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03/09/2024 | FRANCE | N°20/01505

France | France, Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 2, 03 septembre 2024, 20/01505


XG/BE



Numéro 24/2609





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 2







Arrêt du 03 septembre 2024







Dossier : N° RG 20/01505 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HSWG





Nature affaire :



Demande en partage, ou contestations relatives au partage







Affaire :



[L] [O]



C/



[I] [P]







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





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A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 03 septembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,







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APRES...

XG/BE

Numéro 24/2609

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 2

Arrêt du 03 septembre 2024

Dossier : N° RG 20/01505 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HSWG

Nature affaire :

Demande en partage, ou contestations relatives au partage

Affaire :

[L] [O]

C/

[I] [P]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 03 septembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 08 Avril 2024, devant :

Monsieur GADRAT, Président chargé du rapport,

assisté de Madame BRUET, Greffière, présente à l'appel des causes,

Monsieur GADRAT, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur GADRAT, Président,

Madame GIMENO, Vice Présidente placée,

Madame DELCOURT, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

Grosse délivrée le :

à :

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [L] [O]

née le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 15] (Portugal)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Karine POTHIN-CORNU, avocat au barreau de PAU

INTIME :

Monsieur [I] [P]

né le [Date naissance 4] 1947 à [Localité 12] (64)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Sabrina- ABDI de la SCP CAMESCASSE / ABDI, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 30 JUIN 2020

rendue par le JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES DE PAU

RG numéro : 18/02280

EXPOSE DU LITIGE

Madame [L] [O] et monsieur [I] [P] ont vécu en concubinage.

Par acte du 16 juillet 2009, reçu par Maître [R], notaire à [Localité 13], les concubins ont acquis de la SCI [11] à concurrence de moitié chacun en pleine propriété un entrepôt ancien à réaménager sis à BAUDREIX, cadastré AB [Cadastre 8] et AB [Cadastre 5], moyennant la somme de 20 000€.

Le 9 mars 2010, les concubins ont signé un pacte civil de solidarité, lequel a été enregistré le même jour au tribunal d'instance de Pau.

Les partenaires ont également acquis à concurrence de la moitié chacun en pleine propriété indivise, suivant acte reçu par Maître [K] notaire à [Localité 14] le 22 octobre 2014, de la SCI [11] un entrepôt anciennement utilisé à un usage industriel, cadastré AB [Cadastre 9], moyennant la somme de 30 000€.

Monsieur [I] [P] a fait signifier à madame [L] [O] la rupture du pacte civil de solidarité les unissant, par acte d'huissier du 18 avril 2017. La dissolution a été enregistrée par le tribunal d'instance de Pau le 20 avril 2017.

Par acte d'huissier de justice du 9 avril 2018, monsieur [I] [P] a fait assigner madame [L] [O] devant le tribunal de grande instance de Pau aux fins de liquidation et partage de l'indivision existant entre eux.

Par ordonnance du 9 octobre 2018, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Pau a :

Déclaré le tribunal de grande instance de Pau incompétent pour connaître de ce litige,

Renvoyé l'affaire devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Pau,

Réservé les demandes des parties et les dépens.

Par jugement du 30 juin 2020, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Pau a :

Ordonné la liquidation et le partage de l'indivision [P] / [O] sur le bien immobilier sis [Adresse 1] à [Localité 6], cadastré section AB n°[Cadastre 5] et [Cadastre 8],

Attribué à monsieur [I] [P] le bien immobilier sur la commune de [Localité 6] moyennant une récompense dont le montant sera déterminé après réalisation des opérations de compte, liquidation et partage,

Fixé la valeur du bien immobilier sis [Adresse 1] à [Localité 6] à 170 000€,

Fixé à 690€ l'indemnité d'occupation dont monsieur [I] [P] est redevable depuis le mois de février 2017,

Dit que monsieur [I] [P] a financé les dépenses d'amélioration du bien pour un total de 81 520,71€,

Dit que la créance de monsieur [I] [P] sera calculée selon la formule du profit subsistant, à savoir : financement X valeur du bien / coût d'acquisition,

Fixé le montant de la créance due à monsieur [I] [P] du fait du financement des travaux d'amélioration à la somme de 107 876,11€,

Dit que madame [L] [O] est redevable, à proportion de ses droits dans l'indivision, des dépenses engagées pour l'arpentage, des taxes locales d'équipement, des taxes foncières de 2010 à 2019, des frais d'acte et d'assurance de l'habitation,

Renvoyé les parties devant le notaire liquidateur sur la base de la présente décision,

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

Par déclaration transmise au greffe de cette cour le 15 juillet 2020, madame [L] [O] a relevé appel de ce jugement, aux dispositions expressément rappelées dans cet acte, dans des conditions de forme et de délai non discutées.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe de la cour par RPVA le 29 mars 2024, madame [L] [O] demande à la cour de :

La dire et juger recevable et fondée en son appel,

Réformer la décision entreprise,

Statuant à nouveau,

A titre principal :

Débouter monsieur [I] [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Ordonner la liquidation et le partage de l'indivision [P] / [O] sur les biens immobiliers sis [Adresse 1] cadastrés section AB [Cadastre 8] pour une contenance de 03 a 41 ca et AB [Cadastre 5] pour une contenance de 57 ca et AB [Cadastre 9] pour une contenance de 01 a 73 ca,

Commettre tel notaire qu'il plaira à la cour de choisir pour procéder aux dites opérations,

Fixer la valeur du bien immobilier sis [Adresse 1] à [Localité 6], cadastrés section AB [Cadastre 8] pour une contenance de 03 a 41 ca et AB [Cadastre 5] pour une contenance de 57 ca et AB [Cadastre 9] pour une contenance de 01 a 73 ca à 170 000€,

Fixer à 1000€ par mois l'indemnité d'occupation dont monsieur [I] [P] est redevable à l'indivision depuis le mois de février 2017,

Lui attribuer l'entière propriété du bien indivis sis [Adresse 1] cadastré section AB [Cadastre 8] pour une contenance de 03 a 41 ca et AB [Cadastre 5] pour une contenance de 57 ca et AB [Cadastre 9] pour une contenance de 01 a 73 ca,

Dire et juger que ses droits sur ledit bien dans le cadre de la liquidation de l'indivision seront fixés comme ceux de monsieur [I] [P] à la moitié de la valeur du bien, en ce non compris l'indemnité d'occupation qui viendra s'ajouter à ses droits et se déduire des droits de monsieur [I] [P],

A titre subsidiaire :

Débouter monsieur [I] [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Fixer à 1000€ par mois l'indemnité d'occupation dont monsieur [I] [P] est redevable à l'indivision depuis le mois de février 2017,

Préalablement aux opérations de compte, liquidation et partage, et pour y parvenir, dire et juger qu'il sera procédé à la vente sur licitation à la barre du tribunal judiciaire de Pau de l'ensemble immobilier à usage d'habitation sis [Adresse 1] cadastrée section AB [Cadastre 8] pour une contenance de 03 a 41 ca et AB [Cadastre 5] pour une contenance de 57 ca et AB [Cadastre 9] pour une contenance de 01 a 73 ca, du bien indivis entre elle et monsieur [I] [P] et ce, sur cahier des charges qui sera dressé par Maitre POTHIN-CORNU,

Dire et juger que la vente sur licitation se fera sur la mise à prix de 170 000€,

Dire et juger qu'à défaut d'adjudicataire, le montant de la mise à prix tel que fixé dans le cahier des charges sera rabaissé dans la limite de deux fois un quart,

Dire et juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage sauf ceux de mauvaise contestation qui sera supportés par les contestants,

Dire et juger que les droits des partenaires sur le bien indivis seront fixés à la moitié de la valeur du solde de la vente, en ce non compris l'indemnité d'occupation qui viendra s'ajouter à ses droits et se déduire des droits de monsieur [I] [P],

A titre infiniment subsidiaire,

Débouter monsieur [I] [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Ordonner la liquidation et le partage de l'indivision [P] / [O] sur les biens immobiliers sis [Adresse 1] cadastrés section AB [Cadastre 8] pour une contenance de 03 a 41 ca et AB [Cadastre 5] pour une contenance de 57 ca et AB [Cadastre 9] pour une contenance de 01 a 73 ca,

Commettre tel notaire qu'il plaira à la cour de choisir pour procéder aux dites opérations,

Fixer la valeur du bien immobilier sis [Adresse 1] à [Localité 6], cadastrés section AB [Cadastre 8] pour une contenance de 03 a 41 ca et AB [Cadastre 5] pour une contenance de 57 ca et AB [Cadastre 9] pour une contenance de 01 a 73 ca à 170 000€,

Fixer à 1000€ par mois l'indemnité d'occupation dont monsieur [I] [P] est redevable à l'indivision depuis le mois de février 2017,

Dans l'hypothèse où la cour attribuerait le bien indivis de manière préférentielle à monsieur [I] [P],

Dire et juger que ses droits sur le bien indivis dans le cadre de la liquidation de l'indivision seront fixés comme ceux de madame [L] [O] à la moitié de la valeur du bien, en ce non compris l'indemnité d'occupation qui viendra s'ajouter à ses droits et se déduire de ceux de monsieur [I] [P] '

Dans l'hypothèse où la cour estimerait fondée la créance sollicitée par monsieur [I] [P],

Dire et juger que celle-ci ne saurait être supérieure à la somme de 33 934,32€,

Dans tous les cas,

Condamner monsieur [I] [P] à lui régler la somme de 4000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dire et juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe de la cour par RPVA le 15 mars 2024, monsieur [I] [P] demande à la cour de :

Ordonner la liquidation et le partage de l'indivision [P] / [O] sur le bien immobilier sis [Adresse 1] à [Localité 6] cadastré section AB n°[Cadastre 5], [Cadastre 8] et [Cadastre 9],

Réformer le jugement en ce qu'il a :

Dit qu'il a financé les dépenses d'amélioration du bien pour un total de 81 520,71€

Fixé le montant de la créance qu'il lui est due du fait du financement des travaux d'amélioration à la somme de 107 876,11€,

Ce faisant,

Dire et juger qu'il a financé les dépenses d'amélioration du bien pour un montant total de 102 049,30€,

Fixer le montant de la créance qui lui est due du fait du financement des travaux d'amélioration à la somme de 135 041, 53€,

Débouter madame [L] [O] de la totalité de ses demandes, fins et conclusions,

Y ajoutant,

Dire et juger que madame [L] [O] sera redevable à proportion de ses droits dans l'indivision de l'assurance habitation, de la taxe d'habitation et de la taxe foncière jusqu'au jour du partage,

Renvoyer les parties devant le notaire liquidateur sur la base des décisions rendues,

Condamner madame [L] [O] au paiement de la somme de 4000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dire et juger que les frais seront employés en frais privilégiés de partage.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision entreprise et aux dernières conclusions régulièrement déposées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 avril 2024 et l'affaire fixée à l'audience des plaidoiries du 8 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Il résulte des dernières conclusions échangées contradictoirement entre les parties que le litige, en cause d'appel, porte sur les points suivants :

Les biens soumis à la liquidation et le partage de l'indivision,

L'attribution du bien indivis,

L'indemnité d'occupation,

La créance de monsieur [I] [P].

Les dispositions non contestées de la décision entreprise sont d'ores et déjà devenues définitives.

Il convient à titre liminaire de rappeler que les demandes de « dire et juger », qui ne confèrent aucun droit à la partie qui les a sollicitées et obtenues, ne sont pas des prétentions au sens des articles 4,5,31 et 954 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des prétentions qu'il appartient à la partie concernée de formuler explicitement dans le dispositif de ses écritures.

En conséquence, la cour ne répondra pas à de telles « demandes » si elles ne correspondent pas à des prétentions énoncées expressément au dispositif des conclusions.

Sur les biens soumis à la liquidation et au partage de l'indivision [O] / [P],

Le premier juge a ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision [P] / [O] sur le bien immobilier sis [Adresse 1] à [Localité 6], cadastré section AB n°[Cadastre 5] et [Cadastre 8].

Or, il apparaît que monsieur [I] [P] et madame [L] [O] sont également propriétaires indivis, pour moitié chacun, d'un bien immobilier sis [Adresse 1] [Localité 6] cadastré [Cadastre 10].

Il convient donc d'ajouter à la décision entreprise et d'ordonner la liquidation et le partage de l'indivision quant à ce bien immobilier également.

Sur l'attribution du bien indivis ayant constitué le domicile conjugal,

Le premier juge a attribué préférentiellement le bien indivis, ancien domicile conjugal des partenaires, à monsieur [I] [P] aux motifs que :

Madame [L] [O] indique que l'accès aux réseaux techniques de la propriété mitoyenne, appartenant à la SCI [11] dont sa fille est la gérante, n'est possible que via la propriété indivise litigieuse,

Cette seule considération ne peut sérieusement être retenue, d'autant que monsieur [I] [P] s'est investi de manière importante, dans tous les sens du terme, dans ce chantier délicat de transformation de hangars en une maison d'habitation agréable, où il semble avoir joué un rôle moteur,

Il est demeuré dans les lieux alors que sa compagne en est partie de sa propre initiative avant que le PACS soit rompu, et cela depuis maintenant plus de trois ans.

En cause d'appel, se fondant sur les dispositions de l'article 515-6 du code civil, madame [L] [O] demande à la cour de lui attribuer préférentiellement l'ensemble immobilier indivis. Au soutien de sa demande, elle fait notamment valoir que son compagnon l'a harcelé, maltraité psychologiquement au quotidien pour la forcer à quitter le domicile. Elle ajoute que c'est pour se protéger qu'elle a dû se résoudre à partir du domicile conjugal. Elle indique par ailleurs qu'elle a financé, tout comme son compagnon, la rénovation du bien indivis. Elle rappelle que l'ensemble immobilier indivis a été acquis par le couple, grâce à ses enfants, lesquels lui ont vendu lesdits biens pour lui faire profiter de leur propriété. Elle considère que le comportement fautif de son compagnon justifie qu'il soit débouté de sa demande d'attribution préférentielle. Elle indique enfin être en capacité financière de désintéresser monsieur [I] [P] si le bien lui ait attribué à titre préférentiel.

A titre subsidiaire, pour le cas où il ne serait pas fait droit à sa demande d'attribution préférentielle, elle demande à la cour de procéder à la licitation de l'ensemble immobilier indivis.

De son côté, l'intimé demande à la cour de confirmer le jugement entrepris lui ayant attribué préférentiellement l'ensemble immobilier indivis. Il indique que le fait que les entrepôts leur aient été vendus par la SCI [11] dont les enfants de l'appelante sont associés, ne fait pas obstacle à l'attribution du bien à son bénéfice. Il ajoute que les enfants de l'appelante n'occupent aucun des deux logements à proximité du bien immobilier indivis appartenant à la SCI [11] et que sa présence ne pose donc aucune difficulté. Il souligne qu'il occupe seul le bien indivis depuis 7 ans sans aucun incident. Il précise que sa compagne a quitté le domicile conjugal de son plein gré, entretenant une relation extraconjugale. Il indique également que son investissement a été déterminant puisqu'il a rendu habitable, en quelques mois, un hangar qui se trouvait dans un état déplorable. Enfin, il précise être en capacité financière de désintéresser l'appelante dans le cadre de l'attribution préférentielle.

L'article 515-6 du code civil prévoit en cas de dissolution du pacte civil de solidarité l'application des articles 831, 831-2, 832-3 et 832-4 du même code.

En application de l'article 831-2 du code civil, tout co-indivisaire peut demander l'attribution préférentielle de la propriété qui lui sert effectivement d'habitation s'il y avait sa résidence à l'époque de la dissolution du pacte civil de solidarité et qu'il y demeure toujours au jour où le juge statue.

Par l'effet du renvoi opéré par l'article 515-6 du code civil à l'article 832-3, l'attribution préférentielle présentée en cas de dissolution d'un PACS du vivant des deux partenaires s'apprécie en fonction des intérêts en présence ; elle est donc facultative.

En l'espèce, il n'est pas contesté que madame [L] [O] a quitté le domicile conjugal le 7 février 2017. Si elle prétend avoir été dans l'obligation de partir en raison du comportement de son compagnon, rien ne permet de l'étayer. En effet, le certificat médical de son médecin du 30 janvier 2017 indique seulement que son état de santé nécessite du repos et la possibilité de quitter son domicile. Par ailleurs, si les attestations qu'elle produit permettent de se faire une idée du comportement de monsieur [I] [P] ' jaloux, colérique ' aucune d'entre elles ne fait état des circonstances du départ de l'appelante du domicile conjugal. Enfin, les attestations de la famille de l'appelante doivent être appréciées avec la plus grande prudence en raison du lien de proximité les unissant.

Force est donc de constater que monsieur [I] [P] est resté dans l'immeuble suite à la séparation du couple et y demeure toujours.

L'appelante produit une attestation du service de gestion locative, [16], gérant deux logements jouxtant le bien indivis, aux termes de laquelle il est indiqué que tous les éléments techniques (arrivées d'eau, évacuations des eaux usées, vmc, cumulus et accès au sous combles) se trouvent accessibles uniquement par la porte du garage de la propriété voisine et que la gestion des interventions d'entretien et de réparation est rendu difficile par la non accessibilité des lieux. Cette attestation doit cependant être relativisée dès lors qu'elle est ancienne pour remonter au 20 février 2018 et qu'il il n'est aucunement démontré que monsieur [I] [P] s'opposerait à ces diverses interventions.

Enfin, il ressort des nombreuses factures fournies que l'intimé s'est effectivement consacré à la transformation des hangars en une maison d'habitation. S'il s'agit d'un projet du couple, il apparaît néanmoins que monsieur [I] [P] a effectué lui-même de nombreux travaux, démontrant ainsi son implication dans ce projet.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, et nonobstant la capacité financière des deux parties à désintéresser l'autre, c'est à juste titre que le premier juge a attribué préférentiellement l'ensemble immobilier indivis à monsieur [I] [P].

Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef et madame [L] [O] déboutée de sa demande d'attribution préférentielle et subsidiairement de licitation.

Sur l'indemnité d'occupation due par monsieur [I] [P] à l'indivision,

Le premier juge a fixé l'indemnité d'occupation due par l'intimé à compter du mois de février 2017 à la somme de 690€ par mois, après avoir relevé que l'évaluation locative était comprise entre 750€ et 850€ et appliqué un abattement d'usage de 15%.

Madame [L] [O] conteste cette somme et demande à la cour de fixer l'indemnité d'occupation due par son compagnon à compter du mois de février 2017 à la somme de 1000€ faisant notamment valoir que la valeur locative était comprise en octobre 2020 entre 850 et 900€ par mois et que depuis cette date, le marché de l'immobilier a évolué.

L'intimé quant à lui demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sur ce point en relevant que l'estimation produite par sa compagne est « truffée d'erreurs ».

Aux termes des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 815-9 du code civil, l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.

L'indemnité d'occupation est en principe égale à la valeur locative du bien sur la période considérée affectée d'un rectificatif à la baisse en raison du caractère précaire de l'occupation. L'indemnité est destinée à compenser la perte de revenus subie par l'indivision du fait de l'occupation privative d'un indivisaire. Cette indemnité n'est pas un loyer et peut être fixée à un montant inférieur à la valeur locative afin de tenir compte de la précarité d'une telle occupation.

Il n'est pas contesté que monsieur [I] [P] est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation pour son occupation privative de l'immeuble indivis à compter du mois de février 2017, date du départ de madame [L] [O] du domicile conjugal.

L'appelante produit un avis de valeur du 8 octobre 2020 de l'agence libre immo qui estime la valeur locative de l'immeuble entre 850€ et 900€ par mois. S'il est mentionné que cette estimation a été réalisée, sans visite sur plan du bien en raison de l'absence de réponse de l'intimé, on ignore quelles sont les « informations techniques » sur lesquelles l'agence immobilière se base pour retenir une telle valeur ; aucune de ces informations n'étant mentionnées.

L'intimé a fourni quant à lui un avis de valeur réalisé par l'agence média immo le 24 novembre 2020, laquelle retient une valeur locative entre 750€ et 800€ par mois.

Cette évaluation plus précise comportant une description sommaire de l'immeuble, mentionnant les avantages et inconvénients du bien, et qui apparaît en conséquence plus fiable et pertinente, sera retenue pour déterminer le montant de l'indemnité d'occupation due par Monsieur [I] [P].

Si l'appelante prétend que le marché de l'immobilier a évolué, ce qui justifierait d'augmenter la valeur locative à la somme de 1000€ par mois, elle ne fournit aucune évaluation actualisée de la valeur locative de l'immeuble pour en justifier.

Ainsi, compte tenu des caractéristiques du bien et de son état, c'est à juste titre que le premier juge a appliqué un correctif de 15% pour tenir compte du caractère précaire de l'occupation. L'indemnité d'occupation fixée à la somme de 690€ par mois par le premier juge doit donc être confirmée.

Sur la créance revendiquée par monsieur [I] [P] au titre des travaux d'amélioration du bien indivis,

Le premier juge a retenu que monsieur [I] [P] établissait qu'il avait financé seul une partie des travaux réalisés par les parties sur l'ensemble immobilier indivis, qui constituent incontestablement des dépenses d'amélioration, pour un total de 81 520,71€. C'est ainsi qu'il a chiffré la créance de monsieur [I] [P], après application de la formule du profit subsistant, à la somme de 107 876,11€.

En cause d'appel, l'intimé demande à la cour de chiffrer le montant des dépenses d'amélioration qu'il a effectuées sur le bien indivis à la somme de 102 049,30€. Il sollicite en conséquence que sa créance, du fait des travaux d'amélioration, soit fixée à la somme de 135 041,43€, au titre du profit subsistant.

De son côté, l'appelante soutient que son ex-compagnon n'est pas légitime à revendiquer une créance au titre des travaux d'amélioration qu'il prétend avoir financés considérant que l'ensemble immobilier indivis a été acquis par les partenaires à hauteur de moitié chacun et qu'ils ont chacun financé du temps du PACS des travaux d'amélioration sur ledit bien. Elle soutient par ailleurs que l'article 815-13 du code civil pose un certain nombre de conditions. Elle prétend que les travaux engagés et réalisés pour le compte de l'indivision ont été décidés d'un commun accord de sorte que monsieur [I] [P] ne peut se prévaloir d'une créance à ce titre. Enfin, elle indique la somme totale dépensée par son compagnon ne saurait être supérieure à la somme de 48 064,32€. Elle indique que ces dépenses ont été permises grâce à l'économie de loyer faite par son compagnon pendant le temps où elle l'a hébergé, ce qui représente un montant total de 14 130€. Elle considère donc que cette somme doit venir en déduction des dépenses effectuées par son compagnon de sorte que la créance de celui-ci ne saurait être supérieure à 33 934,32€.

Conformément à l'article 815-13 du Code civil, lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation du bien indivis.

En conséquence, l'indivisaire a droit au remboursement par l'indivision des dépenses d'amélioration ou de conservation de l'immeuble indivis faites sur ses deniers personnels. S'agissant de dépenses destinées à l'amélioration du bien indivis, l'indemnité accordée à l'indivisaire doit être calculée non pas en fonction de la dépense faite mais du profit subsistant, conformément à la règle énoncée à l'article 815-13 du code civil.

L'appelante prétend tout d'abord que les partenaires ont chacun financé du temps du PACS des travaux d'amélioration sur le bien indivis, ce qui empêcherait l'intimé de revendiquer une créance au titre des travaux d'amélioration. Or, aucune disposition relative à l'absence de compte entre partenaire n'a été insérée dans le PACS de sorte que l'intimé est bien fondé à réclamer une créance au titre des travaux d'amélioration qu'il a financé sur le bien indivis.

Quant à la condition prétendument posée par l'article 815-13 du code civil pour pouvoir revendiquer une créance au titre des travaux d'amélioration, à savoir l'absence d'accord des autres indivisaires à la réalisation de ces travaux, une simple lecture du texte en cause permet de constater qu'il ne prévoit pas une telle exigence, ce dont il résulte que la circonstance que ces travaux aient été réalisés d'un commun accord entre les partenaires ne prive pas monsieur [I] [P] de la possibilité de faire valoir une créance sur l'indivision de ce chef.

Enfin, il ne peut être considéré que les grosses dépenses de transformation et d'aménagement de l'immeuble commun effectuées par monsieur [I] [P] constitueraient, au même titre que les frais de logement du couple, des dépenses de la vie courante insusceptibles de justifier une créance à l'égard de l'indivision ' que les partenaires, dans le cadre de leur PACS, se sont engagés à prendre en charge à proportion de leurs facultés respectives.

Il ressort de l'analyse des diverses factures, relatives aux travaux d'amélioration du bien indivis, produites par l'intimé que celui-ci s'est acquitté du paiement des sommes suivantes, qui ont été débitées de son compte bancaire personnel au moyen d'un chèque ou d'un paiement par carte bancaire :

Pièce n° 10 : 3018,36€, cette somme a été prélevée du compte de l'intimé en deux fois, soit 1509,18€, le 9 décembre 2009 et le 2 juillet 2010,

Pièce n°11 : 722,19€ figurant au débit du compte de l'intimé le 18 novembre 2009,

Pièce n°12 : 10 000€, l'acompte de 3000€ a été débité du compte de l'intimé le 2 décembre 2009, le restant dû, soit la somme de 7000€, a été débité du même compte le 25 février 2010,

Pièce n°13 : 13 520€, réglée en trois fois, une somme de 3000€ a été débitée le 17 mars 2010, puis le 16 juin 2010 la somme de 9320€ et enfin le 17 juin 2010 la somme de 1200€,

Pièce n°14 : 4562,88€ débité du compte bancaire de l'intimé le 7 juillet 2010€,

Pièce n°15 : il s'agit de plusieurs factures de la société [17], la somme totale de 8464,93€ a été réglée par l'intimé,

Pièce n°15 : un chèque de 111,35€ a été débité du compte de monsieur [I] [P] le 7 juin 2010,

Pièce n°16 : la somme totale de 5809,41€ a été effectivement acquittée par l'intimé. S'agissant de la facture d'un montant de 183,75€, il n'est pas établi que celle-ci a été effectivement réglée par l'intimé,

Pièce n°17 : la somme de 324,71€ a été débitée le 11 mai 2010 et celle de 167,38€ le 19 avril 2010, soit un total effectivement acquitté de 492,09€,

Pièce n°18 : seule la somme de 5650€ figure effectivement au débit du compte bancaire de l'intimé le 1er juillet 2010,

Pièce n°19 : 4100€ réglée en deux fois, 1200€ débité le 17 février 2011 et 2900€ le 15 avril 2011,

Pièce n°20 : 1068,68€ débité le 1er juillet 2010,

Pièce n°21 : la somme totale de 1145€ est justifiée, 350€ ayant été débitée le 28 juin 2010 et 795€ le 6 août 2010,

Pièce n°22 : seules les sommes de 331,92€ débitée le 23 août 2010 et 170,10€ le 6 septembre 2010 sont justifiées,

Pièce n°23 : la somme de 1800€ apparaît au débit du compte bancaire de l'intimé le 2 juillet 2009 et celle de 843,21€ le 30 septembre 2009,

Pièce n°24 : la somme totale de 6095,10€ est justifiée,

Pièce n°25 : il s'agit d'un nombre conséquent de tickets de caisse qui représentent un total de 4212, 37 € ainsi que diverses factures pour un montant de 7316,44€,

Pièce n°26 : la somme totale de 2859,74€ a été débitée du compte de l'intimé par trois règlements différents,

Pièce n°27 : 2097€ a bien été débité du compte bancaire de l'intimé à hauteur de 630€ me 17 juillet 2013 et 1467€ le 12 décembre 2017,

Pièce n°28 : de nombreuses factures ont été débitées du compte bancaire de monsieur [I] [P] pour un montant total de 6011,78€

Pièce n°29 : la somme totale de 1253,97€ apparaît au débit du compte bancaire de l'intimé.

Ainsi, monsieur [I] [P] s'est acquitté de la somme totale de 91 656,52€ au titre du financement des travaux d'amélioration du bien indivis.

Sa créance doit donc être calculée, comme l'a fait à juste titre le premier juge, en fonction du profit subsistant s'agissant de dépenses destinées à l'amélioration du bien indivis, et ce conformément à l'article 815-13 du code civil.

En conséquence, la créance de monsieur [I] [P] s'élève à la somme de :

91 656,52 (montant des travaux) X 170 000€ (valeur actuelle du bien) = 121 288,80€

128 467€ (coût d'acquisition)

Le jugement entrepris sera donc réformé sur ce point et la créance de l'intimé fixée à la somme de 121 288,80€.

Sur les autres demandes,

Monsieur [I] [P] demande à la cour de dire que son ex-compagne est redevable, à proportion de ses droits dans l'indivision de l'assurance habitation, de la taxe d'habitation et de la taxe foncière jusqu'au jour du partage.

Il est constant que le règlement par un indivisaire des impôts fonciers, de la taxe d'habitation et de l'assurance habitation constitue une dépense nécessaire à la conservation de l'immeuble de sorte qu'elle donne lieu à une créance envers celui qui les prend en charge seul.

Monsieur [I] [P] dispose donc d'une créance envers l'indivision pour les taxes foncière et d'habitation ainsi que l'assurance habitation qu'il a réglé seul et dont il lui appartiendra de justifier devant le notaire liquidateur sur présentation de justificatifs. Il sera ajouté à la décision entreprise de ce chef.

Les parties seront enfin renvoyées devant Maître [R], notaire à [Localité 13], aux fins d'établissement d'un état liquidatif qui fixe leurs droits patrimoniaux respectifs dans l'indivision sur les bases telles qu'énoncées dans la présente décision.

L'équité commende de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles d'appel et de rejeter les réclamations formulées par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d'appel seront partagés par moitié entre les parties et employés en frais privilégiés de partage.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement après débats en chambre du conseil, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

Dit que monsieur [I] [P] a financé les dépenses d'amélioration du bien pour un total de 81 520,71€,

Fixé le montant de la créance due à monsieur [I] [P] du fait du financement des travaux d'amélioration à la somme de 107 876,11€,

Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés,

Dit que monsieur [I] [P] a financé les dépenses d'amélioration du bien indivis à hauteur de 91 656,52€,

Dit que monsieur [I] [P] est créancier envers l'indivision de la somme de 121 288,80€ au titre du financement des travaux d'amélioration du bien indivis,

Y ajoutant,

Ordonne la liquidation et le partage de l'indivision [P] / [O] sur le bien immobilier sis [Adresse 1] à [Localité 6], cadastré [Cadastre 10],

Dit que monsieur [I] [P] dispose à l'égard de l'indivision d'une créance au titre des impôts fonciers, taxe d'habitation et assurance habitation qu'il a réglé seul, sur présentation de justificatifs produits au notaire,

Renvoie les parties devant Maître [R], notaire à [Localité 13],

Dit qu'il incombera au notaire désigné en qualité de notaire liquidateur d'élaborer un état liquidatif fixant les droits patrimoniaux respectifs des parties sur les bases telles qu'énoncées dans le présent arrêt,

Dit qu'en cas de difficultés, il appartiendra aux parties de saisir le juge commis du tribunal judiciaire de Pau,

Déboute les parties de leurs plus amples demandes,

Dit que les dépens d'appel seront partagés par moitié entre les parties et employés en frais privilégiés de partage.

Arrêt signé par Xavier GADRAT, Président et Bernard ETCHEBEST, faisant fonction de Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Bernard ETCHEBEST Xavier GADRAT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 2ème ch - section 2
Numéro d'arrêt : 20/01505
Date de la décision : 03/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-03;20.01505 ?
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