CD/SH
Numéro 22/03236
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 13/09/2022
Dossier : N° RG 19/01470 - N° Portalis DBVV-V-B7D-HHXK
Nature affaire :
Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité
Affaire :
[V] [J], [K] [N] épouse [J]
C/
[A] [B]
[L] [M]
[S] [U]
[F] [C] épouse [U]
SARL CABINET BARRERE
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 13 Septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 07 Juin 2022, devant :
Madame DUCHAC, Présidente
Madame ROSA-SCHALL, Conseillère
Madame ASSELAIN, Conseillère
assistées de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.
Les magistrates du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Monsieur [V] [J]
né le 14 Septembre 1973 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 9]
Madame [K] [N] épouse [J]
née le 30 Novembre 1976 à REGGO DI CALABRIA
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentés et assistés de Maître IRIART, avocat au barreau de PAU
INTIMES :
Madame [A] [B]
née le 05 Décembre 1976 à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 9]
Monsieur [L] [M]
né le 16 Juin 1976 à [Localité 13]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 8] / FRANCE
Représentés et assistés de Maître MARCHESSEAU LUCAS de la SELARL AVOCADOUR, avocat au barreau de PAU
Monsieur [S] [U]
né le 29 Juin 1957 à [Localité 12]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 5]
Madame [F] [C] épouse [U]
née le 13 Février 1955 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentés et assistés de Maître VIAL de la SELARL VIAL AVOCATS, avocat au barreau de DAX
SARL CABINET BARRERE
[Adresse 10]
[Localité 7]
Représentée et assistée de Maître BORDENAVE, du Cabinet BORDENAVE, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 22 MARS 2019
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU
RG numéro : 17/01048
Par acte authentique en date du 24 juillet 2015, suite à un compromis de vente du 15 mai 2015, Mme [A] [B] et M. [L] [M] ont acquis des époux [V] et [K] [J] une maison d'habitation située [Adresse 4], au prix de 155.000 euros.
Les époux [V] et [K] [J] avaient eux-même acquis ce bien des époux [S] et [F] [U] par acte authentique du 14 novembre 2014, au prix de 98.000 €.
Les différents diagnostics avaient été établis par la SARL CABINET BARRERE.
Mme [A] [B] et M. [L] [M] se plaignent de l'existence de vices cachés affectant l'immeuble, portant sur l'isolation des combles et la performance énergétique, le conduit de cheminée, le système d'assainissement, la solidité des planchers bois et de la charpente bois, l'installation électrique.
Ils ont obtenu du juge des référés l'organisation d'une expertise au contradictoire des époux [V] et [K] [J] et de la SARL CABINET BARRERE. L'expertise a été étendue aux époux [S] et [F] [U]. Le rapport d'expertise a été déposé le 18 avril 2017.
Par acte en date du 18 avril 2017, Mme [A] [B] et M. [L] [M] ont fait assigner les époux [V] et [K] [J] et la SARL CABINET BARRERE devant le tribunal de grande instance de Pau, sur le fondement des vices cachés contre leur vendeur et de la responsabilité délictuelle contre le diagnostiqueur.
Le 18 juin 2018, les époux [V] et [K] [J] ont appelé les époux [S] et [F] [U] en intervention forcée.
Les dossiers ont été joints.
Suivant jugement contradictoire en date du 22 mars 2019, le tribunal de grande instance de PAU a :
- déclaré recevable l'action en responsabilité engagée par Mme [A] [B] et M. [L] [M] à l'encontre de la SARL CABINET BARRERE,
- condamné les époux [V] et [K] [J] à payer à Mme [A] [B] et M. [L] [M] la somme de 42.300,26 euros au titre des travaux de renforcement de la charpente et du plancher bois,
- condamné solidairement les époux [V] et [K] [J] et la SARL CABINET BARRERE à payer à Mme [A] [B] et M. [L] [M] les sommes suivantes :
* 28.170,00 euros TTC au titre des travaux relatifs au renforcement de l'isolation,
* 13.230 euros au titre de la perte de surface habitable,
* 4.000 euros au titre du coût de relogement durant les travaux,
* 10.000 euros au titre du préjudice de jouissance,
- débouté Mme [A] [B] et M. [L] [M] de leurs autres demandes,
- débouté les époux [V] et [K] [J] de leur appel en garantie à l'encontre des époux [S] et [F] [U],
- débouté la SARL CABINET BARRERE et les époux [V] et [K] [J] de leurs demandes respectives de dommages-intérêts,
- condamné les époux [V] et [K] [J] et la SARL CABINET BARRERE à payer à Mme [A] [B] et M. [L] [M] la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné les époux [V] et [K] [J] à régler aux époux [S] et [F] [U] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné les époux [V] et [K] [J] et la SARL CABINET BARRERE aux dépens, dont distraction au profit de Maître Vial, en ce compris les frais d'expertise,
- ordonné l'exécution provisoire à hauteur des 2/3 des sommes allouées.
Les époux [V] et [K] [J] ont relevé appel par déclaration du 3 mai 2019 (RG n°19/1470), critiquant le jugement dans chacune de ses dispositions.
Par déclaration en date du 7 mai 2019 (RG n° 19/1531), la SARL CABINET BARRERE a interjeté appel du jugement qu'elle critique pour les dispositions qui la concernent.
Par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 2 juillet 2020, les procédures ci-dessus ont été jointes.
Aux termes de leurs dernières écritures en date du 5 août 2020, les époux [V] et [K] [J] demandent, sur le fondement des articles 1641, 1643, 1646 du code civil et les articles 367 alinéa 1er et 700 du code de procédure civile :
- de les recevoir dans leur présent appel,
À titre principal,
- d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Pau en ce qu'il a écarté l'application de la clause élusive de responsabilité,
- de les mettre hors de cause,
À titre subsidiaire,
- d' infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Pau en ce qu'il a retenu la responsabilité des époux [V] et [K] [J] et les a condamnés à indemniser les consorts [A] [B]- [L] [M] au titre des travaux réparatoires,
- de débouter par conséquent les consorts [A] [B]- [L] [M] de leurs demandes à ce titre,
- d' infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Pau en ce qu'il a condamné les époux [V] et [K] [J] à indemniser les consorts [A] [B]- [L] [M] au titre des préjudices subis,
- de débouter en conséquence les consorts [A] [B]- [L] [M] de leurs demandes à ce titre,
- de prendre acte que les consorts [A] [B]- [L] [M] formulent une nouvelle demande en appel concernant leur préjudice moral,
- de débouter également les consorts [A] [B]- [L] [M] au titre de ce préjudice,
À défaut,
- de condamner la SARL CABINET BARRERE à garantir et relever indemne les époux [V] et [K] [J] de toutes condamnations qui seraient prononcées à leur encontre au titre du désordre affectant l'isolation et de l'ensemble des préjudices soulevés par les demandeurs,
À titre infiniment subsidiaire,
- d' infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Pau en ce qu'il n'a pas fait droit à l'appel en garantie formé par les époux [V] et [K] [J] à l'encontre des époux [S] et [F] [U],
- de condamner les époux [S] et [F] [U] à garantir et relever indemnes les époux [V] et [K] [J] de toutes condamnations qui seraient prononcées à leur encontre,
En tout état de cause,
- de condamner les consorts [A] [B]- [L] [M] à payer aux époux [V] et [K] [J] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- de débouter les consorts [A] [B]- [L] [M] de leur demande de condamnation in solidum des époux [V] et [K] [J] avec la SARL CABINET BARRERE au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,
- d'infirmer par conséquent le jugement du tribunal de grande instance de Pau, en ce qu'il a condamné les époux [V] et [K] [J] à payer une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens, en ce compris les frais d'expertise, aux consorts [A] [B]- [L] [M],
- de débouter les époux [S] et [F] [U] de leur demande de condamnation au paiement de 8.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Pau en ce qu'il a condamné les époux [V] et [K] [J] à payer une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile aux époux [S] et [F] [U],
- de débouter les époux [S] et [F] [U] de leur demande de condamnation des époux [V] et [K] [J] au paiement de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des 1.000 euros alloués en première instance, et aux entiers dépens.
Par conclusions déposées le 1er octobre 2020, la SARL CABINET BARRERE, demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les consorts [A] [B]- [L] [M] de leur demande indemnitaire dirigée contre la SARL CABINET BARRERE relativement au diagnostic de l'installation intérieure d'électricité,
- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL CABINET BARRERE à payer « solidairement » avec les époux [V] et [K] [J], les travaux relatifs au renforcement de l'isolation et les préjudices tirés de la perte de surface habitable du préjudice de jouissance et du coût de relogement,
- de dire et juger que la SARL CABINET BARRERE n'a pas commis de faute au regard de la production, le 10 juillet 2015, du DPE informant précisément les consorts [A] [B]- [L] [M] sur l'épaisseur de l'isolation sous combles,
- de dire et juger que la SARL CABINET BARRERE a renseigné valablement les consorts [A] [B]- [L] [M] avant la signature de l'acte authentique,
- de dire et juger que les consorts [A] [B]- [L] [M] ont fait leur affaire des informations données par le second DPE transmis le 10 juillet 2015 au notaire instrumentaire,
- de déclarer infondés les consorts [A] [B]- [L] [M] en leurs demandes dirigées contre la SARL CABINET BARRERE,
- de dire qu'aucun préjudice direct et certain ne peut être établi par les consorts [A] [B]- [L] [M] au cas de faute éventuelle de la SARL CABINET BARRERE,
- de condamner in solidum les consorts [A] [B]- [L] [M] à restituer la somme en principal de 39 933,34 euros, outre les intérêts et les frais de la saisie-attribution pratiquée le 18 juin 2019,
- de condamner les consorts [A] [B]- [L] [M] au paiement d'une indemnité de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts (article 1240 du code civil),
- de les condamner aux entiers dépens et à une indemnité de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 17 avril 2020, Mme [A] [B] et M. [L] [M], sur le fondement des dispositions des articles 1641 et 1645 du code civil et l'article L271-4 du code de la construction et de l'habitat et l'article 1382 ancien du code civil, demandent à la cour :
- de constater l'existence de plusieurs vices cachés dans l'immeuble acquis par les consorts [A] [B]- [L] [M],
- de constater que les époux [V] et [K] [J] ont la qualité de vendeur professionnel et sont tenus de la garantie des vices cachés sans pouvoir solliciter l'application d'une clause d'exonération de garantie,
- de constater que la SARL CABINET BARRERE engage sa responsabilité au regard des erreurs commises dans son diagnostic immobilier,
En conséquence,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité des époux [V] et [K] [J] et de la SARL CABINET BARRERE,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les époux [V] et [K] [J] et la. SARL CABINET BARRERE à la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens en ceux compris les frais d'expertise,
Le reformant pour le surplus, au regard de l'évolution du litige,
- de condamner solidairement les époux [V] et [K] [J] et le SARL CABINET BARRERE à leur payer les sommes suivantes :
* préjudice financier résultant de la perte de surface habitable : 72.250 euros,
* Préjudice de jouissance : 15.000 euros,
* Préjudice moral : 20.000 euros,
- de dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
- de débouter les époux [V] et [K] [J] et la SARL CABINET BARRERE de l'intégralité de leurs demandes reconventionnelles,
- de condamner solidairement les époux [V] et [K] [J] et la SARL CABINET BARRERE à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Par conclusions déposées le 29 octobre 2019, les époux [S] et [F] [U] demandent à la cour :
- de confirmer partiellement le jugement du 22 mars 2019 et en conséquence,
- de débouter purement et simplement les époux [V] et [K] [J] de leur appel en garantie,
- de débouter les mêmes de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- de rejeter toutes prétentions contraires, et tout éventuel appel en garantie,
- de réformer le jugement querellé et en conséquence,
- de condamner les époux [V] et [K] [J], in solidum, à verser à M. et Mme [U], la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
En tout état de cause,
- de condamner les époux [V] et [K] [J], in solidum, à verser aux époux [S] et [F] [U] la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des 1.000 euros alloués en première instance,
- de condamner les époux [V] et [K] [J], in solidum, aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Vial, avocat sur son affirmation de droit, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 mai 2022 et l'affaire, appelée à être plaidée à l'audience du 7 juin 2022 a été mise en délibéré.
MOTIFS
Sur la garantie des vices cachés des époux [V] et [K] [J] envers Mme [A] [B] et M. [L] [M]
Les époux [V] et [K] [J] opposent la clause exclusive de garantie à l'action en garantie des vices cachés formée par Mme [A] [B] et M. [L] [M], qui soutiennent que cette clause ne doit pas trouver application au regard de la qualité de vendeur professionnel des époux [J].
Les appelants discutent ensuite le caractère de vice caché des défauts allégués par les acquéreurs.
Le premier juge a retenu la qualité de vendeurs professionnels des époux [V] et [K] [J], au regard de la profession du mari (négociateur immobilier), du comportement du couple s'agissant d'un achat dans le but de rénover le bien pour faire une plus-value lors de sa revente.
L'acte authentique de vente prévoit (page 8) une clause exclusive de la garantie des vices cachés. Une telle clause ne trouve pas application lorsque le vendeur est un vendeur professionnel, présumé avoir connaissance des vices de la chose.
Mme [K] [J] n'a pas la qualité de vendeur d'immeuble à titre professionnel. Sa profession est mentionnée à l'acte comme 'vendeuse' sans plus de précision.
M. [V] [J] exerçait au moment de la vente des fonctions salariées de 'négociateur immobilier' au sein de l'agence Square-Habitat. Il n'avait pas la qualité d'agent immobilier, ni la faculté de prendre seul des décisions d'achat en vue de la rénovation d'immeubles pour les vendre. En qualité de salarié, il disposait nécessairement d'une marge de manoeuvre limitée.
La vente, objet du litige, est la seule qu'ont opérée les époux [V] et [K] [J], elle constitue donc une opération isolée.
Elle a été conclue dans un cadre privé, au moyen d'un crédit.
L'impôt sur la plus-value a été calculé suivant le régime des particuliers.
Les époux [V] et [K] [J] justifient, par la production d'une attestation de la banque que le prêt a été obtenu en vue de l'achat du bien pour sa location ( achat + travaux à but locatif). Le changement de projet fait suite aux problèmes de santé et à une opération chirurgicale survenue le 30 décembre 2014, dont M. [V] [J] justifie suffisamment par la production d'une attestation de son médecin.
La plus-value brute (155.000 - 98.000 = 57.000 €) doit être relativisée au regard du remboursement du prêt et de l'impôt payé, ce qui leur a laissé un solde de 22.840,21 €.
Par suite de cet ensemble d'éléments, s'agissant d'une opération isolée de gestion de leur patrimoine privé dans un but à l'origine locatif, les époux [V] et [K] [J] ne peuvent se voir reconnaître le caractère de vendeurs professionnels. Réformant le jugement, la clause d'exclusion de la garantie des vices cachés doit trouver application.
Mme [A] [B] et M. [L] [M] seront donc déboutés de leurs demandes au titre des vices cachés, sans qu'il soit besoin d'examiner les caractéristiques des défauts allégués.
Sur l'appel en garantie des époux [S] et [F] [U] par les époux [V] et [K] [J] et leur demande reconventionnelle
Dès lors qu'aucune condamnation n'est prononcée contre les époux [V] et [K] [J], leur appel en garantie contre leurs propres vendeurs est sans objet.
L'action des époux [V] et [K] [J] contre leurs propres vendeurs ne procède pas d'une intention de nuire. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les époux [S] et [F] [U] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Sur la responsabilité de la SARL CABINET BARRERE, diagnostiqueur
Le premier juge a retenu la responsabilité de la SARL CABINET BARRERE au motif qu'elle a commis une erreur dans son premier diagnostic, qu'elle s'est fiée aux seules déclarations des premiers vendeurs, sans prendre de mesures de l'épaisseur de l'isolant.
La SARL CABINET BARRERE expose au soutien de son appel que le diagnostic de performance énergétique n'a qu'une valeur informative ; que le second diagnostic sur la base duquel l'acte authentique a été signé est exact et rectifie l'erreur initiale ; que le classement énergétique n'a pas été modifié. Elle ajoute que Mme [A] [B] et M. [L] [M] auraient pu, à la réception du nouveau DPE, se voir notifier un nouveau compromis si la modification était substantielle et bénéficier ainsi d'un nouveau délai de rétractation.
Le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. A ce titre, la responsabilité du diagnostiqueur immobilier, mandaté par le vendeur d'un immeuble, doit être appréciée envers l'acquéreur sur le fondement des dispositions de l'article 1382 (devenu 1240) du code civil.
En l'espèce, les éléments de faits suivants sont constants :
- en vue de la signature du compromis de vente, un diagnostic de performance énergétique établi par la SARL CABINET BARRERE, daté du 31 mars 2015 a été remis à Mme [A] [B] et M. [L] [M], suivant laquelle l'épaisseur de l'isolant situé sous la couverture dans les combles était de 20 cm, le bien était classé en catégorie D, pour une consommation annuelle de l'ordre 193 kWh d'un coût estimé à 1.046,53 € ;
- à la demande de Mme [A] [B] et M. [L] [M], qui s'étaient rendus sur les lieux pour faire procéder à des devis postérieurement au compromis mais avant la signature de l'acte authentique et avaient remarqué une chaleur excessive dans les combles, les vendeurs ont sollicité un nouvel examen ;
- dans ces conditions, la SARL CABINET BARRERE, après avoir pris des mesures, a établi, daté du 31 mars 2015, mais notifié au notaire le 10 juillet 2015, un nouveau diagnostic, suivant lequel l'épaisseur de l'isolant est de 7,5 cm, le bien demeurait classé en catégorie D, pour une consommation annuelle de l'ordre de 212 kWh d'un coût estimé à 1.183,79 €.
- l'acte authentique de vente, mentionne (page 11) les données issues du diagnostic corrigé, en précisant qu'il se substitue au précédent dont il mentionne également les données.
En établissant avant le compromis de vente un diagnostic erroné quant à l'épaisseur de l'isolant sous les combles, pour n'avoir pas procédé à des mesures, puis en adressant le diagnostic rectifié au notaire le 10 juillet 2015 en vue d'un acte authentique prévu seulement deux semaines plus tard, le 25 juillet 2015, la SARL CABINET BARRERE a commis un manquement à son obligation d'information qui a fait perdre aux acquéreurs une chance de négocier le prix de vente, s'ils avaient eu connaissance du second diagnostic avant la signature du compromis.
La correction portée au dernier moment dans l'acte authentique, n'a, en effet, pas permis aux acquéreurs d'être éclairés en temps utiles pour demander, au besoin, une nouvelle notification d'un compromis ouvrant un nouveau droit de rétractation.
Le diagnostic de performance énergétique n'ayant qu'un caractère informatif, le préjudice subi du fait de l'information erronée, corrigée tardivement, consiste dans la perte de chance de négocier une réduction du prix de vente, comme le soutient à juste titre la SARL CABINET BARRERE.
En l'espèce, le coût des travaux de renforcement de l'isolation est de 26.100 € HT suivant le rapport d'expertise. Les travaux d'isolation sont de nature à faire perdre une surface habitable de l'ordre de 15 m2, soit , rapporté à la valeur d'achat de la maison, une somme de 13.230,00€. Par suite, Mme [A] [B] et M. [L] [M] pouvaient envisager de négocier une baisse de prix à hauteur de 39.330 €.
Compte tenu cependant de ce que l'erreur de diagnostic n'a pas modifié la classification globale de l'immeuble qui reste en catégorie D et que la variation des consommations énergétiques globales entre les deux diagnostics est peu significative, la perte de chance subie par les acquéreurs de négocier le prix à la baisse au vu de la faible épaisseur d'isolant, doit être fixée à 50 % , soit une somme de 19.665 €.
Le jugement sera donc réformé dans le montant des condamnations mises à la charge de la SARL CABINET BARRERE. Elle sera condamnée à payer à Mme [A] [B] et M. [L] [M] la somme de 19.665 € au titre de leur perte de chance.
Dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement, sur saisie attribution du 18 juin 2019, la SARL CABINET BARRERE a réglé aux Mme [A] [B] et M. [L] [M] la somme principale de 39.933,34 €. L'indu est donc de 20.268,34 € que les Mme [A] [B] et M. [L] [M] seront condamnés à restituer, outre intérêts à compter du 18 juin 2019. Les frais de saisie attribution resteront à la charge de la SARL CABINET BARRERE puisque la demande contre elle est partiellement fondée.
Sur les demandes annexes
La SARL CABINET BARRERE et Mme [A] [B] et M. [L] [M] qui succombent partiellement pour l'essentiel partageront les dépens d'appel et de première instance par moitié.
Au regard de l'équité, la SARL CABINET BARRERE, Mme [A] [B] et M. [L] [M] et les époux [V] et [K] [J] seront déboutés de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, réformant le jugement dont appel.
Les époux [V] et [K] [J] seront condamnés à payer aux époux [S] et [F] [U] la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile , la décision déférée étant confirmée pour les frais de première instance.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Réforme le jugement dont appel, sauf en ce qu'il a débouté les époux [S] et [F] [U] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et en ce qu'il a condamné les époux [V] et [K] [J] à leur payer une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute Mme [A] [B] et M. [L] [M] de leurs demandes contre les époux [V] et [K] [J],
Déclare sans objet l'appel en garantie des époux [S] et [F] [U] par les époux [V] et [K] [J],
Condamne la SARL CABINET BARRERE à payer à Mme [A] [B] et M. [L] [M] la somme de 19.665 € en réparation de leur préjudice de perte de chance,
Constate que cette somme a été réglée dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement, sur saisie attribution du 18 juin 2019,
Condamne Mme [A] [B] et M. [L] [M] in solidum à payer à la SARL CABINET BARRERE la somme de 20.268,34 € au titre de la répétition de l'indu, outre intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2019,
Déboute la SARL CABINET BARRERE de sa demande de répétition des frais de saisie attribution,
Déboute la SARL CABINET BARRERE, Mme [A] [B] et M. [L] [M] et les époux [V] et [K] [J] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne solidairement les époux [V] et [K] [J] à payer aux époux [S] et [F] [U] la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile , la décision déférée étant confirmée pour les frais de première instance,
Partage les dépens d'appel et de première instance par moitié entre d'une part, la SARL CABINET BARRERE et d'autre part, Mme [A] [B] et M. [L] [M] solidairement entre eux, dont distraction au profit des avocats de la cause qui en ont fait la demande.
Le présent arrêt a été signé par Mme DUCHAC, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,
Sylvie HAUGUELCaroline DUCHAC