PS/CD
Numéro 23/01399
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 25/04/2023
Dossier : N° RG 21/03225 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H72D
Nature affaire :
Demande en réparation des dommages causés par des véhicules terrestres à moteur
Affaire :
[P] [F]
C/
[O] [G]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 Avril 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 27 Février 2023, devant :
Monsieur SERNY, Magistrat honoraire chargé du rapport,
assisté de Madame DEBON, faisant fonction de greffière présente à l'appel des causes,
en présence de Madame DIOT, greffière stagiaire
Monsieur SERNY, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame FAURE, Présidente
Madame ROSA-SCHALL, Conseillère
Monsieur SERNY, Magistrat honoraire
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [P] [F]
né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté et assisté de Maître ROUVIERE, avocat au barreau de PAU
INTIME :
Monsieur [O] [G]
né le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté et assisté de Maître LABORDE-APELLE, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 29 JUIN 2021
rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PAU
RG numéro : 19/01309
Vu l'acte d'appel initial du 30 septembre 2021 ayant donné lieu à l'attribution du présent numéro de rôle,
Vu le jugement dont appel rendu le 29 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Pau qui a :
- débouté l'action en indemnisation introduite par [P] [F], conducteur de son véhicule à moteur, dirigée contre [O] [G], conducteur d'un autre véhicule avec lequel il est entré en collision, en retenant qu'il avait commis une faute excluant tout droit à indemnisation,
- débouté [O] [G] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- condamné [P] [F] à payer à son adversaire une somme de 1 000 euros en compensation de frais irrépétibles ;
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 novembre 2021 par [P] [F], appelant, qui conclut à l'infirmation du jugement, à un droit à indemnisation intégral et au paiement d'une indemnité de 9 373 euros réparant son préjudice matériel outre 1.000 euros en réparation d'un préjudice moral et de 2 500 euros en compensation de frais irrépétibles ;
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 février 2022 par [O] [G], intimé, qui conclut :
- à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté [P] [F] de ses demandes, condamné ce dernier aux dépens et au paiement de 1 000 euros en compensation de frais irrépétibles,
- à la condamnation de [P] [F] à lui payer une indemnité de 2 000 euros pour procédure abusive,
- à la condamnation de [P] [F] à lui payer 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Vu l'ordonnance de clôture délivrée le 25 janvier 2023.
Le rapport ayant été fait oralement à l'audience.
MOTIFS
Sur les droits à indemnisation invoqués par les deux conducteurs
Les véhicules respectivement conduits par [O] [G] (véhicule personnel Peugeot 307) et par [P] [F] (véhicule utilitaire de type FORD TRANSIT) sont entrés en collision le 07 juillet 2018 en fin d'après-midi dans un carrefour situé sur la commune de [Localité 7] (64).
Les parties ont rempli un exemplaire de constat amiable d'accident mais leurs versions diffèrent ; cela a donné lieu à l'établissement, sur le constat même, de deux croquis différents concernant les trajectoires des véhicules. L'un des deux croquis est donc contraire à la réalité des faits.
Les déclarations concordent sur les points suivants :
- le véhicule personnel conduit par [O] [G] circulait devant celui conduit par [P] [F] à l'abord du carrefour ;
- lors du choc, [O] [G] entreprenait de s'engager dans une rue adjacente située sur sa droite,
Les parties divergent en ce que :
- [O] [G] soutient n'avoir jamais quitté le couloir de circulation commun et avoir été heurté par le véhicule venant de l'arrière conduit par [P] [F] ;
- [P] [F] soutient au contraire, qu'[O] [G], qui le précédait, avait d'abord emprunté la voie de présélection matérialisée au sol pour les véhicules désirant s'engager dans la rue s'ouvrant sur la gauche du carrefour (par rapport à leur sens de circulation commun), avant de se raviser, de renoncer à cette manoeuvre et de changer sa trajectoire en direction de la rue située sur la droit du carrefour (toujours par rapport à leur sens de circulation commun) ; [P] [F] expose que l'exécution de cette manoeuvre a conduit l'autre conducteur à lui 'couper la route'.
L'accident n'a eu aucun témoin direct. Il faut donc trancher entre les deux thèses en se basant sur les seules présomptions de fait. Les deux véhicules se sont immobilisés parallèlement l'un à l'autre de l'autre côté du carrefour et sur la droite de la chaussée par rapport au sens de circulation dont ils provenaient ; le véhicule utilitaire s'est immobilisé à droite du véhicule personnel par rapport à leur sens de circulation commun.
La localisation des points de choc respectivement sur le côté droit du véhicule d'[O] [G] et sur l'avant gauche du véhicule de [P] [F] prouvent que le véhicule personnel conduit par le premier a bien 'coupé la route' au véhicule utilitaire conduit par le second ; la thèse d'[O] [G] selon laquelle il n'aurait pas quitté le couloir de circulation de droite, est incompatible avec cette constatation puisque ce n'est pas l'arrière de son véhicule qui est endommagé mais son côté droit. Si la thèse d'[O] [G] était la bonne, le côté droit de son véhicule ne serait pas trouvé en face de l'avant gauche et face à l'aile gauche du véhicule conduit par [P] [F].
L'avant frontal du véhicule de [P] [F] n'est d'ailleurs que faiblement déformé ; l'avant gauche est certes endommagé et le phare est détruit mais l'essentiel du choc a été encaissé par l'aile gauche ; dans la thèse soutenue par [O] [G], l'avant du véhicule de [P] [F] aurait été endommagé plutôt sur sa droite et surtout, l'aile gauche du véhicule de [P] [F] n'aurait pas été un lieu de choc. Le fait que l'aile gauche du véhicule de [P] [F] ait ainsi subi l'impact principal prouve aussi que son conducteur avait eu le réflexe d'entamer une manoeuvre salvatrice qui a eu pour effet d'atténuer l'impact ; les positions d'immobilisation des véhicules le démontrent, le véhicule le plus lourd étant à droite de l'autre.
Ces constatations de fait suffisent à invalider la thèse d'[O] [G] et confirment celle de [P] [F] selon laquelle les véhicules se sont heurtés en raison d'une conduite imprévisible d'[O] [G].
[O] [G] a bien annoncé une manoeuvre de changement de direction vers la gauche en empruntant la file de présélection prévue pour cela, libérant la route devant le véhicule de [P] [F], pour ensuite changer d'avis, et décider brusquement de prendre la direction opposée en coupant la route du véhicule conduit par [P] [F]. Une telle faute constitue une faute d'imprudence majeure tant elle a été inattendue pour l'autre conducteur ; cette faute est d'une gravité suffisante pour priver [O] [G] de tout droit à indemnisation, même partiel, de son préjudice par [P] [F].
[O] [G] doit en revanche réparer l'entier préjudice subi par [P] [F] à l'encontre de qui il ne démontre aucune faute.
Le jugement doit être infirmé dans toutes ses dispositions.
Sur la réparation du préjudice subi par [P] [F]
Les écritures de [P] [F], qui tendent à la réparation du véhicule, ne sont pas cohérentes avec le fait que le véhicule a été déclaré économiquement irréparable, avec le fait qu'il a perçu la valeur du bien selon la côte du marché de l'occasion, valeur inférieure au montant des réparations, et avec le fait que les échanges avec l'assureur prouvent qu'il a cédé la propriété du véhicule à ce dernier pour en acquérir un autre.
Les expertises d'assurance ont évalué le coût des réparations à 10 373 euros TTC avant démontage soit à 8 644,17 euros HT ; les travaux de réparation à faire sont évalués à 3 000 euros ce qui caractérise un préjudice de réparation de 13 373 euros TTC.
Les frais de réparation n'ont pas été engagés puisque [P] [F] a abandonné la propriété du véhicule accidenté pour en acheter un autre au prix de 15 000 euros (12 561,46 euros HT soit 14 352,24 euros TTC pour l'achat du seul véhicule, la différence de 15 000 - 14 352,24 = 647,76 euros correspondant à des frais administratifs et à des taxes).
[P] [F] a reçu une provision de 7 000 euros qui correspond à la valeur vénale TTC de son véhicule à la date de l'accident. Il ne peut pas obtenir remboursement à hauteur de la somme 9 373 euros qu'il rattache à des réparations qu'il n'a pas payées pour un véhicule dont il n'a pas conservé la propriété. [P] [F] ne demande pas à être indemnisé de tout ou partie de la différence entre l'indemnité reçue et le prix du nouveau véhicule qu'il a acquis en se prévalant de circonstances particulières qui seraient de nature à s'affranchir de l'évaluation des experts d'assurance. [O] [G] sera donc condamné à son profit au seul remboursement de la somme de 7 000 euros, correspondant à la valeur vénale du véhicule perdu par [P] [F] telle qu'elle a été évaluée entre experts d'assurances. Allouer une somme supérieure pour des réparations reviendrait à verser une indemnité complémentaire à l'assureur de la victime devenu propriétaire du véhicule.
Les circonstances justifient l'allocation d'une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral.
Sur les demandes annexes
La demande formée par [P] [F] au titre de l'article 700 du code de procédure civile est justifiée ; elle vaut pour les deux degrés de juridiction.
[O] [G] supportera les frais et dépens exposés devant les deux degrés de juridiction.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
* infirme le jugement dont appel,
* statuant à nouveau,
* dit que l'accident de la circulation survenu le 18 juillet 2018 a pour seule cause la faute de conduite commise par [O] [G],
* dit que, par application de l'article 4 de la loi du 07 juillet 1985, cette faute emporte pour [O] [G] exclusion de tout droit à indemnisation de son préjudice,
* déboute [O] [G] de ses demandes d'indemnisation visant [P] [F],
* dit que [O] [G] doit indemnisation intégrale à [P] [F],
* condamne [O] [G] à payer à [P] [F] une indemnité de 7 000 euros en réparation du préjudice matériel limité à la valeur vénale du véhicule
* le condamne aussi à lui payer la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral,
* dit que toute provision effectivement versée viendra en déduction,
* condamne [O] [G] aux dépens de première instance et d'appel,
* condamne [O] [G] à payer à [P] [F] la somme de 2 500 euros en compensation de frais irrépétibles exposés devant les deux degrés de juridiction
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Carole DEBON Caroline FAURE