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14/03/2023 | FRANCE | N°21/01136

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 14 mars 2023, 21/01136


BR/ED



Numéro 23/00953





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRÊT DU 14/03/2023







Dossier : N° RG 21/01136 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H2SR





Nature affaire :



Demande en paiement de l'indemnité d'assurance dans une assurance de personnes







Affaire :



[W] [B]



C/



Mutuelle AGPM VIE
























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Grosse délivrée le :



à :

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 14 Mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième al...

BR/ED

Numéro 23/00953

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 14/03/2023

Dossier : N° RG 21/01136 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H2SR

Nature affaire :

Demande en paiement de l'indemnité d'assurance dans une assurance de personnes

Affaire :

[W] [B]

C/

Mutuelle AGPM VIE

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 14 Mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 16 Janvier 2023, devant :

Madame REHM, magistrate honoraire, chargée du rapport,

assistée de Madame HAUGUEL, greffière présente à l'appel des causes,

Madame REHM, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame FAURE, Présidente

Madame ROSA-SCHALL, Conseillère

Madame REHM, Magistrate honoraire

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [W] [B]

né le 15 Octobre 1969 à [Localité 9] (64)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 9]

représenté et assisté de Maître SESMA, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

AGPM VIE société d'assurance mutuelle, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Adresse 10]

[Localité 4]

représentée et assistée de Maître DE BRISIS de la SCP CABINET DE BRISIS & DEL ALAMO, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 16 MARS 2021

rendue par le TRIBUNAL JUDICAIRE DE PAU

RG numéro : 19/01988

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [W] [B] a intégré la gendarmerie le 31 juillet 1990.

Le 30 juillet 1997 il a demandé son adhésion à un contrat de carrière, contrat collectif d'assurance sur la vie à adhésion facultative souscrit au profit de ses adhérents par l'Association Générale de Prévoyance Militaire auprès de la société d'assurances mutuelle AGPM VIE, (ci-après AGPM VIE) à effet du 1er octobre 1997 (contrat n°0834162-1-E/CO-01).

Ce contrat, qui a été reconduit le 21 août 1999, couvre plusieurs risques et notamment :

- le décès par maladie et accident ;

- l'invalidité totale et définitive (I.T.D) par maladie et accident dans les conditions définies aux articles 10, 12 et 15 du titre II ;

- l'incapacité permanente partielle ou totale par accident (I.P.P.T.A) dans les conditions définies à l'article 14 du titre II ;

- l'hospitalisation en cas de maladie ou d'accident.

Ce contrat garantissait à Monsieur [W] [B], en cas d'incapacité permanente suite à un accident, le versement d'un capital dont le montant était fixé dans le certificat d'adhésion contrat de carrière du 21 août 1999 comme suit :

- pour un taux d'incapacité de 80 % à 100 %, totalité de 146 700,00 euros ;

- pour un taux d'incapacité de 40 % à 79 %, taux retenu x 73 350,00 euros ;

- pour un taux d'incapacité de 10 % à 39 %, taux retenu x 55 013,00 euros ;

- pour un taux d'incapacité de 1 % à 9 %, taux retenu x 9169,00 euros.

Le 21 février 2000, alors qu'il participait à une formation pour l'obtention du diplôme 'technique montagne' auprès du centre national de ski et d'alpinisme de la gendarmerie de [Localité 5] (74), Monsieur [W] [B] a été victime d'un accident de ski dont il est résulté un traumatisme du pouce droit.

Monsieur [W] [B] a déclaré ce sinistre à l'AGPM VIE suivant courrier recommandé avec accusé de réception du 30 janvier 2002 en expliquant que deux mois après cet accident, ressentant toujours une douleur il avait consulté un médecin de l'hôpital militaire de [Localité 7] (69) qui n'avait rien diagnostiqué de particulier mais lui avait précisé qu'une entorse pouvait être douloureuse pendant deux ans ; il indiquait également avoir consulté le 22 novembre 2001 le Docteur [V], médecin chef au centre médical de [Localité 8] (40), qui lui avait indiqué que les douleurs ressenties provenaient sans doute d'un problème de tendons et qu'une opération chirurgicale n'était pas à exclure, raison pour laquelle il estimait devoir informer l'AGPM VIE de cette situation.

Par courrier en date du 04 février 2002, l'AGPM VIE a accusé réception de cette déclaration en indiquant à Monsieur [W] [B] que son contrat d'assurance prévoyait l'obligation de déclarer tout événement susceptible d'entraîner une infirmité permanente dans un délai de 6 mois, délai dépassé dans son cas, mais qu'à titre exceptionnel et mutualiste, elle acceptait de procéder à la gestion de son dossier, tout en lui rappelant d'une part, le délai de prescription de deux ans en matière d'assurance prévu par l'article L.114-1 du code des assurances et d'autre part, que ce délai pouvait être interrompu par toute correspondance de sa part.

Par courrier en date du 12 août 2002, en réponse aux documents adressés par son assuré, l'AGPM VIE a rappelé à Monsieur [W] [B] que la loi fixait le délai de prescription à deux ans et qu'il lui appartenait de l'informer de l'évolution de son dossier dans les deux ans suivant cette lettre.

Le 26 mars 2015 Monsieur [W] [B] a passé un électromyogramme car il ressentait des douleurs au niveau des doigts des deux mains qui ont été attribuées à un syndrome du canal carpien pour chaque main.

Après une première opération réalisée sur la main gauche qui s'est avérée sans séquelles, le 07 mars 2016 Monsieur [W] [B] a été opéré par le Docteur [H] [S] de la main droite et il s'est avéré que ce qui semblait être un syndrome du canal carpien était en réalité un volumineux névrome du nerf médian compressif et simulant un syndrome du canal carpien que le chirurgien n'avait pas, dans un premier temps, formellement imputé à l'accident de service survenu le 21 février 2000.

Dans un certificat médical du 15 septembre 2017, le Docteur [H] [S] a indiqué que le névrome du nerf médian ayant conduit à l'intervention chirurgicale du 07 mars 2016 pouvait être considéré lié à son accident en service le 21 février 2000 puisque 'l'on peut considérer qu'un traumatisme fermé du nerf est survenu par le biais de la dragonne qui a lésé à la fois l'articulation métacarpe-phalangienne du pouce et le nerf médian au poignet, créant une lésion de type écrasement étirement.'

Monsieur [W] [B] a été placé en congé de longue maladie à compter du 02 août 2016 mais la commission médicale a décidé le 27 septembre 2016 que cette affection n'était pas liée à l'exercice de ses fonctions.

Sur recours de Monsieur [W] [B], cette décision a été annulée le 06 novembre 2017 par le ministre de l'Intérieur qui, au vu de plusieurs avis médicaux et notamment de l'avis du consultant national en chirurgie orthopédique, a considéré que l'affection devait être regardée comme étant survenue du fait ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions suite à son accident du 21 février 2000.

Le Docteur [R] [J], désigné comme expert par le ministère de la Défense pour examiner Monsieur [W] [B] et déterminer le taux des séquelles résultant de l'entorse de la métacarpo-phalangienne du pouce droit, a indiqué dans son rapport du 05 novembre 2019 que 'la génèse habituelle d'un névrome et l'anamnèse évoquée par les différents documents examinés, confirment l'imputabilité des lésions à l'accident en service du 21 février 2000" et a chiffré à 40% le taux d'invalidité en résultant.

Après plusieurs renouvellements du congé maladie, Monsieur [W] [B] qui était alors adjudant-chef et commandant de la brigade de gendarmerie de [Localité 11] (64), a été déclaré inapte au service le 20 mars 2019 par la commission de réforme puis a été radié des cadres par arrêté du ministre de l'Intérieur du 29 avril 2019.

Monsieur [W] [B] a exercé un recours administratif préalable à l'encontre de cette décision et formé un recours devant le tribunal administratif de Pau à l'encontre de la décision implicite de rejet de ce recours préalable.

Par jugement en date du 16 février 2022, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du ministre de l'Intérieur rejetant le recours administratif préalable.

Par décision du ministre de l'Intérieur du 07 octobre 2021, Monsieur [W] [B] a été placé en congé de longue durée pour maladie pour une durée maximale de 8 ans à compter du 02 août 2016 jusqu'au 1er août 2021 à solde pleine et à compter du 02 août 2021 avec une rémunération réduite de moitié jusqu'au 1er août 2024 avec la précision que l'affection motivant ce congé était survenue du fait ou à l'occasion de l'exercice des fonctions de militaire de la gendarmerie et que les droits accordés tenaient compte de cette situation.

La fiche descriptive des infirmités portant décision d'attribution d'une pension militaire d'invalidité au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en date du 18 août 2020 a attribué à Monsieur [W] [B], à effet du 15 février 2017, une pension définitive pour les séquelles d'entorse de la métacarpe-phalangienne du pouce droit avec ankylose et douleur à la mobilisation ayant pour origine une blessure reçue par le fait du service le 21 février 2000, hors guerre, avec un taux de droits concédés de 45% à titre définitif.

Par courrier en date du 20 décembre 2017, Monsieur [W] [B] a sollicité la garantie de l'AGPM VIE au titre de son contrat de carrière en expliquant que l'affection ayant donné lieu à son arrêt de longue maladie était liée à son accident de service du 21 février 2000.

Par courrier en date du 22 mars 2018, l'AGPM VIE a notifié à Monsieur [W] [B] un refus de prise en charge en raison de la prescription biennale.

Par exploit du 18 octobre 2019, Monsieur [W] [B] a fait assigner la société d'assurances mutuelle AGPM VIE devant le tribunal de grande instance de Pau, devenu depuis le 1er janvier 2020 le tribunal judiciaire de Pau, aux fins de voir dire que l'AGPM VIE lui doit sa garantie au titre du contrat invalidité décès souscrit le 1er octobre 1997 et voir ordonner une expertise judiciaire afin d'évaluer son taux d'incacapité permanente partielle et son déficit fonctionnel permanent; aux termes de ses dernières conclusions, il sollicitait la condamnation de l'AGPM VIE à lui payer la somme de 73 350,00 euros au titre du capital dû outre une somme de 2 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire en date du 16 mars 2021, le tribunal judiciaire de Pau a :

- constaté que la prescription biennale de l'article L.114-1 du code des assurances était acquise à la date de l'assignation;

En conséquence :

- déclaré irrecevable l'action introduite par Monsieur [W] [B] à l'encontre de l'AGPM VIE,

- débouté Monsieur [W] [B] de l'ensemble de ses prétentions,

- condamné Monsieur [W] [B] à payer à l'AGPM VIE la somme de 1 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Le premier juge a considéré que Monsieur [W] [B] ne s'était pas manifesté auprès de l'AGPM VIE depuis le courrier du 12 août 2002 de cet organisme qui avait interrompu la prescription et jusqu'à son courrier du 20 décembre 2017, s'abstenant de l'aviser de son intervention chirurgicale du 07 mars 2016 et de son placement en congé de longue maladie du 02 août 2016 ; il a estimé par ailleurs que Monsieur [W] [B] ne rapportait pas la preuve d'un lien exclusif entre l'accident du 21 février 2000 et les problèmes de santé diagnostiqués en 2015.

Par déclaration du 02 avril 2021, Monsieur [W] [B] a relevé appel de cette décision, en sollicitant la réformation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 03 novembre 2022, Monsieur [W] [B] demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé,

En conséquence :

- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pau le 16 mars 2021 en ce qu'il a jugé prescrite l'action initiée par Monsieur [B],

- dire que l'AGPM VIE doit sa garantie,

- condamner l'AGPM VIE à payer à Monsieur [B] :

* 33 007,50 euros avec intérêts de droit à compter du 18 octobre 2019 sous réserve de réévaluation du capital initialement souscrit,

* 4 000,00 euros de dommages et intérêts,

* 5 000,00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'AGPM VIE aux dépens de première instance et d'appel,

A titre infiniment subsidiaire, si la cour considérait qu'une expertise médicale devait être ordonnée :

- mettre à la charge de l'AGPM VIE les honoraires de l'expert judiciaire désigné,

- réserver dans cette hypothèse les dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 12 décembre 2022, l'AGPM VIE demande à la cour, sur le fondement des articles L.114-1, L.114-2 et R.112-1 du code des assurances et des articles 1353 et 1153 ancien du code civil de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a déclaré Monsieur [W] [B] irrecevable en son action tirée de la prescription,

A titre subsidiaire :

- débouter Monsieur [W] [B] de l'ensemble de ses demandes,

En tout état de cause :

- condamner Monsieur [W] [B] à payer à l'AGPM VIE la somme de 2 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 décembre 2022.

MOTIFS

1°) Sur la prescription

L'article L.114-1 du code des assurances prévoit que « toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. Toutefois, ce délai ne court :

1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance ;

2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là. »

Par ailleurs, selon les dispositions de l'article L.114-2 du code des assurances: 'La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. L'interruption de la prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée ou d'un envoi recommandé électronique, avec accusé de réception, adressés par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité.'

L'article 14.5 des conditions générales du contrat prévoit que 'La prescription est interrompue:

- soit par une des causes ordinaires d'interruption :

* citation en justice ;

* lettre recommandée avec accusé de réception envoyée par l'assureur à l'assuré ou l'assuré à l'autre partie ;

* commandement de payer par voie extrajudiciaire (commandement signifié par huissier de justice) ;

- soit par la désignation d'experts à la suite de sinistre.'

Egalement dans son courrier du 04 février 2002, l'AGPM VIE a indiqué à Monsieur [W] [B] que 'Ce délai (de prescription) peut toutefois être interrompu par toute correspondance de votre part.'

Comme le souligne l'AGPM VIE dans ses écritures, il est de jurisprudence constante qu'en matière d'assurance contre les accidents corporels, le sinistre, au sens de l'article L114-1 alinéa 2 du code des assurances, réside dans la survenance de l'état d'invalidité et ne peut être constitué qu'au jour de la consolidation de cet état et que s'agissant de l'état d'invalidité, la consolidation est fixée au jour de la décision par laquelle la sécurité sociale reconnaît qu'il présente une invalidité.

En l'espèce, il est constant que le 21 février 2000, Monsieur [W] [B] a été victime d'un accident de ski ayant occasionné un traumatisme du pouce droit.

Si à la suite de cet accident, il résulte du certificat de visite établi le 16 juin 2016 par le médecin chef adjoint des armées [G] [Y] que Monsieur [W] [B] a pu ressentir une gêne nécessitant un traitement par rééducation fonctionnelle, ce n'est qu'en 2015 que, compte tenu des douleurs ressenties, il a consulté un chirurgien orthopédique au Centre Hospitalier de [Localité 9].

Il résulte des indications figurant sur l'attestation médicale d'incapacité à reprendre son travail établie le 09 janvier 2017 par le Docteur [O] [L], que ce n'est que le 26 mars 2015 que Monsieur [W] [B] a passé un électromyogramme car il se plaignait de douleurs au niveau des doigts des deux mains qui avaient été attribuées à un syndrome du canal carpien pour chaque main et qu'avant le 26 mars 2015, il n'avait jamais eu d'arrêts de travail relatifs à cette maladie.

Si l'opération de la main gauche s'est bien passée et ne lui a laissé aucunes séquelles, en revanche, il s'est avéré, à l'occasion de l'intervention chirurgicale du 07 mars 2016 que les douleurs qui avaient été attribuées par les médecins spécialistes à un syndrome du canal carpien, provenaient en réalité d'un volumineux névrome du nerf médian provoqué par un kyste obstruant le canal carpien dont le lien avec l'accident survenu le 21 février 2000 a été établi, comme cela a été confirmé dans son certificat du 15 septembre 2017 par le chirurgien ayant pratiqué l'opération, le Docteur [H] [S], qui indique que le névrome du nerf médian au niveau du poignet droit est un névrome traumatique que l'on peut considérer lié à son accident de service du 21 février 2000.

Ce lien a par la suite été confirmé de façon irréfutable par toutes les décisions administratives intervenues et les différents avis médicaux recueillis ; Monsieur [W] [B] s'est ainsi vu attribuer une pension définitive pour les séquelles d'entorse de la métacarpe-phalangienne du pouce droit avec ankylose et douleur à la mobilisation ayant pour origine la blessure subie par le fait du service le 21 février 2000, hors guerre.

Il est donc établi que l'invalidité subie par Monsieur [W] [B] est liée à son accident de service du 21 février 2000 et que ce n'est qu'après l'intervention chirurgicale du 07 mars 2016 que Monsieur [W] [B] a eu connaissance du lien existant entre les douleurs qu'il a commencé à ressentir en 2015 et l'accident survenu le 21 février 2000 ; il est donc logique qu'il n'ait pas repris contact avec l'AGPM VIE après son courrier du 12 août 2002, puisqu'il n'avait aucune raison de penser qu'il était atteint d'une affection en lien avec cet accident, aucune opération des tendons n'étant intervenue et les douleurs ressenties ayant été attribuées à un syndrome du canal carpien.

D'ailleurs, ses réponses négatives en 2011 à un questionnaire de santé dans le cadre d'un contrat de prêt, démontrent qu'il ne présentait pas à cette date de symptômes susceptibles de l'alerter sur les séquelles de l'accident du 21 février 2000.

Il résulte du rapport établi le 05 novembre 2019 par le Docteur [J], que la formation du kyste a été progressive et non invalidante jusqu'à l'intervention du 07 mars 2016 qui lui a laissé de nombreuses séquelles neurologiques et notamment des douleurs chroniques au niveau du poignet et de la main droite, des décharges électriques itératives et une impotence fonctionnelle de la main droite et du pouce.

De fait, ce n'est que le 16 juin 2016 que le médecin chef adjoint des armées [G] [Y] a préconisé une éventuelle mise en congé de longue maladie et ce n'est que le 02 août 2016 que Monsieur [W] [B] a été placé en congé de longue maladie.

Ainsi, il convient de distinguer l'accident des conséquences de l'accident, conséquences dont les séquelles et la gravité ne se sont révélées que le 07 mars 2016 et qui ont été déclarées à l'assureur le 20 décembre 2017, soit dans le délai de 24 mois.

L'accident a donc bien été déclaré à l'assureur dans un délai de 24 mois à compter de la découverte des conséquences de cet accident, dont il a été démontré que Monsieur [W] [B] les avaient ignorées jusque-là.

Que l'on retienne comme point de départ du délai de la prescription biennale la date du 07 mars 2016 à laquelle Monsieur [W] [B] a eu connaissance du sinistre ou celle du 02 août 2016 qui peut être considérée comme la date de la survenance de l'état d'invalidité, il ressort des éléments versés aux débats que, conformément aux dispositions prévues par les conditions générales du contrat, ce délai a été incontestablement interrompu par le courrier recommandé avec accusé de réception n°1A 147 705 6484 6 en date du 20 décembre 2017, par lequel Monsieur [W] [B] a sollicité la garantie de l'AGPM VIE pour son accident de service du 21 février 2000 en expliquant que ce n'était qu'à l'occasion de l'opération de sa main droite au mois de mars 2016 pour ce qui avait été diagnostiqué comme étant un syndrome du canal carpien et ce qui s'est avéré être un névrome, qu'il avait eu connaissance du lien entre cette affection et son accident du 21 février 2000 et que ce n'était qu'à la suite d'un recours que son affection avait finalement été rattachée à cet accident et avait été considérée comme étant un accident de service.

Ce courrier du 20 décembre 2017 a donc fait courir un nouveau délai de 2 ans qui aurait dû expirer le 20 décembre 2019 ; il s'ensuit que l'assignation ayant été délivrée le 18 octobre 2019, l'action de Monsieur [W] [B] à l'encontre de l'AGPM VIE n'est pas prescrite.

Cette action est d'autant moins prescrite que la consolidation de l'état d'invalidité de Monsieur [W] [B] peut être fixée au 05 novembre 2019, date de la fixation par le Docteur [J], du taux d'invalidité de 40 %, de sorte qu'il est dès lors possible de considérer que la prescription n'avait même pas commencé à courir le jour de l'introduction de l'instance.

L'action engagée par Monsieur [W] [B] sera dès lors déclarée recevable et le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

2°) Sur les sommes dues en vertu du contrat

Monsieur [W] [B] sollicite la condamnation de l'AGPM VIE à lui verser un capital de 33 007,50 euros pour un taux d'incapacité de 45 % retenue par la fiche descriptive des infirmités portant décision d'attribution d'une pension militaire d'invalidité en date du 18 août 2020, correspondant au capital prévu par le contrat pour un taux d'incapacité compris entre 40 % et 79 %, soit 73 350,00 euros x 45/100.

L'AGPM VIE s'oppose à cette demande en faisant valoir que le taux de 45 % a été fixé par le ministère des Armées selon un barème du service des pensions des armées alors que les dispositions des conditions générales prévoient que le taux d'incapacité est défini selon le barème de droit commun qui, se limitant à réparer le poste du déficit fonctionnel permanent, retient des taux inférieurs à ceux du service des pensions des Armées ; elle soutient que de ce fait, Monsieur [W] [B] ne rapporte pas la preuve certaine du taux d'incapacité tel que défini par les conditions générales du contrat en soulignant que seule une expertise médicale amiable ou judiciaire, permettrait d'établir avec certitude ce taux d'incapacité.

Il est stipulé au paragraphe 1 de l'article 14 des conditions de la garantie : 'En cas d'incapacité permanente partielle ou totale consécutive à un accident (IPPTA) survenu postérieurement à la date d'effet, et au plus tard avant la date d'échéance principale de l'année civile du 66ème anniversaire, il est versé à l'assuré, quelle que soit son activité professionnelle, un capital dont le montant est fonction du taux d'incapacité défini selon le barème de droit commun dit barème fonctionnel indicatif des incapacités en droit commun'.

En l'espèce, le taux de 45 % retenu par la fiche descriptive des infirmités portant décision d'attribution d'une pension militaire d'invalidité en date du 18 août 2020 n'est pas médicalement justifié et le taux de 40 % retenu par le Docteur [J] ne correspond effectivement pas au barème de droit commun qui est celui retenu par le contrat.

Il convient dès lors d'ordonner une expertise dans les termes figurant au dispositif de la présente décision aux fins de fixer le taux d'incapacité selon le barème de droit commun, dont Monsieur [W] [B] reste atteint à la suite des différentes séquelles en relation avec l'accident du 21 février 2000 et dont la consignation incombera à l'AGPM VIE qui conteste le taux d'invalidité retenu par le médecin expert désigné par le ministère de la Défense.

Dans cette attente, il sera sursis à statuer sur les demandes.

Les frais et dépens ainsi que les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront réservés.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable pour être prescrite l'action engagée par Monsieur [W] [B] à l'encontre de l'AGPM VIE,

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées,

Déclare recevable pour être non prescrite l'action engagée par Monsieur [W] [B] à l'encontre de l'AGPM VIE,

Avant dire droit sur le surplus des demandes, ordonne une mesure d'expertise,

Désigne pour y procéder le Docteur [Z] [N], [Adresse 3] - Port. : [XXXXXXXX01] - Mèl : [Courriel 6], expert inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Pau, lequel aura pour mission en veillant en toutes circonstances au strict respect du principe de la contradiction, après:

- avoir pris connaissance du dossier de la procédure ainsi que de l'article 14 -1 des conditions générales du contrat souscrit auprès de l'AGPM VIE par Monsieur [W] [B],

- s'être fait remettre par les parties toutes pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission,

- avoir établi une estimation du coût de ses opérations et indiqué en cas de recours à un sapiteur, le coût prévisible de celles-ci, sous réserves de toutes sujétions particulières découvertes en cours d'expertise, communiqués par tous moyens aux parties et au conseiller chargé du contrôle des expertises,

DE :

- procéder à l'examen de Monsieur [W] [B],

- décrire et analyser les lésions initiales ainsi que l'état séquellaire faisant suite à l'accident du 21 février 2000,

- fixer le taux d'incapacité subi par Monsieur [W] [B] suite à cet accident, selon le barème de droit commun dit 'barème fonctionnel indicatif des incapacités en droit commun', conformément aux dispositions de l'article 14-1 des conditions générales du contrat souscrit auprès de l'AGPM VIE par Monsieur [W] [B] ,

- faire toutes observations utiles,

Modalités techniques :

Dit que, d'une manière générale, l'expert devra :

- accomplir sa mission personnellement et contradictoirement en présence des parties et de leurs conseils ou ceux-ci dûment convoqués conformément aux dispositions de l'article 160 du code de procédure civile,

- recueillir leurs observations et recevoir leurs dires,

- annexer à son rapport les documents ayant servi à sa mission, ceux qui le complètent ou contribuent à sa compréhension et restituer les autres contre récépissé aux personnes les ayant fournis,

- adresser aux parties à la fin de ses opérations, une note de synthèse pour les informer du résultat de ses travaux, les parties disposant alors d'un délai de quatre semaines pour faire parvenir leurs observations récapitulatives, le tout devant être consigné dans le rapport d'expertise,

Rappelle à l'expert qu'il doit, dès sa saisine, adresser au greffe de la cour d'appel de Pau l'acceptation de sa mission. Tout refus ou tout motif d'empêchement devra faire l'objet d'un courrier circonstancié, adressé dans les 8 jours de sa saisine. Si le conseiller chargé des expertises accepte sa position, l'expert sera remplacé par simple ordonnance,

Dit qu'en cas d'empêchement de l'expert désigné ou d'inobservation par lui des délais prescrits, il pourra être pourvu à son remplacement par ordonnance rendue par le conseiller chargé du contrôle des expertises, sur requête ou d'office,

Indique à l'expert qu'il devra procéder à la première réunion dans un délai maximum de 45 jours. A son issue, il adressera au conseiller chargé de la surveillance des expertises, une fiche récapitulative établie et adressée en la forme simplifiée, reprenant tous les points ci-dessous visés, en vue d'assurer un déroulement efficace de ses opérations,

Dit que l'expert devra déposer un rapport accompagné de toutes les pièces complémentaires avant le 15 septembre 2023 terme de rigueur sauf prorogation accordée,

Dit que lors du dépôt de son rapport, accompagné de sa demande de rémunération, l'expert devra adresser un exemplaire de celle-ci à chacune des parties par le moyen de son choix permettant d'en établir la date de réception,

Dit qu'en cas de refus, d'empêchement ou de négligence de l'expert désigné, il sera procédé à son remplacement par ordonnance à la requête de la partie la plus diligente,

Ordonne à l'AGPM VIE de procéder à la consignation d'une provision de 1 500,00 euros à valoir sur la rémunération de l'expert auprès du régisseur de la cour d'appel de Pau dans le délai de 45 jours à compter de la présente décision,

Rappelle qu'à défaut de consignation dans le délai fixé par la cour, la désignation de l'expert devient caduque et privée de l'effet imparti,

Dit que l'expert sera informé de cette consignation, sa mission débutant à compter de cette date,

Dit qu'en cas d'insuffisance manifeste de la provision allouée, au vu des diligence faites ou à venir, l'expert en fera sans délai rapport au conseiller chargé de suivre les opérations, qui, s'il y a lieu, ordonnera la consignation d'une provision complémentaire à la charge de la partie qu'il déterminera,

Dit que les parties pourront, s'il y a lieu, adresser à l'expert et au conseiller chargé du contrôle des opérations leurs observations écrites sur la demande de rémunération faite par l'expert dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la copie de la demande de rémunération,

Dit que l'expert prendra en considération les observations ou réclamations des parties, les joindra à ses avis, et fera mention de la suite qu'il leur aura donnée,

Dit que l'expert devra procéder dans le respect absolu du principe du contradictoire, établir un inventaire des pièces introduites entre ses mains ainsi que des documents utilisés dans le cadre de sa mission et répondre aux dires que les parties lui communiqueront en cours d'expertise ou avant le dépôt du rapport final, dans le cadre du pré-rapport qu'il établira de façon systématique, éventuellement sous forme de synthèse pour éviter un surcoût, en rappelant aux parties qu'elles sont irrecevables à faire valoir des observations au-delà du délai fixé,

Rappelle que, selon les nouvelles modalités de l'article 276 du code de procédure civile: 'Lorsque l'expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n'est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient faites après l'expiration de ce délai, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas, il en fait rapport au juge. Lorsqu'elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu'elles ont présentées antérieurement. A défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties. L'expert doit faire mention, dans son avis, de la suite donnée aux observations ou réclamations présentées',

Autorise l'expert, en vertu des articles 278 et 278-1 du code de procédure civile, à recueillir l'avis d'un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne et à s'adjoindre tout technicien ou homme de l'art, distinct de sa spécialité,

Désigne la présidente de la 1er chambre de la cour d'appel de Pau, comme conseiller chargé de la surveillance et de contrôle de la présente expertise ou tout conseiller délégué par elle,

Dit que sous le contrôle du conseiller chargé du contrôle des expertises auprès de cette cour, l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 155 à 174, 232 à 248, 263 à 284 du code de procedure civile,

Dit qu'il appartiendra à l'expert désigné de solliciter en temps utile auprès du conseiller chargé de suivre l'expertise, les prorogations de délai nécessaires à l'exécution de sa mission,

Sursoit à statuer sur l'ensemble des demandes,

Dit que le dossier sera renvoyé à l'audience de la mise en état du 04 octobre 2023 aux seules fins de vérifier l'état des opérations d'expertise conformément aux dispositions de l'article 153 du code de procédure civile,

Réserve les frais et dépens ainsi que les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/01136
Date de la décision : 14/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-14;21.01136 ?
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