PS/CD
Numéro 22/04366
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 13/12/2022
Dossier : N° RG 19/00270 - N° Portalis DBVV-V-B7D-
HESQ
Nature affaire :
Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction
Affaire :
[N] [D], [H] [D]
épouse [W],
[B] [J] [O]
veuve [D]
C/
SA MMA IARD
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 13 Décembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 18 Octobre 2022, devant :
Madame DUCHAC, Présidente
Madame ROSA-SCHALL, Conseillère
Monsieur SERNY, magistrat honoraire, chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile
assistés de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Monsieur [N] [D]
né le 14 novembre 1988 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 3]
Madame [H] [D] époux [W]
née le 02 mars 1986 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 5]
Madame [B] [J] [O] veuve [D]
née le 08 avril 1960 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentés et assistés de Maître RODOLPHE de la SELARL MAGELLAN AVOCATS, avocat au barreau de DAX
INTIMEE :
SA MMA IARD aux droits de la SA AZUR ASSURANCES
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Maître CAZALET de la SCPA MENDIBOURE-CAZALET, avocat au barreau de BAYONNE,
Assistée de Maître ETCHEBERRIGARAY, avocat au barreau de BORDEAUX
sur appel de la décision
en date du 28 NOVEMBRE 2018
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DAX
RG numéro : 16/01615
Vu l'acte d'appel initial du 23 janvier 2019 ayant donné lieu à l'attribution du présent numéro de rôle ;
Vu le rapport d'expertise judiciaire déposé le 17 mai 2016 par [X] [U], missionné par ordonnance de référé du 19 mai 2015 rendu par le tribunal de grande instance de Dax, contradictoire entre les consorts [D], la SARL PONTI, l'entreprise LESBATS et la MAAF qui l'assure, les MMA, assureur de la société JPG CHARPENTE aujourd'hui disparue ;
Vu le jugement dont appel rendu le 28 novembre 2018 qui a :
- condamné la SA MMA IARD, prise en qualité d'assureur couvrant le risque de responsabilité décennale de la société JPG CHARPENTE, à payer aux consorts [D] une somme de 6 748,83 euros TTC en réparation de divers désordres matériels,
- débouté les consorts [D] du surplus de leurs demandes,
- alloué aux époux [D] une somme de 2 000 euros en compensation de frais irrépétibles exposés en première instance,
- rejeté la demande de [B] [D] à ce titre,
- condamné la société MMA IARD aux dépens ;
Vu l'arrêt mixte du 24 novembre 2020 par lequel la cour a :
- réformé le jugement,
- dit que les désordres litigieux sont des vices cachés au sens de l'article 1792 du code civil,
- dit que l'immeuble a fait l'objet d'une réception tacite du 01er février 2017,
- dit que le maître de l'ouvrage avait fait des actes de constructeurs mais qu'aucun de ces actes de constructeurs par lui accomplis dans la réalisation de l'étanchéité de la salle de bains n'avait contribué à la réalisation du dommage,
- en raison de la responsabilité décennale encourue par la société JPG CHARPENTE, son assurée, déclaré la SA MMA IARD venant aux droits de la SA GROUPE AZUR, tenue de réparer l'entier dommage subi par les consorts [D],
- condamné la SA MMA IARD à supporter l'intégralité des dépens exposés à la date de l'arrêt tant en première instance qu'en appel, en ce compris les dépens de référé et frais d'expertise,
- alloué une indemnité provisionnelle de 15 000 euros aux époux [D],
- institué une nouvelle expertise pour faire le point sur l'état de l'immeuble et le coût d'une réparation efficace, l'expertise étant confiée à l'expert initialement désigné en référé ;
Vu le rapport d'expertise déposé le 09 juin 2021 ;
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 1er février 2022 par la SA MMA IARD qui :
- entend limiter l'indemnisation du préjudice matériel à la somme de 38 534,24 euros en principal,
- conclut à la réduction de la demande formée au titre du préjudice immatériel,
- conclut à l'opposabilité de la franchise contractuelle,
- conclut au rejet des autres demandes ;
Vu les dernières conclusions déposées en lecture de ce rapport le 05 avril 2022 par les consorts [D] qui sollicitent de la cour qu'elle retienne les conclusions du rapport d'expertise et prononce condamnation de la SA MMA IARD à leur payer :
- une indemnité de 45 914,04 euros en réparation du préjudice matériel, à indexée en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction,
- une indemnité de 25 440 euros en réparation du préjudice immatériel,
- une somme de 8 000 euros en compensation de frais irrépétibles ;
Vu l'ordonnance de clôture délivrée le 14 septembre 2022.
Le rapport ayant été fait oralement à l'audience.
MOTIFS
Sur l'évaluation du préjudice matériel
Le rapport d'expertise chiffre le montant de la réparation à la somme de 45 914,04 euros HT ; l'appréciation de l'expert ne fait l'objet d'aucune critique pertinente et aucun des postes évalués n'est étranger à l'objet de la réparation générée par le fait dommageable ; la somme correspond à celle nécessaire qu'il faut exposer pour parvenir, sans enrichissement du propriétaire lésé, à l'entière réparation du préjudice constaté ; la société MMA IARD n'est pas fondée à solliciter la réduction de l'indemnisation du préjudice matériel au montant qu'elle propose. La rémunération d'un maître d'oeuvre est justifiée par la technicité de l'opération et conforme à la nature des travaux ; cette prestation, bien qu'intellectuelle, entre dans le préjudice matériel soumis à assurance obligatoire puisqu'elle s'analyse en un acte de construire accompli dans l'exécution des contrats à conclure pour la réparation de l'immeuble.
L'indemnité sera donc égale à ce montant lequel devra être réactualisé à la date du présent arrêt selon l'évolution de l'indice de la construction depuis la date du rapport d'expertise ; la demande d'indexation jusqu'à la date du paiement n'est pas conforme au droit. Les intérêts moratoires au taux légal courront donc à compter de la date du présent arrêt sur le montant de l'indemnité réactualisée.
Toute franchise contractuelle est légalement inopposable aux consorts [D] puisque l'assuré est cocontractant du maître de l'ouvrage. Les prétentions de la société MMA à la déduction de cette franchise sont émises de mauvaise foi.
Sur l'évaluation du préjudice immatériel
L'habitabilité de l'immeuble n'a pas été atteinte au point d'obliger les occupants à le quitter. Les consorts [D] chiffrent eux-mêmes l'indemnité de jouissance approximativement à 1/8ème de la valeur locative du bien qu'ils évaluent à 1.500 euros par mois ; sur toute la période à prendre en compte, il convient de retenir aujourd'hui une valeur locative moyenne nominale de 1 300 euros. La demande se trouve justifiée ainsi sur la base d'une indemnité mensuelle arrêtée par la cour à une valeur nominale moyenne de 180 euros par mois depuis l'apparition des désordres en 2013 ; cette valeur tient compte du potentiel de location saisonnière en période estivale ; sur une durée de 9 ans l'indemnité réparatrice atteinte donc le montant de 9 ans x 12 mois x 180 de perte = 19 440 euros. Comme les provisions allouées sont restées très inférieures à la réalité du dommage à réparer dont la mesure n'a été prise qu'en lecture de l'expertise ordonnée par la cour en 2020 et comme existait un débat sérieux sur le rôle causal du maître de l'ouvrage lui-même dans la survenance du dommage, il ne peut pas leur être fait grief de ne pas avoir entamé les travaux de réparation avec ces provisions.
Les travaux à réaliser vont rendre en revanche l'immeuble inhabitable pendant leur durée. Les meubles doivent être déplacés ; cependant, eu égard à la nature des dommages (planchers à refaire), ces déplacements sont d'une importance conséquente ; la somme de 3 000 euros (valeur locative à ce jour de 1 500 euros) réclamée pour la perte de deux mois d'occupation est justifiée. Le coût du déplacement des meubles sera évalué à 3 000 euros.
Les dépens postérieurs à l'arrêt préparatoire sont à la charge de la société MMA IARD.
Les époux [D] obtiendront une somme de 5 000 euros en compensation de frais irrépétibles devant les deux degrés de juridiction.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe,
* enjoint à la société MMA IARD de payer aux consorts [D], en réparation du préjudice matériel, une somme de 45 914,04 euros HT, outre la TVA applicable, réactualisée à la date du présent arrêt selon l'évolution de l'indice de la construction depuis la date de dépôt du rapport d'expertise, et productive ensuite des intérêts moratoires au taux légal dus de plein droit,
* enjoint à la société MMA IARD aux consorts [D] une indemnité de 19 440 + 3 000 + 3 000 = 25 440 euros en réparation du préjudice immatériel évalué ce jour sauf à déduire la franchise contractuelle, la somme obtenue après déduction de la franchise étant productive d'intérêts moratoires au taux légal dus de plein droit à compter de la date du présent arrêt,
* dit que le montant nominal des provisions effectivement versées à l'amiable ou en exécution des décisions de justice viendra en déduction des sommes dues en exécution du présent arrêt,
* enjoint à la société MMA IARD de payer les dépens d'appel exposés depuis le précédent arrêt,
* enjoint à la société MMA IARD de payer aux consorts [D] une somme de 5 000 euros en compensation de frais irrépétibles.
Le présent arrêt a été signé par Mme DUCHAC, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Carole DEBON Caroline DUCHAC