XG/BE
Numéro 24/2084
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 2
Arrêt du 20 juin 2024
Dossier : N° RG 23/00479 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IOKM
Nature affaire :
Demande relative à la liquidation du régime matrimonial
Affaire :
[U] [G]
C/
[W] [Z]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 juin 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 15 Janvier 2024, devant :
Monsieur GADRAT, Président chargé du rapport,
assisté de Madame BRUET, Greffière, présente à l'appel des causes,
Monsieur GADRAT, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Monsieur GADRAT, Président,
Madame GIMENO, Vice présidente placée,
Madame DELCOURT, Conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
Grosse délivrée le :
à :
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [U] [G]
née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Marie dominique ARPIZOU de la SELAS CABINET ARPIZOU, avocat au barreau de PAU
INTIME :
Monsieur [W] [Z]
né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 12]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 8]
Représenté par Me Frédéric BELLEGARDE, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 31 JANVIER 2023
rendue par le JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES DE PAU
RG numéro : 22/01772
EXPOSE DU LITIGE
Madame [U] [G] et monsieur [W] [Z] se sont mariés le [Date naissance 5] 1995 à [Localité 11] (Pyrénées-Atlantiques), sous le régime de la séparation de biens suivant contrat de mariage, reçu le 10 juillet 1995, par Maître [Y], notaire à [Localité 10].
Deux enfants sont issus de cette union : [P], né le [Date naissance 6] 1998 et [V], né le [Date naissance 4] 2001.
Madame [U] [G] a déposé, le 11 avril 2016, une requête en divorce.
Par ordonnance de non conciliation du 24 juin 2016, le juge aux affaires familiales de Pau a notamment :
attribué provisoirement à monsieur [W] [Z] la jouissance du logement sis à [Localité 8] et du mobilier le garnissant moyennant indemnité d'occupation,
dit que monsieur [W] [Z] réglera l'impôt sur le revenu et la taxe foncière à titre d'avance sur la liquidation du régime matrimonial.
Monsieur [W] [Z] a fait assigner son épouse en divorce sur le fondement de l'article 233 du code civil, par acte d'huissier du 17 novembre 2016.
Par jugement du 5 juillet 2018, le juge aux affaires familiales de Pau a notamment :
prononcé le divorce des époux [Z] / [G] sur le fondement de l'article 233 du code civil,
renvoyé les parties à procéder à la liquidation et au partage de leurs intérêts patrimoniaux,
attribué, à titre préférentiel, à monsieur [W] [Z] le bien immobilier indivis qui constituait le domicile conjugal, sous réserve de l'établissement ultérieur des comptes,
dit que le divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens, au 14 février 2015,
condamné monsieur [W] [Z] à verser à madame [U] [G] une prestation compensatoire d'un montant de 24 000€,
dit que cette prestation compensatoire sera versée en capital et libérée dans les trois mois du présent jugement passé en force de chose jugée.
Sur appel interjeté par monsieur [W] [Z], la cour d'appel de céans a, par arrêt du 17 décembre 2019, réformé le jugement précité sur la prestation compensatoire et, statuant à nouveau, condamné monsieur [W] [Z] à verser à madame [U] [G] la somme de 15 000€ en capital à titre de prestation compensatoire.
Les parties ont choisi, d'un commun accord, de saisir Maître [U] [D], notaire à [Localité 7], aux fins de dresser un état liquidatif établissant les comptes entre les parties, la masse partageable ainsi que la composition des lots à répartir.
Le notaire liquidateur a dressé, le 11 juin 2021, un procès-verbal de difficultés.
Madame [U] [G] a assigné son ex-époux, par acte d'huissier du 20 juillet 2021, devant le tribunal judiciaire de Pau aux fins d'obtenir la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des ex-époux. Elle indique que les parties restent en désaccord sur :
la valeur de l'immeuble indivis et l'indemnité d'occupation,
la créance revendiquée par monsieur [W] [Z] contre l'indivision au titre du financement de l'immeuble indivis,
le compte d'administration de monsieur [W] [Z].
Par des conclusions d'incident déposées le 8 septembre 2022, madame [U] [G] a saisi le juge de la mise en état aux fins notamment de se voir accorder une avance sur sa part dans les fruits de l'indivision constitués par l'indemnité d'occupation due par son ex-époux ainsi que soulever une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en paiement de la créance contre l'indivision revendiquée par monsieur [W] [Z].
Par ordonnance du 31 janvier 2023, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Pau, statuant en qualité de juge de la mise en état, a :
rejeté l'exception d'irrecevabilité formée par madame [U] [G],
l'a déboutée de sa demande de provision sur la liquidation du régime matrimonial,
l'a condamnée aux dépens de l'incident.
Par déclaration transmise au greffe de la cour par RPVA le 10 février 2023 et effectuée dans des conditions de forme et de délai non discutées, madame [U] [G] a relevé appel de cette ordonnance sur les dispositions expressément rappelés dans cet acte.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe de la cour par RPVA le 21 février 2023, madame [U] [G] demande à la cour de :
réformer l'ordonnance déférée,
condamner monsieur [W] [Z] à lui verser, pour le compte de l'indivision, une avance de 30 000€ à valoir sur ses droits à venir dans le partage,
juger que la créance revendiquée par monsieur [W] [Z] à l'encontre de l'indivision, d'un montant de 122 641,90€, dont le principe est contestée, est frappée de prescription depuis le 24 juin 2021.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe de la cour par RPVA le 6 mars 2023, monsieur [W] [Z] demande à la cour de :
confirmer l'ordonnance,
écarter la fin de non recevoir tirée de la prescription de sa créance,
déclarer et juger madame [U] [G] irrecevable en son incident provisionnel au visa de l'article 1380 du code de procédure civile,
la débouter de sa demande provisionnelle,
la condamner aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 2500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'affaire a été fixée à bref délai, en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, à l'audience du 11 septembre 2023 puis renvoyée à celle du 15 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande d'avance sur les droits indivis,
Le juge de la mise en état, pour débouter madame [U] [G] de sa demande de provision sur la liquidation du régime matrimonial, a retenu qu'il n'existait pas en l'espèce de fonds indivis disponibles permettant d'accorder une provision au profit de l'un ou l'autre des époux.
En cause d'appel, madame [U] [G] sollicite une avance de 30 000€ sur ses droits acquis au titre de l'indemnité d'occupation due par son ex-époux. Elle fonde sa demande sur les dispositions de l'article 789 3° du code de procédure civile considérant que le juge de la mise en état est compétent. Elle rappelle ensuite les dispositions de l'article 815-11 alinéa 4 du code civil et soutient que son ex-époux est redevable d'importantes sommes envers l'indivision de sorte que la dette est certaine.
Elle ajoute qu'il n'existe aucun passif indivis venant la compenser. Elle indique enfin que ses droits acquis sont supérieurs à l'avance qu'elle réclame.
De son côté, monsieur [W] [Z] demande à la cour de déclarer la demande de son ex-épouse irrecevable. Il considère qu'une telle demande devait être formée sous la forme d'une procédure accélérée au fond exigée par l'article 1380 du code de procédure civile. Il ajoute qu'il n'existe aucun fonds disponible en l'espèce puisque la dette d'indemnité d'occupation n'est exigible qu'au jour des opérations de liquidation et partage. Il indique enfin que la créance dont se prévaut son ex-épouse n'est pas certaine puisqu'il se prétend lui-même créancier de l'indivision pour un montant supérieur à sa dette.
En l'espèce, si l'appelante, dans les motifs de ses conclusions, semble se fonder sur les dispositions de l'article 789 3° du code de procédure civile ' lequel prévoit la possibilité d'accorder au créancier une provision lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ' celle-ci invoque également les dispositions de l'article 815-11 du code civil. Et surtout, l'appelante réclame dans son dispositif ' sur lequel la cour est seule tenue de statuer aux termes de l'article 954 du code de procédure civile ' une avance de 30 000€ à valoir sur ses droits à venir dans le partage. Cette prétention relève bien de l'article 815-11 alinéa 4 du code civil qui prévoit la possibilité d'accorder une avance en capital sur les droits de l'indivisaire dans le partage à intervenir.
Pour autant, il est constant qu'une telle demande relève de la compétence exclusive du président du tribunal statuant selon la procédure accélérée au fond, en application de l'article 1380 du code de procédure civile.
Si cette compétence peut également être exercée, pendant l'instance en partage, par le juge commis, encore faut-il que celui-ci ait été désigné, ce qui n'est aucunement le cas en l'espèce.
En tout état de cause, une telle demande ne relève aucunement de la compétence du juge de la mise en état, ce dont il résulte que la demande de madame [U] [G] est irrecevable.
L'ordonnance entreprise sera donc infirmée de ce chef.
A titre surabondant, il convient d'observer que si l'intimé est effectivement redevable d'une indemnité d'occupation, les droits de l'appelante dans le partage restent néanmoins incertains dès lors que monsieur [W] [Z] entend revendiquer une créance à l'encontre de l'indivision supérieure à sa dette de sorte qu'il n'existe en l'état aucun fond disponible.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la créance revendiquée par monsieur [W] [Z],
Pour rejeter l'exception d'irrecevabilité formée par madame [U] [G], le juge de la mise en état a relevé que la prescription relative à la demande en paiement des sommes exposés par l'époux pour le financement du terrain et la construction du logement familial n'a commencé à courir qu'à compter du jugement définitif de divorce.
Il sera rappelé que monsieur [W] [Z] se prétend créancier contre l'indivision d'une somme de 122 641,90€ au titre de sa participation au financement de l'acquisition du bien immobilier indivis.
Se fondant sur l'article 815-10 alinéa 3 du code civil, madame [U] [G] soutient que la demande de son ex-époux est irrecevable car prescrite. Elle considère que le point de départ du délai de prescription est l'ordonnance de non conciliation qui fixe la date des effets du divorce entre époux quant aux biens. Elle soutient que monsieur [W] [Z] avait donc 5 ans à compter de l'ordonnance de non conciliation du 24 juin 2016 pour revendiquer sa créance, soit jusqu'au 24 juin 2021.
De son coté, rappelant les dispositions de l'article 2236 du code civil, l'intimé demande à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise et d'écarter la fin de non-recevoir formée par son ex-épouse tirée de la prescription de la créance qu'il revendique.
Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l'exercer.
Toutefois, selon l'article 2236 du code civil, cette prescription ne court pas ou est suspendue entre époux, ainsi qu'entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité.
Il résulte de la combinaison de ces textes que le délai de droit commun par lequel se prescrivent, en l'absence de dispositions particulières, les créances entre époux en matière personnelle ou mobilière commencent à courir lorsque le divorce a acquis force de chose jugée. Il en va de même s'agissant d'une créance contre l'indivision.
En l'espèce, le jugement de divorce a été prononcé le 5 juillet 2018 et un appel a été interjeté sur la seule question de la prestation compensatoire. L'arrêt de la cour d'appel de céans du 17 décembre 2019 précise que le divorce a acquis force de chose jugée le 11 décembre 2018, soit à la date du dépôt des premières conclusions de l'intimée. Cette date constitue donc le point de départ du délai de prescription.
Monsieur [W] [Z] a conclu au fond, dans le cadre de l'assignation en partage délivrée par son ex-épouse, le 19 janvier 2022 selon les dires de l'appelante, soit dans le délai de cinq ans de la date à laquelle le divorce est passé en force de chose jugée, ce qui le rend recevable à faire valoir une créance contre l'indivision.
La prescription n'étant pas acquise, c'est donc à juste titre que le premier juge a rejeté l'exception d'irrecevabilité formée par l'appelante. L'ordonnance entreprise sera donc confirmée sur ce point.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,
Succombant en son recours, madame [U] [G] sera condamnée aux dépens d'appel.
Il n'apparaît pas équitable de laisser à monsieur [W] [Z] la totalité des frais qu'il a dû exposer pour la défense de ses intérêts. L'appelante sera donc condamnée, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à lui régler la somme de 1000€.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement,par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Confirme l'ordonnance du juge aux affaires familiales de Pau, statuant en qualité de juge de la mise en état du 31 janvier 2023, sauf en ce qu'elle a débouté madame [U] [G] de sa demande de provision sur la liquidation du régime matrimonial,
Statuant à nouveau sur ce chef infirmé,
Déclare la demande d'avance à valoir sur les droits à venir dans le partage formée par madame [U] [G] devant le juge de la mise en état irrecevable,
Dit que le juge de la mise en état est incompétent pour statuer sur une telle demande,
Déboute les parties de leurs plus amples demandes,
Condamne madame [U] [G] à payer à monsieur [W] [Z] la somme de 1000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne madame [U] [G] aux dépens d'appel.
Arrêt signé par Xavier GADRAT, Président et Marie-Edwige BRUET, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
Marie-Edwige BRUET Xavier GADRAT