MARS/CD
Numéro 22/03872
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 03/11/2022
Dossier : N° RG 19/01816 - N° Portalis DBVV-V-B7D-HIPO
Nature affaire :
Demande en réparation des dommages causés à une chose mobilière ou immobilière par un immeuble
Affaire :
[E] [M],
[T] [L]
C/
Compagnie GROUPAMA D'OC
[Z] [C],
[G] [D]
épouse [A],
[J] [A],
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 03 Novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 13 Septembre 2022, devant :
Madame DUCHAC, Présidente
Madame ROSA-SCHALL, Conseillère, magistrate chargée du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile
Madame REHM, Conseillère
assistées de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.
Les magistrates du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Monsieur [E] [M]
né le [Date naissance 5] 1958 à [Localité 13]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 11]
Madame [T] [L]
née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 16]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 11]
Représentés et assistés de Maître BURTIN de la SCP BERRANGER & BURTIN, avocat au barreau de TARBES
INTIMES :
Compagnie GROUPAMA D'OC
[Adresse 4]
[Localité 9]
Madame [Z] [C]
[Adresse 3]
[Localité 10]
Représentées et assistées de Maître MALTERRE, avocat au barreau de PAU
Madame [G] [D] épouse [A]
née le [Date naissance 8] 1994 à [Localité 14]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 12]
Monsieur [J] [A]
né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 15]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 12]
Représentés et assistés de Maître FOURNIER-MOULIN, avocat au barreau de TARBES
sur appel de la décision
en date du 30 AVRIL 2019
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES
RG numéro : 17/01655
Monsieur [E] [M] et Madame [T] [L] sont propriétaires en indivision de plusieurs parcelles comprenant une maison d'habitation et un ensemble de terrains sur les communes de [Localité 11] et [Localité 12].
Un glissement de terrain est survenu le 27 février 2015 depuis des parcelles appartenant à Madame [Z] [C].
Par ordonnance du 28 juillet 2015, le juge des référés de Tarbes a désigné Madame [I] en qualité d'expert avec mission de rechercher les causes et origines de ce glissement de terrain.
Monsieur [E] [M] et Madame [T] [L] ont sollicité l'avis d'une société de géotechnique, le BET Sage.
Le rapport d'expertise a été déposé le 16 mars 2016.
Par acte d'huissier en date du 23 octobre 2017, M. [E] [M] et Mme [T] [L] ont fait assigner M. [J] [A] et Madame [G] [D], son épouse, les nouveaux propriétaires des parcelles de Mme [C], ainsi que Mme [Z] [C] devant le tribunal de grande instance de Tarbes, aux fins d'obtenir la désignation d'un nouvel expert judiciaire et de voir déclarer Mme [Z] [C] responsable de l'ensemble du préjudice consécutif au glissement de terrain.
Par acte d'huissier en date du 8 février 2018, la société Groupama d'Oc a fait assigner en intervention forcée M. [S] [X] et la société générale d'entreprises Pyrénéennes en raison des travaux réalisés sur la route d'accès à la propriété de Mme [C].
Par jugement réputé contradictoire en date du 30 avril 2019 (Monsieur [S] [X] n'a pas comparu), le tribunal a :
- débouté M. [M] et Mme [L] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné M. [M] et Mme [L] à payer à la société Groupama d'Oc la somme de 4 800 € correspondant au coût de réouverture de leur chemin consécutivement au glissement de terrain,
- condamné M. [M] et Mme [L] à payer à la société Groupama d'Oc et Mme [C] la somme totale de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [M] et Mme [L] à verser la somme de 1 000 € à M. et Mme [A] en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Groupama d'Oc à verser la somme de 1 000 € à la société générale d'entreprises Pyrénéennes (SOGEP) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [M] et Mme [L] aux entiers dépens, avec bénéfice de distraction au profit de Me Tricart pour les dépens dont l'avance aurait été faite par ses soins, sans provision préalable, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Monsieur [E] [M] et Madame [T] [L] ont relevé appel par déclaration du 27 mai 2019 critiquant le jugement dans l'ensemble de ses dispositions.
Par conclusions n° 3 du 30 novembre 2021, Monsieur [E] [M] et Madame [T] [L] demandent d'infirmer le jugement et statuant à nouveau, d'ordonner une expertise selon la mission qu'ils détaillent et au résultat du rapport d'expertise, de déclarer Mme [Z] [C] entièrement responsable de l'ensemble de leur préjudice causé par le ou les glissements de terrain du 27 février 2015, de condamner Mme [C] à leur payer à la somme de 150 000 € à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire, au résultat de l'expertise demandée, de déclarer commune et opposable à M. [A] et Mme [A] la décision à intervenir, et de condamner Mme [Z] [C] à leur payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût des expertises judiciaires.
Au soutien de leur appel, ils font grief au jugement d'avoir écarté le rapport du BET de la Sage au seul motif qu'il n'était pas contradictoire et à sa suite, le constat d'huissier parce qu'il se réfère à ce rapport amiable alors qu'ils ont été versés aux débats et contradictoirement débattus.
Ils font valoir que ce rapport du BET met en évidence 2 glissements de terrains survenus le 27 février 2015, sur la propriété [C], d'une part, et sur la propriété des consorts [M] [L], ce dernier étant dû à la concentration des eaux recueillies au niveau de la buse, en raison du débordement du canal et de la pluie, concentration des eaux résultant en partie des travaux effectués par Madame [C].
Par conclusions du 29 juillet 2019, la société Groupama d'Oc et Madame [Z] [C] demandent à titre principal, de :
- déclarer recevable mais mal fondé l'appel diligenté par M. [M] et Mme [L] à l'encontre du jugement rendu par la 1ère chambre civile près le tribunal de grande instance de Tarbes,
- débouter M. [M] et Mme [L] de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions,
- condamner M. [M] et Mme [L] à restituer à la société Groupama d'Oc la somme de 4 800 € TTC correspondant au coût d'ouverture du chemin,
- condamner M. [M] et Mme [L] à verser à Mme [C] et à la compagnie Groupama la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
À titre subsidiaire, elles demandent de leur donner acte qu'elles formulent toutes les protestations et réserves d'usage à la demande d'expertise sollicitée avant dire droit, de dire qu'il appartiendra à l'expert de distinguer très exactement entre les désordres résultant du seul glissement survenu le 27 février 2015 et les désordres imputables au glissement survenu au printemps 2016.
Si par extraordinaire, la responsabilité de Mme [C] était engagée, elles demandent de juger que M. [X] serait condamné à relever et garantir indemne cette dernière de toutes les condamnations qui pourraient être mises à sa charge.
Elles sollicitent la condamnation de Monsieur [E] [M] et Madame [T] [L] ou toute partie succombante à verser à Mme [C] et à la société Groupama la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Ils soutiennent notamment que l'organisation d'une nouvelle mesure d'expertise ne se justifie pas, puisque tant l'expert judiciaire que le rapport d'expertise privée sont concordants pour dire que l'élément déclencheur du glissement du 27 février 2015 est dû à l'addition de plusieurs arrivées d'eau importantes, le seul point de divergence étant le degré de prédominance de l'un des 3 facteurs retenus.
Par conclusions du 7 octobre 2019, Madame [G] [A] et Monsieur [J] [A] demandent de confirmer le jugement entrepris de débouter les consorts [M] [L] de leurs demandes de désignation d'un expert et de toutes leurs demandes fins et conclusions, de les condamner aux entiers dépens de l'instance et à leur payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 août 2022.
Sur ce :
Sur l'organisation d'une nouvelle expertise
Le premier juge a exactement rappelé en liminaire, que l'article 144 du code de procédure civile énonce que les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer.
Madame [I] a conclu son rapport d'expertise judiciaire en indiquant :
- que les travaux réalisés par Madame [C] pour sécuriser son chemin ont eu pour effet de déverser superficiellement l'eau du fossé qui, depuis le colmatage de l'ancienne buse, ruisselait sur la route et avait conduit à l'affaissement de celle-ci ;
- que le glissement de terrain n'a pas été causé par ces travaux réalisés par Madame [C] mais par les infiltrations d'eau permanentes sur le terrain, liées à la topographie, à la situation, à la constitution géologique du terrain et aux importantes précipitations des années 2013, 2014 et 2015 ;
- que le dévoiement du canal d'alimentation de la ferme réalisé après le sinistre par Monsieur [M] sur la propriété de Madame [C] peut avoir des conséquences significatives et que ce dévoiement n'étant pas la cause du glissement de terrain, il (le canal d'alimentation) doit être remis dans son état de fonctionnement antérieur au sinistre mais doit faire l'objet d'un entretien régulier.
De ce rapport, il résulte que l'expert judiciaire écarte les travaux qui ont été réalisés par Madame [C], comme pouvant permettre de retenir une responsabilité même partielle de celle-ci dans l'origine du glissement de terrain du 27 février 2015.
Le premier juge a noté, concernant le rapport de la société Sage, qu'il retenait dans sa conclusion, que les glissements sont intervenus dans un contexte d'intempéries en février 2015. Le cumul des arrivées d'eau souterraines et des ruissellements causé par la pluie et par le canal en amont (sur la propriété de Madame [C]) a provoqué les glissements à cause de la saturation du sol limono- graveleux.
Il est ainsi établi, que tant l'expert judiciaire que le rapport de la société Sage retiennent que l'origine du glissement du 27 février 2015 à plusieurs causes combinées tenant à la topographie des lieux, à la nature des sols et à plusieurs arrivées d'eau importantes dans un contexte de forte pluviosité.
La divergence entre les 2 rapports apparaît sur l'incidence des travaux de terrassement et de remplacement de la buse réalisés par Madame [C] qui est écartée par l'expert judiciaire et retenue par la société Sage.
Contrairement à ce que soutiennent Monsieur [E] [M] et Madame [T] [L], le premier juge n'a pas écarté le rapport de la société Sage au seul motif qu'il n'était pas contradictoire, puisqu'il a procédé à une analyse comparative du rapport de l'expert judiciaire et du rapport de la société Sage.
Il l'a été écarté au motif que l'analyse de la société Sage en ce qu'elle tendait à retenir une responsabilité de Madame [C] n'était appuyée par aucune autre pièce.
Sur ce point de la responsabilité de Madame [C], la société Sage qui a retenu comme causes du glissement sur la propriété [M]/[L] la saturation qui a eu lieu en février 2015, suite à l'addition de plusieurs arrivées d'eau importantes, souterraines, de surfaces lors des intempéries et de ruissellement par le fossé en bordure du chemin indique en page 10 de son rapport « il semble que la concentration des eaux de ruissellement (pluie et débordement du canal) dans un unique débouché (au niveau de la buse) soit le facteur principal qui a conduit à la rupture du glissement de terrain n° 1. »
Pour autant, dans la conclusion de son rapport, la société Sage n'évoque en aucune façon les travaux réalisés par Madame [C] au niveau de la buse.
En conséquence, la responsabilité de Madame [C] ne pouvait être retenue sur la base de l'étude de la société Sage qui n'était étayée par aucun autre élément technique permettant de contredire l'expert judiciaire, qui lui écartait sans aucune hésitation la responsabilité de Madame [C].
C'est également par de justes motifs, que le premier juge a indiqué que le procès-verbal de constat du 11 mars 2015 était inopérant pour compléter les conclusions de l'étude de la société Sage, un tel constat ne comportant aucune analyse technique.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [E] [M] et Madame [T] [L] de l'ensemble de leurs demandes après avoir relevé que la demande de dommages et intérêts fondée sur la faute de Madame [C], faute non démontrée, ne saurait prospérer.
Sur le remboursement à la société Groupama d'Oc des travaux de remise en état du chemin d'accès à la propriété de Monsieur [M] et Madame [L]
Il a été relevé appel des dispositions du jugement afférentes à cette demande mais aucun moyen n'est soutenu par Monsieur [M] et Madame [L] la concernant et elle n'est pas visée dans le dispositif de leurs conclusions.
En conséquence, conformément à la demande de la société Groupama d'Oc et de Madame [C] le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur [M] et Madame [L] à payer à la société Groupama d'Oc la somme de 4 800 € correspondant au coût de réouverture de leur chemin consécutivement au glissement de terrain.
Sur les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
Monsieur [E] [M] et Madame [T] [L] succombant en leur recours seront condamnés aux dépens de l'appel et déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [E] [M] et Madame [T] [L] seront condamnés à payer à la société Groupama d'Oc et Madame [C] la somme de 1 500 € et à Monsieur [J] [A] et Madame [G] [A], la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Par ces motifs
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions contestées,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [E] [M] et Madame [T] [L] à payer à la société Groupama d'Oc et Madame [Z] [C] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [E] [M] et Madame [T] [L] à payer à Monsieur [J] [A] et Madame [G] [A] la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel,
Déboute Monsieur [E] [M] et Madame [T] [L] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne Monsieur [E] [M] et Madame [T] [L] aux dépens de l'appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme DUCHAC, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,
Carole DEBONCaroline DUCHAC