PC/SI
Numéro 20/01457
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 26/05/2020
Dossier : N° RG 18/01476 - N° Portalis DBVV-V-B7C-G4U7
Nature affaire :
Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité
Affaire :
[L] [J], [P] [Z]
C/
[M] [C]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 26 mai 2020, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 24 Février 2020, devant :
Monsieur CASTAGNE, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame BLONDEL greffière présente à l'appel des causes,
Monsieur [K], en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame DUCHAC, Président
Monsieur CASTAGNE, Conseiller
Madame ROSA SCHALL, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Madame [L] [J]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée et assistée par Me Alexa LAURIOL de la SELARL AQUI'LEX, avocat au barreau de PAU
Monsieur [P] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté et assisté par Me Alexa LAURIOL de la SELARL AQUI'LEX, avocat au barreau de PAU
INTIME :
Monsieur [M] [C]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté et assisté par Me Virginie MOULET de la SELARL LAFITTE-HAZA SERIZIER GRIMAUD MOULET, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
sur appel de la décision
en date du 30 MARS 2018
rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE MONT DE MARSAN
Le 18 mai 2016, Mme [L] [J] et M. [P] [Z] ont acquis de M. [M] [C] un véhicule d'occasion Renault Clio immatriculé [Immatriculation 5] pour le prix de 1 000 €.
Le 28 mai 2016, Mme [J] adressait à M. [C] une LRAR par laquelle elle dénonçait divers désordres affectant le véhicule et faisait procéder à une expertise privée de celui-ci, au contradictoire de M. [C], confiée au cabinet SEA, dont les conclusions sont les suivantes:
- la véhicule dégage de la fumée à nuance bleue accompagnée dune odeur typique d'huile brûlée, caractéristique d'une usure moteur, le constat fait sur la consommation d'huile moteur validant mes dégâts au moteur,
- le désordre était antérieur à l'achat, non apparent et rend le véhicule impropre à sa destination, le moteur présentant une segmentation usée rendant l'utilisation du véhicule en usage normal impossible, en raison du risque de casse moteur,
- le coût des réparations s'élève à 2 500 € T.T.C.
Par ordonnance du 16 février 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Mont de Marsan, saisi par les consorts [L]-[J]; a ordonné une expertise judiciaire confiée à M. [F] lequel a établi le 12 juillet 201è un rapport définitif dont les conclusions sont les suivantes:
- dégagement important et anormal de fumée avec un mélange d'huile à l'accélération en statique et moteur non en charge,
- ce dysfonctionnement trouve son origine dans un état antérieur à la vente, l'entretien du véhicule par le vendeur ayant été réalisé hors des préconisations constructeur avec des éléments jamais remplacés (liquides) et des opérations de vidange non effectuées sur trois ans et demi, le fonctionnement d'un moteur avec une huile fortement dégradée et une filtration en défaut ne pouvant qu'amener la ruine du moteur,
- seul un entretien régulier, en respectant les données constructeur, peut assurer un vieillissement 'normal' du moteur et l'étude de l'entretien réalisé par le vendeur pendant plusieurs années établit que les conditions n'étaient pas remplis à la vente.
Par acte du 23 octobre 2017, les consorts [V] ont fait assigner M. [C] en résolution de la vente et indemnisation de leurs préjudices.
Par jugement du 6 mars 2018, le tribunal d'instance de Mont de Marsan a débouté les consorts [V] de leurs demandes et les a condamnés à payer à M. [C] la somme de 400 € en application de l'article 700 du c.P.C., outre les entiers dépens, en considérant, pour l'essentiel:
- que la veille de la vente et à la lecture du contrôle technique, aucun élément ne laissait à penser que le véhicule n'était pas en capacité de circuler,
- que l'expert judiciaire indique que le passage au contrôle technique n'est aucunement un gage de bon état de la mécanique, seul un entretien réalisé sur la base des instructions du constructeur permet d'assurer une longévité,
- qu'il est établi que lors de la vente, M. [C] a remis aux acquéreurs l'ensemble des factures relatives à l'entretien du véhicule desquelles il ressortait qu'il avait été entretenu par M. [C] lui-même avec l'aide d'un ami mécanicien,
- que cet argument ne peut venir fonder l'action des demandeurs en ce que la matérialité de cet entretien était connue des acheteurs au moment de la vente.
Mme [J] et M. [Z] ont interjeté appel de cette décision selon déclaration transmise au greffe de la cour le 4 mai 2018.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 22 janvier 2020.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 2 août 2018, Mme [J] et M. [Z] demandent à la cour, réformant le jugement entrepris, au visa des articles 1641 et suivants du Code Civil:
- de prononcer la résolution du contrat de vente et d'ordonner les restitutions réciproques du prix de vente et du véhicule (selon les modalités précisées dans le dispositif de leurs conclusions auquel il convient ici de se référer purement et simplement pour la concision de l'exposé),
- de condamner M. [C] à leur payer les sommes de:
$gt; 36 € au titre du diagnostic du garage Pneus Auto Dicout,
$gt; 121,60 € au titre des frais d'assurance,
$gt; 3 190 € au titre du préjudice de jouissance
- de condamner M. [C] à leur payer la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du C.P.C., outre les entiers dépens.
Ils soutiennent en substance:
- que les conditions de mise en oeuvre des dispositions des articles 1641 et suivants du code Civil sont réunies au regard des conclusions expertales,
- que seul un professionnel peut apprécier si l'entretien respecte ou non les préconisations du constructeur et que, dès lors que le vendeur a réalisé certains travaux sur le bien vendu avant la vente, il est considéré comme vendeur de mauvaise foi.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 22 août 2018, M. [C] demande à la cour de confirmer la décision entreprise et de condamner les consorts [V] à lui payer la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du C.P.C. en soutenant, en substance:
- sur le caractère caché du vice: que le contrôle technique faisait mention d'un défaut d'étanchéité du moteur, laissant logiquement supposer une consommation plus importante d'huile moteur que les acquéreurs ne pouvaient dès lors ignorer peu important que le véhicule ait ou non dégagé une fumée anormale lors du contrôle technique, la modicité du prix étant par ailleurs un élément à prendre en considération dans l'appréciation du caractère caché du vice,
- sur la gravité du vice: que dans les vents d'occasion, l'acheteur doit s'attendre, en raison de l'usure même dont il est averti, à un fonctionnement d'une qualité inférieure à celui d'un objet neuf, ce qui était le cas en l'espèce, au regard des défauts constatés lors des contrôles techniques et de la modicité du prix de vente,
- sur l'impropriété à destination du véhicule au moment de la vente: qu'au moment de la vente, le véhicule était en parfait état de marche pour avoir été essayé quelques jours plus tôt par l'acheteur sans que rien ne lui semble anormal, que ni le contrôle technique ni l'essai préalable à la vente n'ont permis de révéler un dégagement de fumée laissant présager un rsque d'endommagement irrémédiable du moteur et que si, au moment de la vente, aucune défectuosité n'empêchait la chose de rendre les services que l'on pouvait en attendre, c'est qu'aucun vice antérieur à la vente ne la rendait impropre à sa destination.
MOTIFS
L'article 1641 du Code Civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
L'acheteur qui exerce l'action prévue par ce texte doit donc démontrer l'existence d'un défaut inhérent à la chose vendue, préexistant à la vente, non apparent à la date de celle-ci et présentant un degré de gravité en compromettant de manière significative l'usage.
En l'espèce, le vice dénoncé par les consorts [V], sur la base de l'expertise judiciaire (confirmative de l'expertise privée) consiste en une usure anormale du moteur du véhicule, imputable à un entretien non conforme, révélée par une surconsommation d'huile (cinq fois supérieure à la normale) et par l'émission, même en statique, de fumée avec projection d'huile, engendrant un risque important de casse moteur contre-indiquant même la réalisation d'un test routier de consommation d'huile.
Il convient de considérer, compte-tenu de la brièveté (8 jours) de la période s'étant écoulée entre la vente et la dénonciation du vice et du faible kilométrage (216 kms) parcouru entre ces deux dates, que ce défaut, imputable à un entretien non conforme aux préconisations du constructeur (éléments jamais remplacés - liquides de frein, de refroidissement - et défaut de vidange sur une durée de trois ans et demi) préexistait à la vente du véhicule et ne peut être imputé à un défaut d'entretien ou d'utilisation par les acquéreurs.
La circonstance qu'aucun défaut n'a été retenu de ce chef dans le cadre du contrôle technique préalable à la vente est sans incidence, le passage d'un véhicule au centre de contrôle n'étant pas un gage de bon état de la mécanique et la mention d'un défaut d'étanchéité du moteur ne pouvant à elle seule établir l'état d'usure anormale de celui-ci, excédant les défauts auxquels peut s'attendre l'acquéreur d'un véhicule diesel de treize ans d'âge affichant 279 000 kms au compteur
Par ailleurs, l'expert judiciaire, répondant à ce chef de mission spécifique, a estimé que, du fait des nombreuses factures remises par le vendeur, Mme [J] a pu être trompée, et il convient de considérer que le défaut ne pouvait être appréhendé dans toute son ampleur et ses conséquences, révélées par la surconsommation d'huile, à l'occasion d'un simple essai routier de routine.
L'usure anormale du moteur doit être considérée comme un vice de la chose vendue, préexistant à la vente, non apparent à la date de celle-ci et la rendant impropre à l'usage auquel elle est destinée, relevant de la garantie instituée par l'article 1641 du Code Civil.
Il convient dès lors, réformant la décision entreprise, de prononcer la résolution de la vente et d'ordonner les restitutions réciproques:
- du prix de vente (1 000 €) par M. [C] à Mme [J] et M. [Z],
- du véhicule litigieux par les consorts [V] à M. [C], aux frais de celui-ci.
S'agissant des demandes indemnitaires complémentaires, il y a lieu de rappeler que si le vendeur qui ignorait les vices de la chose n'est tenu qu'à la restitution du prix et au remboursement des frais occasionnés par la vente (article 1646 du Code Civil), celui qui connaissait les vices de la chose est tenu, outre la restitution du prix, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur (article 1645 du Code Civil).
En l'espèce, la connaissance du vice par le vendeur se déduit de la cause même des défauts affectant le véhicule, imputables à un non respect des normes d'entretien préconisées par le constructeur dont M. [C] qui a entretenu lui-même la voiture et circulé avec pendant plusieurs années ne pouvait ignorer les conséquences en termes d'usure anormale du moteur.
Au regard des justificatifs versés aux débats, il sera octroyé aux consorts [V] les sommes de 36 € au titre d'une facture de recherche d'origine de panne (pièce n°6, facture Pneus Auto Discount du 7 juin 2016) et de 121,60 € au titre des cotisations d'assurance (facture Groupama du 24 août 2016, pièce n° 8) outre la somme de 3 190 € au titre de la privation de jouissance sur la base de l'indemnité journalière de 5 € sollicitée par les appelants, conforme aux sommes habituellement allouées en réparation de ce poste de préjudice, pour la période comprise entre la date de l'immobilisation et celle des dernières conclusions des appelants.
L'équité commande d'allouer aux consorts [V], en application de l'article 700 du C.P.C., la somme globale de 1 500 € au titre des frais irrépétibles par eux exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.
M. [C] sera condamné aux entiers dépens d'appel et de première instance, en ce compris les frais de référé et d'expertise judiciaire.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:
Vu le jugement du tribunal d'instance de Mont de Marsan en date du 6 mars 2018,
Réformant la décision entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau:
Prononce la résolution de la vente du véhicule Renault Clio immatriculé AS - 833 - JP intervenue le 18 mai 2016 entre M. [M] [C], d'une part et Mme [L] [J] et M. [P] [Z], d'autre part,
Ordonne la restitution:
- par M. [C] aux consorts [V] de la somme de 1 000 € représentant le prix de vente du véhicule,
- par les consorts [V] à M. [C] du véhicule litigieux, aux frais de M. [C],
Condamne M. [C] à payer aux consorts [V], en application de l'article 1645 du Code civil, la somme globale de 3 347,60 € à titre de dommages-intérêts,
Condamne M. [C] à payer aux consorts [V], en application de l'article 700 du C.P.C., la somme globale de 1 500 € au titre des frais irrépétibles par eux exposés tant en première instance qu'en cause d'appel,
Condamne M. [C] aux entiers dépens d'appel et de première instance, en ce compris les frais de référé et d'expertise judiciaire.
Le présent arrêt a été signé par Mme DUCHAC, Président, et par Mme BLONDEL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,
Corinne BLONDEL Caroline DUCHAC