localité 1] représentée par son maire en exercice, et à M. [J] [S], la somme de 3 000 € à chacun au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
M. [O] [E] sera condamné aux dépens de l'appel.
Il sera fait droit à la demande sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.
Par ces motifs
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Condamne M. [O] [E] à payer à la commune d'[Localité 1] représentée par son maire en exercice, et à M. [J] [S] la somme de 3 000 € à chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Déboute M. [O] [E] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne M. [O] [E] aux dépens de l'appel et autorise Me Labes à procéder au recouvrement direct des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Mme Marie-Florence Brengard, Président, et par Mme Julie Fittes-Pucheu, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Julie FITTES-PUCHEU Marie-Florence BRENGARD